Enfin, M. Lamy a affirmé que plus les échanges sont fluides, sans barrières, sans frontières, plus tout le monde y gagne dans la durée. Cela reste à prouver : nous n'avons pas tous été convaincus par cet argument.
Bien sûr, nous savons combien les bonnes relations commerciales sont nécessaires pour vivre ensemble, pour le progrès social et sociétal – c'est historique –, et pour que les échanges commerciaux favorisent un épanouissement partagé, ce qui est préférable, avouons-le, au contentieux guerrier. C'est la raison pour laquelle le commerce extérieur est une question majeure. Si nous avons le devoir de développer nos relations commerciales, nous ne devons jamais oublier que les États, leurs gouvernements et leurs règles du jeu sont toujours – absolument toujours – en arrière-plan des relations entre les entreprises.
Nous devons être encore plus vigilants lorsqu'il s'agit de marchés publics. Nous le savons tous : plus on constitue des groupements d'achat, plus on écarte les petites et moyennes entreprises ; ce n'est d'ailleurs pas seulement vrai à l'international, d'où l'intérêt du Small business act tant attendu et rarement mis en oeuvre autant qu'on le souhaiterait. Plus on élargit le périmètre des entreprises consultées à l'échelle internationale, plus on prend le risque de dépenser l'argent public des appels d'offres sans contrepartie pour l'emploi et la croissance en France, sauf – et c'est bien l'objet de nos débats ce soir – si nos entreprises peuvent répondre dans les mêmes conditions à des marchés publics dans les pays où sont implantées les entreprises qui soumissionnent chez nous.
Ainsi, le rôle des États dans le contrôle des entreprises, des fonds souverains et du fonctionnement des marchés publics nous invite souvent à confondre la géopolitique avec la régulation des marchés. Pourtant, nos destins sont liés. En Europe, 36 millions d'emplois dépendent du commerce extérieur à l'Europe. Les exportations constituent l'un des plus puissants leviers de croissance pour notre pays, et pour l'Europe en général. Madame la ministre, vous portez haut les couleurs de cette révélation, qui n'est pas forcément nouvelle, mais qu'il fallait affirmer. L'aggravation du déséquilibre dans nos échanges en défaveur de l'Europe met en exergue des crispations, qui nous amènent parfois à trouver des coupables plutôt qu'à chercher des partenaires.
Entre les règles d'une concurrence libre et non faussée telle que l'Union européenne la pratique en son sein et les règles d'une concurrence loyale qui posent le principe du juste échange ou de la réciprocité dans les échanges mondiaux, il y a un chemin un peu escarpé où viennent s'enchevêtrer plusieurs enjeux dont nous considérons, nous, qu'ils ont une valeur universelle. Le changement climatique et la lutte contre l'effet de serre nous obligent à ne plus produire n'importe comment. Au-delà de la question environnementale, il y a l'enjeu de la santé publique car l'on constate, décennie après décennie, les conséquences dramatiques de l'usage de tel ou tel composant révélé dangereux pour la santé des hommes. Les triches récentes n'ont rien à voir avec les problèmes de santé, mais elles montrent que les hommes sont parfois prêts à tout par appât du gain. L'environnement, la santé mais aussi les droits de l'homme sont autant d'exigences qui ne doivent pas être perçues par nos partenaires commerciaux comme des contraintes, mais comme une exigence de qualité durable.
S'agissant de l'accès aux marchés publics, je dois vous avouer que je suis de ceux qui pensent que l'Union européenne fait effectivement preuve d'une grande naïveté. C'est pourquoi le texte que nous examinons aujourd'hui est important : le libre-échange ne peut pas – et ne doit pas – se faire en dehors du juste échange. Après tout, le travail de l'OMC est d'y veiller, et l'Union européenne doit se réveiller !
Je tiens à saluer les efforts de notre ministre du commerce extérieur, ministre de plein exercice – c'est un acte posé par le Président de la République et le Premier ministre –, Nicole Bricq, qui a pleinement conscience des enjeux et des efforts nécessaires pour gagner des parts de marché à l'export. Madame la ministre, lorsque vous avez été auditionnée par la commission des affaires économiques, vous nous avez fait part des difficultés que vous rencontriez pour faire instaurer par l'Union européenne des clauses dures de sincérité, qui permettraient de mettre fin à ces marchés de dupes par lesquels l'Europe se fait manger la laine sur le dos par les pays qui dressent des barrières non tarifaires contre nos produits. J'utilise l'expression « manger la laine sur le dos », parce que nous avons vécu une semaine au Salon de l'agriculture, qui donne tout son sens à cette image. (Sourires.)
Madame la ministre, nous soutenons votre action. L'adoption de cette résolution est un peu notre acte de foi, à vos côtés, dans le combat que vous menez pour le juste échange. Je dois le dire : cette résolution a fait l'objet d'un large consensus au sein de notre commission, où nous avons accompli un vrai travail grâce à l'écoute et à la compréhension de madame la rapporteure, et je veux à nouveau l'en remercier.
Cette résolution a pour objet d'inciter à l'ouverture effective des marchés des pays tiers en imposant la réciprocité. Cet élément est essentiel : il ne faut plus que des États puissent s'investir librement dans des marchés publics tout en nous refusant ou en nous restreignant très fortement l'accès aux leurs. Nous devons impulser une nouvelle pratique.
Certes, nous ne nous berçons pas d'illusions et nous savons que ce projet de règlement ne constituera pas une solution à lui seul. J'ai cependant la certitude qu'il aura un impact positif sur notre balance commerciale. Lorsque l'on croit au Père Noël, la naïveté est bonne ; passé un certain âge, elle est un peu dangereuse ou totalement inconsciente ! (Sourires.)
En travaillant sur ce texte, nous avons eu pour objectif d'affirmer davantage notre position, de l'affermir en quelque sorte. Il ne faut pas craindre de dire ce que nous pensons, même si cela doit nous conduire à adopter dans un premier temps des positions différentes de certains de nos alliés européens – je pense bien sûr au Royaume-Uni et à l'Allemagne. Il ne s'agit pas de protectionnisme, mais d'une volonté d'être clairs et transparents. L'addition de la franchise des contrats ne doit avoir d'égale que la qualité des offres. La réciprocité va devenir un préalable indispensable. Personne n'a envie d'être traité ou considéré autrement que comme son partenaire le traite ou le considère : c'est assez simple !
Certes, une résolution n'est pas une révolution, mais, comme disait ma grand-mère qui n'a pas eu le bonheur de beaucoup voyager, qui ne tente rien n'a rien ! (Applaudissements.)