Intervention de Christiane Taubira

Séance en hémicycle du 31 juillet 2012 à 15h00
Harcèlement sexuel — Discussion générale

Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice :

Nous livrons aujourd'hui un chantier en bon état, grâce à la contribution de tous, y compris de l'opposition, bien qu'elle conserve quelque amertume de la non-adoption de certains de ses amendements. Ces amendements soulèvent de vrais sujets et ont suscité de longs débats. Ma conviction profonde est donc que vous avez contribué à la qualité de ce texte, dans la mesure où vous avez activement collaboré aux travaux effectués en commission. Le texte finalement issu de la commission mixte paritaire est vraiment une construction commune, et nous avons toutes les raisons d'en être fiers.

Quelques sujets restent pendants, bien qu'il s'agisse surtout de problématiques autonomes, ayant évidemment un lien étroit avec la question du harcèlement sexuel, avec notre vision de l'égalité entre les hommes et les femmes et avec notre conception de l'intégrité et du nécessaire respect de la dignité de la personne humaine, lien qui explique que nous ayons abordé lors de nos débats ces sujets qui ne sont pas directement liés à la définition et à la sanction de l'incrimination mais s'en approchent au plan éthique.

Madame Buffet, j'ai notamment retenu votre interpellation au sujet de notre mobilisation internationale. Je rappelle régulièrement l'implication et l'influence de la France en la matière, souvent par le biais de ses ONG. Ces dernières pèsent fortement pour que nos délégations officielles se montrent à la hauteur de notre conception des libertés individuelles, des libertés publiques et de l'intégrité de la personne.

La lutte contre la marchandisation des corps est une obligation. Je rappelle que la France, qui a ratifié la convention de 1960, est abolitionniste, et que le débat sur la question est donc hors sujet !

En ce qui concerne la démocratie et l'égalité professionnelle, nous avons trois lois qui doivent nous permettre de la mettre en oeuvre. C'est une exigence.

Nous avons vraiment fait du bon travail, au sens où nous avons traité le sujet dans toute la mesure où il devait l'être et en définissant le bon périmètre. Nous avons également toutes les raisons d'être rassurés sur la qualité de la définition introduite dans la loi.

Indépendamment de ce que disait M. Bourdouleix sur l'augmentation du quantum de peine, il me semble que nous avons été cohérents et justes dans la sanction de la récrimination. Ce qui doit, en revanche, être revu, ce sont les sanctions contre les atteintes aux biens, parfois trop sévères en comparaison des sanctions punissant les atteintes aux personnes. La solution ne passe pas forcément, en effet, par une enchère dans les sanctions.

Concernant les mineurs, je rappelle qu'il y a deux circonstances aggravantes : l'abus d'autorité et la vulnérabilité personnelle, liée à l'âge, par exemple. Monsieur Bourdouleix, votre culture juridique devrait vous amener à entendre l'argument sur le parallélisme des minorités – minorité de quinze ans et autre minorité. Il existe des infractions plus graves, comme le viol, dont Marie-George Buffet rappelait à raison que ce n'est pas un délit mais un crime, pour lequel la minorité est fixée à quinze ans.

Il nous reste sans doute des mises en cohérence à effectuer. Ce ne sera pas un grand soir mais un travail au long cours, probablement pas toujours gratifiant, voire fastidieux parfois, mais indispensable.

Dans l'intérêt des victimes, le Gouvernement s'est engagé, par ma voix, à mobiliser les bureaux de l'aide juridictionnelle, puisque l'article 10 de la loi de juillet 1991 prévoit des dispositions dérogatoires aux conditions de ressources, réservées aux situations exceptionnelles. Or nous sommes indiscutablement dans une situation exceptionnelle lorsqu'une victime a lancé une procédure depuis plus de deux ans – la durée moyenne des procédures étant de vingt-sept mois –, qu'elle a dépensé entre 13 000 et 15 000 euros et qu'elle se retrouve, aujourd'hui, face à une extinction de l'action publique. Cette situation exceptionnelle justifierait que la victime puisse émarger à l'aide juridictionnelle. Cette aide juridictionnelle serait la contribution de l'État à l'accès à la justice. Évidemment, si l'action civile prospère, la contribution de l'auteur serait sous forme de dommages et intérêts.

Voilà pour l'essentiel. Je n'ai peut-être pas repris tous les sujets abordés, mais vous avez un quinquennat pour le faire. Je vous fais confiance, je crois que certains de ces sujets viendront assez vite à l'ordre du jour.

Pour ma part, dans la limite de ce qui me concerne – et même au-delà, parce que ma curiosité, elle, est sans limites –, je participerai de façon très sérieuse et consciencieuse à l'élaboration des textes dont le Gouvernement prendra l'initiative.

Je veux, d'un dernier mot, excuser la ministre des droits des femmes qui, malgré l'intérêt soutenu, vous n'en doutez pas, qu'elle porte à vos travaux, a été obligée de se rendre à une autre réunion. Je reprendrai la parole après le vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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