La France s'est engagée, dans le cadre de l'adoption du paquet énergie-climat européen de décembre 2008, à réduire de 14 % ses émissions de gaz à effet de serre entre 2005 et 2020. Pour respecter ces engagements internationaux, la loi Grenelle 1 énonçait que « la politique des transports contribue au développement durable et au respect des engagements internationaux de la France en matière d'émission de gaz à effet de serre et d'autres polluants ». En effet, il faut rappeler que le secteur des transports représente 26,3 % des émissions de gaz à effet de serre et est le premier secteur contribuant aux émissions. C'est pourquoi la France s'est fixé comme objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le domaine des transports, pour les ramener d'ici à 2020 à leur niveau de 1990. Or, nous n'en prenons pas le chemin. En effet, les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports ont augmenté de 13 % entre 1990 et 2010 et la courbe ne semble pas s'infléchir. Il est donc grand temps d'agir avec courage, ambition et détermination. Notre majorité ne peut se fixer des objectifs inférieurs à ceux affichés par le Grenelle de l'environnement.
La politique des infrastructures de transport doit donc répondre à cette ambition de lutte contre le dérèglement climatique, mais aussi s'inscrire dans un souci constant et aigu d'efficacité de la dépense publique, dans le contexte actuel de tension budgétaire. Pour servir ces deux objectifs, trois priorités doivent être, à notre sens, au coeur de cette politique : la priorité au ferroviaire sur la route, la priorité à la mobilité du quotidien et la priorité au renouvellement et à la modernisation des réseaux existants
La priorité au ferroviaire sur la route a été clairement inscrite dans la loi Grenelle pour diminuer l'utilisation des hydrocarbures, réduire les émissions de gaz à effet de serre, les pollutions atmosphériques et autres nuisances et accroître l'efficacité énergétique en organisant un système de transports intégré et multimodal privilégiant les transports ferroviaires, maritimes et fluviaux… Hélas, peu de choses ont été mises en oeuvre. Pour prendre l'exemple du transport de marchandises, la part du trafic routier a continué à progresser, passant de 76,5 % en 1990 à 89 % en 2010. Certes, on aura constaté un léger fléchissement, à 88 %, en 2011, mais il est clair que notre pays n'a pas encore enclenché la dynamique qui lui permettrait d'atteindre ces objectifs. Pire encore, nous voyons refleurir çà et là des projets de contournement autoroutier, voire même de nouvelles autoroutes, comme l'A45 entre Lyon et Saint-Étienne, ou l'A51. Or, toute nouvelle infrastructure routière créera du trafic supplémentaire.
Monsieur le ministre, la France a-t-elle abandonné son ambition de report modal du routier vers le ferroviaire, ou la maintient-elle ? Et si tel est le cas, pensez-vous que ces projets d'infrastructures routières soient compatibles avec cette ambition ?
Le deuxième axe de notre politique d'infrastructures de transport doit être la priorité à la mobilité du quotidien. Cette priorité a été réaffirmée à plusieurs reprises par le Président de la République, comme vous l'avez vous-même fait tout à l'heure. Mais nous savons que certains investissements indispensables pour la qualité des déplacements quotidiens de nos concitoyens, comme la rénovation du réseau RER en Île-de-France, ne sont aujourd'hui pas financés. Il manque 800 millions d'euros pour financer les schémas directeurs des RER B, C et D et 3 à 5 milliards pour l'ensemble des transports en Île-de-France, et ce alors même que le Gouvernement vient de s'engager sur de grands projets incroyablement coûteux, comme Notre-Dame-des-Landes ou le Lyon-Turin dont la Cour des comptes a pointé récemment le coût, qui devrait dépasser les 26 milliards. Ce projet, à lui seul, obérerait toutes les capacités de financement de l'État pour les infrastructures de transport sur plusieurs années. Nous vous demandons, monsieur le ministre, de clarifier la position du Gouvernement sur ce point. La priorité est-elle réellement à la mobilité du quotidien ? Si oui, ne convient-il pas de réorienter les financements vers ces modes de transport essentiels à la qualité de vie des Français ?
Enfin, la troisième priorité sur laquelle je voudrais insister est celle à donner au renouvellement et à la modernisation de l'existant par rapport aux nouveaux projets. Les conclusions des Assises du ferroviaire mettaient en évidence la vétusté des réseaux et la nécessité absolue de réinvestir dans la régénération de l'existant. Cela est aussi vrai pour d'autres modes de transport.
De surcroît, pour de nombreux grands projets, notamment les lignes à grande vitesse, nous pouvons atteindre quasiment le même niveau de service en modernisant les lignes existantes, et ce pour un coût cinq à dix fois inférieur et un impact environnemental beaucoup plus faible. L'argent public est rare et la dépense doit donc être optimisée. La modernisation des lignes existantes est souvent l'alternative la plus viable et il faut donc clairement la privilégier.
Monsieur le ministre, pour résumer, et à la différence de Stéphane Demilly, j'aimerais savoir si vous partagez les trois priorités que j'ai énoncées : priorité au ferroviaire sur la route, priorité à la mobilité du quotidien sur les grands projets, et priorité à la modernisation des réseaux existants. Les mettrez-vous en oeuvre dans les choix de financement de projets que vous allez faire prochainement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)