C'est à intervalles réguliers que notre pays se donne rendez-vous devant le législateur pour envisager l'avenir de son école : le rendez-vous de ce jour, souhaité par le président de la République, s'inscrit dans cette tradition.
Certes, ce ne sont pas toujours les réformes introduites par voie législative qui ont le plus, ou le mieux, agi sur notre système éducatif. De plus, comme l'a dit le Conseil constitutionnel à l'occasion de la loi Fillon, dans une décision d'ailleurs quelque peu sévère : « une bonne partie des objectifs et missions que l'on peut vouloir assigner au système éducatif n'a pas de caractère législatif ». C'est pourquoi ce sont les mesures d'application de la loi qui feront l'essentiel. Je vous rappelle d'ailleurs, monsieur Goasguen, que cela est inscrit dans notre Constitution, mais peut-être êtes-vous opposé aux articles 34 et 37…
Enfin, le temps n'est plus où il s'agissait de fonder l'école de la République, tâche dans laquelle, à cette même tribune, se sont illustrés bien des orateurs – et quels orateurs !
Toutefois, ni Victor Hugo ni Jules Ferry ne pouvaient prévoir l'évolution de cette école dont ils avaient posé les fondements de manière si ferme – évolution qui a conduit par trois fois depuis 1989 le Parlement à s'intéresser de près au devenir de notre école.
Quelle est la situation actuelle ? S'il est vrai que de nombreux établissements scolaires fonctionnent bien dans notre pays, rappelons-le, chacun s'accorde pourtant à reconnaître une double dégradation à notre système éducatif.
Tout d'abord, la panne du progrès scolaire, mesuré par le taux impressionnant d'échec dans le primaire – taux d'échec que le collège répercute sans d'ailleurs l'amplifier. C'est pourquoi vous avez pleinement raison, monsieur le ministre, de concentrer des moyens supplémentaires sur l'école primaire, qui est bien le maillon faible, ainsi que sur l'accueil des enfants dès l'âge de deux ans en maternelle, une initiative qui mérite d'être saluée.
De surcroît, l'école est aussi et simultanément atteinte par les maux de la société dont elle n'a pu être préservée par la nécessaire sanctuarisation. Ce rempart est souvent plus théorique que réel, notamment dans des zones où prévalent des comportements de violence, sans préjudice d'ailleurs, ce que l'on nomme aujourd'hui des « incivilités » et qui ne sont pas, loin s'en faut, le lot des seuls quartiers défavorisés.
Face à ce diagnostic, le MRC, très attaché à l'école, approuve les trois orientations essentielles qui guident ce projet de loi. Il proposera certains amendements propres à renforcer cette inspiration qui ne va pas, lui semble-t-il, sans quelques contradictions – pensons par exemple au statut des langues régionales par rapport aux savoirs fondamentaux.
Nous approuvons cette idée selon laquelle la mission essentielle de l'école est d'instruire, c'est-à-dire de transmettre les savoirs fondamentaux. Cet objectif, qui paraît de bon sens, n'est pas toujours allé de soi. Il faudra faire en sorte que les enseignants se l'approprient réellement à travers une conscience claire de cette mission première. Elle inclut que l'on sache inculquer le goût de l'effort et du travail, valeurs structurantes dont tous les élèves ont besoin.
Nous approuvons également le deuxième objectif essentiel, celui d'éduquer ; car l'éducation ne se confond pas avec l'instruction. Si l'une et l'autre permettent l'élévation sociale, l'éducation est le complément indispensable de l'instruction en ce qu'elle développe, comme le dit très bien la loi, le jugement et la raison critique. Ce sont là – et c'est la caractéristique de notre tradition républicaine – les véritables piliers de la transmission des valeurs collectives.
Enfin, troisième objectif et non le moindre : permettre de construire un parcours professionnel. Il demande que soit trouvé le bon équilibre entre des filières pré-professionnalisantes et des filières généralistes, grâce à des passerelles entre elles, ainsi qu'à une bonne orientation, qui sache intervenir à temps. Dans ce cadre, le service public du numérique éducatif me semble particulièrement bienvenu.
Monsieur le ministre, si l'école a pour rôle de combattre les déterminismes sociaux, elle n'est pas comptable de tous les maux de la société. Ne lui demandons pas d'assumer à elle seule l'ensemble des politiques publiques ; car ce serait décourager les enseignants qui ont avant tout besoin d'objectifs clairs, accessibles et réalisables.
C'est à ce prix que vous pourrez les mobiliser ; c'est à ce prix qu'ils retrouveront dans la société le respect qu'ils méritent ; c'est à ce prix que nous pourrons enfin assumer le but qui a été donné à l'école républicaine par un grand savant : « la sélection des meilleurs par la promotion de tous ». (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)