Intervention de Joaquim Pueyo

Séance en hémicycle du 28 février 2013 à 21h30
Instrument de réciprocité sur les marchés publics — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoaquim Pueyo :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution que nous examinons ce jour traduit une priorité : répondre dans l'urgence aux défis majeurs qui menacent l'Europe, la récession et la montée fulgurante du chômage.

En effet, il n'existe pas, à ce jour, au niveau de l'OMC ou ailleurs, de socle juridique solide applicable aux marchés publics entre l'Union européenne et ses partenaires commerciaux. Seul existe l'accord plurilatéral sur les marchés publics, signé par une minorité des membres de l'OMC, ainsi que quelques accords bilatéraux.

Le principe de réciprocité, notamment dans le domaine des marchés publics, qui doit permettre l'accès de nos entreprises aux marchés des pays tiers, sera un premier pas en ce sens.

L'accès à ces marchés constitue à mes yeux un enjeu majeur pour l'Union européenne dans le contexte des échanges internationaux.

Alors que les marchés européens sont parmi les plus ouverts au monde, de nombreux pays sont réticents à l'idée d'ouvrir davantage les leurs à la concurrence internationale du fait de mesures protectionnistes.

Nous ne pouvons pas accepter que l'Union européenne, qui a déjà pris des engagements d'ouverture très larges dans le cadre des traités internationaux, accueille de surcroît, sans discrimination, des entreprises étrangères sur les marchés publics non couverts par ces accords.

Peut-on accepter que la valeur des marchés publics attribués en Europe à des entreprises étrangères soit supérieure à 300 milliards d'euros contre seulement 34 milliards aux États-Unis ? Peut-on accepter que 90 % des marchés publics de l'Union européenne fassent l'objet d'une ouverture transparente ? Je ne rappellerai pas les taux constatés aux États-Unis, au Japon, au Canada, en Chine ou au Brésil.

Cette asymétrie doit cesser. Elle n'est pas sans conséquence sur les opportunités commerciales des entreprises européennes – particulièrement dans un certain nombre de secteurs dans lesquels l'Union européenne, et notamment la France, sont très compétitives, comme l'aérospatial et la défense, la construction, les transports publics, la production d'électricité, les appareils médicaux, ou encore les produits pharmaceutiques.

Je suis tout à fait d'accord avec Michel Barnier, lorsqu'il dit que « l'Union européenne doit cesser d'être naïve, et se fixer pour objectifs l'équité et la réciprocité des échanges mondiaux. »

L'adoption de ce règlement permettra à nos entreprises de jouer à armes égales dans la compétition internationale.

Il s'agit de rien de moins que de réindustrialiser l'Europe, à un moment où les chiffres de l'emploi au sein de l'Union sont accablants : 25 % de chômage en Espagne et en Grèce, plus de trois millions de chômeurs en France. En 2012, la zone euro a connu un taux de chômage de 11,4 %, un record historique.

L'adoption de ce règlement s'inscrit donc pleinement dans la bataille pour l'emploi engagée par le Gouvernement.

J'en viens au dispositif proposé. Sa mesure emblématique consiste à prévoir qu'un pays qui applique une discrimination à l'encontre des marchés européens puisse se voir refuser l'accès à ces mêmes marchés.

Ce projet de règlement ne résoudra pas, à lui seul, le problème de l'asymétrie entre l'Union européenne et certains de ses partenaires. À mon sens, il aura cependant un effet incontestablement positif. En effet, il incitera les partenaires commerciaux de l'Union européenne à ouvrir leurs marchés publics aux entreprises européennes. Il placera les entreprises de l'Union européenne sur un pied d'égalité avec les sociétés étrangères au sein du marché intérieur. Il facilitera l'intégration des petites et moyennes entreprises sur les marchés mondiaux. Il stimulera, enfin, l'emploi et l'innovation au sein de l'Union européenne.

Je sais que la France est isolée en Europe sur cette question. Vous l'avez dit, madame la ministre. Elle n'est pas assurée de la solidarité de ses voisins européens. Nous connaissons, par exemple, les réserves de la Grande-Bretagne, attachée à l'idée qu'une large ouverture des marchés publics à la concurrence constitue pour l'Union un facteur de compétitivité. Je connais encore les réserves de l'Allemagne, qui craint des représailles de la part de ses partenaires commerciaux. Il nous faut donc convaincre. Je tiens à saluer à cet égard, madame la ministre, l'engagement dont vous faites preuve auprès de nos voisins européens.

Je comptais vous poser une question sur l'état d'esprit des autres pays, mais vous y avez déjà répondu. Je formulerai simplement une observation, et vous poserai une nouvelle question.

À mon sens, cet instrument ne doit être qu'un premier pas. Il n'est pas supportable que certains pays, pour réduire leurs coûts de production, bafouent les droits humains, notamment les règles édictées par le Bureau international du travail. Je pense en particulier à ces pays qui, pour améliorer leur compétitivité, acceptent le travail forcé, le travail des enfants de moins de 14 ans, des salaires insupportablement bas, et des temps de travail excessifs. Ne faudrait-il pas aller beaucoup plus loin, par exemple en imposant une règle de réciprocité en matière sociale à nos partenaires économiques ? Nous ne pouvons accepter que des produits qui ne répondent pas aux normes européennes soient importés à des coûts très bas et faussent ainsi le marché.

En conclusion, cette résolution permet de franchir une étape indispensable à la réindustrialisation de l'Union européenne, et donc à la sauvegarde de l'emploi. Elle sera comprise et appréciée non seulement par nos concitoyens français, mais également par nos concitoyens européens. Je suis en effet convaincu que ces questions seront largement débattues l'an prochain, lors des élections européennes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

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