Intervention de Martine Martinel

Séance en hémicycle du 12 mars 2013 à 15h00
Refondation de l'école de la république — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Martinel :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, notre assemblée discute régulièrement du sujet majeur que constitue pour notre pays l'avenir de l'école, mais elle le fait souvent de manière un peu timorée. Ce n'est pas le cas avec ce projet de loi de refondation de l'école.

En 2005, le ministre de l'éducation de l'époque, François Fillon, avait présenté un projet de loi d'orientation et de programme sur l'avenir de l'école. Ce texte manquait singulièrement d'ambition, et constituait un recul par rapport à la précédente grande loi sur l'éducation, la loi Jospin de 1989. Celle-ci a été fondamentale, car elle a modifié le fonctionnement du système éducatif français. Jusque-là, seules les écoles normales, créées en 1833, dispensaient une formation spécifique aux instituteurs et aux institutrices.

Lionel Jospin est ainsi à l'origine de la création des Instituts universitaires de la formation des maîtres, chargés d'assurer une formation initiale et continue à tous les enseignants du primaire et du secondaire et de leur donner une culture professionnelle commune. De 2005 à 2012, ces instituts ont fait l'objet d'un travail de sape, au prétexte d'une dégradation du niveau scolaire des élèves et d'un pédagogisme abusif. Pour les contrer, la mastérisation a été instaurée à grand fracas en revendiquant l'excellence universitaire qui ferait défaut aux candidats aux concours. En fait, cette réforme s'est surtout accompagnée de la disparition de toute formation digne de ce nom au métier d'enseignant : elle plaçait directement devant les élèves les futurs professeurs, sommés de faire leur apprentissage « sur le tas », selon l'expression consacrée, et mettait ainsi en danger les uns comme les autres. En cinq ans, les stages pour les futurs enseignants ont disparu et, plus généralement, toute forme de politique cohérente, pérenne et ambitieuse, au point de décourager les étudiants de s'inscrire aux concours. Dans son rapport annuel, la Cour des comptes avait, d'ailleurs, dressé un bilan catastrophique de la mastérisation, en soulignant que ce dispositif avait non seulement dégradé la réforme des enseignants, mais que son but initial d'économie budgétaire n'avait pas été atteint.

Je me réjouis donc, monsieur le ministre, que ce projet de loi institue la création des Écoles supérieures du professorat et de l'éducation – ESPE –, qui, comme vous l'avez dit hier, lors de votre intervention liminaire, ne sont ni les écoles normales ni les IUFM et encore moins – n'en déplaise à M. Apparu – des coquilles vides. Ces écoles, comme l'article 49 de ce projet de loi le spécifie, assureront la formation initiale et la formation continue, désormais et enfin rétablie. Les apprentissages au sein des ESPE seront fondés à la fois sur les enseignements théoriques et professionnels. Ils incluront des stages permettant aux étudiants d'acquérir et de développer les compétences professionnelles nécessaires à l'exercice d'un métier exigeant. Les savoirs universitaires, pédagogiques et didactiques devront trouver toute leur place au sein de ces écoles, qui permettront à l'ensemble du personnel éducatif de partager une culture commune.

Ce projet de loi a, en outre, l'immense mérite de rétablir l'entrée progressive dans le métier et de proposer, avec les emplois d'avenir professeur, un dispositif efficace contre la prédestination sociale, très puissante dans notre système éducatif. Favoriser l'accès des étudiants de milieux plus modestes aux métiers de l'éducation permettra de combler les écarts entre l'école, l'univers du quotidien et celui de la culture.

Je me réjouis que la redéfinition et la réorganisation des métiers de l'éducation proposées dans ce projet de loi exercent une grande attractivité, que l'on peut mesurer, contrairement à ce que l'on entend dire, à l'augmentation massive du nombre des inscrits aux concours puisqu'il progresse, si je ne m'abuse, de plus de 46 % pour tous les concours d'enseignements confondus.

Jacqueline de Romilly, dans son discours d'entrée à l'Académie française, établissait une différence entre les mots : « enseignement » et « éducation ». Elle déclarait : « L'enseignement désigne avant tout la transmission des connaissances intellectuelles, le mot éducation [...] désigne le fait de mener un être à l'accomplissement de ses qualités propres ; pour l'Homme, ces qualités humaines concernent l'esprit, le caractère et l'aptitude à la vie en société. Naturellement, enseignement intellectuel et formation morale ne vont jamais tout à fait l'un sans l'autre ».

Il me semble, monsieur le ministre, que, si nous nous en donnons les moyens, les ESPE seront les lieux de référence pour recruter et former des enseignants compétents, aptes à remplir les missions d'enseignement et d'éducation pour les citoyens de demain dont notre République a grandement besoin. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)

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