Longtemps escamotée, voire niée, la réalité de la baisse du niveau de nos élèves est désormais largement reconnue. « Il faut sonner le tocsin. Tous les indicateurs sont au rouge », a même écrit récemment dans Le Monde l'historien de l'éducation Antoine Prost, à qui vous venez de remettre les insignes de commandeur de l'ordre de la légion d'honneur.
Au classement des enquêtes internationales PISA ou PIRLS, la France ne cesse de décrocher. En ce qui concerne les compétences en lecture, nos écoliers se situent entre le quatorzième et le dix-neuvième rang d'un classement qui compte vingt et un pays. Cette dégradation est confirmée par nos propres études nationales, menées à l'issue des évaluations de CM2. La baisse du niveau est d'ailleurs inquiétante en dictée ou même en calcul.
Faisons un rêve, monsieur le ministre. Sur ce constat, sur cette cruciale question de société, car il s'agit de l'avenir de nos enfants et de notre pays, peut-on réussir à dépasser les clivages partisans ?
Odile Quintin, auteur d'un rapport sur les rythmes scolaires remis du temps de votre prédécesseur Luc Chatel, fait remarquer que, en Espagne, majorité et opposition ont réussi en 2010, face à la situation difficile de son système éducatif, à conclure un pacte scolaire. Elle relève d'ailleurs qu'en France en 2011 la commission d'enquête parlementaire multipartite présidée par Mme Tabarot a fait des propositions très similaires à celles avancées dans le débat qui secoue actuellement le monde de l'éducation.
Mais récapitulons.
Sur les rythmes scolaires, en 2013 ou en 2014, nous vous suivrons malgré les difficultés, le tricotage que vous imposez aux maires, les coûts induits pour les collectivités territoriales et le casse-tête qu'est, pour chacun, la réorganisation.
Sur la primauté donnée au primaire, nous vous suivons également car il s'agit d'une véritable lutte contre l'illettrisme à l'école. C'est, en effet, au primaire que tout commence. C'est là que les savoirs fondamentaux – lire, écrire, compter – doivent être acquis ; je me permettrai d'insister sur la lecture, en particulier sur la méthode syllabique.
Sur l'apport du numérique, je vous suis également même si c'est à titre plus personnel. Nos enfants sont, en effet, des digital natives : génération Y, génération Z ou 3C – pour « communiquer, collaborer, créer » – pour les moins de vingt ans. La prévention, l'explication et la surveillance restent dans le même temps toujours d'actualité, en ce qui concerne internet, et ce quel que soit l'âge.
Vous le voyez, monsieur le ministre, ce sont autant de priorités ou de directions sur lesquelles nous avions déjà travaillé et autour desquelles un consensus aurait pu voir le jour pour sauver notre école, mais, sans revenir sur la méthode qui vous est personnelle, mon rêve d'un pacte national sur l'école ne peut devenir une réalité tant certains de vos choix sont empreints d'idéologie. Pourquoi ajouter aux savoirs fondamentaux – déjà difficiles à maîtriser – l'éducation artistique et culturelle, vite connotée, plutôt que l'éducation sportive, de portée universelle et nécessaire dans un pays menacé par l'obésité ? Pourquoi vouloir à tout prix généraliser la scolarisation des enfants de deux ans, alors qu'un certain nombre de spécialistes de la pédagogie sont très réservés et qu'il existe d'autres formes de socialisation que l'école pour ces jeunes enfants ?
Pourquoi vouloir « plus de maîtres que de classes » ? Votre réforme devrait viser à améliorer la qualité de l'encadrement et de la formation plutôt qu'à accroître le nombre d'enseignants. Pourquoi vouloir « arracher l'élève à tous les déterminismes familial, ethnique, social, intellectuel » en instaurant une morale laïque ? Cette morale laïque, et le sens moral qui la sous-tend, laissent sceptiques, car ils font primer l'éducation sur l'instruction. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)