Ce débat sur « pour tous » et « pour chacun » est moins anodin qu'il n'y paraît.
À propos d'un autre amendement, vous avez dit, monsieur le ministre, que vous étiez pour le « pour tous » en raison de votre attachement à la dimension collective et généraliste de l'action publique. Selon moi, vous faites là une confusion entre individualisme et individualisation. Or vous êtes un fin lettré. Je ne vais donc pas vous apprendre la différence entre ces deux termes. C'est un peu comme confondre le collectif et le collectivisme.
Se fixer comme exigence le « pour chacun » est extrêmement important. Je vais vous en donner une illustration. Le dispositif PARLER est extrêmement intéressant : il a pour but de réduire l'illettrisme et l'échec scolaire des enfants de familles défavorisées par un programme de prévention, d'acquisition du langage oral et des pratiques liées à l'écrit. Lorsqu'un enfant commence à développer des difficultés d'apprentissage, l'intervention doit être immédiate, individualisée – j'y insiste – et intensive : six heures par semaine, dédiées à la lecture par séquences de trente minutes ; travail en petits groupes de quatre à six élèves ; implication des parents en les rendant acteurs de l'aide qu'ils peuvent apporter à leurs enfants. Les conclusions sont tout à fait édifiantes et sans appel : les résultats en compréhension de l'écrit des élèves ayant bénéficié de ce dispositif sont non seulement proches de celles de l'échantillon national, mais aussi meilleures que celles du groupe témoin. Cela veut dire qu'il ne faut pas renoncer à l'individualisation, c'est-à-dire à l'exigence du « pour chacun ».