…donc modifier la structure sur laquelle a été édifié tout notre système éducatif.
Aussi, je crains que ce terme soit bien mal adapté au projet de loi que nous abordons aujourd'hui. C'est un projet de loi d'adaptation tout au plus, compte tenu de la modestie des mesures qu'il contient. C'est un projet de loi décevant au regard des attentes qu'il a suscitées, qui incarne in fine le maintien de l'existant.
C'est une coquille vide sur laquelle vous nous demandez de nous prononcer, une litanie de déclarations de principes renvoyant au décret, puisque la plupart des mesures essentielles relèvent du domaine réglementaire. Il en va ainsi des rythmes scolaires, de la définition du socle commun et des programmes, du contenu de la formation des enseignants, de l'éducation prioritaire ou encore de l'apprentissage de l'égalité entre les hommes et les femmes, sujet sur lequel d'ailleurs une polémique est en train de naître tant vous l'abordez de manière imprécise.
L'élaboration d'un projet de loi de refondation n'aurait-elle pas nécessité une concertation à la hauteur de son envergure ?
En 2005, c'est après deux ans de concertation, réunissant plus d'un million de personnes partout sur le territoire, que le projet de loi d'orientation de l'école avait été érigé. En comparaison, monsieur le ministre, croyez-vous réellement que quelques mois de consultations estivales n'impliquant ni les enseignants sur le terrain, ni d'ailleurs l'ensemble des acteurs concernés, auront été suffisants pour bâtir un nouveau socle à tout notre système éducatif ? Je crains que votre grande ambition pour l'école ne se résume malheureusement à quelques mesures de replâtrage, de bricolage, certes nécessaires mais bien insuffisantes au regard des enjeux de l'éducation de demain.
Vous avez mis sur la table 60 000 postes supplémentaires. Certes, il en fallait. Mais peut-être pas autant. De fait, dans le contexte budgétaire actuel, vous vous privez de toute perspective de répondre aux revendications légitimes d'augmentation des salaires des enseignants et d'amélioration de leurs conditions de travail. Je rappelle que le salaire moyen des enseignants en France peut représenter 30 ou 50 % de celui d'autres pays d'Europe. Je parle aussi d'accompagnement, de prise en compte des difficultés auxquels beaucoup d'eux sont confrontés chaque jour au sein de leur établissement, de formation tout au long de la vie. Bref, je parle d'une revalorisation globale de la profession alors que les enseignants traversent depuis trop longtemps une véritable crise de confiance.
Les enseignants sont peut-être le maillon le plus important de la société. Ils donnent corps à l'école. Ils éduquent, instruisent les citoyens de demain. Leur mission exige de s'adapter en permanence non seulement à l'élève, mais à la classe entière, aux parents, intrusifs ou démissionnaires, à l'évolution de la société ou encore aux nouvelles formes de violences.
Enseigner, c'est se confronter chaque jour aux difficultés humaines – d'apprentissage, matérielles, psychologiques d'adultes en devenir. Enseigner, c'est accueillir et guider sur les chemins de la réussite, à des niveaux de formation toujours plus élevés, des générations d'enfants qui assureront demain l'avenir de notre pays et de notre République.
Pour avoir été enseignante pendant plus de 25 ans, je sais que cette mission ne peut s'accomplir sans une véritable passion, ni sans une reconnaissance forte de l'État. L'État doit donner aux enseignants les moyens d'accomplir leur mission. L'État doit garantir respect et considération à une profession que l'on ne peut exercer que par vocation, non par défaut.
La qualité de travail des enseignants, l'attractivité de cette profession passent évidemment par une meilleure formation.
La formation des maîtres est affaire de connaissances disciplinaires et de connaissances pédagogiques, les secondes permettant de transmettre les premières. Il faut trouver le bon équilibre entre ces deux impératifs.
Or, alors que c'est certainement le sujet le plus important, le projet de loi passe totalement à côté de la formation des maîtres. Vous souhaitez confier le rôle de formation à des écoles spécifiques au sein des universités, dont on ignore ce qu'elles seront vraiment mais dont on peut légitimement craindre qu'elles ne seront purement et simplement qu'une résurrection du système des IUFM, malheureusement pas revu.
L'avenir de l'école mérite mieux, monsieur le ministre, qu'une déclaration de belles intentions. L'avenir de notre système éducatif est entre vos mains, mais les enjeux de demain exigent un véritable travail d'orfèvre et votre loi n'est pas à la hauteur de l'enjeu. Je le regrette infiniment. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)