Intervention de Guy Geoffroy

Séance en hémicycle du 31 juillet 2012 à 15h00
Harcèlement sexuel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Geoffroy :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, le 4 mai dernier, en abrogeant la loi pénale sur le harcèlement sexuel, le Conseil constitutionnel a lancé involontairement mais indéniablement un défi à la représentation nationale. Il s'agissait de savoir si l'abrogation de cette loi créait un tel vide juridique que nous serions désarmés, au point de ne pas savoir quelle réponse apporter au plan législatif.

Ce défi, nous avons décidé, à partir du projet de loi, de le relever. Au moment de nous prononcer sur les conclusions de la commission mixte paritaire, nous pouvons tous, sereinement mais aussi, je crois, avec une certaine fierté, dire que nous l'aurons relevé avec efficacité et efficience.

S'agissant de la commission mixte paritaire, qui s'est réunie jeudi dernier, je tiens, au nom du groupe UMP, à saluer la qualité tant de l'animation de ses travaux par son président que du travail conjoint des deux rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat, et des échanges, plus que des débats, qui y ont eu lieu sur des sujets importants qui méritaient un approfondissement et, souvent, des clarifications, et qui justifiaient de bien montrer quelle était l'intention politique du législateur. En effet, si le défi de donner, le plus rapidement possible, une nouvelle définition au harcèlement sexuel est un défi législatif, c'est aussi un défi politique. Je crois que nous serons parvenus, dans quelques minutes, à le relever pour aboutir au résultat espéré.

Je ne reprends pas le détail des conclusions de la CMP. Finalement, les travaux de celle-ci ont conduit à ce que ce soit plutôt le texte adopté par l'Assemblée nationale qui soit finalement proposé au vote unanime des deux chambres du Parlement. J'évoquerai cependant certains points sur lesquels l'examen du texte par nos deux assemblées et les travaux cette CMP auront permis de progresser de manière importante.

Le premier point, c'est incontestablement la définition. Le Conseil constitutionnel avait – j'y reviendrai dans ma conclusion – le souci de donner plus de sécurité à la prise en charge des victimes. Il fallait que le délit fût plus précisément défini par la loi. Il ne l'était pas assez, le Conseil constitutionnel a pris ses responsabilités. Il devait l'être davantage. Pour qu'il le soit, le Parlement a pris ses responsabilités. Cette définition a été travaillée, réduite pour la rendre plus claire et plus efficace. Le texte de la commission mixte paritaire, qui est le nôtre, aura montré que le travail successif de l'Assemblée nationale et du Sénat était utile et aura donné les fruits que nous en attendions.

Le deuxième point, c'est la notion de fait unique. Elle a été l'objet de débats tant dans cet hémicycle qu'au Sénat. Ces débats nous ont permis de nous mettre d'accord sur un élément important, qu'il fallait connaître, dont il fallait prendre la mesure, pour mieux le dénoncer et pour mieux le combattre : plus que la volonté d'aller vers l'acte sexuel, c'est la volonté, par un comportement à connotation sexuelle, d'exercer une véritable domination de l'un sur l'autre – majoritairement d'un individu du sexe masculin sur un individu du sexe féminin – qui importe. Nous sommes en plein dans les débats que nous avons eus, et que nous poursuivrons, sur l'ensemble de la problématique des violences de genre. Grâce au travail accompli sur le fait unique, nous sommes parvenus à une plus grande efficacité, et nous avons donné – nous devions le faire – un élément de réponse supplémentaire à l'attente légitime de l'ensemble des victimes.

Nous avons eu des échanges, sous la forme de débats que je ne qualifierai pas de vifs mais qui témoignaient d'une très grande implication des uns et des autres. Vous avez repris une partie des questions soulevées, madame la garde des sceaux, mais celles-ci ne devaient probablement pas trouver leur traduction dans la loi au point que certains espéraient. C'est notamment le cas de la question du genre.

Je souscris totalement aux propos de Mme la ministre des droits des femmes : cette question du genre est importante, personne, sur les bancs de cette assemblée, ne le nie, mais, premièrement, la réflexion n'est pas mûre et, deuxièmement, son traitement dans le cadre d'une procédure trop rapide pour que nous puissions tirer des conclusions législatives définitives aurait probablement été une erreur. Nous aurons eu la sagesse de ne pas la commettre. Je tiens à cet égard à remercier notre rapporteure et à saluer sa persévérance tranquille et assurée ; sans négliger le fait qu'il faudrait s'y pencher à nouveau, elle a préféré nous conseiller la sagesse, conseil que nous avons suivi.

La question de la minorité n'est pas une question mineure. Nous l'avons tous évoquée en considérant ce qui nous semblait utile pour les mineurs. Nous avons bien compris – sans, pour autant, être totalement convaincus – qu'il ne fallait pas modifier le repère de l'âge de quinze ans. Nous voulons vous croire, madame la garde des sceaux, quand vous dites que vous veillerez à ce que les parquets soient particulièrement attentifs à tout ce qui pourrait constituer des circonstances aggravantes, notamment en s'appuyant sur la notion d'abus d'autorité dans le cas de mineurs âgés de quinze à dix-huit ans ; nous vérifierons que nous avons eu raison de vous croire.

Nous avons eu un beau débat sur le nouvel article 7, qui était nécessaire. Personne ne contestait qu'il fallait avancer sur ce sujet. Ayant assumé notre responsabilité de législateur, nous nous devions également d'assumer notre responsabilité de représentants de la nation, c'est-à-dire notre responsabilité politique. Il fallait adresser un message aux victimes privées de poursuites à cause de la disparition de l'incrimination à partir de laquelle elles avaient été engagées.

Nous y avons beaucoup travaillé. Les sénateurs – j'en ai eu quelques témoignages de nos collègues – ont été très intéressés par nos travaux et, nous l'avons vérifié en commission mixte paritaire, ils ont trouvé judicieux que nous nous soyons emparé de la question pour y répondre comme nous l'avons fait.

Je ne regrette pas d'avoir fait part des interrogations, teintées d'inquiétude, qui étaient celles du groupe UMP. Elles portaient non pas sur ce que nous allions inscrire dans la loi, mais sur la manière dont nous allions le faire. Je suis reconnaissant à notre rapporteure et au Gouvernement d'avoir veillé à ce que la nouvelle définition du harcèlement sexuel satisfasse davantage aux exigences de la sécurité juridique et constitutionnelle. Sommes-nous assurés d'être parvenus à une telle sécurité ? Nul ne peut l'affirmer.

Je terminerai en ouvrant la voie à une compréhension par le juge constitutionnel de ce que nous aurons voulu faire. Ce dernier a assumé ses responsabilités ; nous avions à assumer les nôtres. Dans ce dialogue qui s'est noué entre lui et nous, nous avions une responsabilité conjointe, la responsabilité d'apporter une réponse aux victimes.

Le Conseil constitutionnel a annulé la loi antérieure en estimant qu'elle ne protégeait pas assez les victimes, puisqu'elle n'était pas assez précise. Nous devions, pour notre part, faire en sorte, par un surcroît de précision, que les victimes soient protégées et que les auteurs de harcèlement sexuel puissent effectivement être poursuivis devant les juridictions pénales. Au terme de ce dialogue très informel entre le législateur que nous sommes et le juge constitutionnel, chacun, dans le cadre de ses responsabilités, a tranché. En offrant aux victimes, avec l'article 7, la possibilité d'obtenir au civil la réparation nécessaire, dans le continuum des poursuites qui avaient été engagées antérieurement à la décision du Conseil constitutionnel, nous aurons apporté la dernière pierre de l'édifice commun du Conseil constitutionnel et du Parlement : le harcèlement sexuel sera poursuivi, il sera puni, aucune victime ne sera privée de son droit absolu à la reconnaissance de son statut de victime et les auteurs de harcèlement seront condamnés comme ils doivent l'être.

Je le disais à l'issue de nos travaux de la semaine dernière : nous avons fait du bon travail que la commission mixte paritaire a poursuivi. C'est parce que nous avons fait du bon travail et que nous avons été à la hauteur de notre responsabilité politique et législative que le groupe UMP, tout naturellement, fier de ce travail accompli en commun, votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et plusieurs bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

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