Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, je rappellerai en quelques mots le sens de nos travaux, qui aboutiront – j'en suis sûr – à l'adoption à l'unanimité d'un projet de loi amendé, amélioré, et adopté par la commission mixte paritaire.
Notre rapporteure, Mme Pascale Crozon, a tenu à rappeler au cours de nos débats aux nouveaux élus dont je suis – nous sommes quelques-uns : 234 – que les textes de loi relatifs aux droits des femmes étaient presque toujours votés à l'unanimité, approuvée sur ce point par notre collègue Guy Geoffroy, s'exprimant au nom de l'UMP. C'est un moment suffisamment rare, me semble-t-il, dont j'apprécie le sens et la portée.
« Cette loi n'est pas un texte compassionnel », disait Mme la garde des sceaux le 24 juillet, « elle affirme un droit pour tous, celui de ne pas être soumis à la domination d'autrui », en clair : le droit de ne pas être harcelé en toutes circonstances. Au cours de la discussion générale du 24 juillet, tous les intervenants ont souligné la précision de l'incrimination, la plus grande clarté et la sécurité juridique apportées par ce texte, ainsi que l'apport des associations et des professionnels auditionnés. Quitte à être redondant, il est utile d'en souligner les avancées les plus significatives.
Le fait unique, d'abord. En clair, de quoi s'agit-il ? Être harcelé pour obtenir un acte de nature sexuelle lors d'un entretien d'embauche, de la demande d'une formation, ou de la demande d'un stage, par exemple. L'inscription de la vulnérabilité ou de la dépendance liée à la précarité, à la situation économique et sociale de la victime, comme circonstance aggravante, constitue une autre avancée.
J'insisterai sur la traduction de la nouvelle loi dans le code du travail. Le choix a été fait – plusieurs orateurs l'ont dit – d'y reproduire in extenso la définition du harcèlement sexuel, plutôt que de renvoyer simplement au code pénal, même si cette dernière position était parfaitement défendable. Convenons-en, néanmoins, le code du travail est l'outil principal dans le monde du travail, ce qui justifie probablement le choix entériné. La loi donne aux personnes en formation ou en stage ainsi qu'aux candidats à un recrutement les mêmes droits qu'aux salariés.
Pour ce qui est de l'obligation d'affichage – que nous avons votée – de l'article 222-3 du code pénal sur les lieux de travail, j'espère que ce document ne finira pas jauni derrière une vitre mal nettoyée. J'attends pour cela beaucoup de l'implication des différents partenaires dans l'entreprise. La loi renforce le pouvoir d'interpellation des délégués du personnel, celui de l'inspecteur du travail, et l'implication indispensable des services de santé. Je me souviens de nos auditions et des engagements sincères à ce sujet des organisations patronales et syndicales.
Des propositions concrètes ont émergé. Je les rappelle brièvement : l'organisation d'une grande campagne nationale de sensibilisation et d'information transversale aux ministères concernés, celle d'une enquête nationale sur les violences faites aux femmes, notamment dans le monde du travail, à l'initiative de la délégation aux droits des femmes, et la création d'un observatoire national sur les violences faites aux femmes, que nous a confirmée la ministre aux droits des femmes. Enfin, j'ajoute la proposition du président de la commission des lois – faisant suite, semble-t-il, à différents travaux de la précédente législature – qui contraindrait les auteurs d'infractions condamnés à participer financièrement à un fonds dédié à l'aide aux victimes.
J'ai retenu également, madame la garde des sceaux, que vous demanderez l'élaboration d'un module de sensibilisation des magistrats aux infractions à caractère sexuel pour les élèves de l'École nationale de la magistrature. J'ajoute que je suis particulièrement sensible à l'alerte de Mme Catherine Lemorton sur la situation du monde carcéral.
Les ministres, la rapporteure, les intervenants se sont fait l'écho des pistes de réflexions ouvertes, sur lesquelles je ne reviens pas.
Je veux m'arrêter un instant sur la proposition, à mon avis justifiée, de notre collègue Alain Tourret d'élargir le droit d'intervention aux délégués syndicaux, même si je comprends parfaitement que cela revienne aux organisations.
Avant de vous inviter à voter à l'unanimité le texte de loi sur le harcèlement sexuel, je veux citer Ariane Mnouchkine. Engagée de très longue date dans le combat pour les droits des femmes et signataire parmi les 343 du fameux manifeste du 5 avril 1971, acte essentiel dans la longue marche vers le droit à l'interruption volontaire de grossesse affirmé dans la loi Veil du 17 janvier 1975, Ariane Mnouchkine nous dit : « C'est parce que nous sommes en retard qu'il faut prendre le temps ». Je suis convaincu qu'elle nous pardonnera d'avoir choisi la procédure d'urgence, car les victimes, elles, ne pouvaient pas attendre ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et RRDP.)