Intervention de François Brottes

Séance en hémicycle du 11 mars 2013 à 21h45
Tarification progressive de l'énergie — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur :

Chacun le sait ici : j'aime la confrontation. Lorsque j'étais dans l'opposition – je m'en souviens encore –, je crois que je n'ai déçu personne sur ce terrain. (Sourires.) Il ne m'est donc pas permis de douter de la bonne foi des arguments développés par l'opposition, comme celle-ci n'a jamais douté de ceux que je présentais à l'époque où je siégeais en pareille situation.

Pourquoi donc affirmé-je qu'il s'agit là par nature d'un texte de consensus ? Parce que c'est une loi qui affirme et conforte – il y en avait besoin – le fait que l'énergie est un bien de première nécessité dont on ne doit exclure absolument personne. Le texte procède à l'élargissement du périmètre des bénéficiaires des tarifs sociaux ; comme l'a rappelé Mme la ministre, le nombre de ménages concernés, qui s'élevait à 650 000, est multiplié par trois.

Le texte instaure également la généralisation de la trêve hivernale. Rappelez-vous que cet hiver, en Haute-Garonne, Jeanne Fajardeau, âgée de quatre-vingt-six ans, s'est vu couper le gaz. Rappelez-vous aussi que l'on a dénombré, en 2012, 230 000 résiliations de contrats d'abonnement au gaz ou à l'électricité.

Enfin, toujours sur le terrain des biens essentiels, il met en place un guichet unique, accessible à tous, à travers un service public de la performance énergétique de l'habitat. Les projets qui arrivent, portés par Mme Duflot et par Mme Batho, en préciseront les contours ainsi que les modalités de soutien aux économies d'énergie. Cela concerne tout à la fois la modification des comportements des usagers, ce qui veut dire, par exemple, ne pas chauffer avec les fenêtres ouvertes – je ne dis pas que beaucoup le font, mais cela peut arriver, notamment lorsqu'on a le chauffage collectif – ; l'optimisation des appareils ménagers, souvent énergivores ; l'amélioration de la gestion des appareils électriques avec ce que l'on appelle le smart grid ; cela concerne surtout l'isolation thermique, domaine dans lequel notre pays est particulièrement en retard.

Je vous le demande donc franchement : peut-on s'opposer à ces trois mesures concernant l'élargissement des tarifs sociaux, l'instauration de la trêve hivernale et la mise en place d'un guichet unique du service public de la rénovation de la performance énergétique de l'habitat ?

Pour continuer à démontrer, et en convaincre M. Fasquelle, que ce texte est par nature un texte de consensus, je veux vous persuader que la société de la sobriété énergétique souhaitée par le Président de la République, François Hollande, est une exigence nationale d'intérêt général qui s'impose à nous, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons ici, sur le chemin de l'indispensable transition énergétique.

Pour sortir de notre dépendance, aujourd'hui massive, à l'importation du gaz et du pétrole, mais aussi de notre dépendance au tout-nucléaire – ou presque, puisqu'il représente plus de 75 % de notre production d'électricité –, nous avons deux solutions.

Premièrement, bien sûr, développer toujours plus les énergies renouvelables. À cet égard, ce texte prend toute sa part, comme Mme la ministre vient de le rappeler, concernant l'énergie renouvelable, en particulier avec l'éolien terrestre, énergie renouvelable désormais mature, sans oublier évidemment l'hydroélectricité.

Deuxièmement, et c'est l'objectif principal de ce texte, mettre le paquet – pardonnez-moi d'être trivial – sur les économies d'énergie. La consommation d'électricité du secteur résidentiel tertiaire s'est élevée en 2011 à 290 térawattheures. Une réduction de 30 % de notre consommation d'énergie dans le bâtiment – objectif atteint dans d'autres pays – représenterait plus de 90 térawattheures d'économies annuelles. À raison de 50 euros le mégawattheure, cela fait, à moyen terme, de l'ordre de 4,5 milliards d'euros par an en moins sur la facture d'électricité des ménages – et je pourrais tenir le même raisonnement avec le gaz.

Cette perspective a une incidence évidente sur les coûts structurels de la production d'énergie. Chacun en conviendra, il faut sortir de la spirale du consommer plus pour produire toujours plus, qui nous emmène inévitablement vers une augmentation incessante des tarifs. À force d'augmentations de 3 %, 4 % ou 5 %, on arrive vite à 30 % par an. Certains disent que c'est inexorable. « Mon pauvre monsieur, c'est comme ça, on ne peut rien y faire. » Eh bien, si ! Comme on dit chez moi, on peut y faire quelque chose. (Sourires.) Nos voisins allemands ont une électricité beaucoup plus chère, mais une consommation par ménage beaucoup plus faible.

Le curseur de la réduction des consommations est le plus efficace et le plus accessible pour changer la donne rapidement. Cette proposition de loi porte cette ambition d'une mobilisation générale et massive en faveur de l'économie d'énergie. Pour atteindre cet objectif, avec lequel, encore une fois, tout le monde ne peut qu'être d'accord, nous proposons pour l'heure deux voies – il faudra en proposer d'autres, notamment pour le secteur tertiaire.

La première, c'est l'instauration d'un modèle économique vertueux pour valoriser l'effacement de consommation, particulièrement chez les industriels : le consommateur accepte d'effacer une partie de sa consommation en période de pointe de la consommation, c'est-à-dire à des moments où l'on importe de l'électricité à plus de 2 000 euros le mégawattheure. Autrement dit, on consomme moins plutôt que de produire ou d'importer plus.

La seconde, c'est l'instauration d'un « radar pédagogique », avec le fameux bonus-malus, souvent caricaturé. Je sais bien que la caricature est souvent plus facile à retenir que la réalité, car elle ne fait preuve ni de nuance,…

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