Intervention de Gilles Bourdouleix

Séance en hémicycle du 31 juillet 2012 à 15h00
Harcèlement sexuel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Bourdouleix :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je tiens, d'abord, à saluer l'esprit constructif dans lequel nos assemblées ont travaillé, en particulier la semaine dernière, dans le cadre de la commission mixte paritaire, pour aboutir à un texte qui permettra de combler le vide juridique créé par le Conseil constitutionnel. Ce vide juridique est, il convient de le rappeler avant de revenir sur le texte lui-même, la conséquence extrême de la question prioritaire de constitutionnalité qui aboutit, à un moment donné, à faire disparaître une loi, à faire disparaître la protection juridique apportée aux victimes dans le cadre, ici, du délit de harcèlement sexuel. Je rejoindrai Mme la ministre des droits des femmes qui soulignait, tout à l'heure, que cela devait nous inciter, dans le cadre de nos travaux, que ce soit à l'Assemblée ou au Sénat, à être très exigeants pour que nos textes soient parfaitement bordés, afin d'éviter un tel vide juridique, particulièrement lorsqu'il s'agit du harcèlement sexuel, véritable fléau social et sociétal, qui engendre chez les victimes, principalement les femmes, comme cela a été rappelé à plusieurs reprises, une souffrance réelle trop souvent ignorée. C'est pour cette raison qu'il était particulièrement urgent de voter un texte donnant de nouveau dans notre code pénal une définition précise du délit de harcèlement sexuel.

Le groupe UDI sera, bien évidemment, favorable à ce projet de loi. Je rappellerai, toutefois, en quelques mots, les points, objets de nos amendements, que nous aurions aimé améliorer. J'ai entendu, tout à l'heure, les remarques et les réponses apportées à l'avance par Mme la garde des sceaux. Je me permettrai cependant de dire qu'elle ne m'a pas totalement convaincu.

Le premier point concerne celui de la minorité légale. On a dit et redit combien les souffrances des victimes de harcèlement sexuel étaient lourdes. Elles le sont particulièrement lorsque la victime est très jeune, qu'elle est mineure de moins de quinze ans, mais aussi, il convient de le préciser, de moins de dix-huit ans. Mme la garde des sceaux a indiqué tout à l'heure que la circulaire d'application rappellerait la nécessité de prendre en considération la situation des personnes mineures. Toutefois, nous restons hésitants quant à l'application à certains cas particuliers de la circonstance aggravante de l'abus d'autorité. S'agissant, par exemple, d'un mineur de seize ou dix-sept ans, émancipé par ses parents, qui serait victime de harcèlement sexuel alors qu'il recherche un logement, il n'est pas évident que la notion d'abus d'autorité permette de le protéger totalement.

Le deuxième point que nous aurions voulu modifier concerne le délai de prescription de l'action pour agression sexuelle ou fait de harcèlement sexuel. Nous aurions souhaité que ce délai de prescription commence à l'instant où s'achève, généralement par la volonté de la victime, le lien de hiérarchie entre la victime et le harceleur dans le cadre du travail. J'ai bien noté la volonté d'informer parfaitement les personnes grâce à la présentation du texte que nous allons voter ce soir et de sa mise en oeuvre dans les entreprises ou l'administration. Néanmoins, on peut imaginer la difficulté que constitue un dépôt de plainte alors que le lien de travail se poursuit. Nous pensons que les victimes auraient pu se sentir rassurées de savoir que le délai de prescription ne commençait qu'à l'instant où elles mettaient un terme à leur lien de travail, et que cela leur aurait permis de rechercher un autre emploi tout en engageant une procédure avec davantage de sérénité morale.

Dernier regret, le relèvement de la peine que nous avions proposé n'a pas été accepté. Vous nous avez répondu, et cela est vrai, qu'il existe, aujourd'hui, dans notre code pénal, un certain désordre dans la hiérarchie des peines. Nous proposions de prévoir une peine punissant davantage le harcèlement sexuel qu'un vol, une peine à mi-chemin entre le vol et l'agression sexuelle sans viol. Nous imaginions que cette solution, plus juste pour les victimes, pouvait aussi répondre à la demande d'un certain nombre d'associations. J'ai bien noté que vous avez évoqué une sorte de grand soir de la refonte de la hiérarchie des peines dans le code pénal, mais le grand soir est parfois lent à arriver. Nous voulions, pour notre part, offrir un petit matin plus lumineux aux victimes en prévoyant une peine renforcée pour les personnes coupables de harcèlement.

En dépit de ces réserves, ce texte présente, à l'évidence, un double intérêt : celui de redéfinir de manière suffisamment précise le délit de harcèlement sexuel de façon à éviter une nouvelle censure du Conseil constitutionnel, et celui de présenter un dispositif complet permettant de prendre en compte le plus grand nombre possible de situations, y compris les discriminations résultant du harcèlement sexuel, avec pour principal objectif de garantir à la victime potentielle une protection effective.

Au-delà de la volonté partagée par l'ensemble des groupes de contribuer à votre pur bonheur, madame la garde des sceaux (Sourires), le groupe UDI aura beaucoup de joie et de plaisir à voter ce texte pour les raisons que je viens d'indiquer et, en particulier, parce que nous comblons le vide juridique et que nous améliorons le précédent texte relatif au délit de harcèlement sexuel. (Applaudissements.)

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