Intervention de Christophe Sirugue

Séance en hémicycle du 31 juillet 2012 à 15h00
Harcèlement sexuel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Sirugue, président :

La parole est à M. Jacques Moignard.

M. Jacques Moignard. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mesdames et messieurs les députés, le délit de harcèlement sexuel, inscrit dans le code pénal en 1992, n'a donné lieu, ces dernières années, qu'à un nombre relativement faible de condamnations. Ce délit présente la particularité de susciter, par nature, un taux de plainte très bas, en raison des réticences des victimes à se faire connaître. De plus, les actes pouvant être définis comme harcèlement sexuel sont très proches d'autres qualifications pénales, comme l'agression sexuelle, et peuvent même en être le déclencheur.

C'est dans ce contexte spécifique que la décision du Conseil constitutionnel du 4 mai 2012 a abrogé l'article 222-23 du code pénal, créant un vide juridique insensé qui devait être comblé au plus vite. À cette fin, le Sénat a constitué, dès la fin du mois de mai, un groupe de travail de qualité. Plusieurs propositions de loi ont également été déposées. Pour sa part, le Gouvernement a déposé, le 13 juin dernier, sur le bureau du Sénat, le présent projet de loi relatif au harcèlement sexuel, qui permet des avancées très importantes.

Dès lors, un travail constructif s'est mis en place entre le Gouvernement et nos deux assemblées. Ces dernières ont voté ce projet de loi, avec quelques modifications, sur un sujet grave qui dépasse les clivages partisans.

Le Sénat a ainsi donné plus de cohérence à la rédaction de l'article 1er, en définissant successivement le harcèlement simple et le délit de chantage sexuel, puis en prévoyant la même sanction pour ces deux infractions. Si les deux formes de harcèlement entraînent des souffrances de nature différente, il ne saurait être établi de hiérarchie entre les deux. Le Sénat a également élargi la définition du harcèlement aggravé, en incluant, comme finalité à ce délit, la recherche de tout acte de nature sexuelle, au lieu des seules relations de nature sexuelle.

Par ailleurs, le Sénat a ajouté aux motifs de discrimination pénalement sanctionnés, celui de l'identité sexuelle, prenant ainsi en compte le cas des transsexuels. Il a de plus étendu aux associations de lutte contre le harcèlement sexuel le droit de se porter partie civile. Les dispositions réprimant les faits de harcèlement sexuel dans le cadre professionnel ont été étendues aux personnes en formation ou en stage.

Quand son tour est venu, l'Assemblée nationale n'a pas, en substance, modifié le texte voté par le Sénat, mais a voulu, pour en améliorer encore la qualité, y adjoindre quelques modifications.

Elle a d'abord rétabli, pour ce qui concerne le harcèlement simple, le terme de « comportement » en lieu et place de celui « d'agissement ». Elle a ensuite modifié, sur proposition de la commission, la définition de l'élément matériel du délit de chantage sexuel : le texte adopté par le Sénat visait le fait d'user « d'ordres, de menaces, de contraintes ou de toute autre forme de pression grave. » Cette modification permet de clairement distinguer ce nouveau délit des tentatives de viol et d'agression sexuelle, comme l'avaient souligné les sénateurs du Rassemblement démocratique et social européen durant la discussion au Sénat.

Elle a enfin modifié la formulation de la circonstance aggravante de vulnérabilité économique et sociale, en supprimant la condition selon laquelle l'auteur de l'infraction devait avoir profité de cette vulnérabilité.

S'agissant de la définition du harcèlement dans le cadre professionnel, notre assemblée a inséré in extenso dans le code du travail la définition du harcèlement sexuel. Surtout, elle a supprimé les termes « dans le cadre des relations de travail » afin de ne pas écarter la protection des salariés contre des faits de harcèlement sexuel commis en dehors du lieu et des heures de travail.

Enfin, le nouvel article 7 vise à faciliter l'exercice de poursuites par les victimes de faits de harcèlement sexuel commis avant l'abrogation de l'article 222-33 du code pénal, en permettant au tribunal correctionnel qui constate l'extinction de l'action publique de demeurer compétent pour statuer sur la demande d'indemnisation de la victime fondée sur la faute civile. Cela n'est pas une mince affaire : nombre de victimes pourront recourir à cette disposition, ainsi que vous l'avez évoqué tout à l'heure, madame la garde des sceaux.

Peu de points restaient en discussion. La commission mixte paritaire est donc facilement parvenue à un accord. Elle a ainsi maintenu le terme « comportements » à l'article 1er pour caractériser l'élément matériel du délit de harcèlement sexuel. Elle a également maintenu le relèvement du quantum des peines applicables au harcèlement moral à l'article 1er bis, tout comme la sanction des faits de discrimination contre une personne témoignant de faits de harcèlement sexuel à l'article 2, ou encore la coordination dans l'ensemble des codes de l'incrimination des discriminations commises à raison de l'identité sexuelle, ainsi que l'extension de la possibilité pour les associations de se porter partie civile.

De la même façon, la CMP a adopté le texte voté par notre assemblée, s'agissant de la reproduction dans le code du travail des dispositions sanctionnant le harcèlement sexuel. Enfin, elle a adopté une nouvelle rédaction de l'article 7 ne faisant plus référence directement à l'article 470-1 du code de procédure pénale. Ce dernier article concerne en effet les délits non intentionnels, ce dont ne peut être qualifié le délit de harcèlement.

Madame la garde des sceaux, madame la ministre, l'ensemble des membres du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste votera ce texte qui, par l'importance de son contenu et la portée de ses avancées, requiert, ce soir, l'unanimité. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

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