La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement sur des sujets européens.
La parole est à Mme Marie-Louise Fort, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, mais je tiens avant tout à avoir une pensée pour les nombreux usagers qui rencontrent d'énormes difficultés pour se déplacer en Ile-de-France et dans de nombreux départements du Nord et de l'Ouest du pays – je pense, en particulier, à la Normandie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC. De nombreux Français s'interrogent sur la gestion par le Gouvernement de ces intempéries. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
M. le Premier ministre s'est attribué, ce matin, un brevet de bonne conduite. Peut-être aurait-il pu afficher un peu plus de modestie !
J'en viens à ma question. Aujourd'hui, il est interdit de rapporter en France plus de cinq cartouches de cigarettes d'un autre pays de l'Union européenne. La Cour européenne de justice s'apprêterait à remettre en cause les articles 575 G et H du code général des impôts qui limitent le nombre de cartouches à l'import pour les particuliers et elle rendra sa décision le jeudi 14 mars.
Le Gouvernement a indiqué qu'il « adapterait le droit français aux exigences communautaires en matière de TVA et de fiscalité sur le tabac ». En termes plus clairs, l'État mettrait fin aux limitations légales d'achat de tabac à l'étranger.
Nous le savons tous, les buralistes constituent un réseau économique essentiel, surtout en milieu rural, le premier réseau de commerce de proximité de notre territoire avec 27 000 points de vente et 120 000 emplois. La hausse des prix du tabac que vous avez prévue va aggraver considérablement les différences de prix avec les pays voisins, développant ainsi un marché parallèle et une baisse du pouvoir d'achat des Français. Les mesures de la Commission européenne telles que les paquets génériques et le projet de plan « tabac » du ministère de la santé comme la suppression des linéaires vont également peser sur la profession.
Avant la nouvelle hausse des prix du tabac prévue pour le mois de juillet 2013, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre afin de ne pas pénaliser davantage une profession déjà touchée qui constitue un maillage essentiel de notre territoire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la députée, je ne sais pas très bien quel est le sens exact de votre question. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe UMP. C'est scandaleux !
En tout cas, nous n'avons pas, pour ce qui est des intempéries, de leçons à recevoir de la part de représentants politiques qui, en 2010, ont laissé le chaos s'installer dans notre pays ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Pour ce qui est, d'ailleurs, des difficultés auxquelles sont confrontés nombre de nos concitoyens, certains, qui étaient aux responsabilités en 2010, ont tenu des propos plus modérés que les vôtres.
S'agissant de la question du tabac, nous attendons effectivement une décision de la Cour de justice européenne. Toutefois, pour des raisons de santé publique et afin de lutter contre les trafics, la France réaffirme sa volonté d'encadrer les transactions en matière de tabac. Vous avez souligné le rôle que jouent les buralistes sur notre territoire. Au-delà de ce rôle, je veux, pour ma part, insister sur la nécessité qu'il y a à faire de la lutte contre le tabagisme une grande cause et une priorité de santé publique, ce qui nous amène à encadrer la façon dont nos concitoyens peuvent se procurer du tabac dans l'espace européen.
Pour cette raison, et sous réserve de la décision qui sera prise par la Cour de justice européenne, le Gouvernement français prendra des mesures permettant de continuer à réguler et à encadrer l'achat du tabac dans les pays étrangers. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mes chers collègues, je demande aux uns et aux autres d'être un peu moins bruyants afin que l'on puisse mieux entendre les questions et les réponses !
La parole est à M. Christophe Caresche, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s'adresse au ministre chargé des affaires européennes.
Au lendemain du vote au Parlement de Strasbourg d'une législation qui permettra à l'exécutif européen de donner un avis préalable sur les projets de budget nationaux, la question de la coordination au niveau européen des politiques économique et budgétaire doit désormais faire l'objet de la part de notre Assemblée d'une attention toute particulière.
C'est dans le cadre de cette coordination que se tient le Conseil européen des 14 et 15 mars, qui en constitue une étape importante, où les États fixeront les grandes orientations de politique économique devant être suivies au sein de l'Union.
La crise politique que vit l'Italie, la montée du rejet de l'Europe doivent conduire la Commission et un certain nombre d'États à prendre rapidement conscience de la nécessité de réviser le cours de leur politique européenne.
Tout d'abord, la Commission ne peut exiger de rajouter de l'austérité à la récession. Elle doit faire preuve, dans la définition du rythme d'ajustement des finances publiques, de plus de souplesse, ce que permettent d'ailleurs les marges de manoeuvre contenues dans le Traité et le Pacte de stabilité révisé. Il faut désormais que soit pris en compte le déficit structurel et non pas seulement le déficit nominal.
Ensuite, les pays excédentaires ne doivent pas continuer à mener des politiques budgétaires restrictives mais doivent relancer leur demande. Ces pays doivent savoir que la stabilité ne s'obtiendra pas sans la solidarité, dans une Union où chacun commerce avec l'autre.
Une zone monétaire dérégulée et sans transferts financiers entre régions riches et régions pauvres, comme c'est le cas, profite toujours aux plus compétitifs. On ne peut pas accepter de ces principaux bénéficiaires de l'euro une attitude d'égoïsme non conforme non seulement aux profits qu'ils en ont retirés mais également aux responsabilités qui leur incombent en tant que tels.
Monsieur le ministre, comment comptez-vous promouvoir au niveau européen une nouvelle approche plus équilibrée à la fois entre réduction des déficits et relance des investissements et entre soutien…
La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.
Monsieur le député, vous m'interrogez sur la nécessité de procéder à la réorientation des politiques de l'Union européenne dans le sens de la croissance. Telle est le souci du Président de la République, qui, depuis neuf mois, Conseil européen après Conseil européen, s'emploie à faire en sorte que l'Union européenne prenne des décisions témoignant d'une telle volonté.
Comme vous l'avez souligné, le Conseil européen de jeudi et vendredi sera l'occasion de débattre des grands enjeux de politique économique et de matérialiser autour d'un certain nombre de points cette réorientation des politiques de l'Union.
D'abord, le Conseil européen a décidé de mettre à l'ordre du jour de ses débats le pacte de croissance adopté au mois de juin de manière à en évaluer l'impact sur la situation de l'Union européenne, et de déterminer pays après pays les conditions dans lesquelles il a été mis en place. Ce sera d'ailleurs l'occasion pour ceux qui s'interrogent sur la traçabilité de ce pacte de la voir établie. La question est mise à l'ordre du jour du Conseil de la semaine prochaine et du Conseil du mois de juin.
Ensuite, nous devons faire en sorte, selon la résolution prise par le Parlement européen concernant le budget de l'Union, que ce dernier permette véritablement de financer des politiques de croissance. Par la flexibilité qu'autorise la clause de révision à mi-parcours, nous devons permettre la mobilisation de toutes les sommes nécessaires à la conduite des politiques de l'Union, ce qui permettrait de dépenser près de 50 milliards d'euros de plus que dans le précédent budget et de voir notamment augmenter le budget des politiques allouées à la croissance de près de 40 %.
Enfin, si nous voulons la croissance, nous devons poursuivre la remise en ordre de la finance. Cela signifie que l'ensemble des textes relatifs à l'union bancaire devront être pris, conformément au calendrier du Conseil européen, avant la fin du présent semestre. Cela signifie également que nous devrons, au terme de la mise en oeuvre de la supervision bancaire, de la résolution des crises bancaires et de la garantie des dépôts, procéder à la recapitalisation directe des banques, sans laquelle il n'y aura pas de possibilité de casser le lien entre dette souveraine et dette bancaire, dont on sait qu'il mine la croissance en Europe. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Ma question s'adresse au ministre chargé des affaires européennes.
Le 22 janvier, à Berlin, en m'exprimant au nom du groupe RRDP au Bundestag, je rappelais que, face aux nationalismes renaissants, l'Europe fédérale opposerait toujours la connaissance, l'innovation, le développement humain aux égoïsmes et aux souverainismes, qui sont une insulte à la paix et à la démocratie.
Peu de temps après, les élections italiennes venaient nous démontrer, une fois encore, que le populisme n'a jamais été aussi vigoureux en Europe et, au-delà du scrutin parlementaire, la prise de pouvoir par la Ligue de la région la plus riche de la péninsule, la Lombardie, démontre que l'égoïsme l'emporte sur les solidarités.
Pour défendre l'idéal européen face à la résistance qu'oppose à cette construction intégrée l'irréductible diversité des sociétés européennes, l'Union européenne a mis en place des stratégies transnationales et transfrontalières qu'il nous faut plus que jamais soutenir pour que la cohésion territoriale soit non pas seulement une théorie mais bien la recomposition d'espaces où nul ne se sente à la marge, où chacun participe à cette construction européenne à partir des territoires, des régions.
Depuis plusieurs années, de nombreux élus de l'arc alpin mais aussi la convention alpine prônent la mise en place d'une stratégie macrorégionale pour les Alpes, car cet espace a une cohérence, une culture commune pour les citoyens, au-delà de leur nationalité et de leur langue.
Ces stratégies déjà menées sur le Danube et la mer Baltique ont permis de faire émerger une autre Europe, celle des coopérations territoriales renforcées et de la gouvernance à de multiples niveaux, une Europe plus politique qui parle aux citoyens et retrouve sa géographie et son histoire.
Le Gouvernement va-t-il saisir le Conseil européen pour initier cette stratégie macrorégionale pour les Alpes et pour l'accompagner d'une ingénierie pour la porter ?
Ma seconde question a trait à la réalité transfrontalière. Dans sa version consolidée, le schéma national des infrastructures de transports a pointé la nécessité de réaliser cinq liaisons ferroviaires transfrontalières de proximité, là où n'existe aucune alternative à la route : Dinan-Givet, Mulhouse-Friburg-en-Brisgau, Genève-Annemasse, Briançon-Alta Valle di Susa, Pau-Canfranc.
Au-delà de la révision du SNIT, la France compte-t-elle s'engager pour que ces projets puissent être accompagnés par les budgets européens consacrés au transfrontalier et, en particulier, par la mobilisation des prêts de la BEI et du mécanisme d'interconnexion en Europe ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)
La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.
Merci infiniment pour votre question, monsieur le député, qui témoigne de l'importance des politiques transfrontalières pour approfondir les coopérations au sein de l'Union européenne, mais aussi pour mieux mobiliser les fonds européens prévus par les budgets de l'Union.
Comme vous le savez, dans le cadre des perspectives budgétaires négociées à l'occasion du dernier Conseil européen, il est décidé d'utiliser une partie des fonds de cohésion au développement de la coopération transfrontalière, à hauteur d'environ 3,5 % de la totalité de l'enveloppe, ce qui correspond à 11 milliards à peu près, et 73 % de cette enveloppe destinée à favoriser les coopérations entre régions seront plus particulièrement ciblés sur la coopération frontalière.
De nombreux territoires sont concernés par ces projets qui doivent permettre d'engager des coopérations transrégionales, transnationales autour de nombreuses thématiques et de mieux mobiliser les fonds européens, qu'il s'agisse des questions transfrontalières qui unissent dans les mêmes projets la France, Andorre et l'Espagne, de la coopération Rhin-Danube, ou encore de la volonté de développer des coopérations régionales sur la Baltique et la coopération transalpine dont vous avez parlé.
Nous avons l'intention d'accompagner en ingénierie le développement de cette coopération transalpine avec plusieurs objectifs de développement touchant au tourisme, aux transports, aux activités agricoles ou encore à l'exploitation de la forêt. Toutes ces questions sont traitées entre la France, l'Italie, l'Allemagne, l'Autriche, avec parfois la collaboration de la Suisse.
Quant aux moyens de transport, l'augmentation de près de 120 % du mécanisme européen d'interconnexion permettra de consacrer une partie de ce programme au développement des transports transfrontaliers. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)
La parole est à M. Gaby Charroux, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Mon collègue Alain Bocquet, bloqué par la neige dans le Nord, s'associe à moi pour cette question qui s'adresse à monsieur le ministre chargé des affaires européennes.
Partout en Europe, l'austérité est devenue le nouveau modèle sur lequel se fondent les politiques économiques et sociales. Pourtant, l'austérité a fait la preuve de son inefficacité et de sa contre-productivité, mais elle assèche à ce point les économies européennes que les peuples ne peuvent plus la supporter.
L'Europe compte ainsi 26 millions de chômeurs. En Grèce, huit plans d'austérité successifs ont conduit à une augmentation de 25 % de la dette, alors que le chômage est passé de 12 à 23 % de la population active. En Italie, il a bondi de 11 % en un an. Il en va de même pour l'Espagne, le Portugal et tant d'autres États. Plus aucun pays, ni même l'Allemagne, n'échappe aux ravages de l'austérité qui accélère le déclin européen.
Quand bien même je ne suis pas de ceux qui réduisent tout à la croissance, les chiffres prévus pour le prochain trimestre sont en recul.
Le libéralisme forcené, favorisé depuis dix ans par la France et l'Allemagne notamment, ainsi que le dogme de la réduction des dépenses publiques, ont encouragé la domination des marchés. Cela ne profite qu'aux actionnaires, tandis que les citoyens européens paient une lourde addition.
Les grandes entreprises européennes, quant à elles, dorment sur un tas d'or : elles ont stocké 366 milliards d'euros, selon l'expert économique Bloomberg.
Il faut rompre avec l'austérité, comme l'a déclaré hier le Président de la République, et la France doit donner le signal de cette rupture.
Monsieur le ministre de l'économie et des finances, comment la France entend-elle peser pour inverser ces logiques et créer les conditions nécessaires à une réforme de la BCE, de façon à la mettre à la disposition des États, si bien que les peuples ne soient plus les otages des grands groupes bancaires ?
Monsieur le député, nous nous trouvons en effet dans une situation de crise, et l'économie européenne est très dégradée. Je ne reprendrai pas tous les chiffres relatifs à la zone euro au dernier trimestre de l'année 2012, mais la croissance est négative à -0,6 point. La France, avec 0,3 point, fait ainsi mieux que ses partenaires, Allemagne comprise, ou moins mal plutôt, car nous ne saurions nous contenter de ce résultat.
C'est pourquoi nous devons mener une politique qui sache tenir les deux bouts de la chaîne : le sérieux budgétaire, qui est indispensable, mais également le souci de la croissance, qui ne peut être, ne doit être, ni ne sera l'oubliée de notre politique économique.
Le sérieux budgétaire s'impose car la dette publique dont nous avons hérité, et qui s'est accrue de 600 milliards d'euros au cours du dernier quinquennat, est une dépense improductive : tout euro consacré à son remboursement – et d'autant si elle devait coûter plus cher par manque de crédibilité –, c'est un euro en moins pour l'éducation, un euro en moins pour l'hôpital, pour l'emploi.
Une stratégie de désendettement s'impose donc. Dans le même temps, la croissance est indispensable. Or, si nous faisons moins mal que d'autres, c'est notamment parce que nous avons mené une politique favorable à la consommation des classes populaires et des classes moyennes, auxquelles nous sommes attachés.
S'ajoute, dans le cadre européen, le pacte de croissance que le Président de la République a obtenu lors du premier Conseil européen. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Tout un ensemble de dispositions est au service de ce pacte : qu'il s'agisse des fonds structurels européens, du fonds pour la jeunesse, de tout ce que nous mettons en oeuvre pour investir, de l'action de la BEI que Bernard Cazeneuve et moi-même voulons stimuler afin qu'elle investisse en priorité sur nos territoires.
Comme vous le voyez, monsieur le député, nous cherchons à mener une politique de sortie responsable de la crise, qui soit certes sérieuse, mais qui n'oublie jamais la croissance et agisse pour les peuples, tout en réduisant les inégalités.
Ma question s'adresse au ministre chargé des affaires européennes.
Alors que les prévisions de la Commission européenne confirment l'horizon sombre qui était annoncé, alors que la crise de confiance des peuples européens devient de plus en plus aiguë – j'en veux pour preuve les résultats des élections italiennes et l'échec politique de M. Monti –, les grandes orientations de la politique économique, telles qu'elles vont être définies par le prochain Conseil européen revêtent une importance particulière. La proposition de résolution qu'a soumise notre commission à l'Assemblée l'a d'ailleurs rappelé.
Ce matin même, le Parlement européen a rejeté (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste) les décisions budgétaires du précédent Conseil, marquées par les égoïsmes nationaux, et il a réaffirmé sa détermination de mettre en oeuvre la stratégie Europe 2020.
Les axes mis en avant par cette résolution, le choix de ne pas figer le budget jusqu'en 2020, la clause de révision et la valorisation des ressources propres comme la taxation sur les transactions financières sont-ils une aide dans vos négociations ? De même, les propositions pour une mutualisation de la dette pourront-elles être acceptées ?
Face aux conservateurs majoritaires en Europe, les écologistes se félicitent que plusieurs voix s'élèvent, comme celle du gouvernement français, pour pointer les risques d'une austérité à tout va et pour rappeler que la lutte contre le chômage et l'exclusion sont des priorités.
Or les propositions de la Commission négligent ces questions sociales, pourtant vitales pour la restauration de la confiance des peuples dans le projet européen et pour la pérennité de celui-ci. Pourtant, ce volet figure bien parmi les axes de recommandations et fait partie de l'Union économique et monétaire. Quel paradoxe !
Pensez-vous, monsieur le ministre, pouvoir faire prévaloir cette dimension sociale au cours du sommet européen ?
S'agissant de la PAC, pouvez-vous faire avancer le rééquilibrage en faveur du plafonnement, du verdissement et de l'installation des jeunes ?
Enfin, la transition énergétique et l'adaptation au changement climatique demandent des efforts indispensables et devraient être inscrites dans la liste des investissements prioritaires : telle doit être la croissance intelligente. Pensez-vous pouvoir remédier à cette lacune lors de ce sommet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)
La parole est à M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes.
Je vous remercie, madame la députée, de votre question relative au budget de l'Union européenne, qui témoigne de la nécessité pour ce budget d'accompagner les politiques de l'Europe 2020 et de faire évoluer la PAC.
Quelques chiffres tout d'abord, qui expliquent les demandes formulées par le Parlement européen à l'occasion de la résolution qu'il a adoptée hier. Le précédent cadre budgétaire de l'Union européenne s'élevait à 942 milliards d'euros de crédits de paiement. En novembre 2010, plusieurs chefs d'État et de gouvernement conservateurs de l'Union européenne avaient envoyé un courrier, dans lequel ils préconisaient un rabotage très dur des crédits de paiement nécessaires au financement des politiques de l'Union. Or, à la fin de la période budgétaire qui s'achève, l'Union européenne aura en réalité dépensé 80 milliards d'euros de moins que dans le budget adopté il y a six ans.
Si nous parvenons à faire en sorte que, grâce au principe d'une flexibilité maximale que le Président de la République a fait inscrire dans l'article 109 des conclusions du Conseil européen qui vient d'avoir lieu, tous les crédits de paiement nécessaires au financement des politiques de l'Union soient mobilisés, ce sont près de 50 milliards d'euros de plus qui seront dépensés dans le prochain budget.
Ces 50 milliards d'euros permettront de mener les politiques de l'Europe 2020, notamment celles liées à la transition énergétique, à laquelle vous faisiez référence à l'instant. De fait, le programme Connecting Europe, celui pour la recherche et pour l'innovation, celui encore lié aux politiques industrielles de demain verront leur budget augmenter de près de 40 %, faisant ainsi la preuve que ce nouveau budget peut bien être un budget de croissance.
Quant à la PAC, nous maintenons le niveau de nos aides directes ainsi que celui des crédits permettant l'aménagement rural, ce qui permettra, madame la députée, d'assurer le verdissement, la convergence et le plafonnement des aides, de manière à rendre cette politique plus juste.
C'est pour réussir la réorientation de l'Europe, autour d'un budget davantage consacré aux objectifs de la croissance, que nous avons mené cette action. Le Parlement européen, à travers ces revendications, montre l'écho qu'il donne aux préoccupations formulées par…
La parole est à M. Pierre Lequiller, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Événement historique : malgré une population active supérieure à quarante millions de personnes en Allemagne contre moins de vingt-neuf millions en France, il y a depuis janvier moins de chômeurs en Allemagne, 3,1 millions, soit un taux de 5.4 %, contre 3,2 millions en France, soit 10.5 %, le plus haut niveau depuis 1999.
La BCE, la Commission européenne et, chez nous, la Cour des comptes, recommandent toutes au gouvernement français d'effectuer de réelles économies, des diminutions de dépenses et des réformes structurelles.
Or la France n'engage pas l'effort de réforme courageuse que tous nos partenaires s'appliquent à eux-mêmes. Que retiennent avec stupéfaction nos partenaires, de droite comme de gauche ? Votre réforme de la retraite à soixante ans, quand eux font passer celle-ci à soixante-sept ans, Gerhard Schröder venant même, lors du dernier congrès SPD, de proposer de porter le seuil à soixante-dix ; votre matraquage fiscal confiscatoire, notamment l'impôt à 75 % qui fait le bonheur des Britanniques ; notre écart, qui devient un gouffre, en matière de compétitivité ; le renoncement à la baisse des charges ; les coups de menton contre les investisseurs étrangers et les entreprises, avec menaces de nationalisation ; le non-respect de la promesse de réduction du déficit budgétaire à 3 % en 2013. Même le président du groupe socialiste au Bundestag, M. Steinmeier, s'inquiète « des problèmes rencontrés par l'Italie, la France, l'Espagne » – comparaison pour le moins préoccupante.
Comment peut-on prôner la gouvernance économique de l'Europe, l'harmonisation fiscale et sociale en faisant le contraire de tous nos partenaires ?
Influence politique et performance économique vont de pair, la voix de l'Allemagne aujourd'hui si prépondérante le démontre. Quand changerez-vous de cap, car votre absence de courage nuit à la France et l'isole en Europe ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)
Monsieur Pierre Lequiller, je ne suis pas sûr – je suis même certain du contraire – que passer son temps à dénigrer son pays ne sert pas à le redresser. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.) Souligner sans arrêt ce qui irait bien ailleurs et ce qui irait mal chez nous me paraît une fort mauvaise attitude politique de la part de l'opposition.
Mais je tiens à vous répondre parce que votre question est totalement à contresens. Si nous sommes en train de mener la politique de réformes courageuses (Exclamations sur les bancs du groupe UMP – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC) que le Président de la République a annoncée hier, c'est bien parce que nous avons hérité d'une situation dégradée, et cette différence de performances, c'est celle que vous avez laissée au pays. Ainsi, la dette publique qui s'est accrue, c'est votre oeuvre ; le chômage qui a commencé à s'accroître très fortement il y a vingt et mois, c'est quand vous étiez aux responsabilités ; les déficits publics que vous nous avez laissés étaient supérieurs à 5 %. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Quant à la dégradation de la compétitivité française, qui explique tout ce que je viens d'évoquer ainsi que le déficit du commerce extérieur, voilà la situation que nous avons trouvée. À cet égard, oui, nous sommes en train de mener les réformes structurelles.
Dois-je les répéter ici ? Il y a la réduction des déficits, que nous menons courageusement (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), les réformes historiques du marché du travail, que vous n'avez jamais faites faute de dialogue social, un mot inconnu pour vous. Voilà ce que nous sommes en train de faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Il s'agit de redresser le pays, de redresser ses comptes, de redresser son appareil productif. (Mêmes mouvements.)
Je ne voudrais pas terminer sur une note qui paraîtrait agressive. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je vais donc vous citer quelqu'un que vous aimez bien comme moi, le ministre allemand de l'économie et des finances : Wolfgang, Schäuble. Il vient juste de déclarer qu'il était sûr que la France respecterait les règles européennes, qu'il faisait confiance au gouvernement français. Vous aussi, faites confiance au gouvernement français pour redresser le pays que vous avez dégradé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Yves Jégo, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
« Moi, Président de la République, je renégocierai le traité européen en privilégiant la croissance et l'emploi. » (« C'est vrai ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Telle était la promesse numéro onze du candidat François Hollande. Pourtant le 9 octobre dernier, l'Assemblée nationale ratifiait ce même traité sans que celui-ci n'ait été le moins du monde renégocié. (« Eh oui ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Pour justifier ce reniement et faire voter ceux qui avaient cru à cette promesse, votre gouvernement nous inventa alors un artifice dont il a le secret : certes, le traité n'avait pas changé, mais il était, selon les mots du Premier ministre, « rééquilibré » par le pacte de croissance. Chacun se souvient de ces 120 milliards, ces 120 milliards miraculeux que vous avez cités, monsieur le ministre de l'économie, à mettre à l'actif du seul François Hollande, ces 120 milliards qui devaient tout changer. Hélas ! Mille fois hélas ! L'illusion ne fut que de courte durée. Très vite, « la clé de notre avenir », selon l'expression du Premier ministre, est apparue comme un empilement fumeux de mesures déjà décidées et préparées par ses prédécesseurs. Lors du dernier sommet européen, il a même accepté, en silence, de cautionner, quoiqu'en dise le ministre des affaires européennes, une baisse historique du budget de l'Union, mettant fin ainsi à toute ambition sérieuse de relance par l'Europe ! Face à un tel renoncement, les députés européens viennent d'ailleurs de vous infliger un camouflet aujourd'hui même en refusant ce budget.
Ce qui devait être une Europe de la croissance et de l'emploi devient malheureusement, avec la complicité passive du Gouvernement, une Europe de l'austérité et du chômage En neuf mois, les mauvaises décisions à l'échelon national ont tué la croissance dans notre pays et fait exploser le chômage en France. Plus grave encore, en neuf mois, l'incapacité du Gouvernement à nous mettre d'accord avec l'Allemagne et les fausses promesses ont renforcé l'europhobie en isolant notre pays.
Quand y aura-t-il enfin une véritable initiative forte et puissante pour l'Europe de la croissance et de l'emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.
Monsieur Yves Jégo, vous êtes, comme le fait dire Michel Audiard dans un film bien connu qui n'a rien à voir avec le sujet aujourd'hui traité, « la proie des idées fixes ». (Sourires sur divers bancs du groupe SRC.)
Vous passez votre temps à interroger les ministres en expliquant que le plan de croissance de 120 milliards n'existe pas tout en voulant en rétablir la traçabilité. Pour ma part, je m'interroge sur la traçabilité du fonctionnement du groupe auquel vous appartenez parce que s'il fonctionnait correctement, vous devriez savoir qu'à l'ordre du jour du Conseil européen de jeudi et vendredi prochains, il y a précisément l'état d'avancement du pacte de croissance de 120 milliards d'euros dont vous êtes les seuls à considérer qu'il n'existe pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe UDI.)
Laissez-moi vous rappeler, une fois de plus, ce qu'il contient : la mobilisation de fonds structurels encore inutilisés à hauteur de 2,5 milliards d'euros, qui bénéficient à toutes les régions de France et qui permettent de faire de l'investissement dans les bâtiments d'habitat collectif en Champagne-Ardennes pour obtenir un meilleur bilan thermique comme de développer l'énergie solaire dans la région Aquitaine (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC), ou encore de développer, en Haute-Savoie, une économie numérique qui n'existait pas. Cela permet aussi de mobiliser, pour le canal Seine-Nord (Mêmes mouvements), les fonds de la Banque européenne d'investissement, ce que votre majorité n'avait pas réussi à faire quand elle avait demandé 6 % de fonds européens, afin de financer des projets qui, à votre époque, ne l'étaient pas.
Faut-il aussi évoquer la taxe sur les transactions financières, que piteusement votre majorité avait fait voter à la fin de la précédente législature, après l'avoir supprimé sous prétexte qu'il n'était pas possible de la mettre en oeuvre à l'échelle de l'Union européenne, alors qu'elle existe dans le cadre de la coopération renforcée ?
Bref, votre question est alimentée par une mauvaise foi notoire ou par une méconnaissance absolue de sujets sérieux qui méritent un autre traitement que celui que vous leur réservez. J'imaginais que le centre était beaucoup plus modéré ; en réalité, il est sectaire et partisan ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe RRDP. – De nombreux députés du groupe SRC se lèvent.)
La parole est à M. Hervé Gaymard, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Une industrie forte, monsieur le ministre, repose sur plusieurs piliers : une main-d'oeuvre de qualité, des prix de l'énergie compétitifs, des centres de décision qui ne soient pas hors sol, enfin une politique de la recherche et de l'innovation vigoureuse.
Malheureusement, l'Europe n'est plus, comme au temps de la CECA et de l'Euratum, au rendez-vous d'une politique industrielle et énergétique ambitieuse. La preuve : le budget qui vient d'être rejeté par nos collègues parlementaires européens sacrifie les dépenses d'avenir et, par ailleurs, une application intégriste de la politique de la concurrence, notamment par la Commission, interdit de faire bénéficier nos entreprises de tarifs d'énergie compétitifs (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) et, au surplus, interdit la constitution de champions européens, concept qu'un commissaire européen a, un jour, considéré comme un gros mot.
Dans ce contexte, monsieur le ministre, nous sommes très inquiets sur l'avenir de la filière aluminium en France, notamment de celui de l'usine Rio Tinto Alcan de Saint-Jean-de-Maurienne pour lequel nous nous battons tous afin de trouver une solution.
Monsieur le ministre, j'ai deux questions. S'agissant des tarifs de l'énergie, nous avons constaté avec peine que dans le débat sur la transition énergétique, rien n'était prévu pour les industriels électro-intensifs alors que nos partenaires allemands ne font pas de même. Seconde question : puisque RTA a décidé de céder cette usine il y a un an, où en est la recherche de repreneurs éventuels dans ce combat collectif pour l'industrie française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le député Gaymard, vous évoquez la question industrielle sur le plan européen. C'est une lutte difficile, mais les États membres, qui sont de plus en plus en difficulté, tentent de faire renaître une politique industrielle.
Le commissaire européen Tajani a fixé un objectif : que 20 % de la richesse nationale globale des pays membres soit d'origine industrielle en 2020. C'est une ambition considérable. Nous nous appuyons sur cet objectif pour dire aux autres commissaires, tenants d'autres politiques, qu'il va falloir assouplir certains aspects de cet intégrisme que vous désignez à juste titre comme étant excessif.
Et cela commence à fonctionner même si nos résultats ne sont pas encore à la hauteur de nos espérances. Je donnerai à la représentation nationale des informations précises qui montrent que la coalition franco-allemande commence à marquer des résultats en ce qui concerne l'assouplissement des aides d'État, l'évolution de positions trop dures sur ce sujet.
S'agissant de la filière aluminium, monsieur le député, Rio Tinto avait en effet annoncé son désengagement européen. La Vallée de la Maurienne qui intéresse les élus savoyards dont vous faites partie est évidemment concernée. Nous avons craint que Rio Tinto ne ferme pour délocaliser ses productions dans des zones où le prix de l'électricité est beaucoup plus bas.
J'ai la chance de vous annoncer – l'information date d'hier – que Rio Tinto a engagé des négociations exclusives avec l'entreprise Trimet pour la reprise du site de Castelsarrasin mais également de Saint-Jean-de-Maurienne. C'est une information importante parce qu'il s'agit d'une entreprise allemande et l'alliage, si j'ose dire, l'alliance que nous proposons est celle de la Banque publique d'investissement, des salariés du territoire savoyard, mais également de capitaux allemands. Je vous inviterai d'ailleurs ainsi que Thierry Repentin à m'accompagner en Allemagne pour nous rendre dans l'entreprise… (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Françoise Dubois, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Monsieur le ministre, nous mesurons tous l'importance d'une politique agricole commune forte, pour l'Europe comme pour notre pays.
En février dernier, le Président de la République s'est personnellement engagé pour la préserver et la consolider. Avec la réussite que l'on sait, puisque dans la dernière phase de négociation, il a obtenu 8 milliards d'euros supplémentaires pour la future PAC, par rapport à la proposition faite à l'automne par Herman Van Rompuy.
La PAC 2014-2020 devra être mieux orientée, c'est-à-dire plus juste, notamment en prenant mieux en compte la diversité de nos agricultures respectueuses de l'environnement.
Elle devra aussi être plus solidaire et plus équitable envers ceux qui ne peuvent vivre décemment de leur activité. Il en va de la reconnaissance de leur métier et de leur dignité.
Il nous faut donc relever ce défi de justice par une meilleure répartition des aides et un soutien appuyé aux productions qui nécessitent de plus en plus de main-d'oeuvre, surtout lorsque l'on connaît les disparités de revenus des agriculteurs en fonction de leur spécialisation. Je pense particulièrement, bien sûr, aux éleveurs. Il serait donc inacceptable de rester immobile face à cette situation.
Monsieur le ministre, l'élevage français est un domaine d'excellence et sa bonne santé est source de préoccupation pour tous. Votre engagement auprès de nos éleveurs est connu et reconnu, tout comme votre implication dans les récentes négociations de la PAC. Comme vous, nous sommes attachés à la qualité de leur travail, ainsi qu'à la pérennité de leur métier.
Mercredi dernier, vous avez d'ailleurs présenté en conseil des ministres un plan de relance exceptionnel pour l'élevage. Pourriez-vous faire part à notre assemblée des mesures que vous défendez dans le cadre des négociations de la PAC, en soutien à l'élevage, pour davantage de justice dans la répartition des aides ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Madame la députée, vous avez évoqué plusieurs sujets dont l'un mérite un petit rappel : les perspectives financières et le fait que la France ait défendu le budget de la politique agricole de manière commune.
Précisons la France pourra bénéficier d'un budget de 56,3 milliards d'euros, premier et deuxième piliers compris, contre 56,9 milliards d'euros sur la période précédente. Le budget du premier pilier baisse de 48,7 à 46,7 milliards d'euros ; celui du deuxième pilier augmente de 7,9 à 8,8 milliards d'euros.
Cela dit, certains enjeux dépassent la simple question budgétaire, ceux de la répartition des aides.
S'agissant de cette répartition, se pose la question de l'équilibre à trouver entre l'élevage et la production végétale.
Je pars ce soir en Irlande pour participer à cette négociation qui porte sur trois axes fondamentaux. Le premier concerne la sortie des droits à paiement unique, c'est-à-dire des aides historiques, avec une convergence qui va rééquilibrer certaines aides entre les différentes agricultures de notre territoire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Le deuxième axe porte sur l'idée de couplage des aides, spécialement pour l'élevage…
…puisque c'est l'une des conditions qui permet de compenser les différences en termes de revenu. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Le troisième axe, porté par la France, concerne le rééquilibrage des aides au profit des premiers hectares, afin de valoriser les cinquante premiers hectares, sur lesquels on trouve le plus d'emplois, en particulier ceux qui sont liés à l'élevage. Voilà les débats et les orientations qui sont les nôtres. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
La parole est à M. Étienne Blanc, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le ministre chargé des affaires européennes.
Monsieur le ministre, une grande partie de l'Europe affronte aujourd'hui une profonde récession. C'est vrai pour la Grèce, pour l'Espagne, pour l'Italie et aussi pour le Portugal. Dans ce contexte particulièrement inquiétant, le couple franco-allemand devrait plus que jamais constituer un pôle solide, capable de relancer l'économie européenne. L'Allemagne fait face à cette exigence. La France hélas non.
Alors que dans toute l'Europe on réduit la dépense publique, notamment en supprimant des postes d'agent public, avec le Gouvernement vous en créez 10 000. Alors que dans toute l'Europe on repousse l'âge du départ en retraite, vous décidez de le réduire. Alors que dans toute l'Europe on favorise l'investissement, vous confisquez aux ménages et aux entreprises leurs capacités en ce sens. Alors que dans toute l'Europe on prêche une modération fiscale, vous augmentez les prélèvements, dans la loi de finances rectificative de 2012 et la loi de finances de 2013, de 17 milliards sur les ménages et 15 milliards sur les entreprises.
Le résultat désastreux de cette politique se fait désormais sentir. Vous aviez, avec le Gouvernement, annoncé 3 % de déficit budgétaire pour 2013 : le Président de la République a été obligé de vous recadrer et annonce 3,7 %, ce qui inquiète nos partenaires européens. Pire, l'OCDE annonce que ce déficit sera porté à 3,9 % en 2014. Vous annonciez une croissance de 0,8 % pour la France en 2013 : elle est estimée à 0,1 % par Eurostat.
Avec ce Gouvernement, la France est le mauvais élève de l'Europe. Vous prélevez plus d'impôts, mais la France a plus de déficit. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le député, vous posez la question du couple franco-allemand et en même temps celle de la politique générale qui est menée en France.
Pour répondre à votre première question, je dois vous dire que nous attachons une grande importance au partenariat franco-allemand. Pour qu'il fonctionne bien, il faut qu'il soit équilibré. Cela signifie que du côté français, ce qui n'a pas toujours été le cas dans le passé, on fasse preuve de sérieux budgétaire et que du côté allemand on soutienne notre point de vue – qui n'est pas seulement celui de la France, mais de beaucoup d'autres pays – concernant l'importance de la croissance.
Certes les Allemands ont des performances considérables à l'export, même si le dernier trimestre connu fait état d'une baisse de la croissance de 0,6 %, ce qui est tout de même préoccupant. Mais il faut bien comprendre, et là est le fond de la question, que si l'Europe est en récession, en dépression, l'Allemagne elle aussi, tôt ou tard, en paiera le prix. Donc nous devons non pas nous opposer les uns aux autres, mais faire pour certains un effort, comme nous le faisons, nous Français, en matière de sérieux budgétaire, tout en demandant aux Allemands et à d'autres de faire un effort pour le soutien à la croissance.
Quant à votre appréciation générale sur ce qui se fait aujourd'hui et s'est fait hier, ce sont des conversations que nous avons toutes les semaines… Je me contenterai de vous dire, pour résumer la pensée de beaucoup de ceux qui sont dans cet hémicycle, que l'on ne répare pas en dix mois ce qui a été dégradé en dix ans. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
La parole est à M. Pouria Amirshahi, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre délégué chargé du développement, alors que les armées françaises et africaines combattent ensemble, je veux rappeler ici que la mère de toutes les batailles, c'est celle que nous devons mener contre la pauvreté. L'obscurantisme, la violence, les mafias et les trafics en tout genre se nourrissent d'abord et surtout de la misère, misère qu'aggrave chaque fois la corruption.
En effet, les armes ne régleront pas tout. En Afrique, c'est une autre politique de développement qu'il faut mettre en place. Je me réjouis d'ailleurs de votre annonce d'une loi de programmation dans ce domaine. Mais il s'agit maintenant de mobiliser toute l'Europe. Nous devons faire preuve de la même ambition dans notre relation avec l'Afrique que celle qui avait présidé à la reconstruction du vieux continent au lendemain de la seconde guerre mondiale.
En l'occurrence, notre première priorité doit être le rétablissement de la capacité des États du Sahel, et en particulier de leurs services publics – éducation, justice, santé – mis à mal ces dernières années par des politiques structurelles d'inspiration libérale. Celles-ci n'ont fait que fragiliser les structures étatiques, avec les résultats catastrophiques que l'on a vus. Trop d'exemples montrent que l'échec de l'État signifie la victoire des fléaux terroristes et mafieux. Plutôt que d'exiger des États qu'ils se démembrent, les politiques de développement doivent définir de nouvelles conditionnalités comme le respect des libertés fondamentales, la lutte sincère contre la corruption et la défense des droits des femmes, dont l'émancipation est une condition au développement.
Cette bataille est aussi une bataille européenne et elle commence au Mali – pour ramener la concorde et la paix, mais aussi pour faire fonctionner les infrastructures en eau et en énergie et les réseaux de transports. La France peut y associer étroitement ses collectivités locales et les diasporas. Leur connaissance du terrain est souvent un atout formidable. Les Maliens de France, mais aussi les Français du Mali sont les premiers acteurs de cette nouvelle ambition. Vous comprendrez que j'associe à ma démarche le président du groupe d'amitié France-Mali Razzy Hammadi.
Monsieur le ministre, réussir le développement, c'est donner toutes ses chances à la démocratie. Merci de nous dire quelles actions sont entreprises par le Gouvernement pour coordonner les actions européennes et enfin affronter ce défi historique. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
Monsieur le député, l'équation de la France au Mali est simple : pas de développement possible – et donc de lutte contre la pauvreté – sans sécurité, et pas de sécurité durable sans développement. C'est pourquoi nous sommes engagés sur les deux fronts à la fois, pour gagner l'intervention militaire et la paix.
Cette stratégie de développement, avec Laurent Fabius, nous avons voulu qu'elle soit profondément européenne. C'est pour cela que l'ensemble des pays européens ont repris en même temps leur aide publique au développement, basée sur les mêmes critères de conditionnalité, notamment la feuille de route adoptée par le parlement malien fin janvier.
Maintenant, il s'agit évidemment de rendre cette reprise de l'aide réelle sur le terrain, c'est-à-dire de tout coordonner. Je pense que nous sommes en train de réussir là où la plupart du temps il y a échec – en train de réussir la coordination de la reprise de l'aide. Nous avons une liste de priorités, établie par l'ensemble des acteurs européens sur place, et nous nous sommes réparti le travail : ainsi, la France par exemple va financer la reprise de l'électricité et de l'eau à Tombouctou quand la Commission européenne va financer le retour des déplacés chez eux.
Cela veut dire que nous avons réussi cette coordination européenne. Nous savons que dans d'autres dimensions de la crise malienne c'est difficile, mais en matière de développement nous l'avons fait.
Nous allons également mobiliser la communauté internationale pour obtenir le maximum d'engagements au service du développement du Mali et du Sahel. Pour ce faire, nous organisons le 15 mai une grande conférence à Bruxelles, sous présidence française et européenne, à laquelle participeront le président Barroso et le Président de la République. Enfin, nous menons des initiatives franco-françaises : nous serons le 19 mars avec les collectivités locales et le 10 avril à Montreuil avec les diasporas. Notre objectif, c'est de mobiliser tout le monde pour gagner la paix. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
La parole est à M. Jean-Louis Christ, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question porte sur l'augmentation de la TVA sur les services à la personne.
À compter du 1er juillet 2013, recourir à une entreprise pour entretenir son jardin, pour dispenser des cours à domicile ou pour faire de l'assistance informatique coûtera plus cher. En effet, la Commission européenne a décidé, soutenue par le Gouvernement, de soumettre au taux normal de 19,6 %, à partir du 1er juillet, cinq sous-secteurs des services à la personne fournis par des sociétés qui jusqu'alors bénéficiaient du taux intermédiaire de 7 %. Ce sont principalement le gardiennage, les cours à domicile, l'assistance informatique et le jardinage.
Au mois de juin 2012, sous la pression de Bruxelles, votre Gouvernement a été amené à faire ce choix.
Les conséquences de l'entrée en application de cette hausse de la fiscalité sur les services à la personne sont particulièrement préjudiciables pour l'emploi. Ce sont près de 25 000 emplois qui risquent d'être supprimés dès cette année si une telle mesure venait à entrer en application.
À l'heure où notre pays est frappé par une crise sans précédent, les acteurs économiques ont besoin d'être soutenus pour maintenir les emplois. Or une hausse de dix milliards d'impôts nouveaux sur les entreprises à l'automne dernier met en grande difficulté les entreprises de notre pays qui souffrent déjà durement de carnets de commandes peu fournis. La hausse de la TVA sur les services à la personne alourdirait encore la fiscalité sur les entreprises dans cette période bien difficile. Les professionnels du secteur vous demandent donc de reporter cette hausse en 2015, dans le cadre d'une renégociation de la directive européenne sur la TVA. Cela leur laisserait plus de temps pour s'adapter et envisager une négociation mieux adaptée.
Aussi, je vous le demande, monsieur le ministre : comptez-vous, sachant ses conséquences catastrophiques pour l'emploi dans les entreprises de services à la personne, maintenir cette hausse de la TVA pour le 1er juillet prochain ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances.
Un député du groupe UMP. Et des impôts !
Monsieur le député, votre question est sérieuse, et beaucoup de Français attendent une réponse. J'en regrette quand même le caractère légèrement polémique (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) : vous laissez penser que ce serait là un choix du Gouvernement, alors que vous savez très bien qu'il ne s'agit pas de cela. Il s'agit de remplir une obligation pour respecter le droit communautaire. C'est aussi une discussion avec la Commission européenne qui n'a pas commencé avec ce Gouvernement mais qui a duré plus de deux ans. Dois-je rappeler qui était aux responsabilités il y a plus de deux ans ? (Mêmes mouvements.)
Si, finalement, Jérôme Cahuzac a en effet annoncé cette hausse, c'était pour ne pas s'exposer au risque que vous n'avez pas su vous-même conjurer, celui d'une condamnation par la Cour de justice de l'Union européenne, qui aurait porté sur un champ beaucoup plus vaste que celui de ces cinq catégories de services à la personne pour lesquelles le taux de la TVA passe de 7 % à 19,6 %. Je pense notamment au soutien scolaire.
Nous avons évité cela. Nous avons fait un choix responsable ; vous devriez d'ailleurs le reconnaître comme tel.
Je signale par ailleurs que nous menons une politique favorable auxdits services, notamment en termes de dépense fiscale ou d'exonérations. Ils pourront bénéficier, par exemple, d'exonérations dans le cadre de l'impôt sur le revenu, ou encore du crédit d'impôt compétitivité emploi, ce qui réduira l'effet de cette hausse regrettable pour les citoyens français, de cette hausse que vous n'avez pas su éviter.
N'entretenez donc surtout pas de polémique sur ce sujet, très sérieux, qui n'en mérite aucune. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
Perdue de vue, disparue : bientôt un avis de recherche pourrait être lancé. Où est passée Mme Ashton, Haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ? Si l'on parle du Mali, où est passée, avec Mme Ashton, l'Europe ?
Depuis le 11 janvier 2013, la France est engagée au Mali. Plus précisément, la France est engagée seule au Mali.
Dès l'annonce de l'opération Serval, les députés du groupe UDI et leur président Jean-Louis Borloo ont apporté un soutien sans réserve au Président de la République et au Gouvernement, dans un esprit de responsabilité et d'union nationale, face à une situation d'extrême urgence et de danger, tant pour la population malienne que pour les 6 000 ressortissants français de Bamako. Un hommage tout particulier doit être rendu à nos hommes, à nos soldats sur le terrain qui, dans des conditions difficiles, font un travail tout à fait remarquable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Toutefois, dès les premières heures de l'intervention de nos troupes au Mali, et compte tenu de la gravité de la situation, le groupe UDI a demandé la réunion d'un sommet européen a appelé le Président de la République à un tour des capitales de l'Europe. Il a appelé le Gouvernement à une mobilisation véritablement européenne qui, à notre grand regret, n'a pas réellement eu lieu.
Trois mois après le début de l'opération Serval, où sont nos partenaires européens ? Au-delà d'un soutien logistique et hors l'aide à la formation, la France est toujours seule sur le terrain.
Pourtant, au-delà du Mali ou du Nord-Mali, c'est tout l'arc sahélien, méditerranéen, s'étendant jusqu'à l'Afrique centrale, qui est concerné. C'est bien la région tout entière qui connaît une grave crise et se trouve déstabilisée, par des trafics mais aussi par une guerre djihadiste. Face à un sujet panafricain, c'est donc une réponse paneuropéenne et internationale, qui est nécessaire. À ce titre, nous saluons la perspective de la mise en place d'une opération de maintien de la paix de l'ONU au Mali.
Monsieur le ministre, quel est votre plan d'action pour une mobilisation politique de l'Europe en Afrique en général, au Mali en particulier ?
Monsieur le député, merci de votre soutien renouvelé, puisque vous la soutenez depuis le début, à l'initiative de la France au Mali – nous avons eu l'occasion d'en parler plusieurs fois.
M. Canfin vient d'expliquer, à juste raison, que, sur la partie développement, qui est importante même si, bien sûr, ce n'est pas la seule, nous avions le soutien de l'Europe. Nous l'avons demandé, nous l'avons obtenu, très bien.
De la même façon, pour être parfaitement honnête vis-à-vis de l'Europe, il faut reconnaître que la formation de l'armée malienne sera assurée, dans une large mesure, par des soutiens européens, comme vous le savez, monsieur Folliot. C'est une bonne chose.
En revanche, pour la partie sécurité, initiative militaire, votre constat est malheureusement assez exact : c'est essentiellement sur la France et sur les troupes africaines qu'il a fallu s'appuyer.
On comprend bien que c'était nécessaire au début. Nous n'allions pas, alors que l'attitude des groupes terroristes était ce que vous savez et que la décision devait être prise en quelques heures, consulter l'ensemble des partenaires. Certains nous ont aidés, et il faut le reconnaître. J'en discutais tout à l'heure avec mon collègue et ami M. Le Drian : en ce qui concerne le ravitaillement et un certain nombre d'aides logistiques, vous l'avez souligné, il y a eu des aides. Cependant, c'est vrai, la France et ses soldats, auxquels vous avez à juste titre rendu hommage, assument l'essentiel de la charge du travail et de la responsabilité.
Ce n'est malheureusement pas surprenant, parce qu'il n'y a pas de politique de défense européenne. Nous devons, monsieur Folliot, unir nos efforts pour qu'il y ait vraiment, à l'avenir, dans ces circonstances et dans toutes les autres une véritable action européenne.
La France n'est pas seule, on le verra à l'ONU. Simplement, une fois de plus, elle est à l'initiative.
La parole est à M. François Vannson, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture.
Monsieur le ministre, à l'issue du vote du budget de l'Union européenne, le Président de la République a affirmé que la part attribuée à la France dans le budget de la politique agricole commune ne baisserait pas. Il y a quelques jours, au salon de l'agriculture, il déclarait encore avoir stabilisé – en euros courants – les aides versées à nos agriculteurs, qu'il s'agisse des aides directes à la production, qui relèvent du premier pilier de la PAC, ou des aides pour le développement rural et environnemental, qui relèvent du second pilier.
Or, il semblerait que la réalité soit bien différente ! Depuis quelques jours plusieurs médias spécialistes des sujets agricoles remettent totalement en cause les annonces du Président de la République. En effet, pour ce qui concerne le second pilier, notre pays ne bénéficierait pas d'un financement d'un milliard d'euros par an, comme annoncé, mais d'un milliard d'euros sur l'ensemble de la période 2014-2020. En résumé, au lieu de percevoir 7 milliards d'euros, notre secteur agricole n'en percevrait qu'un seul, soit un manque à gagner de 6 milliards d'euros.
Soucieux de développer une agriculture de qualité respectueuse de l'environnement, nos agriculteurs sont dans leur grande majorité disposés à faire des efforts. Encore faut-il que ces efforts soient accompagnés par un programme d'aides adapté pour éviter que la logique de la « croissance verte » ne se transforme en sanction environnementale. La question est grave. Sans ces aides, de nombreux exploitants devront en effet s'endetter pour respecter les nouvelles normes écologiques. Certains risquent même d'être obligés de cesser leur activité, notamment dans les zones de montagne.
Aussi, monsieur le ministre, face aux doutes qui planent sur la véracité des déclarations du Président de la République, et sans esprit polémique, pouvez-vous nous éclairer sur la réalité des négociations du budget de la PAC et affirmer solennellement devant la représentation nationale que la part de la France ne sera pas réduite ?
La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Monsieur le député, la réponse que j'ai faite à l'un de vos collègues m'a déjà permis de préciser les perspectives de la France au regard du budget européen. Je vais donc répéter ces éléments.
La PAC est composée de deux piliers. Pour ce qui concerne la France, le premier pilier est doté de 47,6 milliards d'euros, le second de 8,8 milliards d'euros. Dans la période précédente, la France a touché 7,9 milliards d'euros au titre du second pilier. Un milliard d'euros supplémentaire a donc été obtenu au titre du second pilier. Ce milliard d'euros supplémentaire compense par ailleurs une diminution d'un milliard d'euros au titre du premier pilier. Voilà la vérité des chiffres !
Je ne sais pas de quels médias vous tirez vos informations. Donnez-moi vos références, et je les appellerai pour préciser les choses.
Je le dis de la manière la plus solennelle qui soit : rien, dans les perspectives financières, ne laisse penser qu'il s'agit uniquement d'une hausse d'un milliard d'euros pour la période entière. Nous en sommes à 8,8 milliards d'euros : voilà la vérité ! (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)
À partir de là, le second pilier devra également être discuté. Les grands enjeux, comme la compensation des handicaps naturels ou la prime à l'herbe, sont concernés, mais aussi les mesures agro-environnementales. Sur ce dernier point, je proposerai – nous aurons l'occasion d'en discuter de nouveau – des évolutions visant à prendre en compte de manière globale l'agriculture et l'agronomie pour éviter des mesures trop ciblées et ponctuelles, qui ne prennent pas en compte ce que l'on appelle les « effets de système ». L'agriculture a besoin aujourd'hui d'un grand projet qui réconcilie l'économie et l'écologie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
La parole est à M. Jacques Valax, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, la crise économique et financière se prolonge par une crise sociale qui affecte les peuples européens. Depuis 2008, ceux-ci subissent les conséquences des dérives du système financier. Nos peuples sont affectés par la contraction du marché du travail et la progression du chômage, qui touche désormais plus de 26 millions d'Européens.
Alors que la crise sociale est de plus en plus prégnante, notamment dans les pays du sud de l'Europe, les institutions européennes doivent se poser la question du devenir et de la pertinence d'une véritable Europe sociale. Les socialistes sont particulièrement attachés à cette dimension de la construction européenne, trop souvent négligée par les États membres. Malheureusement, sous la majorité précédente, la France ne s'est pas distinguée à ce sujet. Elle a même brillé par son absence et par son silence !
Alors que l'intégration économique, budgétaire et politique poursuit sa progression, l'intégration sociale, qui seule permet d'élargir le socle commun des peuples européens, doit devenir une priorité européenne. Madame la ministre, nous en sommes convaincus : il est grand temps de créer une véritable Europe sociale, prenant en compte la dimension humaine, pour combattre le sentiment anti-européen qui met en péril l'ambition de paix et de prospérité portée par nos aînés.
Sous l'impulsion du Président de la République, notre pays est engagé dans le défi de la réorganisation et de la réorientation de l'Union européenne vers plus de croissance, de projets et de solidarité. Nous exigeons que la dimension sociale soit encore plus intégrée et valorisée dans le projet européen.
Madame la ministre, ma question est simple. Quelles sont les propositions de la France concernant cette dimension sociale ? Comment envisagez-vous l'approfondissement de l'intégration au sein de la zone euro ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Monsieur le député, vous avez raison de souligner que l'Europe s'est développée comme un espace de paix et de prospérité. La croissance économique que nous avons connue au cours des décennies antérieures a permis à nos pays de développer un niveau inégalé de protection sociale. Aujourd'hui, le défi est à la hauteur de cette réussite. Il s'agit de savoir si, face à la crise, nous pourrons aller de l'avant et répondre aux nouveaux problèmes que rencontrent nos concitoyens. À cet effet, il est nécessaire de revoir la manière dont nous mettons en oeuvre nos politiques économiques.
Vous avez raison de souligner que de profondes innovations doivent être promues dans l'espace social. L'Europe sociale doit être approfondie, si nous ne voulons pas laisser prise au populisme qui se développe sur notre continent. La France porte cette idée. Le Président de la République, en défendant le pacte de croissance, qui est aussi un pacte de solidarité, a mis en avant l'exigence d'une Europe sociale, qui accompagne l'exigence de développement économique.
Pour cela, Michel Sapin et moi avons proposé au niveau européen un certain nombre d'innovations.
Premièrement, il est temps de disposer d'indicateurs sociaux pour que les politiques économiques ne s'accompagnent pas de dégâts sociaux, de manière à ce que le progrès social soit toujours au rendez-vous.
Deuxièmement, nous affirmons, lors des réunions du Conseil européen, notre volonté d'associer davantage les partenaires sociaux à l'élaboration des politiques européennes. Nous pensons que les ministres des affaires sociales et de l'emploi doivent pouvoir, face aux ministres de l'économie et des finances, faire valoir des objectifs sociaux. Enfin, nous voulons lutter contre le dumping social. Pour cela, il faut proclamer un socle de protection sociale minimum, auquel il ne doit pas être possible de déroger. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La séance de questions au Gouvernement sur des sujets européens est terminée.
Europe sociale
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Sandrine Mazetier.)
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 839 à l'article 1er.
Madame la présidente, monsieur le ministre de l'éducation nationale, madame la ministre déléguée chargée de la réussite éducative, monsieur le rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, mes chers collègues, dans sa rédaction actuelle, l'alinéa 8 du rapport annexé traduit – je pense l'avoir déjà dit hier – l'esprit partisan du projet de loi. Selon vous, monsieur le ministre, la situation délétère de l'école ne daterait que de 2002. Si nul ne conteste, parmi mes collègues du groupe UMP, la validité des études internationales, le décrochage ne s'est pas fait à la suite d'un effondrement subit, imposé par un camp politique dont l'unique souhait aurait été de faire des enfants scolarisés en France des analphabètes. À la lecture de votre texte, nous avons l'impression que vous êtes en train de sauver la France après une longue période de folie collective !
Je vous rappelle donc qu'entre 1980 et 2011, en euros constants, la dépense d'éducation a crû, en moyenne, légèrement plus vite que la richesse nationale : plus 2 % par an contre plus 1,8 % par an pour la richesse nationale. En 2011, la dépense intérieure d'éducation a atteint 137,4 milliards d'euros, soit 6,9 % de la richesse nationale. Pour l'éducation, la collectivité nationale, tous financeurs confondus, réalise un important effort financier, à hauteur de 2 110 euros par habitant ou de 8 250 euros par élève ou étudiant.
Comme vous le voyez, l'effort est constant depuis 1980. Pourtant, et vous avez raison de le souligner, la proportion des élèves de quinze ans connaissant de grandes difficultés de maîtrise de la langue écrite est aujourd'hui de près de 20 %. Elle a augmenté d'environ 30 % entre 2000 et 2009, passant de 15 % à 20 %. Aussi me semblerait-il préférable que nous fassions tous preuve de modestie. Si nous n'avons pas tout réussi, il est abusif d'affirmer que nous avons échoué sur tout, car le problème de la refonte de l'éducation nationale se pose depuis près de trente années.
En datant les difficultés de 2002, vous décidez délibérément d'introduire un clivage dans une loi qui devrait rechercher le consensus, un objectif qui implique non seulement de faire preuve de modestie mais également d'agir d'une façon qui ne soit pas méprisante. C'est pourquoi il est indispensable de rétablir une vision prospective qui soit fidèle à la réalité. Tel est l'objet de cet amendement.
La parole est à M. Yves Durand, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, pour donner l'avis de la commission sur cet amendement.
Je répondrai de la même manière que je l'ai fait la nuit dernière sur un certain nombre d'amendements qui visaient à insérer dans le rapport annexé des études et documents divers. Bien que ceux-ci soient tous très intéressants et apportent un éclairage particulier – et d'ailleurs, en général, pour condamner ce qui a été fait dans les dix ans qui viennent de s'écouler –, le rapport annexé ne peut pas être une liste de toutes ces données. Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, pour donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement.
Je regrette que, pour commencer nos débats de ce jour, le Gouvernement n'ait pas d'avis sur un sujet qui est important et sensible ; nous l'avons déjà dit hier et nous le répéterons aujourd'hui.
Les données citées par notre collègue Paul Salen méritent quand même d'être rappelées. On ne peut pas avoir une mémoire sélective et ne retenir que les chiffres qui conviennent pour entretenir une polémique alors que d'autres données indiquent bien que, entre 1980 et 2011, la dépense d'éducation a crû, en moyenne, légèrement plus vite que la richesse nationale et qu'elle a atteint 137,4 milliards d'euros, soit 6,9 % de la richesse nationale. Pour l'éducation, la collectivité nationale, tous financeurs confondus, réalise un important effort financier à hauteur de 2 110 euros par habitant ou de 8 250 euros par élève ou étudiant.
Ce sont des données objectives qui permettent de montrer, au-delà des changements et des alternances, l'effort qui a été consenti par notre pays. Le problème, monsieur le ministre, c'est que vous ne voyez l'effort qu'à sens unique. L'éducation ne serait bien servie que sous une majorité de gauche, et connaîtrait invariablement de mauvaises périodes lorsqu'elle serait gérée par la droite.
Avec cette vision polémique, comment voulez-vous ensuite rassembler, comme vous l'indiquez ?
Par ces amendements, nous voulons dénoncer le mensonge que vous portez, en vous invitant à retenir des données qui nous permettent de nous rassembler. Les données chiffrées que nous présentons ici sont objectives et portent sur une période de trente ans ; mais, une fois encore, vous les refusez parce qu'elles vont à l'encontre de la démonstration que vous voulez faire.
(L'amendement n° 839 n'est pas adopté.)
Pour partir sur de bonnes bases, je pense que nous devons défendre nos amendements, d'autant plus qu'il est question ici de la maîtrise de la langue française à l'écrit. Il s'agit d'un amendement de précision, mais je voudrais également rappeler que cet alinéa se réfère à la performance des élèves français dans les tests internationaux. Elle serait notamment en baisse en mathématiques. Derrière ces chiffres, il faut relever que même si de bons élèves réalisent de bonnes performances, le fossé se creuse malheureusement entre ceux qui réussissent bien et ceux qui ont des difficultés. On peut également regretter – mais nous aurons de nombreuses occasions d'y revenir au cours de la discussion du projet de loi – la différence entre garçons et filles, notamment pour ce qui est des performances en mathématiques.
Je voudrais profiter de la présentation de cet amendement pour vous dire que je me réjouis, comme nombre de mes collègues, du lancement officiel de l'année 2013 comme année de lutte contre l'illettrisme.
Cette initiative prouve bien que nous devons faire des efforts dans ce domaine-là. Pour commencer ces discussions aujourd'hui sur de bonnes bases, je rappellerai une pensée de Condorcet : « Celui qui a besoin de recourir à un autre pour écrire ou même pour lire une lettre […] réduit à une chimère humiliante pour lui-même l'égalité prononcée par la nature et reconnue par la loi. » C'est malheureusement encore très vrai aujourd'hui.
Avec cet amendement, nous souhaitons évidemment mettre l'accent sur la nécessité de maîtriser la langue française à l'écrit, un élément évidemment important lorsqu'on parle d'éducation. C'est un sujet sur lequel la nécessaire ambition doit être au rendez-vous.
D'ailleurs, pour les textes qui concernent l'école, plus nous pourrons être précis dans la formulation, mieux nous nous porterons, parce que c'est aussi une manière d'éviter toute interprétation. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons vivement que l'on complète la formulation actuelle de l'alinéa 8 du rapport annexé en insérant, après le mot « maîtrise », les mots : « à l'écrit de la langue française ».
Chers collègues, on ne peut qu'être attaché, comme vous, à la maîtrise de la langue française, à l'oral comme à l'écrit. C'est d'ailleurs pour cela que, en 2005, dans le cadre de la discussion de la loi Fillon et à l'unanimité, je crois, nous avions inscrit à l'article L. 111-1 du code de l'éducation la phrase suivante : « L'école garantit à tous les élèves l'apprentissage et la maîtrise de la langue française ». Il me semble que votre amendement est largement satisfait. Il est donc inutile de le retenir.
Je confesse ma surprise. On nous disait hier que le rapport indexé n'était absolument pas bavard. Mais la logique de la commission est à géométrie variable : le texte du Gouvernement bénéficie d'une certaine indulgence, alors que les propositions de l'opposition se voient systématiquement rejetées.
Cela ne me semble pas très bon. À l'évidence, un écart sépare les discours et les actes. M. le ministre a ouvert la discussion en appelant à être constructif, mais nous cherchons toujours, et en vain, les aspects constructifs de nos débats. D'ailleurs, cet après-midi, le ministre donne l'avis du Gouvernement en restant assis et silencieux. Cela n'est pas bon. Nous sommes ici au Parlement. Il est important que nous ayons des réponses, à tout le moins. Être en désaccord est votre droit le plus strict, mais il vous devez respecter l'opposition. Nous aimerions qu'en retour des arguments que nous prenons la peine de développer vous contre-argumentiez. C'est la règle en démocratie. Si votre optique est celle de l'autocratie, nous avons un problème de fond. Ce n'est pas notre philosophie de la République.
(Les amendements identiques nos 511 et 678 ne sont pas adoptés.)
En effet, on croit entendre les réponses polémiques aux questions d'actualité quand le Gouvernement fustige sans cesse les années 2002-2012 ou 2000-2009. Comme si l'échec scolaire ne datait que de quelques années, monsieur le ministre ! J'ai été élevé par une hussarde de la République et je garde toujours en mémoire ce qu'elle m'a appris : l'amour de la patrie, le travail et l'engagement. Que me disait cette hussarde de la République ? Que le taux d'échec scolaire, à la sortie du primaire, est malheureusement constant depuis des décennies. Alors, un peu de modestie ne vous messiérait pas, vous qui prétendez « refonder » l'école de la République.
Il faut prendre acte de notre échec collectif en matière d'apprentissage de notre langue écrite à l'école primaire. Cessez de montrer du doigt les années au cours desquelles vous n'étiez pas aux affaires. Je souhaite qu'on prenne acte avec beaucoup plus d'objectivité et beaucoup moins de polémique du retard qu'il nous faut rattraper.
Cet amendement vise à supprimer la référence aux années 2000-2009 dans les comparaisons internationales. Non pour les effacer, car nous en assumons tout à fait la responsabilité, mais simplement pour indiquer qu'on ne peut évidemment pas remonter aux années précédentes faute de comparaisons internationales. Il s'agit tout simplement d'éviter la polémique et de nous mettre d'accord. Nous proposons donc de dire que la France s'éloigne en effet de la tête du classement et que son niveau baisse mais pas simplement depuis 2000. Il se trouve que c'est l'année où ont été mises en place des comparaisons internationales. C'est le seul élément objectif, qui n'a rien à voir avec les alternances. Ou alors, on est dans le préjugé et le procès d'intention.
Non, les échecs de notre système éducatif ne datent pas des dix dernières années. Sinon, comment expliquer que le Premier Ministre vienne de déclarer, et c'est heureux, la lutte contre l'illettrisme grande cause nationale ? Les 2,5 millions d'illettrés qui ont vingt, trente ou quarante ans aujourd'hui ne sont pas d'anciens élèves des ministres Chatel et Darcos mais des précédents, de droite comme de gauche. Acceptez-le une bonne fois pour toutes et si vous le voulez bien, monsieur le ministre, levez-vous et dites-nous votre opinion sur ce point.
La commission s'est penchée sur ce problème chronologique, qui est aussi profondément politique. Nous en avons débattu assez longuement la nuit dernière, je ne vais donc pas reprendre très exactement la même argumentation. Ce rappel ne procède d'aucune volonté polémique.
Je suis un produit de l'école des hussards noirs de la République comme vous, mon cher collègue Myard. J'ai donc la même volonté d'aller au fond des choses et de dire la vérité. Celle-ci, consignée à l'alinéa 6 du rapport annexé, est simple : l'école ne progresse plus depuis vingt ans. C'est un fait.
Depuis dix ans, depuis que ces enquêtes internationales sont faites, des problèmes lourds se posent, en particulier en ce qui concerne les fondamentaux, auxquels nous sommes tous attachés. Par ailleurs, soit dit sans esprit polémique, chacun a le devoir d'assumer son bilan. Ne bondissez donc pas à chaque fois qu'il est rappelé que vous avez été dix ans aux affaires ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai eu hier l'occasion de vous répondre, monsieur le député. Mais le débat a beau être le même, je ne voudrais pas que vous ayez le sentiment que je néglige vos inquiétudes. Je vais donc répéter la même argumentation.
Comme je vous l'ai dit et comme vous avez oublié de le signaler, il existe un premier alinéa dans lequel nous reconnaissons que les difficultés sont anciennes. Mais nous disposons de trois ordres d'information : PIRLS, PISA et les travaux de l'ADEP. Nous avons eu ce débat à une heure assez tardive, une députée de votre groupe souhaitant même des précisions sur PIRLS qui porte sur les cinq dernières années. Il se fait que les trois études précises dont nous disposons portent sur les dix dernières années.
Vous y voyez une polémique à votre endroit mais la science n'est ni de gauche ni de droite, et ces chiffres valent pour tout le monde. Ils ne vous accusent pas particulièrement mais on ne va quand même pas refaire la science au motif que ces dix ans vous désobligent. Les évaluations dont nous disposons, tant PISA et PIRLS que l'ADEP, montrent l'accentuation des difficultés des élèves français au cours des dix dernières années.
Nous soutenons cet amendement. Outre les chiffres indiqués, il en est d'autres qui me semblent particulièrement pertinents et qui battent en brèche la théorie selon laquelle la décennie écoulée aurait contribué à saccager notre système éducatif, ce sont les chiffres, disponibles, des journées défense et citoyenneté. Ils indiquent que notre pays compte 20 % de lecteurs inefficaces. Ces journées défense et citoyenneté s'adressent à une classe d'âge qui n'est pas née sous Sarkozy ou Chirac, mais au début des années 1990. Depuis plusieurs années, les chiffres témoignent des mêmes insuffisances. Je considère donc que ces amendements ont toute leur pertinence et que stigmatiser une période particulière de la Ve République pour expliquer l'échec de notre système éducatif, ce n'est pas sérieux.
Je suis particulièrement surpris par l'argumentation de M. le ministre. Ce texte est bavard, il est donc susceptible de faire l'objet d'interprétations divergentes. Or une loi doit être mise à l'abri du risque d'interprétation autant que possible. Et de toute évidence, nos interprétations divergent. Il faut donc lever les ambiguïtés. Si vous ne les levez pas, c'est bien dans l'optique de stigmatiser une période particulière. D'ailleurs, à aucun moment l'argumentaire développé à la fois par le rapporteur et par le ministre n'apporte de réponse à l'interprétation du rapport annexé qui est la nôtre, selon laquelle vous stigmatisez une période particulière de la politique éducative. Dès lors que vous n'apportez pas de réponse, nous ne pouvons évidemment qu'être surpris et incapables de comprendre votre rejet de nos amendements. Cela montre que vous cherchez non le consensus mais le clivage politique, alors que, sur un sujet comme celui de l'école, il faudrait rassembler.
L'annexe présenté dans ce projet de loi ne cesse d'expliquer que le gouvernement précédent a cherché par tous les moyens à diminuer les crédits alloués à l'éducation nationale. Je voudrais simplement rappeler que la France affronte depuis 2008 une crise économique sans précédent, que votre candidat niait pendant la campagne présidentielle et admet depuis qu'il est élu. Dans ce flot d'affirmations gratuites qui constituent l'annexe, je pense qu'il est indispensable de rétablir une vérité oubliée. Le gouvernement conduit par François Fillon a pris ses responsabilités et la crise n'a pas conduit les pouvoirs publics à diminuer leur effort en faveur de l'éducation.
Ainsi, en 2009, comme le souligne l'OCDE d'après les derniers éléments disponibles en date de 2012, les investissements dans l'éducation n'ont pas faibli : « Entre 2008 et 2009, les dépenses, tous niveaux d'enseignement confondus, ont augmenté en France et dans 23 des 31 autres pays dont les données sont disponibles, alors que le PIB a diminué dans 26 d'entre eux dont la France ».
Vous n'êtes donc pas les seuls à vouloir préparer l'avenir de l'enseignement, nous l'avons fait aussi, à un moment particulièrement difficile, et où les ressources manquaient. Nous avons fait le choix de la préservation de notre système éducatif. La France, au plus fort de la crise économique, en 2008 et 2009, n'a pas diminué son effort en faveur de l'éducation, permettant ainsi de préparer l'avenir. C'est pourquoi je souhaite que l'alinéa 8 soit complété par ces informations.
Nous sommes exactement dans la même problématique. Par conséquent, je ne reprendrai pas inlassablement les arguments que nous avons d'ailleurs longuement développés en commission et que nous avons répétés encore hier. Nous pourrions peut-être, chers collègues de l'opposition, aller plus vite à l'essentiel, qui est la refondation et les mesures pour l'avenir de l'école. Avis défavorable.
Je voudrais soutenir l'amendement que vient de défendre M. Salen. Le rapport annexé, qui prétend avoir force de loi, se fonde sur des constats. L'actuelle majorité, dans l'opposition il y a quelques années, n'avait pas de mots assez forts, lors des discussions budgétaires annuelles, pour déplorer que l'éducation ne soit plus une priorité du Gouvernement. Or les chiffres montrent exactement le contraire. Le budget, de l'ordre de 60 milliards d'euros, était en augmentation régulière. Certes, la proportion du PIB a légèrement baissé en une quinzaine d'années, de 7,6 % à 6,9 %, mais l'effort a été régulier et il faudrait peut-être le préciser.
(L'amendement n° 840 n'est pas adopté.)
Puisque nous sommes dans le factuel et qu'une loi se doit d'être factuelle, cet amendement précise que le taux de 80 % d'une classe d'âge au niveau du baccalauréat a été atteint pour la première fois en 2012, ce qui n'est pas le cas du taux de 50 % de diplômés de l'enseignement supérieur. Il me paraissait judicieux que ce taux, atteint pour la première fois, soit indiqué dans la loi que vous souhaitez tous purement factuelle et dépourvue de toute intention politicienne.
Les chiffres qu'il a donnés sont exacts, mais je vais les expliquer à la représentation nationale : cette augmentation est tout simplement due à l'arrivée de deux cohortes de candidats au baccalauréat professionnel. Les premiers, dont le cursus a été de quatre ans, se sont en quelque sorte télescopés avec ceux qui, en application de la réforme du lycée professionnel, sont arrivés au baccalauréat après un cursus de trois ans. Cet effet purement conjoncturel ne se reproduira plus. On ne peut donc, comme vous le faites, monsieur Apparu, en tirer des conséquences. L'avis de la commission est forcément défavorable.
Je m'adresse à la commission, puisque le Gouvernement ne daigne pas répondre sur ce sujet. Monsieur le rapporteur, vous avez parfaitement raison de dire que ce sont là les premiers effets de la réforme du bac professionnel. Mais 70 % des élèves, tout de même, obtiennent le baccalauréat.
Nous avons atteint l'objectif, réaffirmé en 2005, de 80 % d'une classe d'âge au niveau du baccalauréat. Pour une fois qu'il y a des choses positives, on essaie de les minimiser ! Il existe d'ailleurs une grande confusion entre le pourcentage des lauréats du baccalauréat – 76,7 % en 2012 contre 65 % en 2009 – et le pourcentage des jeunes en classe de terminale.
Puisque l'on assène des chiffres, il faudrait faire la distinction et reconnaître que le travail effectué ces dernières années est tout à fait intéressant : l'objectif du taux d'élèves parvenus au niveau du baccalauréat a été atteint.
Les rédacteurs du rapport annexé ont fait preuve d'un souci du détail qui les honore. Ils mentionnent à plusieurs reprises les périodes suivantes : « depuis une dizaine d'années », « entre 2000 et 2009 », « de 2007 à 2011 », etc. Force est de constater qu'en 2012, pour la première fois, le taux de 80 % a été atteint. Il me semble donc tout à fait légitime que cette précision factuelle soit apportée à cette annexe. Le groupe UDI soutient cet amendement.
(L'amendement n° 482 n'est pas adopté.)
La lecture de l'alinéa 10 de l'annexe donne l'impression que l'ancienne majorité poursuivait l'obscur dessein de faire disparaître l'éducation nationale et, de surcroît, de faire en sorte que les élèves ne soient plus qu'un lointain souvenir.
Or si nous apprécions les choses avec un peu plus de recul et de hauteur, nous nous rendons compte que, sur la période 1995-2010, c'est le taux de scolarisation qui, selon l'OCDE, diminue en France. Sans doute faut-il rechercher les causes structurelles de cette diminution constante, alors que dans l'ensemble des pays de l'OCDE, le taux de scolarisation a progressé de 10,4 points.
Ces données nous interpellent tous et devraient inciter nos collègues de la majorité à faire preuve d'un peu plus de modestie. Comme je le faisais observer hier, nous ne sommes pas passés en mai 2012, malgré de louables efforts de communication, de l'ombre à la lumière ! Ces données démontrent que l'éducation nationale souffre d'un mal profond et réel, qu'elle a besoin d'une vraie loi de refondation, et non d'un catalogue de bonnes intentions, telles que celles dont ce texte est truffé.
Ainsi, à l'alinéa 4 du rapport annexé, il est précisé que « l'avenir de la jeunesse, le redressement de notre pays, son développement culturel, social et économique dépendent largement de notre capacité collective à refonder l'école de la République ». Jolie phrase. Comment voulez-vous que l'on soit contre ? Mais une fois que l'on a dit cela, où trouve-t-on dans ce texte les moyens indispensables qu'il faut mettre en oeuvre ? Nulle part. C'est la raison pour laquelle je soutiens cet amendement.
À bien écouter et à essayer de comprendre l'argumentation de mon collègue Salen, j'ai l'impression qu'il se féliciterait presque de la diminution du taux de scolarisation des jeunes de 15 à 19 ans.
La parole est à Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative, pour donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement.
Cet amendement rend compte de l'aggravation de la situation dans notre pays et je ne vois vraiment pas ce qu'il apporte à notre débat. Nous déplorons tous que le niveau des élèves ait diminué et que le taux de scolarisation ait également baissé durant les dix dernières années.
De plus en plus de jeunes de moins de 19 ans quittent le système scolaire, avec ou sans qualification. L'ampleur du décrochage est un phénomène qui nous interpelle. Au lieu de nous dissocier sur ce constat, nous devrions au contraire nous atteler à la tâche extrêmement importante qu'il nous faut accomplir pour raccrocher ces jeunes qui, aujourd'hui, se trouvent sans solution.
Les enquêtes internationales et celles de l'OCDE montrent que non seulement le niveau des élèves les plus faibles diminue, mais que le niveau des meilleurs baisse également. Nous devons travailler aussi sur ce point. J'en veux pour preuve cette petite faute de grammaire qui s'est glissée dans l'exposé sommaire de l'amendement n° 839 : « sans nécessairement démérité »…
Il s'agit d'un sujet sur lequel nous sommes, les uns et les autres, amenés à agir. Plutôt que de nous disputer pour savoir si cela remonte à dix ans ou si cela date de quinze ans, nous ferions mieux de nous battre pour essayer de trouver la solution. C'est ce que nous proposons aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
En 2012, 76,7 % des élèves ont obtenu le baccalauréat, et cette augmentation est liée aux doubles cohortes. Comme je l'ai dit hier, nous avons à estimer l'effet de la réforme du lycée professionnel : les premières indications dont nous disposons montrent qu'elle a entraîné davantage d'évictions et de sorties sans qualification ni diplôme pour les élèves les plus fragiles.
Il ne faudrait pas, dans un but uniquement polémique, affirmer qu'il y a là un progrès notable. Il faut retenir l'effet de la double cohorte et analyser les difficultés existantes. Il ne serait pas juste de considérer que l'essentiel – les solutions que nous apportons, comme vient de le rappeler ma collègue – est absent du texte.
S'agissant de la dépense intérieure d'éducation, nous avons moins progressé que les autres pays européens ces dernières années, même si le point de départ n'était pas mauvais.
Monsieur Myard, puisque vous semblez vous intéresser à ces questions, nous investissons moins aujourd'hui.
Je ne « semble » pas m'y intéresser, je m'y intéresse ! Pas d'attaque personnelle !
C'est en particulier sur le primaire que nous sommes en train de régresser. Les taux d'encadrement y ont notoirement baissé – plus de 3 points ces quinze dernières années. Nous devons y consacrer davantage de moyens.
Mais il nous faut aussi produire un effort particulier en direction des lycées professionnels. La moitié de la démocratisation concerne le lycée technologique et le lycée professionnel. De ce point de vue, le parcours d'information et d'orientation, que nous mettons en place dès la sixième, sera un élément essentiel.
Nous soutenons cet amendement, tout simplement parce qu'il contribue à décrire de manière plus exhaustive la situation telle qu'elle se présente aujourd'hui. Dans la partie « Améliorer les résultats de notre système éducatif pour les élèves et pour le pays », les périodes suivantes sont mentionnées : « depuis une dizaine d'années », « entre 2000 et 2009 », « entre 2007 et 2011 ». Une seule fois, à l'alinéa 6, il est écrit que notre école ne progresse plus « depuis vingt ans ». Si je comprends bien, on ne progresse plus depuis vingt ans, mais on régresse depuis dix ans ! C'est le message subliminal de ce rapport annexé.
À l'UDI, nous considérons que l'échec de notre système éducatif est à mettre au compte de la droite et de la gauche confondues, ces trente dernières années. Nous devons l'assumer collectivement. C'est ce travail qui nous permettra, le cas échéant, d'engager une refondation qui rassemble et non une refondation qui fracture, comme c'est le cas aujourd'hui.
Monsieur le ministre, vous avez indiqué une nouvelle fois les chiffres concernant le primaire. Vous avez raison, la France dépense moins pour le primaire que d'autres grandes nations européennes et occidentales. Mais – vous devriez le préciser – elle dépense beaucoup plus pour le lycée.
Et il ne faut pas oublier les dépenses des collectivités territoriales !
Ce que nous vous reprochons aujourd'hui, c'est de ne pas transférer les financements et, surtout, d'employer une formule – la priorité au primaire – qui est vide de sens.
Vous répondrez que vous créez 14 000 postes dans le primaire. Mais pourquoi ne précisez-vous pas que, parallèlement, vous supprimez l'équivalent de 8 000 postes devant élèves par la réforme du statut et du temps de service des enseignants ?
Je parle bien du « temps devant élèves ». Les 24 heures forfaitisées ne seront plus 24 heures passées devant les élèves. Cela représente l'équivalent de 8 000 postes devant élèves supprimés. Alors, de grâce, cessez de nous dire que vous donnez la priorité au primaire : c'est faux !
L'alinéa 10 du rapport annexé commence par la phrase suivante : « Trop de jeunes sortent du système scolaire sans qualification. », puis un certain nombre de données viennent à l'appui de cette thèse.
Nous souhaitons mettre l'accent sur la question de la qualification et sur sa raison d'être. La qualification prend tout son sens si elle est mise en perspective avec l'insertion professionnelle. D'ailleurs, lorsque l'on interroge les familles sur la politique éducative, l'on s'aperçoit que leur préoccupation principale est que l'école puisse contribuer à préparer nos jeunes à leur insertion professionnelle.
Dans cette optique, et par souci de cohérence, cet amendement vise à compléter l'alinéa 10 par la phrase suivante : « Notre système éducatif doit se préoccuper de l'insertion professionnelle de nos jeunes. » Je crois que ce sujet devrait faire consensus.
Comme Patrick Hetzel, je suis tout à fait favorable à ce que nous complétions ainsi l'alinéa 10.
À la lecture de cet alinéa, on a le sentiment que c'est la même chose de quitter le système scolaire sans diplôme ou uniquement avec le diplôme national du brevet. J'aimerais savoir quelle importance le ministre accorde à ce diplôme, puisque, là encore, on est renvoyé à d'éventuels décrets.
Quelle est la finalité de ce projet de loi ? Il s'agit quand même de faire diminuer significativement l'échec scolaire et de permettre à des jeunes de trouver un emploi. Il est donc très important que cette phrase figure dans le rapport annexé.
Là non plus, personne ne niera l'importance de l'insertion professionnelle comme objectif du système éducatif. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, à l'alinéa 185 du rapport annexé, il est écrit que « la réussite du parcours scolaire et de l'insertion dans la vie professionnelle dépendent notamment d'une orientation choisie par les élèves et leurs parents et de leur bonne information en la matière. » Il est bien noté que l'insertion professionnelle est l'une des priorités du système éducatif.
Permettez-moi le commentaire suivant, que j'ai déjà formulé la nuit dernière. Pour éviter un texte bavard, nous devrions tous prendre garde à ne pas ajouter à un alinéa ce qui est déjà clairement exprimé dans un autre. Avis défavorable.
Pour compléter les propos de M. le rapporteur, je précise qu'il est fait également mention de l'insertion professionnelle dans l'alinéa 23, où l'on peut lire que l'école doit être « un lieu permettant de former des citoyens et des jeunes qui pourront s'insérer dans la société et sur le marché du travail au terme d'une orientation choisie. » Vous savez que c'est l'un des objectifs essentiels de cette loi. Il fait déjà l'objet de deux alinéas ; pourquoi en rajouter un troisième, alors que vous ne cessez de répéter que la loi est bavarde ?
Nous partageons cet objectif, mais nous en discuterons, article après article, grâce à des propositions nouvelles qui ont pour but de permettre de l'atteindre.
Avis défavorable, donc.
Le Gouvernement a fait une partie du chemin, en reconnaissant que l'insertion professionnelle était une question essentielle, sans toutefois mesurer l'importance qu'il y a, selon moi, à la mentionner à l'alinéa 10.
J'ai expliqué que, puisque cet alinéa commençait par évoquer la qualification, il semblait important de mettre celle-ci en perspective avec l'insertion professionnelle. Il y a là un effet miroir. La « qualification » n'existe pas en tant que telle. Dans le cadre d'une politique éducative, elle doit être mise en relation avec les objectifs que l'on souhaite atteindre. Or l'objectif est bien, in fine, celui de l'insertion. Je ne comprends pas pourquoi, alors que ce texte est par ailleurs très bavard, vous prétendez que cet amendement, qui a apporte une cohérence, n'a pas de sens. C'est faire peu de cas de l'insertion professionnelle.
Nous soutenons cet amendement, au motif que le chapitre du rapport intitulé « Améliorer les résultats de notre système éducatif pour les élèves et pour le pays » ne se borne pas à de simples constats. Si c'était le cas, cet amendement n'aurait pas de pertinence, mais figurent dans ce chapitre des objectifs à atteindre, notamment l'amélioration du niveau des compétences, pour parvenir à davantage de justice dans la réussite scolaire et inscrire le pays sur une trajectoire de croissance structurelle forte, dans une économie de la connaissance internationale. Il y est dit également que la refondation doit conduire à une réduction de l'impact des déterminismes sociaux et de toutes les inégalités. Or, pour suivre ces perspectives de redressement, notre système éducatif doit s'occuper davantage de l'insertion professionnelle des jeunes.
(Les amendements identiques nos 592 et 627 ne sont pas adoptés.)
Nous nous accorderons au moins sur le fait que, depuis longtemps déjà, trop de jeunes quittent le système scolaire sans formation et éprouvent de ce fait les pires difficultés à s'intégrer sur le marché du travail.
La comparaison avec l'Allemagne est éclairante : avec un nombre d'apprentis deux fois supérieur, nos voisins enregistrent un taux de chômage des jeunes nettement inférieur au nôtre.
Le précédent gouvernement avait fait de la formation professionnelle une ambition majeure, appuyée sur la volonté de compter rapidement 800 000 jeunes en apprentissage. Aujourd'hui, si ce projet de loi comporte quelques articles proposant un simple toilettage des dispositifs existants et des mesures abrogeant des dispositifs en place, il ne témoigne pas pour autant d'une volonté claire de faire de l'apprentissage et de la formation professionnelle une priorité nationale.
Nous sommes nombreux à penser qu'il faut clairement affirmer la volonté de la nation de voir une part significative de notre jeunesse bénéficier d'une orientation appropriée vers la formation professionnelle, voie d'excellence, et ce dès que possible, afin de permettre aux jeunes en difficulté dans les filières dites généralistes de trouver rapidement une voie qui leur assurera un avenir professionnel. C'est la raison pour laquelle je défends cet amendement.
Mes arguments sont les mêmes que pour les amendements précédents. Quant aux dispositifs auxquels M. Salen fait allusion, nous en débattrons au moment de l'abrogation de la loi dite Cherpion. Avis défavorable.
Je suis tout à fait favorable, si on le peut, à un développement accéléré de l'apprentissage, surtout sous statut scolaire. Il pose beaucoup de problèmes dans notre pays.
J'ai déjà eu l'occasion de vous rappeler hier que j'avais suivi de près les efforts faits par Xavier Bertrand. Voici les chiffres, même si vous ne les aimez pas : au 31 décembre 2011, il y avait en France 436 000 apprentis ; ils étaient 425 000 en 2007, soit une progression de 11 000 apprentis, malgré tout le volontarisme affiché. Cela ne mérite donc pas, d'après moi, ces discours exorbitants.
En revanche, et c'est mon second point, les plateformes de repérage du décrochage mises en place par Luc Chatel ont permis d'identifier que la moitié des décrocheurs étaient précisément ceux qui avaient été orientés dans les voies professionnelles.
Avec cet amendement, vous faites comme si l'orientation vers une voie professionnelle constituait une solution à l'insertion professionnelle. Malheureusement le problème est beaucoup plus complexe, et s'orienter vers les voies professionnelles aujourd'hui n'est malheureusement pas une garantie d'insertion. C'est parce que nous l'avons compris que nous avons mis en place ce parcours d'insertion et d'orientation dont nous aurons bientôt l'occasion de parler.
Monsieur le ministre, nous pensons que cet amendement est essentiel. D'abord parce qu'il réaffirme l'importance de la voie professionnelle, comme voie de réalisation et d'accomplissement social, personnel et professionnel, pour les jeunes.
Il porte également un enjeu qui les dépasse, qui est un enjeu d'ordre économique. Même s'il ne s'agit pas d'assujettir l'éducation nationale aux besoins de l'économie, on ne peut pas les ignorer. Je voudrais évoquer ici le cas des industries et des métiers de la mécanique, fondamentaux pour la réussite économique de notre pays mais dont notre jeunesse semble largement se détourner aujourd'hui, au point que certaines filières d'excellence vont se trouver fragilisées, dans les années qui viennent, car elles ne pourront plus recruter de jeunes formés à ces métiers.
C'est la raison pour laquelle toute démarche officielle visant à consacrer la voie professionnelle comme une voie d'excellence nous paraît extrêmement importante.
Enfin, je voudrais répondre à la ministre au sujet de la faute d'orthographe présente dans l'exposé sommaire de l'un de nos amendements. Je la déplore comme vous mais, deux fois sur trois, les textes que nous recevons des ministres afin qu'ils soient lus devant les monuments aux morts comportent eux aussi, très régulièrement, des fautes d'orthographe…(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) La maîtrise de l'orthographe, à laquelle nous sommes vous et moi attachées connaît donc des défaillances au plus haut niveau de l'État !
Mais au-delà de la boutade, les plus talentueux de nos collaborateurs sont d'excellents professionnels, mais ils ne maîtrisent pas toujours, hélas, les subtilités de l'orthographe. C'est au point que, dans un CV, aujourd'hui, il est nécessaire de mentionner, comme le TOEFL pour l'anglais, la certification Voltaire, qui atteste d'un niveau minimum d'orthographe. C'est donc une question bien plus complexe que ce que l'on imagine.
Je souhaite que l'on s'attarde un peu sur cet amendement. Je pense sincèrement que la voie professionnelle peut être une voie d'excellence. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Mais, pour cela, il ne faut pas que les enfants subissent une orientation forcée ni qu'ils aient le sentiment que cette voie professionnelle soit une voie de garage destinée aux élèves en difficulté.
Vous approuvez, mais que dit votre amendement ? Précisément que cette voie doit permettre « aux jeunes en difficulté dans les filières dites généralistes de trouver rapidement une solution leur assurant un avenir professionnel ». Cela revient à dire que cette filière professionnelle, elle est faite pour les élèves en difficulté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
(L'amendement n° 842 n'est pas adopté.)
Cet amendement concerne l'alinéa 13 du rapport annexé. Sa rédaction est une question d'interprétation, puisque, faisant référence à la dégradation de la maîtrise des compétences de base en troisième, l'alinéa se focalise sur la période allant de 2007 à 2011.
C'est assez curieux car, lorsque l'on regarde les statistiques et les documents fournis par le ministère de l'éducation nationale, notamment L'état de l'école, on s'aperçoit que cette tendance ne peut en aucun cas se limiter à la période 2007-2011, bien au contraire.
Par souci de précision et d'honnêteté, il convient donc de modifier cette rédaction, puisque nous avons le recul nécessaire pour affirmer que cette dégradation s'est produite au cours des deux dernières décennies.
C'est la raison pour laquelle nous proposons de formuler les choses différemment, en rédigeant ainsi la fin de la dernière phrase de l'alinéa 13 : « s'est dégradée significativement pour les élèves de l'éducation prioritaire au cours des deux dernières décennies. »
Je vous invite encore une fois à reprendre les documents du ministère de l'éducation nationale : vous verrez que c'est bien au cours de ces vingt dernières années que les choses se sont dégradées, sans amplification significative entre 2007 et 2011.
Nous contestons par cet amendement la fin de la rédaction de l'alinéa 13, qui mentionne plusieurs données statistiques et opère un comparatif selon les lieux de scolarisation et les académies. On reconnaît bien là, d'ailleurs, la marotte égalitariste de la gauche, qui voudrait les mêmes moyens et les mêmes résultats partout…
On n'y arrivera pas, et il faut admettre que l'enseignement doit être différent d'une région à l'autre. Il faut donner de l'autonomie aux académies et aux établissements, afin d'apporter les meilleures réponses possibles sur chaque territoire.
L'alinéa mentionne la dégradation de la maîtrise des compétences de base en troisième entre 2007 et 2011. Mais cela fait-il référence au socle commun de connaissances et de compétences mis en place en 2007 ? Chacun sait bien qu'il faut une dizaine d'années pour que se fassent sentir, sur le terrain, les effets positifs d'une telle réforme de fond.
En matière d'éducation prioritaire, les ministres successifs ont fait, avec les ZEP ou les réseaux « ambition réussite », beaucoup d'efforts, et le programme ÉCLAIR a donné des résultats. Si l'on veut parler d'une dégradation significative, ce n'est donc pas aux années 2007-2011 qu'il faut faire référence, mais bien aux deux dernières décennies.
Cet amendement propose un constat partagé. Il serait en effet illusoire et vain de vouloir rassembler notre assemblée et, au-delà, notre pays et notre société, autour d'un projet commun sur l'école si nous n'avons pas, au moins, ce constat partagé.
Nous divergerons ensuite – et c'est normal – sur telle ou telle politique, telle ou telle orientation, mais accordons-nous au moins sur le constat. Il faut s'entendre sur la période de référence mais également – et Frédéric Reiss l'a fort bien expliqué – sur la méthodologie. En effet, si vous faites référence à la mise en oeuvre du socle commun, vous ne pouvez vous appuyer sur les chiffres que vous utilisez dans le rapport annexé.
C'est pour cela que nous souhaitons évacuer les polémiques inutiles et stériles qui ne servent qu'à donner des gages aux représentants les plus extrêmes de votre majorité en pointant du doigt la politique menée ces cinq dernières années. Nous proposons au contraire d'en venir enfin à un constat apaisé, suffisamment sérieux et grave pour que nous le partagions. À partir de là, nous pourrons envisager sereinement, au-delà de nos divergences, un projet pour l'école dans notre pays.
Alors que nous partageons tous, me semble-t-il, le même constat, vous mettez en avant des soucis d'ordre chronologique ! Ces préoccupations chronologiques devraient être largement dépassées puisqu'elles sont déjà inscrites dans le texte. Nous l'avons dit et répété : l'alinéa 6 fait clairement apparaître que, depuis vingt ans, notre école rencontre des problèmes.
Si, comme vous le prétendez, vous voulez vraiment un débat de fond, dépassons ces amendements chronologiques qui se répètent inlassablement à la seule fin de rallonger la discussion, et venons-en au fond des choses.
S'il y avait vraiment quelque chose dans ce texte, nous n'en serions pas là.
Madame la présidente, je suis obligé de faire un rappel au règlement. Il se fonde sur l'article 58, alinéa 1, évidemment.
Nous avons proposé hier de supprimer le rapport annexé. Vous avez refusé : nous faisons donc aujourd'hui notre travail.
Comment un rapporteur, au lieu de créer les conditions d'un climat apaisé, peut-il nous reprocher de jouer la montre ? Quelle vision avez-vous du fonctionnement de notre démocratie ? J'en suis outré ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Dans une démocratie, il faut respecter l'opposition. Je vous demande, une nouvelle fois, de vous y appliquer, sans quoi il n'y aurait plus de raison de débattre ici. Sans doute vous comportez-vous ainsi parce que vous vous apprêtez à prendre un certain nombre de mesures par ordonnance, ce qui n'est pas à l'honneur du Parlement. Les déclarations d'aujourd'hui du Président de la République, sur son souhait de recourir aux ordonnances, en somme au 49-3, ne prouvent qu'une chose : que sa majorité n'en est pas une !
Le rapport annexé du projet de loi, dans sa partie intitulée « Accueillir les élèves en situation de handicap » a présenté l'accueil des élèves en situation de handicap en insistant, à juste titre, sur l'importance de l'accompagnement humain et sur le financement des matériels pédagogiques adaptés.
La commission a modifié le titre du paragraphe de l'alinéa 15 du rapport annexé en y ajoutant le concept d'école inclusive. C'est un des progrès du travail de la commission.
Le Gouvernement est tout à fait favorable à l'introduction de ce concept, mais il vous propose de le placer à d'autres endroits, plus adaptés. Nous voulons l'inclure au projet de loi lui-même et donc au code de l'éducation. Le concept d'inclusion scolaire est ainsi intégré aux grands principes du service public de l'éducation fixés par l'article L. 111-1 du code de l'éducation.
L'objectif est bien d'inscrire dans le droit commun le principe d'inclusion scolaire de tous les élèves, et de permettre la scolarisation en milieu ordinaire de tous les élèves dès lors qu'ils présentent un besoin éducatif particulier, quel qu'il soit, notamment pour les élèves en situation de handicap.
Dans le rapport annexé, nous ajoutons un alinéa 222 bis. L'alinéa 220 s'intitulera désormais « Scolariser les élèves en situation de handicap et promouvoir une école inclusive » et l'alinéa 222 bis insiste sur la promotion d'une école inclusive pour scolariser les enfants en situation de handicap.
De cette façon, nous aurons rendu hommage au travail de la commission, repris vos amendements et nous leur aurons donné, au travers du rapport annexé et du code de l'éducation, l'ampleur qu'ils méritent.
Nous nous réjouissons que M. le ministre propose, pour le Gouvernement, le même amendement que nous puisque, en commission, l'expression « école inclusive » a été adoptée contre notre avis. Nous estimions que cette notion n'avait rien à faire à cet endroit. Monsieur le ministre, cet alinéa, c'est d'ailleurs un peu votre slogan puisqu'on peut lire dans votre dossier de presse : « Une école juste pour tous et exigeante pour chacun ». Vous voyez que j'ai de bonnes lectures. Même si l'UMP est très favorable à tout ce qui peut être entrepris pour les enfants handicapés, ce n'est pas à cet endroit qu'il fallait aborder la question.
Que les choses soient bien claires : la question de la prise en considération des élèves handicapés dans notre système scolaire fait consensus, et nous y sommes, sur ces bancs, tous attachés.
La méthode du Gouvernement nous surprend puisqu'il dépose un amendement identique à ceux que nous avions nous-mêmes déposés depuis un certain temps.
Je constate en tout cas que vous ne vous privez pas d'une bonne source d'inspiration. Cela devrait arriver un peu plus souvent.
On va essayer. (Sourires)
J'entends les arguments du ministre. Nous avons accompli un beau travail en commission sur l'insertion des élèves handicapés dans l'école. Il me semblait justifié de laisser la notion d'école inclusive dans cette partie qui concerne les missions globales de l'école. Cela permettait de montrer, une fois pour toutes, que les élèves handicapés font partie de l'école et que leur existence, leur inclusion dans l'école, est inscrite dès le départ. Le fait de les ranger dans une rubrique à part les place une nouvelle fois, symboliquement, à part, ce qui est dommage. Cela étant, nous ne voterons pas contre cet amendement.
(Les amendements identiques nos 1451 , 518 et 679 sont adoptés.)
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
La parole est à M. le ministre.
Madame Pompili, soyons clairs. La notion d'école inclusive est bien intégrée mais il fallait prendre en compte les échanges en commission, et faire davantage, en particulier inscrire cette notion en tant que telle, ce qui est une première, dans le code de l'éducation. Nous ne sommes absolument pas en désaccord. Au contraire, nous souhaitons prendre plus encore en considération vos préoccupations.
Cet amendement concerne l'alinéa 16 du rapport annexé qui évoque la refondation de l'école. Or, ce rapport montre très clairement que l'on ne saurait parler de refondation. Énumérant un certain nombre de points, il ressemble beaucoup plus à un catalogue qu'à une véritable refondation. Il juxtapose des thématiques, se focalise sur certains aspects, mais ce n'est en fait qu'un exposé des motifs. Il est dès lors difficile de le qualifier de refondation, sauf à vider ce terme de son sens.
Je vous invite à ouvrir votre dictionnaire : le mot est fort, il renvoie aux fonts baptismaux, à la construction d'un édifice. Ce texte ne se place pas du tout dans cette optique et il serait plus cohérent de remplacer le terme de refondation par la « présente loi ».
Le rapporteur ne vient-il pas, d'ailleurs, d'appeler à éviter toute approche chronologique ? Là aussi, prenez le sens étymologique des mots : il y aurait un avant et un après. Or, la loi ne doit pas se placer dans une telle perspective. Ce sont du moins les arguments que vient d'avancer Yves Durand. Je me permets de me les approprier pour défendre cet amendement dont j'espère qu'il sera, lui aussi, adopté à l'unanimité.
Depuis le début, il nous semble que cette refondation n'a de refondation que le nom. Tout à l'heure, lorsque le rapporteur a élevé la voix….
…pour nous reprocher de dénoncer des lois bavardes tout en voulant les rallonger encore, il nous a appelés à passer au fond du texte. Si seulement ce texte avait contenu des dispositions importantes sur le fond, nous les aurions abordées au début. Or, que trouvons-nous en premier ? Le rapport annexé. Cela signifie bien que tous les alinéas du rapport annexé, qui veulent avoir force de loi, doivent être discutés. C'est pour cette raison que nous vous proposons d'écrire plutôt : « La présente loi doit en priorité permettre une élévation générale du niveau de tous les élèves ». Nous partageons cet objectif.
Nous souhaitons en effet revenir, avec cet alinéa, sur le terme de refondation. Pour avoir une refondation, il faudrait en effet une nouvelle fondation qui s'appuierait sur des piliers, ce qui n'est pas le cas.
Surtout, même si vous aviez eu la volonté de refonder, il aurait été important d'avoir une vision commune, un constat partagé, ce qui n'est pas le cas. Vous sélectionnez les chiffres qui vous conviennent pour pointer du doigt, afin de faire plaisir à telle ou telle partie de votre majorité, une période qui, selon vous, serait responsable de tous les maux de l'éducation. Non, ce n'est pas vrai.
Vous avez précisé à l'alinéa 6 que depuis vingt ans, le système ne progresse plus. C'est la seule fois où vous le reconnaissez et vous n'avez pas écrit qu'il régressait mais qu'il ne progressait plus. Parallèlement, vous choisissez des chiffres « entre 2007 et 2012 », « entre 2000 et 2010 », sans voir le cycle de vingt-cinq, trente ou trente-cinq ans dans lequel s'inscrit notre système éducatif et qui a conduit à l'échec que nous connaissons, à ces 2,5 millions d'illettrés qui ont amené le Premier ministre à déclarer l'illettrisme grande cause nationale.
Ce mot refondation, dans toutes ses dimensions, n'a pas sa place ici, ni dans le titre du projet, ni dans son contenu.
Nous avons eu une longue discussion hier soir sur ce sujet et je me souviens même avoir cité l'historien Claude Lelièvre. Je ne reprendrai pas l'argumentation mais, pour ne pas froisser M. Hetzel et par profond respect pour l'opposition, je ne voudrais pas dire qu'il s'agit là d'un amendement répétitif. Il reçoit néanmoins un avis défavorable de la commission.
Cela ne vous arrivait jamais de vous répéter, quand vous étiez dans l'opposition ?
Je ne crois pas qu'il faille sous-estimer les objectifs liés ici à cette refondation. Vous avez parlé d'un catalogue. C'est la première fois que nous nous fixons collectivement un but : réduire l'écart dans la maîtrise des compétences en fin de CM2 entre les élèves de l'éducation prioritaire et les autres. Cet écart s'est accru ces dernières années. Les chiffres le montrent et vous l'avez vous-même reconnu.
Il y a tout de même des élèves qui réussissent en France, certains d'entre vous l'ont dit. Notre système éducatif peut quand même donner de bons résultats. Malheureusement, comme vous l'avez souligné à plusieurs reprises, et comme le montrent les tests PIRLS, ou d'autres, l'écart s'accroît entre ceux qui réussissent et ceux qui ne réussissent pas. Nous avons là des objectifs nouveaux, importants et que nous pouvons partager.
Pour les atteindre, il est nécessaire de refonder. Pourquoi ? Pour une raison simple, et qui vous pose problème. Deux facteurs permettent de comprendre pourquoi des élèves ne réussissent pas en CM2. Ce sont, en premier lieu, les apprentissages fondamentaux et les moyens que l'on accorde au primaire. Nous les avons déjà évoqués tout à l'heure : la dépense publique en direction du primaire baisse. Ce phénomène est très ancien, mais il s'est accentué. C'est, en second lieu, la formation des enseignants. Il est fondamental, pour obtenir des résultats, de s'appuyer sur des bases évidentes : la priorité au primaire, la mise en place d'une nouvelle formation des enseignants.
Ce sont là des fondements : vous pouvez faire tout le reste, si vous ne formez pas les enseignants, si vous ne mettez pas le paquet sur le primaire, vous n'y arriverez pas.
En vérité, monsieur Apparu, quand vous dites « parlons du lycée », ce que j'ai fait depuis tant d'années – et nous ferons l'évaluation de la réforme du lycée, qui n'a pas donné les résultats escomptés –, vous reconnaissez vous-même que nous avons raison de donner la priorité au primaire et d'y consacrer les moyens, parce que c'est un fondement, comme la formation des maîtres.
La refondation, ce n'est pas autre chose. Nous ne détruisons pas les fondements, car ils ont déjà été détruits. Nous les posons à nouveau et nous bâtirons le reste ensemble.
La refondation va demeurer avec, en plus, des objectifs nouveaux de réussite pour tous les élèves et pour l'éducation prioritaire.
Monsieur le rapporteur, le propre de l'enseignement, c'est la répétition, ce qui évite de se contredire. Aussi, ne critiquez pas l'opposition parce qu'elle vous répète ce qui est fondamental – sans parler de refondation !
Quant à vous, monsieur le ministre, vous savez à qui vous me faites penser quand vous essayez d'imposer un nouveau vocabulaire là où c'est la loi qui est le pilier de la République ? À M. Kadhafi (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC)…
Je vais vous dire pourquoi, chers collègues. Ne vous énervez pas !
M. Kadhafi a instauré la République, et puis, un jour, il a proclamé : « Ce n'est plus la République, c'est la Al-Jamahiriya du peuple libyen ! » Eh bien, monsieur le ministre, vous faites la même chose ! (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.) L'article 34 de la Constitution définit le champ de la loi. Aujourd'hui, vous nous dites : « On va refonder ! » Ce n'est pas une bagarre sémantique, c'est la République qui est en oeuvre ici, à travers la loi, point barre !
Je soutiens, non pas Kadhafi, mais l'amendement.
Je soutiens cet amendement, au motif que le terme de « refondation » n'est pas adapté. M. le ministre le sait bien, c'est une présentation politique visant à habiller un texte dont l'objet est la création de 60 000 postes et la réforme de l'enseignement primaire, avec la réforme de la formation des enseignants, l'école maternelle à partir de deux ans et les enseignants surnuméraires dans un certain nombre de territoires en difficulté. Tel est l'objectif du texte. Ce n'est pas une refondation.
Nous connaissons les fondations historiques de notre école : la gratuité, la laïcité, la scolarité obligatoire. Il y a des fondations plus récentes, comme les fondations pédagogiques, avec les cycles et le socle commun. Voilà les fondations de notre école. N'utilisons pas des mots qui remplissent l'espace, mais qui n'ont pas de réalité dans l'oeuvre législative qui est aujourd'hui la nôtre.
Nous en discutons depuis le début de nos débats. Ce texte est-il, oui ou non, un texte de refondation ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) De notre point de vue, non ! Monsieur le ministre, nous allons essayer une nouvelle fois de vous en convaincre. Encore une fois, vous ne touchez pas aux piliers du système.
Vous dites que vous donnez la priorité au primaire. Le primaire est l'un des piliers du système, vous avez raison. Sauf que la priorité au primaire, monsieur le ministre, ce n'est pour l'instant qu'un mot, une phraséologie, ce n'est en rien une réalité dans votre texte. Nous le démontrerons à nouveau quand nous parlerons des postes. Vous créez 14 000 postes, certes, mais la circulaire que vous venez de publier en supprime 8 000 devant élèves dans le primaire. Oui, monsieur le ministre, vous supprimez 8 000 postes devant élèves et vous ne pourrez pas démontrer l'inverse, parce que c'est écrit noir sur blanc dans votre circulaire.
Ensuite, vous parlez d'une deuxième fondation : la formation des enseignants. Nous pouvons nous retrouver sur ce point. Mais, monsieur le ministre, vous nous dites : « Vous avez détruit cette fondation, raison pour laquelle le système se dégrade ». Je vous rappelle que les IUFM ont été supprimés en 2010. Or nous sommes en 2013. Si je comprends bien, c'est cette suppression en 2010 qui a généré l'effondrement et l'échec du système scolaire ? C'est peut-être un peu court, monsieur le ministre ! Qui plus est, nous n'avons pas supprimé la formation, nous l'avons modifiée. Il y a une nuance ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Pour tous les présidents d'université et tous ceux qui, aujourd'hui, dirigent les masters et y enseignent, c'est particulièrement méprisant de considérer que leur boulot ne sert strictement à rien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
D'abord, monsieur Apparu, je vous remercie très chaleureusement d'avoir, une nouvelle fois, dans une argumentation tout à fait respectable, rendu hommage au fait que, concernant les éléments essentiels du système éducatif – la priorité au primaire et la formation des enseignants –, nous étions présents au rendez-vous.
Cela étant, tout le pays, séance de questions après séance de questions, a fait observer qu'il y avait un curieux ministre de l'éducation nationale qui prétendait que les enfants pouvaient avoir droit à cinq demi-journées pour apprendre à lire, à écrire et à compter. Personne n'a compris que j'avais enlevé ou que je souhaitais enlever une heure de classe aux enfants, mais au contraire, leur donner le même nombre d'heures de classe, mais en mieux. En revanche, les Français se rappellent qu'on est passé de quatre jours et demi à quatre jours il n'y a pas longtemps.
S'agissant de la circulaire dont vous parlez, monsieur Apparu, il faut informer les Français, leur dire la vérité. Il y a 24 heures de cours dans le service d'un enseignant devant les élèves et il y a 3 heures, 108 heures annuelles, qui servent à d'autres éléments, dont ceux que vous aviez intégré en contrepartie de la demi-journée : l'aide individualisée, dont je tiens à vous dire qu'elle n'a pas été pratiquée partout et qu'elle ne se fait pas avec tous les élèves. Elle se fait avec quelques élèves, en plus des 6 heures, et les évaluations dont nous disposons sont mauvaises.
Nous avons choisi de laisser à tous les enfants ces 24 heures, de faire des activités pédagogiques complémentaires avec des groupes d'enfants, de rajouter des maîtres pour traiter des difficultés scolaires dans la classe, de remettre en place des RASED et de donner aux enfants plus de temps scolaire et un meilleur temps scolaire.
Vouloir faire croire aujourd'hui que c'est cette majorité qui enlève des heures de classe aux enfants, alors que tout le pays est en ébullition parce que, justement, je veux qu'ils aient plus d'école et mieux d'école, franchement, cet argument ne dépassera pas la discussion d'aujourd'hui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La première phrase de l'alinéa 16 est ainsi rédigée : « La refondation de l'école doit en priorité permettre une élévation générale du niveau de tous les élèves. »
Cet amendement de précision propose de considérer chacun des enfants en particulier, et non un groupe dans son ensemble. C'est pourquoi il propose de remplacer les mots « tous les élèves » par les mots « chacun des élèves ».
C'est un débat très important, qui a été au coeur des discussions que j'ai eues avec mon prédécesseur Luc Chatel lors de la campagne présidentielle. Au-delà de ce qui peut sembler anecdotique, il marque deux orientations principales.
Monsieur Cinieri, vous êtes en contradiction avec certaines de vos affirmations. « Tous les élèves », cela inclut chacun d'entre eux. Donc, quand je dis « tous », je ne dis pas « quelques-uns », je ne dis pas « un certain nombre », je dis « tous les élèves ». Pourquoi est-ce différent de « chacun » ? Tout ce que vous avez voulu faire ces dernières années et que l'on retrouve dans l'histoire des apprentissages précoces, c'est l'individualisation. Il faudrait que l'éducation nationale fasse une école différente pour chaque élève. Cela finit toujours, comme l'assouplissement de la carte scolaire ou la réforme du lycée, par favoriser les plus favorisés.
Nous, ce que nous voulons bâtir, c'est l'éducation nationale de la République, monsieur Myard, la « chose de tous » ! Ce n'est pas la chose de « chacun » ! La chose de « tous » ! C'est bâtir du commun entre les enfants de France.
Ce qui mine nos institutions, la crise de l'autorité, c'est cet individualisme permanent que vous avez voulu introduire dans l'école.
Nous, nous voulons la même chose pour tous les enfants de France, le plus longtemps possible. Pour « tous », non pour « chacun » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je reviens quelques instants sur la circulaire que vient d'évoquer M. Peillon.
Que dit-elle ? Rassurez-vous, je serai bref ! Je ne vais pas la lire, car vous la connaissez par coeur.
La circulaire indique effectivement qu'il y a un temps de service des enseignants de 27 heures : 24 heures devant élèves, plus 3 heures annualisées, soit 108 heures.
La circulaire indique également que les 60 heures prévues dans les 108 heures – les 60 heures « Darcos » d'individualisation, d'accompagnement éducatif – se transforment en deux types d'horaires : 36 heures devant élèves d'accompagnement pédagogique, plus 24 heures « forfaitisées » (sic) qui ne seront pas devant élèves. C'est écrit noir sur blanc dans votre circulaire : vous supprimez bien 24 heures de service devant élèves. Et 24 heures de service annualisées, cela vaut 8 000 ETP.
À quoi sont destinées ces 24 heures ? À l'articulation du projet de l'école, à la préparation de la scolarisation des moins de trois ans, à la mise en place du dispositif « plus de maîtres que de classes » – ce n'est pas une « mise en oeuvre », mais une « mise en place ». Autrement dit, ce sont 24 heures pour préparer beaucoup de choses. Je ne dis pas que c'est inintéressant, je dis simplement que ce sont 24 heures de moins devant les élèves, c'est-à-dire 8 000 postes de moins devant les élèves.
D'abord, je remercie M. Apparu de sa précision. J'aime ce genre de débat et, en l'occurrence, nous sommes au coeur de ce que les uns et les autres ont sans doute essayé de bien faire.
Par honnêteté intellectuelle – mais c'est un sujet que vous connaissez bien –, je précise les 60 heures d'aide personnalisée comprenaient la préparation. Il ne s'agissait pas de 60 heures systématiquement devant les élèves, mais de 60 heures comprenant la préparation.
Avez-vous estimé ce qu'il en était de la préparation ? Les rapports et les études que nous avons montrent que cette aide personnalisée faite – parce que, comme vous l'avez bien dit, c'est Darcos, donc ce sont les quatre jours – à la pause méridienne, en plus des 6 heures, n'a pas été pratiquée partout. Cela a été le plus mauvais échange : « on vous laisse du temps et on passe aux quatre jours ». C'était une véritable négociation : « on vous laisse du temps et on ne vous demande pas de contrepartie ».
Nous, nous pensons qu'il doit y avoir des contreparties. Nous n'enlevons pas une heure, car il y a les activités pédagogiques complémentaires. Là, je suis vraiment très intéressé par votre démarche.
Vous dites depuis des semaines : « Si ce ministre était courageux, il aurait commencé à traiter la question du métier d'enseignant ». Vous ne l'avez peut-être pas observé, mais après la création du métier de professeur des écoles par Lionel Jospin, la première réelle modification du métier d'enseignant – dans les actes, pas dans les mots – vient d'une circulaire approuvée par tous, dans laquelle nous reconnaissons de nouvelles missions.
Je vais en citer une, à laquelle pourtant vous êtes attaché : le conseil pédagogique qui va avoir lieu entre l'école et le collège. Il est nécessaire que les professeurs des écoles travaillent avec les professeurs des collèges. Cela fait partie de leurs fonctions.
Hier soir, de nombreux intervenants ont insisté, à juste titre, sur le fait que quand les enseignants rencontrent les parents – auparavant, ils le faisaient le samedi matin, pratique qui a été supprimée par Darcos, en même temps qu'il instaurait ses 60 heures inutiles –, cela fait partie de leur formation.
J'ai aussi inclus dans ces nouvelles missions – ce qui est très important pour ce que nous avons à faire – de la formation continue. Car il y a la formation initiale et il y a la formation continue.
Nous allons développer la formation continue sur l'ensemble de ces heures.
Ne pensez pas une seule seconde qu'il y aura une heure de moins pour les élèves. Mon but, et c'est pour cela que je commence par les quatre jours et demi, c'est qu'il y ait plus de temps public et de temps scolaire pour les enfants de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je voudrais apporter une précision, monsieur le ministre, car venez de commettre une petite erreur : la formation continue n'est pas incluse dans les 24 heures que j'évoquais à l'instant ; elle l'est dans 18 autres heures forfaitisées, qui se décomposent en deux fois 9 heures.
Quoi qu'il en soit, elles sont dans les 108 heures.
Certes, mais pas dans ce qui va remplacer les 60 heures.
Je vous rappelle d'ailleurs que ces 60 heures, ce sont 36 heures d'un côté, et 24 de l'autre, qui sont forfaitisées, ce qui veut dire que, par principe, on considère qu'elles sont faites. Loin de moi l'idée de sous-entendre qu'elles ne seront pas faites.
C'est pourtant bien ce que vous sous-entendez !
Vous venez de dire à l'instant, monsieur le ministre – à très juste titre – que les 60 heures Darcos n'étaient pas toutes faites. Pardonnez-moi donc d'exprimer certains doutes sur les 24 heures en question.
Qui plus est, ces 24 heures représentent 8 000 ETP, ce qui n'est pas un chiffre négligeable. Si je comprends bien, elles vont servir à préparer d'abord le principe du « plus de maîtres que de classes », à raison de 7 000 postes, puis la scolarité des moins de trois ans – 3 000 postes. Pour préparer l'arrivée nouvelle de 10 000 postes, il faut donc supprimer l'équivalent de 8 000 ETP devant élèves. Je crains malheureusement que le deal ne soit pas très équilibré.
Je suis d'autant plus désolé que je sais votre attachement à l'école.
Je voudrais d'abord vous donner acte du fait que la formation continue était bien comprise dans les 108 heures – 3 heures hebdomadaires –, et non pas dans les 24 heures.
Qu'y a-t-il derrière votre propos ? Vous dites – au fond, nous sommes d'ailleurs d'accord – que l'aide personnalisée a posé de nombreuses difficultés, comme l'ont mis en évidence de nombreuses études. Il fallait que les choses évoluent. Nous les faisons bouger ; vous nous en donnez acte et je vous en remercie une nouvelle fois. Mais vous ajoutez, en quelque sorte – et, je vous le dis avec beaucoup de sincérité, il ne faut pas le faire –, que les enseignants se serviraient de ces 24 heures pour ne pas travailler. Or vous avez vous-même énuméré les tâches qui vont être accomplies sur ce contingent. Le travail en équipe, le maître surnuméraire et les nouvelles pratiques pédagogiques ont d'ores et déjà donné des résultats, contrairement à ce que j'ai entendu hier dans cet hémicycle. Comme vous le savez, des expérimentations ont été faites dans les Bouches-du-Rhône, mais aussi à côté de Toulouse. Les Finlandais en mènent eux aussi. Les résultats pratiques de la mise en place des maîtres surnuméraires ont été évalués, notamment dans le domaine de l'apprentissage de la lecture. Il est vrai que cela demande du temps et de l'organisation. Or, encore une fois, qu'est-ce qui se cache derrière vos propos ? L'idée selon laquelle les enseignants ne vont pas travailler pendant ces 24 heures. C'est toujours la manière dont vous abordez la question du statut.
Je vous dis, quant à moi, que les enseignants ont besoin de ces heures pour mieux travailler. Vous faites peser sur la profession enseignante un soupçon permanent, qui a d'ailleurs été à la base de votre rupture avec cette profession.
Vous parlez de liberté pédagogique. Eh bien, il faut faire confiance aux enseignants. Ces 24 heures seront bien utilisées – bien mieux, croyez-moi, que les 60 heures.
C'est à cause des conditions de leur mise en oeuvre.
(L'amendement n° 779 n'est pas adopté.)
Cet amendement porte sur l'alinéa 17 du rapport annexé. Nous souhaitons que soient substitués, là aussi, aux mots : « tous les élèves maîtrisent » les mots : « chaque élève maîtrise ».
J'ai entendu M. le ministre dire qu'il privilégiait une approche collective. C'est tout à fait louable, mais il ressort de bon nombre des argumentations qui ont été développées, y compris dans cet hémicycle, que l'on s'appuie pour l'essentiel sur des évaluations comme les programmes PIRLS ou PISA, lesquels portent non pas sur des classes, mais bel et bien sur des élèves pris individuellement. À partir du moment où l'on adopte ce critère, il paraît nécessaire, par souci de cohérence de la politique éducative, que l'on s'intéresse bel et bien à chacun de ces élèves.
J'ajoute que la loi Fillon du 23 avril 2005 avait justement pour objectif – c'était extrêmement ambitieux – de faire en sorte que chaque élève maîtrise le socle commun de connaissances et de compétences. Le débat qui avait suivi portait sur l'enjeu majeur que constitue l'introduction d'un certain degré de personnalisation dans notre enseignement.
À cet égard, la discussion que nous venons d'avoir est extrêmement intéressante, puisque les mesures portées par Xavier Darcos visaient à ce que le groupe ait automatiquement 24 heures d'enseignement, auxquelles s'ajoutaient, par ailleurs, un certain nombre d'heures, en l'occurrence 60 : 54 face à des élèves et 6 pour la préparation à l'aide personnalisée.
J'en arrive à ma conclusion, madame la présidente. Tel que le texte est rédigé, on a l'impression que l'aide personnalisée est mise de côté. Or c'est selon moi un élément essentiel pour notre politique éducative.
Pour compléter l'argumentaire de M. Hetzel, et pour revenir aux propos tenus tout à l'heure par M. le ministre, nous partageons évidemment l'idée selon laquelle l'école doit faire réussir tous les élèves. Cela dit, l'alinéa 3 de l'article 7, qui confirme le socle commun de connaissances – certes, en y ajoutant le mot « culture » – commence par les mots : « La scolarité obligatoire doit au moins garantir à chaque élève… ». La loi Fillon avait un objectif très ambitieux et novateur : garantir à chaque élève la maîtrise d'un socle commun de connaissances et de compétences, étant bien entendu que, derrière, il y avait tous les autres enseignements. Dans le cas présent, il va sans doute y avoir une nouvelle dimension à l'intérieur du diplôme national du brevet – nous aurons l'occasion d'en parler. Quoi qu'il en soit, pour nous, il est très important que le socle de connaissances soit pour « chaque élève ».
Lors de l'avant-dernière séance de questions au Gouvernement, vous avez montré de la main cette superbe tapisserie représentant L'École d'Athènes, dont nous sommes tous les héritiers. Vous, le philosophe, vous devez vous souvenir que la méthode de ces grands philosophes était la maïeutique.
La maïeutique, qu'est-ce, sinon prendre chaque élève, chaque citoyen pour l'élever ?
Vous semblez oublier, quand vous parlez de « tous les élèves », que le génie de la langue française réside notamment dans ce singulier qui a une signification de pluriel : « chaque élève ». Ce singulier, que l'on retrouve aussi dans le code civil, est beaucoup plus pertinent pour ce que vous souhaitez faire que « tous les élèves ». C'est la raison pour laquelle je vous invite, pour une fois, à rallier l'opposition.
Pourquoi proposons-nous de remplacer les mots : « tous les élèves » par les mots : « chaque élève » ? Parce que, s'il y a eu un mouvement de démocratisation ou de massification de l'enseignement au cours du XXe siècle, l'enjeu est très clairement aujourd'hui celui de la personnalisation : il faut avoir une attention particulière pour chaque élève.
J'ai été très intéressé par les propos que vous avez tenus tout à l'heure, monsieur le ministre. Vous avez dit que, pour nous, élus de droite, les termes « chaque élève » traduisent une vision individualiste. Mais ce n'est pas de l'individualisme, c'est du personnalisme. Nous avons affaire, non pas à des individus interchangeables, mais à des personnes, dont chacune est différente de l'autre. Il faut prendre en compte ce que vous appelez les « déterminismes » – familiaux, ou encore géographiques – qui sont pour nous les spécificités, les caractéristiques de chaque élève, pour ensuite adapter l'enseignement à chacun d'entre eux.
Il y a effectivement un débat de fond sur cette question : lorsque l'on dit « tous les élèves », on évoque une masse anonyme, standardisée, uniforme, qui est faite d'individus. C'est précisément dans cette expression – « tous les élèves » – qu'il y a de l'individualisme : elle désigne des individus qui sont interchangeables, sans différence entre celui-ci et celui-là. Or on sait, et les débats récents l'ont bien montré, combien vous avez du mal, à gauche, à penser la différence. Pour nous, avec la personnalisation de l'enseignement, il s'agit bien de prendre en compte ces différences, de les respecter et de s'appuyer sur elles pour, ensuite, promouvoir une éducation personnalisée.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l'amendement n° 1125 .
Ce débat sur « pour tous » et « pour chacun » est moins anodin qu'il n'y paraît.
À propos d'un autre amendement, vous avez dit, monsieur le ministre, que vous étiez pour le « pour tous » en raison de votre attachement à la dimension collective et généraliste de l'action publique. Selon moi, vous faites là une confusion entre individualisme et individualisation. Or vous êtes un fin lettré. Je ne vais donc pas vous apprendre la différence entre ces deux termes. C'est un peu comme confondre le collectif et le collectivisme.
Se fixer comme exigence le « pour chacun » est extrêmement important. Je vais vous en donner une illustration. Le dispositif PARLER est extrêmement intéressant : il a pour but de réduire l'illettrisme et l'échec scolaire des enfants de familles défavorisées par un programme de prévention, d'acquisition du langage oral et des pratiques liées à l'écrit. Lorsqu'un enfant commence à développer des difficultés d'apprentissage, l'intervention doit être immédiate, individualisée – j'y insiste – et intensive : six heures par semaine, dédiées à la lecture par séquences de trente minutes ; travail en petits groupes de quatre à six élèves ; implication des parents en les rendant acteurs de l'aide qu'ils peuvent apporter à leurs enfants. Les conclusions sont tout à fait édifiantes et sans appel : les résultats en compréhension de l'écrit des élèves ayant bénéficié de ce dispositif sont non seulement proches de celles de l'échantillon national, mais aussi meilleures que celles du groupe témoin. Cela veut dire qu'il ne faut pas renoncer à l'individualisation, c'est-à-dire à l'exigence du « pour chacun ».
Selon moi, il n'y a pas de contradiction entre les deux termes, madame Genevard. L'exemple que vous venez de donner est tout à fait juste. Mais l'un des deux termes englobe l'autre : il n'y a pas « tous » dans « chacun », mais dans « tous » il y a « chacun ». (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous pouvez prendre le temps de réfléchir à cette pensée profonde !
Quand on dit : « tous les élèves », il s'agit bien entendu – et vous le savez très bien – de ne permettre qu'aucun élève soit exclu, alors que, quand on dit : « chacun », il peut y avoir cette exclusion.
Au contraire, quand on dit : « tous les élèves », aucun des élèves ne doit être exclu et « chacun » doit être pris pour ce qu'il est.
Voilà la différence entre « tous » et « chacun ». Quand on dit : « chacun », il existe la possibilité que ce ne soit pas « tous ».
Nous en restons donc à « tous » et, ce faisant, nous satisferons votre préoccupation, madame Genevard, qui est juste. La commission est donc défavorable à ces amendements identiques.
C'est là un vrai débat et je sais bien que les positions que vous soutenez ne sont pas du tout individualistes, au sens négatif que pourrait avoir ce terme. Vous avez voulu parler de « personnalisme ». Mais même l'individualisme républicain, qui est notre doctrine commune, est une bonne chose : l'individu au-dessus de la raison d'État.
J'irai tout de même un peu plus loin que mon ami Yves Durand. Le « tous » englobe le « chacun » ; il n'y a pas de difficulté sur ce point, pas plus d'ailleurs que sur la pédagogie différenciée, qui est l'essence même de l'enseignement : nous nous adressons chaque fois à un individu différent, et nous devons avoir cette qualité dans le rapport.
Mais ce qui fait – et je le dis en regardant L'École d'Athènes – la possibilité que l'individualité soit libre, c'est précisément l'éducation dont elle a besoin. Dans cette éducation – où nous ne sommes pas seulement un élément de nature –, nous allons libérer notre individualité par l'apprentissage d'un certain nombre de règles communes : c'est le cas pour l'art, pour l'orthographe, que vous avez évoquée tout à l'heure, sans doute aussi pour la morale, et même pour la loi, qui part de tous et s'applique à tous. La loi ne va pas de chacun à chacun, mais de tous à tous.
Lors des vingt dernières années, on a eu l'impression que le maître mot était devenu « gentillesse » : il fallait s'adapter à chacun, faire du sur-mesure. J'ai parlé tout à l'heure de crise d'autorité. En fait, comme le dit souvent Marcel Gauchet – et plusieurs d'entre vous le disent également –, nous devons accepter que, pour nourrir l'individualisme – ou le personnalisme, si vous préférez – au sens le plus noble du terme, il y ait des biens communs, des règles communes, qu'il appartient à l'école de transmettre.
C'est aussi pour cela que je tiens à la refondation républicaine. La République, ce n'est pas la chose de chacun, ce n'est pas chacun sa République, c'est la chose de tous, en commun.
Et le commun, c'est l'école de la République qui doit le transmettre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je me souviens du rapport de la Commission du débat national sur l'avenir de l'école, présidée par Claude Thélot, un rapport demandé par Luc Ferry et remis à François Fillon en octobre 2004. Ce rapport était intitulé : « Pour la réussite de tous les élèves ». J'ai bien entendu tout ce qui vient d'être dit, et tous les points de vue sont éminemment respectables. Toutefois, j'estime que l'idée d'une réussite offerte à tous les élèves est celle que nous devons défendre et que, de ce point de vue, l'inscription dans la loi des mots « tous les élèves maîtrisent » est parfaitement justifiée.
J'ai bien entendu les arguments du rapporteur et du ministre sur cette question très importante, mais je voudrais rappeler que la réduction des inégalités passe par l'acquisition d'un socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Depuis longtemps, l'école a accompli des efforts en ce domaine, soutenus par les ministres qui se sont succédé, tous d'accord pour considérer que les principes d'égalité des chances et d'égalité de traitement ont vocation à combattre tous les échecs.
Vous avez parlé tout à l'heure de gentillesse, monsieur le ministre. Mais en 2013, la question est encore plus cruciale qu'elle ne l'était en 2005, car, comme l'ont dit certains orateurs lors de la discussion générale, Internet est passé par là : je veux dire qu'aujourd'hui, les choses vont très vite. Pour moi, le contenu du socle ne doit pas se substituer au programme de l'école ou du collège, mais vraiment permettre à chacun de disposer de toutes les chances pour poursuivre ses études ou bénéficier de la garantie de trouver sa place dans la société.
(Les amendements identiques nos 456 , 520 , 551 , 892 et 1125 ne sont pas adoptés.)
À l'alinéa 17 du rapport annexé, il est indiqué que la refondation a notamment pour objectif de « faire en sorte que tous les élèves maîtrisent les compétences de base en français (lecture, écriture, compréhension et vocabulaire) et les compétences en mathématiques (nombre, calcul et géométrie) ».
L'amendement n° 780 vise à préciser que la maîtrise des compétences par les élèves doit être parfaite, et non partielle. À cet effet, je propose d'ajouter, après le mot « maîtrisent », l'adverbe « parfaitement ».
À l'évidence, personne ne peut souhaiter que les élèves n'aient qu'une maîtrise imparfaite des compétences. (Sourires.) Je suis donc défavorable à l'amendement n° 780 .
Nous ne connaissons qu'un être parfait, et il n'est malheureusement pas humain ! Nous résignant à notre humaine condition, nous devons faire de notre mieux, c'est-à-dire viser une acquisition du socle aussi bonne que possible – quant à la recherche de la perfection, elle me semble constituer un argument paresseux.
Je voudrais revenir un instant sur la question de « tous » et de « chacun » (« Ah non, ça suffit ! » sur les bancs du groupe SRC), qui me semble mériter qu'on s'y attarde.
La formulation « pour chacun » crée une forme d'obligation, ou tout au moins d'incitation à changer de prisme. Aujourd'hui, monsieur le ministre, nous constatons avec désolation que notre système scolaire ne fonctionne pas parfaitement. Certes, la perfection n'est pas de ce monde, mais vous conviendrez qu'il y a encore une importante marge de progression. Notre système exclut trop, ne parvient pas à intégrer suffisamment d'élèves, à donner à nos élèves ce dont ils ont un impérieux besoin pour réussir leur vie de citoyen. Retenir le terme « chacun », c'est formaliser notre obligation de faire en sorte que les élèves bénéficient de l'acquisition des compétences sans lesquelles ils ne peuvent pas s'accomplir. Voilà ce que signifie, pour nous, le mot « chacun ».
Au sujet du programme PARLER, je veux vous poser une question, monsieur le ministre, et j'espère qu'en m'adressant à vous, j'aurais la réponse que je n'ai pas obtenue lors des auditions devant la commission – je ne parle pas de notre excellent président, mais des personnes que nous avons auditionnées. Ma question est la suivante : pourquoi ce dispositif, qui fonctionne très bien et donnerait à chaque élève connaissant des difficultés la possibilité de les surmonter, n'est-il pas dupliqué partout dans notre pays ?
Parce qu'il ne s'agit de rien d'autre que de pédagogie, et que la pédagogie, ça ne se duplique pas !
Comme le disaient tout à l'heure M. le ministre et M. le rapporteur, il me semble qu'il faut maintenant élever le débat. Nous avons assez entendu d'interventions tour à tour angéliques, provocatrices, ou historiques – en ce qu'elles font référence à M. Fillon et M. Darcos –, il faut maintenant entrer dans ce projet de loi de refondation de l'école.
Parler de chacun et de tous, c'est bien, mais, ce faisant, nos collègues de l'opposition semblent faire abstraction du bilan de la droite ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Face à la situation que nous connaissons actuellement – les classes surchargées, la formation professionnelle tronquée, les inégalités sociales –, il me paraît nécessaire de remettre l'enseignant, l'élève, l'apprenant, au coeur du débat. (Mêmes mouvements.)
Nous sommes favorables à l'expérimentation menée par Michel Zorman, malheureusement disparu l'année dernière. Ce programme, que je suis de près, est actuellement expérimenté dans plus de 300 classes, et ses résultats évalués par la direction générale de l'enseignement scolaire – la DGESCO. J'y suis, je le répète, tout à fait favorable, et je vous invite d'ailleurs à venir voir ceux qui travaillent avec nous sur ce programme.
La question des classes passerelles et celle du « parler bambin » sont fondamentales et s'inscrivent en droite ligne de ce que nous essayons de développer, notamment avec l'accueil des tout-petits. En ce qui concerne l'éducation prioritaire, évoquée tout à l'heure, je tiens à vous dire que nous affectons systématiquement plus de moyens dans les zones où nous pensons que c'est le plus utile.
Sur la question de « chacun » et de « tous », je vais conclure le débat en vous disant que je ne suis pas hostile à « chacun » : je pense simplement qu'il ne doit pas y avoir que du « chacun ». La personne est au coeur de notre identité républicaine. Lorsque les hussards noirs partaient en mission, ils enseignaient à chaque élève la phrase : « Le ciel étoilé au-dessus de moi, la loi morale en moi ». Que dit-elle, la loi morale ? Qu'il faut toujours agir de telle sorte que la maxime guidant son action puisse être érigée en loi universelle. Je ne deviens « chacun » que lorsque je suis capable de passer du singulier à l'universel. C'est vrai pour « la raison théorique », mais aussi pour « la raison pratique ». Je le répète, je ne suis pas contre le « chacun », mais le « chacun » se libère par le « tous », et quand une société comme la nôtre cherche à éliminer le « tous », elle se trompe. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Et quand elle veut éliminer le « chacun » ?
(L'amendement n° 780 n'est pas adopté.)
Il est indiqué, à l'alinéa 17 du rapport annexé, que « l'évolution des modalités de notation passe notamment par une réforme du livret personnel de compétences actuel, qui est trop complexe ». La question de savoir si ce livret est trop complexe pourrait être discutée – personnellement, je considère qu'il est effectivement très compliqué. Quoi qu'il en soit, je conçois mal qu'il soit fait référence dans la loi au livret personnel de compétences actuel, alors qu'il va être supprimé. Il y a là une contradiction, à laquelle je propose de mettre fin en supprimant, à l'alinéa 17 du rapport annexé, la référence qui est faite au livret personnel de compétences.
Aux arguments qui viennent d'être exposés par M. Reiss, je veux en ajouter un autre. Les indicateurs relatifs à la proportion d'élèves maîtrisant les compétences du socle commun sont, en fait, ceux du livret personnel de compétences. Or, à l'alinéa 77 du rapport annexé, il est fait état d'une réforme du livret actuel, rendue nécessaire par sa complexité. Il ne me paraît pas judicieux de faire référence à un document qui sera probablement supprimé, d'autant plus qu'on ne connaît pas, aujourd'hui, le contenu du socle commun de compétences et de culture, qui sera précisé par décret, conformément à l'article 7 du projet de loi. L'amendement n° 680 vise à modifier la rédaction de l'alinéa 17 du rapport annexé, afin de supprimer ce qui semble constituer une contradiction.
Je note une confusion dans ce qui vient d'être dit : il n'est pas question de supprimer le livret de compétences, mais simplement de le modifier.
Dès lors, la référence au livret n'a pas à disparaître. La commission est donc défavorable à ces amendements.
Je comprends la préoccupation exprimée par l'opposition, car elle a également été la nôtre, mais je veux souligner que nous sommes actuellement dans une situation de transition. Comme vous le savez, j'ai demandé à ce qu'il soit procédé, dès cette année, à une simplification du livret personnel de compétences – cette « usine à cases » dénoncée par les enseignants. Toutefois, si nous voulions préserver la notion de socle, il fallait se battre pour garder le livret de compétences, dont la suppression était réclamée avec force par certains.
Nous allons redéfinir le socle des compétences, ce qui implique de revoir le diplôme national du brevet – le DNB, évoqué tout à l'heure. Le conseil supérieur des programmes sera associé à la rédaction du nouveau socle, ce qui permettra, je l'espère, de supprimer les écueils que nous avons rencontrés au cours des dernières années. Il en est de même en matière d'évaluations : nous mettons fin aux remontées, mais devons continuer à pouvoir disposer d'indicateurs. En cette période transitoire, nous devons continuer à affirmer notre attachement à un certain nombre de principes. Nous aurons, le moment venu, l'occasion d'articuler les programmes, le livret de compétences, le DNB et les évaluations, d'une manière plus satisfaisante qu'actuellement.
J'entends bien les arguments de M. le ministre, mais l'alinéa 17 garde tout son sens si on supprime la référence qui y est faite au livret de compétences. Par ailleurs, lorsque le ministère décide de ne plus procéder à des évaluations nationales – ce qui, je le souligne au passage, rendra plus difficile la comparaison avec les années précédentes –, il me paraît faire fausse route. Je peux comprendre votre volonté de changer les choses, mais je persiste à penser que, dès lors, certaines références doivent être supprimées.
(Les amendements identiques nos 522 , 680 et 951 ne sont pas adoptés.)
L'alinéa 18 du rapport annexé mentionne l'objectif consistant à « réduire à moins de 10 % l'écart de maîtrise des compétences en fin de CM2 entre les élèves de l'éducation prioritaire et les élèves hors éducation prioritaire ». L'amendement n° 843 vise à ajouter, après le mot « maîtrise », les mots « des connaissances et », ce qui est fondamental pour s'inscrire dans le cadre défini par la loi du 23 avril 2005. Le binôme compétences-connaissances servant de cadre de référence de la scolarité obligatoire, il faut, pour maintenir une certaine clarté, le conserver dans la rédaction du présent alinéa.
Défavorable.
(L'amendement n° 843 n'est pas adopté.)
Je reviens brièvement sur la question qui vient d'être évoquée lors de l'examen d'un précédent amendement. Il ne s'agit nullement, monsieur le rapporteur, de supprimer la référence au socle et au livret que vous allez réformer.
Il en va de même avec l'amendement n° 574 . Dans le rapport, vous mentionnez entre parenthèses des références très explicites au niveau du palier à respecter en fin de CE1 ou en CM2, et de ce fait vous vous obligez à les maintenir.
Nous vous suggérons donc d'ôter ces références précises entre parenthèses, ce qui ne vous interdira, bien évidemment, en rien de modifier le livret en question. Vous ne vous obligerez simplement pas, techniquement parlant, à respecter les paliers 1 et 2 en vigueur aujourd'hui.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour présenter l'amendement n° 681 .
Vous vous engagez dans une réforme. Les références très précises qui figurent dans le rapport annexé sont, pour nous, inutiles, et ce dans l'optique de l'évolution même que vous nous avez annoncée.
Cet amendement est donc purement rédactionnel. Cela ne devrait, par ailleurs, pas être sujet à débat, puisque cela vous évitera justement de modifier le rapport annexe, lorsque vous procéderez, à un moment ou à un autre, à une modification du livret personnel de compétences, ce qui relèvera, cette fois, du pouvoir réglementaire.
Ces indicateurs permettent de faire référence à la LOLF – donc au projet de loi de finances que nous votons tous les ans selon ses principes – puisqu'ils précisent les bases de l'évaluation des performances du système éducatif. Il est, par conséquent, difficile de les supprimer.
Je suis l'avis de M. le rapporteur.
J'ai été responsable de programmes et je connais, par conséquent, le fonctionnement de la LOLF. Le rôle d'un responsable de programmes, et a fortiori d'un ministre, est d'être en mesure, là aussi, après des échanges avec Bercy et avec le Parlement, de faire évoluer un certain nombre d'indicateurs, lesquels ne sont pas gravés dans le marbre.
J'entendrais d'autres arguments de votre part, mais celui-ci, permettez-moi de vous le dire, ne tient, hélas, pas.
(Les amendements identiques nos 574 , 681 et 997 ne sont pas adoptés.)
Je souhaite vous demander une suspension de séance de dix minutes, madame la présidente. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Article 1er et rapport annexé
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures trente.)
Ceux qui ont le brevet et ceux qui n'ont pas de diplôme sont traités un peu de la même façon. Pour éviter les sorties du système scolaire sans qualification ou avec uniquement un diplôme dont on ne sait quelle sera la valeur, nous pensons qu'il faut préciser que l'objectif est de réduire par deux la proportion des élèves qui sortent du système scolaire sans qualification ou sans diplôme.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour défendre l'amendement n° 1126 .
Nous poursuivons un peu le dialogue sur le groupe et sur l'individu. Peut-être pouvons-nous trouver une forme de réconciliation de la pensée en puisant dans les classiques. Pour Montaigne, « chaque homme porte la forme entière de l'humaine condition ». C'est une belle conciliation.
Cela étant, monsieur le ministre, je vous ai parlé du programme PARLER. Je voudrais évoquer une autre expérience tout à fait intéressante, conduite par les Apprentis d'Auteuil, qui est, vous le savez, une institution spécialisée dans les élèves décrocheurs en forte précarité sociale. Cet organisme présente l'intérêt de maîtriser à la fois le temps éducatif et le temps péri-éducatif avec des internats, précieux pour les enfants très fragiles. Ils ont mis en place un dispositif tout à fait étonnant, qui donne de bons résultats, les écoles de production, qui s'adressent à des jeunes à partir de quatorze ans, qui sont formés, mais en internalisant l'apprentissage. Les jeunes font des produits qu'ils vendent, et la vente de ces produits permet de financer l'enseignement. C'est un dispositif soutenu par les régions.
Voilà un exemple d'innovation parce que l'individualisation, c'est aussi l'innovation. Cela force à sortir des sentiers battus et à emprunter des chemins originaux. L'expérience conduite par les Apprentis d'Auteuil, avec ces écoles de production, est une illustration de l'innovation dans laquelle la pédagogie peut s'engager pour répondre à des besoins plus individuels.
Je voulais juste signaler que je suis arrivé trop tard après la reprise pour défendre l'amendement n° 844 de M. Salen.
Il s'agit toujours du « tous » et du « chacun ».
Après le rapport Thélot dont j'ai parlé tout à l'heure, qui a irrigué le projet de loi Fillon, notamment pour sa part principale qui est le socle, nous avons eu un rapport annexé à la loi Fillon, qui, comme chacun sait, a été annulé par le Conseil constitutionnel.
Ce rapport a toutefois été publié et il est indiqué dans son préambule qu'il a vocation à irriguer l'ensemble des textes réglementaires, décrets, arrêtés, qui seraient mis en oeuvre pour appliquer la loi Fillon. On y trouve dans de nombreux paragraphes les termes « tous les élèves », « l'organisation des parcours scolaires doit offrir à tous les élèves », « pour atteindre l'objectif central de réussite de tous les élèves », par exemple.
Je maintiens donc mon observation précédente : la formulation me semble particulièrement opportune.
L'objectif fixé à l'école est de diviser par deux le nombre d'élèves qui, au terme de leur scolarité, n'obtiennent pas un diplôme ou une qualification. Il y a peut-être quelque chose qui m'a échappé et, si c'est le cas, je prie mes collègues de m'en excuser. Dans la loi Fillon, il était explicitement prévu que la nation fixe comme objectif à son système éducatif de permettre à 100 % des élèves d'obtenir au terme de leur parcours soit un diplôme soit une qualification. C'est un objectif majeur, essentiel, peut-être une inaccessible étoile mais, en tout état de cause, c'est celle que nous devons poursuivre et que nous devons permettre à notre système éducatif de tutoyer un jour ou l'autre. Pourquoi cet objectif fixé par la loi Fillon n'a-t-il pas été repris tel qu'il aurait dû l'être dans cette loi de programmation ?
(Les amendements identiques nos 619 et 1126 ne sont pas adoptés.)
Cet amendement porte sur l'alinéa 19 du rapport annexé. Nous souhaitons que soient substitués aux mots « tous nos élèves » les mots « chaque élève », tout simplement parce qu'il est essentiel de conserver une dimension personnelle et de ne pas noyer la spécificité de chaque élève dans une formulation de nature anonyme.
Je crois que nous sommes tous d'accord pour parler d'égalité, mais il est important de ne pas confondre égalité et égalitarisme. Il est nécessaire de faire en sorte que chaque élève pris individuellement puisse maîtriser le socle commun de connaissances et de compétences. Il en va de la personnalisation de l'enseignement.
C'est la raison pour laquelle, j'ai eu l'occasion de le souligner mais la pédagogie est aussi l'art de la répétition, il y a eu cette idée de développer une aide personnalisée, pour pouvoir s'assurer qu'il y ait bel et bien une progression de l'acquisition des connaissances lorsque les enseignants se rendent compte que, dans le groupe-classe, tel ou tel élève en a besoin. Encore une fois, notre République a un devoir, c'est de s'assurer que chaque élève peut maîtriser ce socle commun de connaissances et de compétences.
C'est un amendement de cohérence entre le rapport annexé et le texte de la loi. L'article 7 indique, en effet, que la scolarité obligatoire doit au moins garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l'acquisition d'un socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Les termes « chaque élève » ne vous gênent donc pas et je crois que nous pouvons nous mettre d'accord.
J'ai été très sensible, monsieur le ministre, à votre argumentation sur le « tous », dont nous pouvons avoir une conception permettant d'englober chacun et de traduire une volonté collective.
Par contre, je ne suis pas totalement d'accord avec vous, monsieur le rapporteur, lorsque vous dites que le « tous » intègre le « chacun » mais que le « chacun » n'implique pas obligatoirement le « tous ». Si. À partir du « chacun », nous arrivons à la fin à « tous ».
Il nous paraît donc dommage de refuser une démarche personnalisée.
Au-delà des débats qui peuvent être un peu sémantiques, il y a dans la pratique, et cela dépasse les alternances politiques, 15 à 20 % de jeunes qui sont mis de côté parce que l'on est dans une logique de massification et de démocratisation.
Il faut choisir les mots en fonction des périodes. Il y a une vision républicaine du tous et une vision personnaliste du chacun qui peuvent se réunifier. Nos débats montrent que nous pourrions arriver peut-être pas à une convergence totale mais au moins à un rapprochement. Il y a aussi des messages politiques à lancer et, très clairement, pour nous, dans le cycle dans lequel nous nous inscrivons en matière d'éducation, c'est plus vers la personnalisation qu'il faut aller que vers un mouvement collectif.
(Les amendements identiques nos 459 et 898 , repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
Monsieur le ministre, vous auriez pu vous dispenser tout à l'heure de me faire une leçon de morale sur la perfection possible.
Je voudrais maintenant parler de l'amendement de M. Salen.
Vous pouvez utiliser les deux minutes qui vous sont imparties pour présenter l'amendement n° 781 comme vous le souhaitez et donc parler d'un amendement antérieur, mais vous n'aurez pas deux minutes de plus.
Hélas !
L'objectif étant de faire en sorte que tous les élèves maîtrisent les compétences de base en français ou les compétences en mathématiques, je demande qu'il soit précisé que c'est parfaitement qu'ils doivent maîtriser le socle commun de connaissances, de compétences et de culture.
Même réflexion sur la perfection. Défavorable.
(L'amendement n° 781 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
À l'alinéa 19 du rapport annexé, nous souhaitons insérer après le mot « culture » le mot « humaniste ». L'insertion de cet adjectif permettrait de s'inscrire dans le cadre juridique du décret du 11 juillet 2006 qui définit la notion de socle des connaissances et des compétences.
Ce texte précise : « La culture humaniste permet aux élèves d'acquérir tout à la fois le sens de la continuité et de la rupture, de l'identité et de l'altérité. En sachant d'où viennent la France et l'Europe et en sachant les situer dans le monde d'aujourd'hui, les élèves se projetteront plus lucidement dans l'avenir. La culture humaniste contribue à la formation du jugement, du goût et de la sensibilité. Elle enrichit la perception du réel, ouvre l'esprit à la diversité des situations humaines, invite à la réflexion sur ses propres opinions et sentiments et suscite des émotions esthétiques. Elle se fonde sur l'analyse et l'interprétation des textes et des oeuvres d'époques ou de genres différents. Elle repose sur la fréquentation des oeuvres littéraires – récits, romans, poèmes, pièces de théâtre –, qui contribue à la connaissance des idées et à la découverte de soi. Elle se nourrit des apports de l'éducation artistique et culturelle. »
Je ne vais pas parler de la culture humaniste, puisque je défendrai tout à l'heure l'idée selon laquelle le socle commun de connaissances et de compétences se suffit à lui-même, sans que l'on doive ajouter un terme supplémentaire.
Toutefois, j'ai posé une question et je serais reconnaissant au Gouvernement d'avoir l'amabilité de m'éclairer. L'alinéa 19 prévoit de « réduire par deux la proportion des élèves qui sortent du système scolaire sans qualification ». Tel est l'objectif, en même temps que ceux de 80 % d'une classe d'âge ayant le baccalauréat et de 50 % ayant un diplôme de l'enseignement supérieur. L'objectif de la loi d'orientation de 2005, dite loi Fillon, était différent : « La nation fixe au système éducatif l'objectif de garantir que 100 % des élèves aient acquis au terme de leur formation scolaire un diplôme ou une qualification reconnue. » Pourrait-on m'indiquer pourquoi cet objectif a été revu à la baisse ?
(L'amendement n° 845 n'est pas adopté.)
Il s'agit d'un rappel au règlement sur le fondement de l'article 58, alinéa 1. J'ai demandé la parole sur le précédent amendement, madame la présidente, et vous l'avez vu. Je suis désolé d'avoir à le rappeler à la présidence mais l'opposition a des droits et il est important qu'ils soient respectés.
Monsieur Hetzel, je vous renvoie à l'article 56 du règlement. Des interventions multiples ne sont pas prévues et M. Gomes s'était déjà exprimé en faveur de l'amendement. Vous avez eu et vous aurez d'ailleurs de nombreuses occasions de vous exprimer, puisque vous êtes l'auteur d'amendements ; je ne crois pas vous avoir empêché de vous exprimer longuement à de multiples reprises. Relisez l'article 56 : la présidence peut autoriser un orateur à répondre au Gouvernement et à la commission, mais ce n'est pas une obligation, et en tout état de cause il ne s'agit pas de systématiser une pratique de réponses multiples dans ce cadre.
Il est défendu.
(L'amendement n° 483 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Dans un rapport rendu public dans les années 1990, cette noble institution qu'est le Conseil d'État relevait : « Quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu'une oreille distraite. » Cet amendement vise donc à supprimer les alinéas 22 et 23 du rapport annexé, qui n'apportent pas grand-chose à la compréhension du texte. L'alinéa 22 dispose que les parties prenantes de l'école « doivent se mobiliser » pour appliquer la loi ; je ne crois pas que la loi ait besoin de préciser qu'elle est censée être appliquée. De même, l'alinéa 23 explique, un peu en manière de propagande, ce que la refondation doit faire de l'école. Faut-il comprendre, en creux, que l'école aujourd'hui n'est pas un lieu de réussite, d'autonomie, d'épanouissement, d'éveil ? Une telle précision n'apporte rien ; la loi doit se limiter à des éléments tangibles et objectifs.
(L'amendement n° 413 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Puisque vous m'y avez invité, madame la présidente, je viens de relire l'article 56 du règlement. Vous avez parfaitement raison en droit. Toutefois, il me semble important que notre débat puisse se dérouler sereinement. J'avais levé la main parce que je souhaitais apporter quelque chose au débat. Nous ne faisons aucune obstruction ; nous sommes au contraire dans une attitude extrêmement constructive. Aussi me paraîtrait-il légitime de ne pas prendre les choses à la lettre et de s'inspirer plutôt de l'esprit. L'esprit, en démocratie, c'est qu'il est important d'écouter l'opposition. Regardez comment, sous la précédente législature, l'opposition s'exprimait pour insister sur la nécessité d'être respectée. Je suis un peu surpris d'avoir à rappeler l'importance de cette façon de travailler.
L'amendement porte sur l'alinéa 22. Je propose de substituer aux termes de « refondation de l'école » ceux d'« orientation de la présente loi ». Encore une fois, nous n'avons pas affaire à une refondation de l'école : le texte liste un certain nombre de points ayant trait à la politique éducative, et il n'y a nullement lieu de qualifier cela de refondation. Sans compter que cela reviendrait à créer une différence entre un avant et un après, ce qui ne nous semble pas pertinent pour un texte de loi.
L'alinéa 22 se termine par « la refondation de l'école » et l'alinéa 23 commence par les mots : « La refondation a pour objet ». La répétition peut être parfois utile, mais il peut être tout aussi utile en l'occurrence de préciser que nous sommes dans le cadre d'une loi de programmation et d'orientation. Pour la clarté de la rédaction, nous proposons de parler de mesures d'« orientation de la présente loi ».
L'alinéa 22 précise que « l'ensemble de la communauté éducative », telle qu'elle est immédiatement définie, et « l'ensemble des composantes du système éducatif », également définies, « doivent se mobiliser pour la réalisation de ces objectifs ». Un amendement adopté en commission ajoute : « Ils accompagnent les mesures de refondation de l'école. » Nous sommes vraiment là dans le cas de la loi bavarde. Tout d'abord, l'idée d'accompagnement est beaucoup moins forte que celle de mobilisation. Ensuite, il y a la question du mot « refondation », sur laquelle nous avons eu l'occasion de nous exprimer. L'amendement adopté en commission n'apporte rien, il amoindrit au contraire le texte.
Je crois qu'au contraire ce paragraphe est important. Nous disons souvent que l'éducation nationale à elle seule ne peut pas tout pour la réussite des enfants et que d'autres facteurs doivent jouer. En l'occurrence, ce paragraphe qui parle de la communauté éducative montre bien que, si nous avons besoin d'enseignants bien formés, il convient aussi de prendre en compte le rôle des personnels médico-sociaux, des conseillers d'orientation, des élèves, des parents, des associations. C'est une manière de réaffirmer que des intervenants autres que les enseignants ont un rôle important pour la réussite scolaire, notamment lorsque les enfants ont des difficultés. Par conséquent, il ne faut pas supprimer ce paragraphe : tous ces intervenants ont un rôle à jouer pour la réussite des jeunes. Il est bon de leur rendre hommage par ce paragraphe.
Nous soutenons ces amendements car, comme nous l'avons dit à plusieurs reprises, nous considérons que cette loi est une loi d'orientation et de programmation et en aucune manière une loi de refondation de notre école.
Pour qu'il n'y ait pas de méprise, il ne s'agit pas d'amendements de suppression de l'alinéa 22. Nous conservons la mention de toutes les composantes du système éducatif et de leur mobilisation pour la réalisation des objectifs de cette loi. Toutefois, l'amendement adopté en commission, parlant d'accompagnement, semble inutile.
(Les amendements identiques nos 596 , 631 et 937 ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
Je souhaiterais répondre à M. Hetzel, qui s'est à plusieurs reprises appuyé sur le règlement pour demander que l'opposition parlementaire soit, dans ce débat, respectée. Je tiens à le rassurer s'il nourrit quelque inquiétude. Nous avons longuement préparé ce projet de loi en commission, par de multiples tables rondes et auditions. Nous avons passé quinze heures quarante-cinq à examiner tous les amendements, et je ne parle pas des réunions tenues en vertu de l'article 88 du règlement.
Nous avons débuté l'examen des amendements en séance publique hier soir, et même l'examen de l'article 1er en fin d'après-midi. Nous avons examiné à l'heure qu'il est quatre-vingt-quatorze amendements : quatre-vingt-treize de l'opposition et un du Gouvernement. Aucun amendement de la majorité n'est pour l'instant venu en discussion.
Le Gouvernement comme le rapporteur ont le souci de répondre à l'opposition, que je trouve particulièrement considérée dans ce débat. Vous avez fait référence, monsieur Hetzel, à la manière dont l'opposition parlementaire était traitée lors des précédentes législatures : elle ne faisait pas, surtout quand s'est appliqué le temps programmé, l'objet d'une telle considération. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Je le dis pour que vous ne nourrissiez aucune inquiétude sur le respect qui vous est dû.
Le ministre et moi-même sommes soucieux de prendre vos questionnements en considération. Ayons toutefois à l'esprit que nous sommes mercredi en fin d'après-midi, que nous avons quelque 1 500 amendements à examiner et qu'il serait dommage d'expédier vendredi dans la nuit des amendements essentiels, notamment de l'opposition, sur les derniers articles du projet. Nous voulons prendre en compte le temps parlementaire, dans le respect de l'opposition. C'est d'ailleurs vous qui fixez largement, par le nombre de vos amendements, le rythme de notre discussion. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
Monsieur le président de la commission, je ne mets pas en cause la manière dont vous dirigez nos travaux en commission, qui se passent dans un climat très agréable et serein. Cependant, sur ce texte, pourquoi avons-nous examiné en séance quatre-vingt-treize amendements de l'opposition et aucun de la majorité ? C'est tout simplement parce que vous avez adopté en commission une très grande partie des amendements de la majorité, qui ne sont donc plus en discussion, et que vous avez rejeté systématiquement les nôtres. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
De nouveau, lors de la réunion de la commission lundi soir, qui a duré deux heures et demi, nous avons examiné 900 amendements. En grande majorité, il s'agissait d'amendements de l'opposition. Ils ont été refusés. Nous les avons donc redéposés en séance publique afin qu'ils soient discutés.
Toutefois, je vous rappelle nos conditions de travail, sous le contrôle de notre rapporteur : si lundi soir un quart de seconde a suffi pour examiner un amendement de l'opposition, en revanche, dès qu'un amendement émanait des groupes écologiste, SRC ou radical, on prenait le temps nécessaire pour s'efforcer d'adopter l'amendement. Or l'examen précis de ces amendements ne donnait pas le sentiment de faire la loi, comme en témoignaient d'ailleurs les grimaces et les contorsions du rapporteur contraint de céder, sous peine de se mettre à dos ses partenaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
C'est pourquoi l'opposition se retrouve aujourd'hui avec 1 500 amendements à présenter. Comme le débat parlementaire doit avoir lieu quelque part, qu'il se tienne dans cet hémicycle !
Je suis saisie de deux amendements identiques. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l'amendement n° 595 .
Cet amendement a pour objectif d'aborder la question de l'insertion professionnelle, au coeur des préoccupations de nos concitoyens. Lorsque l'on interroge les familles sur le devenir de leurs enfants, le sujet qui revient de façon récurrente est bien celui-là.
Pour qu'elle soit une réalité, il est important de faire en sorte que le système éducatif joue tout son rôle, non pas en prenant directement en charge cette question, mais en l'intégrant dans ses orientations. Nous le devons aux élèves, aux familles et, plus largement, au pays.
Ce serait faire oeuvre utile et c'est pourquoi il nous semble essentiel de faire figurer explicitement après l'alinéa 22 cette question de l'insertion professionnelle.
Cette précision me semble en effet importante et en cohérence avec ce que je disais plus tôt sur les orientations de ce projet de loi.
Monsieur le ministre nous a dit que nous avions en France un véritable problème de chômage chez les jeunes, ce qui est vrai, et que nous devions donc tout mettre en oeuvre pour le faire diminuer de façon significative : cette question de l'insertion professionnelle doit être d'autant mieux présente et prendre toute sa place dans les orientations de la loi que nous sommes en train d'adopter.
L'annexe traite de cette question, ainsi que l'article 37 relatif au baccalauréat. Par conséquent, votre amendement est largement satisfait. L'avis de la commission est donc défavorable.
Quant à M. Salles, qu'il soit rassuré : je ne grimace jamais et j'ai passé l'âge des contorsions.
J'entends bien l'argumentation de la commission. Toutefois, à lire l'alinéa 22 et à entendre Mme la ministre parler de « rendre hommage » à toutes les parties prenantes du processus, on constate qu'il en manque un : le secteur privé ou, en tout cas, les futurs employeurs.
Votre conception de la réorientation pèche par cette absence, alors que l'objectif est bien de permettre à nos élèves de trouver un emploi, et ce d'autant plus dans un contexte qui voit apparaître mille nouveaux chômeurs par jour. Ce sujet doit être au coeur du système éducatif.
Or vous l'avez oublié dans l'alinéa 22, faisant la preuve que vous ne l'avez pas à l'esprit. Ce sujet est peut-être abordé ailleurs, dans le rapport annexé, mais il ne figure pas dans l'orientation générale que vous voulez donner à la refondation.
Cet amendement permettra d'isoler cet objectif, de le mettre en valeur et peut-être même, madame la ministre, de rendre hommage de façon utile et efficace à notre système d'emploi, dans lequel doivent s'intégrer nos élèves.
(Les amendements identiques nos 595 et 630 ne sont pas adoptés.)
Cet amendement prévoit d'ajouter après le mot « conditions » à l'alinéa 23 « un lieu permettant le développement de nouvelles pratiques pédagogiques, encourageant la liberté pédagogique des enseignants ; ».
Il est assez surprenant en effet – et l'on ne peut que le déplorer – que le projet de loi pour la refondation de l'école ne fasse jamais explicitement référence ni dans son dispositif, ni dans son annexe, au principe fondateur de la liberté pédagogique, consacrée par l'article L. 912-1 alinéa 1, du code de l'éducation. Les auteurs du présent amendement, que je porte avec Xavier Breton et Benoist Apparu, considèrent qu'il est capital de rappeler ce principe qui fait partie de l'essence de notre système éducatif.
Nous avons été extrêmement surpris qu'il n'y ait pas de référence à la liberté pédagogique : nos enseignants apprécieront la manière dont cette question a été évacuée. Corollaire implicite des responsabilités qui incombent à l'enseignant, le principe de la liberté pédagogique est une composante essentielle d'une formation de qualité des futurs enseignants.
Ne figeons pas notre école ; laissons à de nouvelles pratiques pédagogiques la possibilité de se développer : notre école a besoin de respirer. Il faut inscrire dans le texte cette question de la liberté et de l'innovation.
Nous disions tout à l'heure que nous ne voyons pas où se situe la refondation. L'une des raisons pour lesquelles nous pensons qu'il n'y a pas de refondation, c'est que vous ne faites pas suffisamment cas de la liberté pédagogique.
Que M. Hetzel soit rassuré, nous tenons la liberté pédagogique pour fondamentale : c'est d'ailleurs pourquoi elle est inscrite dans le code de l'éducation.
La présente loi réforme le code de l'éducation, mais pas ce point précis qui y est donc bien réaffirmé.
Je n'aurais pas l'outrecuidance de rappeler que ce n'est pas un ministre de ce gouvernement, ni de cette majorité, qui donnait des ordres sur la manière d'apprendre à lire aux enfants du CP ! On a fait mieux en matière de liberté pédagogique ! (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)
(L'amendement n° 302 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Depuis le début de la discussion, nous ne cessons de dire que les piliers de votre refondation sont fragiles. C'est pourquoi nous vous soumettons cet amendement afin de mettre en débat les véritables piliers de la refondation. Nous reprenons d'ailleurs l'un de vos piliers – la priorité donnée au primaire –, mais nous souhaitons y ajouter l'architecture globale du système : l'autonomie des établissements, l'école du socle commun de connaissances et le statut des enseignants.
Vous avez reconnu, monsieur le ministre, comme le rapporteur, que ces questions étaient essentielles. Malheureusement, on ne les trouve pas dans votre texte de loi : c'est pourquoi nous voulons vous aider afin de redonner un peu de muscle aux piliers de la refondation.
Je vous remercie vivement, monsieur Apparu, mais je vous répète ce que je vous avais déjà dit à ce sujet lors du débat en commission : c'est par le biais de la pédagogie, considérée comme l'essentiel, que notre loi envisage la priorité donnée au primaire, la formation des enseignants ou le « plus de maîtres que de classes ». Voilà une véritable évolution, voire révolution pédagogique !
Vous évoquez, quant à vous, l'architecture, les briques, les piliers : …
…c'est très bien, mais ce n'est pas de cette manière que nous voulons organiser la refondation.
Effectivement, nous avions anticipé ce débat, comme je vous l'avais dit en commission, mais nous en restons aujourd'hui aux principes mêmes de cette refondation et de cette loi.
C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable, après un débat particulièrement intéressant, je dois l'avouer.
Soit. Toutefois, vous ne répondez pas sur le fond. De fait, peut-on véritablement opposer les deux orientations que vous donnez ? Favoriser une refondation par la pédagogie exclut-il une refondation par le système ?
Si l'on peut critiquer le terme de refondation, il faut surtout considérer que les axes qui vous sont ici soumis ne sont pas exclusifs. D'ailleurs, sur l'école primaire, vous semblez d'accord.
De deux choses l'une. Soit certains éléments de ces cinq alinéas vous déplaisent. Dans ce cas, relevez-les et nous pourrons peut-être sous-amender afin de parvenir à un consensus. Par exemple, vous pourriez considérer qu'il n'y a pas de problèmes d'inégalités dans le cadre de l'autonomie des établissements. Soit vous êtes d'accord avec ces cinq axes. Dans ce cas, rien ne vous interdirait d'envisager cette série d'axes, dont vous pourriez évaluer à votre guise l'ordre de priorité.
Reconnaissez néanmoins que lorsque l'on se targue de refonder l'école, on n'envisage pas le problème d'un point de vue hémiplégique, et uniquement par la pédagogie, qui fait penser à pédagogisme – or vous savez ce que nous pensons de cette dernière méthode.
Je tiens à ce que nous nous comprenions bien dans ce débat. Tout à l'heure, alors que vous nous recommandez de nous préoccuper de l'entreprise, vous avez voulu supprimer un paragraphe dans lequel nous avions inscrit précédemment avec vos collègues l'importance que nous accordons à l'insertion professionnelle. Soyez cohérent.
Des alinéas 25 à 32, vous supprimez nombre d'éléments, monsieur Apparu, car vous supprimez précisément l'autonomie pédagogique, telle que je l'entends avec la refondation de l'éducation prioritaire. La Cour des comptes vient de nous soumettre un rapport à ce sujet : elle exigera des affectations différenciées de moyens par établissement.
Et vous supprimez ces éléments, sans préciser votre conception de l'autonomie des établissements – mais après tout cela fait dix ans que nous l'attendons. Vous aviez certes proposé de faire passer l'évaluation par les chefs d'établissement, mais vous aviez été contraints de reculer.
Il faut conserver nos objectifs relatifs à l'éducation prioritaire ou encore – parlez-en avec Nathalie Kosciusko-Morizet – à l'ambition numérique et au service public du numérique, que vous supprimez également d'un coup, quand il s'agit pourtant là de l'un des piliers de la refondation d'une école républicaine pour le xxie siècle.
Sur certains points, nous pouvons avancer. Mais nous ne pourrons progresser sur l'autonomie pédagogique des établissements qu'à condition que vous leviez une contradiction. Vous nous dites, dans votre texte, qu'il faut créer cette école du socle, en rassemblant les écoles primaires de rattachement avec leur collège. Soit. Mais que faites-vous alors des directeurs d'école, dont vous parlez depuis des semaines ? Si le directeur d'école a un statut particulier de chef d'établissement, vous transformez les écoles en établissements, auquel cas elles ne sont plus rattachées au collège.
Vous devez faire un choix. Le choix que nous avons fait pour nous inscrire dans une continuité que vous aviez développée, c'est d'articuler ensemble ce qui n'était pas le cas jusque là, soit le travail entre l'école et le collège.
Dans notre projet, un conseil pédagogique va réunir les enseignants de l'école et ceux du collège. Ne supprimez donc pas tous ces objectifs, et si vous voulez vraiment l'autonomie, pensez à l'éducation prioritaire, elle en aura bien besoin, ainsi qu'aux moyens à lui affecter. Ne substituez pas à ces alinéas votre texte, considérablement réducteur et terriblement équivoque par rapport aux objectifs même qui sont les vôtres.
Monsieur le ministre, vous êtes un trop fin spécialiste des questions éducatives pour ne pas avoir saisi la différence entre ce que vous proposez et la très claire volonté qui est la nôtre de développer demain des EPLE du premier degré, que mon collègue Reiss et moi-même avons appelé les « EPEP » – les écoles publiques de l'enseignement primaire. Nous défendrons à cet effet un amendement qui sera une première étape vers l'école du socle.
Aujourd'hui, quelle est la réalité du système ? Les collèges et les lycées sont des EPLE alors que les écoles primaires ne le sont pas. Nous considérons qu'il faut a minima transformer celles-ci en EPLE, et qu'il serait plus judicieux d'intégrer dans un seul EPLE le collège et le primaire. Mais ce n'est pas parce qu'on ne fait pas l'école du socle commun – puisque vous le refusez, dont acte – qu'il est impossible de transformer les écoles primaires en EPLE. Il n'y a pas en la matière de contradiction absolue. Nous avons déposé à cet effet ce que la technique parlementaire appelle des amendements de repli : faute d'obtenir ce que l'on souhaite dans l'idéal, à savoir l'école du socle commun, on dépose un autre amendement, par exemple pour transformer nos écoles primaires en EPLE du premier degré.
Second élément : nous souhaitons relancer le débat sur l'autonomie et sur le statut des enseignants parce que ces deux points sont absents de votre texte de loi d'orientation et de programmation. Là encore, monsieur le rapporteur, il n'y a pas de contradiction : vous parlez d'entrée pédagogique, mais permettez-moi de vous dire que si la logique disciplinaire des enseignants, aujourd'hui au coeur de leur statut, n'est pas un élément de pédagogie, c'est que je n'ai pas compris ce qu'était la pédagogie.
(L'amendement n° 414 n'est pas adopté.)
Au préalable, une clarification après l'intervention du président Bloche : la feuille verte fait foi pour ce qui est de la poursuite de nos débats, et samedi et dimanche sont bien programmés comme des jours de séance possibles. Ce projet de loi peut ainsi pleinement avoir sa place, et rien ne se fera dans la précipitation.
J'en viens à mon amendement. Comme chacun le sait, le métier d'enseignant n'attire plus un certain nombre de jeunes alors que c'est pourtant bien avec eux que va se construire l'école de demain. Il est primordial, avant toute réforme de la formation, d'engager une vraie réflexion concertée sur leur statut. La réussite des élèves dans une école qui s'est au fil du temps massifiée, notamment au lycée, ne doit plus se compter uniquement, comme dans les années 50, en heures de cours. Toute la partie d'accompagnement des élèves qui a été développée grâce au décret Darcos de 2008 a eu un véritable succès. Il convient aujourd'hui de réfléchir à la manière dont on peut réintégrer ce qui doit faire partie sans conteste des missions des enseignants afin de leur donner les moyens d'accomplir leur mission qui consiste à faire réussir chaque élève.
Cet amendement insiste également sur la question de la revalorisation du métier d'enseignant. On notera là aussi que c'est Xavier Darcos qui avait procédé à cette revalorisation, y compris lors de l'entrée dans le métier. À ceux qui disent encore une fois que c'est la majorité précédente qui aurait cassé l'éducation, je réponds donc que ce n'est pas le cas. Les budgets avaient été largement développés dans le sens de la revalorisation et, au cours des législatures précédentes, l'éducation avait toujours fait partie des priorités. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. André Schneider, pour soutenir l'amendement n° 233 .
Cet amendement est extrêmement important. En effet, et vous avez abordé la question, monsieur le ministre, l'enseignant doit bien sûr enseigner devant les élèves, mais on doit lui donner toutes les possibilités pour qu'il puisse accomplir l'ensemble de sa mission éducative, mon collègue vient de le rappeler avec talent. Cela veut dire qu'il doit avoir un statut, et cela passe par « une revalorisation matérielle et morale », comme ont dit pendant trente ans les organisations syndicales – j'ai été formé à cette école.
Je voudrais à mon tour apporter un petit éclairage sur le débat qui portait sur tous et chacun.
C'est la quadrature du cercle : l'enseignant a pour mission à la fois d'amener tous les élèves aussi loin que possible et chacun jusqu'aux limites de son possible. C'est cela être un bon enseignant, et pour qu'il y parvienne, il faut donner du temps au temps, en l'occurrence lui laisser le temps de faire son travail de dispensateur de savoirs mais aussi d'accompagnateur pour la réussite de chacun de ses élèves, avec en perspective finale celle de tous ses élèves.
La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour soutenir l'amendement n° 278 .
Cet amendement vise à inscrire dans la loi qu'il convient de réfléchir à un statut pour les enseignants car ne vous en déplaise, monsieur le ministre, cette question est centrale. Aujourd'hui, force est de constater que le métier d'enseignant attire moins qu'autrefois. J'en veux pour preuve l'expérience que j'ai personnellement vécue au dernier forum des métiers, forum organisé ensemble, je tiens à le souligner, par les collèges publics et privés dans ma circonscription depuis plus de vingt ans : cette année, pour la première fois, le stand tenu par trois enseignantes a fait partie de ceux qui ont reçu le moins de visites.
L'alinéa 25 précise votre volonté de réinvestir dans les moyens humains de façon quantitative et qualitative. Pour nous, cela passe par la prise en compte, en sus des heures de cours, de tout le travail d'accompagnement des élèves, qui est réalisé avec conviction par les enseignants, mais aussi de leur formation initiale et continue, afin de revaloriser ainsi le métier. Tel est l'objet de ces amendements identiques. Leur rejet par votre majorité, que je n'ose imaginer, serait incompréhensible pour les enseignants.
La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l'amendement n° 705 .
Madame la présidente, une suspension de séance ou en tout cas un rappel au règlement aurait été justifié puisqu'il semble que la fumée blanche se soit épandue au-dessus du Vatican et qu'un nouveau pape ait été élu. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Mais je pense que dans cette instance, et surtout devant cette assistance où la laïcité est parfois vécue avec quelque excès (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC),…
…cela m'aurait valu une nouvelle fois quelques remarques un peu désagréables.
Venons-en à cet amendement extrêmement important. Il prévoit la suppression de l'alinéa 32 du fameux rapport annexé. Cet alinéa propose de modifier en profondeur l'organisation des enseignements et leur évaluation avec la mise en place de deux nouvelles instances : un conseil national de l'évaluation et un conseil supérieur des programmes.
Mais ça n'a rien à voir avec votre amendement ! Depuis l'élection du pape, ça y est, il est parti !
Ceux-ci se substitueraient au Haut conseil de l'éducation, qui à lui seul remplit pourtant parfaitement son rôle. Ce texte de loi qui prétend refonder l'école de la République ajoute des structures qui apparaissent particulièrement redondantes, il s'inscrit dans un alourdissement de notre système éducatif et contourne les priorités que nous partageons. C'est pourquoi il convient de supprimer cet alinéa. (Mouvements divers sur les bancs du groupe SRC.)
Cher collègue, vous vous êtes trompé d'amendement. (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)
Le métier d'enseignant n'attire plus les jeunes, alors que c'est avec eux que va se construire l'école de demain. Il est donc primordial avant toute réforme de la formation d'engager une vraie réflexion concertée sur leur statut. La réussite des élèves dans une école massifiée ne doit plus se compter uniquement, comme dans les années 50, en heures de cours.
Toute la partie d'accompagnement des élèves qui a été développée grâce au décret Darcos de 2008 a été un véritable succès. Il convient par conséquent de réfléchir à la manière dont on peut réintégrer ce qui doit faire partie sans conteste des missions des enseignants afin de leur donner les moyens d'accomplir leur mission consistant à faire réussir chaque élève.
En conséquence, je propose que soit rédigé ainsi la fin de l'alinéa : « […] de manière qualitative, notamment par une réflexion sur le statut des enseignants qui doit prendre en compte, en plus des heures de cours, tout le travail d'accompagnement des élèves, leur formation, en particulier dans le premier degré, ainsi que la revalorisation du métier. »
monsieur le ministre, comme mes collègues, je pense que ces amendements sont extrêmement importants parce qu'ils évoquent le changement de statut des enseignants. Nous savons, vous et moi, qu'une des principales causes de l'échec scolaire, c'est vraiment la maîtrise de la langue. Or pour y parvenir, vingt-quatre ou vingt-sept heures accomplies par les enseignants, ce n'est souvent pas suffisant. Pour qu'il y ait égalité territoriale – nous l'avons évoqué à propos des rythmes scolaires – et sociale, c'est-à-dire pour que l'école redevienne un ascenseur social républicain, il faut sans doute changer le statut des enseignants en leur permettant d'accompagner les élèves, mais aussi bien évidemment revaloriser leurs fonctions.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l'amendement n° 1128 .
Il y a véritablement un problème d'attractivité du métier. Le système actuel d'affectation des enseignants, le niveau de rémunération qui est le leur et la diminution voire l'absence de considération sociale dont ils sont l'objet font qu'il attire moins et même parfois plus du tout. Notre collègue Patrick Hetzel vous a interrogé tout à l'heure, monsieur le ministre, sur votre conception de la liberté pédagogique. C'est une question importante et un facteur d'attractivité du métier. Quelle est votre vision sur ce point ? Nous serions intéressés de la connaître.
Pour conclure, je tiens à vous renvoyer à un article paru en début de semaine dans un grand quotidien, et qui fait une comparaison, un peu cruelle pour nous, entre l'école française et l'école canadienne. On nous décrit une école dans la banlieue défavorisée de Toronto, et ses professeurs disent qu'en Ontario, tout le monde veut devenir professeur, au point d'ailleurs que certains étudiants vont satisfaire à l'étranger ce désir d'enseigner. Parmi les éléments d'attractivité du métier au Canada, il est question du niveau de rémunération – entre 2 300 euros et 4 300 euros par mois –, sachant que le conseil scolaire détermine le salaire des enseignants,…
…ce qui laisse rêveur dans notre système hypercentralisé qui laisse peu de place à la liberté, à l'autonomie, à l'individualisation. Nous avons là un système qui, en plus, produit de la réussite scolaire. Le fait que les élèves soient chouchoutés contribue à leur réussite ; les enseignants s'impliquent dans des activités parascolaires et la mise en valeur de chaque élève est constante. Si bien que de 80 % d'élèves décrocheurs il y a quelques années, la barre a été redressée et ce pourcentage est tombé à 50 %. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
C'est pour ça que votre majorité était passée à la semaine de quatre jours !
Je rappelle que la moitié des économies réalisées par le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraire a été affectée à la revalorisation salariale des enseignants, un point très important pour l'attractivité du métier. Or avec les 60 000 recrutements que vous allez faire, vous ne pourrez pas revaloriser les traitements.
Effectivement, il faut mener une réflexion sur l'évolution globale du statut des enseignants. Les difficultés de recrutement sont surtout liées à un manque de perspectives et au niveau des rémunérations.
Il faudrait également mener une réflexion sur le statut des professeurs agrégés puisque cette catégorie a été relativement abandonnée au cours des dernières décennies. À juste titre, le Gouvernement a toujours favorisé l'avancement des professeurs certifiés et des professeurs des écoles. Mais les professeurs certifiés ont vocation à devenir agrégés à un moment donné de leur carrière, par la voie du concours ou de la liste d'aptitude. Pour encourager les recrutements et donner des perspectives à ces jeunes, il faut revaloriser de manière significative le statut des professeurs agrégés.
En défendant ces nombreux amendements identiques, vous avez marqué votre intérêt pour l'attractivité et la revalorisation du métier d'enseignant. Nous, nous la faisons. Pourquoi les jeunes se sont-ils détournés du métier d'enseignant au cours des dernières années ? Que vous le vouliez ou non, c'est parce que la formation avait été supprimée. C'est ce qui leur importait.
Que leur proposons-nous ? Une véritable formation professionnelle qui va leur permettre d'être armés devant les élèves, de faire véritablement leur métier d'enseignant. D'ailleurs, le retour de la formation a entraîné une recrudescence de candidats aux concours de recrutement.
De nombreux jeunes reviennent vers les concours et sont candidats à l'enseignement.
Vous qui parlez de revalorisation salariale, comment pouvez-vous oublier que, justement, cette formation qui va permettre à des jeunes de toucher un salaire à plein-temps pour une demi-année de stage ? Ils vont non seulement percevoir un salaire qui leur permettra de vivre alors qu'ils n'avaient aucune rémunération et qu'ils étaient devenus des travailleurs précaires en quelque sorte, mais ils vont aussi pouvoir enclencher leur carrière et commencer à cotiser pour leur retraite.
Vous discourez sur la revalorisation du métier d'enseignant ; nous leur offrons à la fois des perspectives et des conditions de travail qui sont dignes du métier d'enseignant. Le métier d'enseignant et son attractivité ne tiennent pas à la seule question du statut.
Avis défavorable.
Ce sujet peut prêter à polémique si on le souhaite, mais il est de première importance pour le pays.
Pour des raisons diverses, au cours des dernières années, nous nous sommes retrouvés dans la situation très inquiétante de ne pas pouvoir recruter les professeurs dont nous avons besoin. Dans les années à venir, nous aurons besoin de recruter 150 000 professeurs.
On peut expliquer cette pénurie par la crise des vocations : les jeunes n'auraient plus envie d'enseigner, ce ne serait plus un beau métier, la société aurait évolué. On peut aussi, et c'était un pari, faire la distinction entre crise des vocations et crise des recrutements.
Des indicateurs nous permettaient d'écarter la crise des vocations : 81 % des Français souhaitent encore que leur enfant devienne professeur et 76 % des jeunes estiment que c'est un beau métier. Mais ce qu'on a appelé d'un vilain mot la mastérisation – le master 2, la suppression de la formation mais surtout de l'année de stage rémunéré – a produit des premières affectations très difficiles, sur plusieurs niveaux, dans plusieurs établissements. Cela a conduit à tarir un vivier qui était déjà peu abondant pour certaines disciplines et va le rester encore quelques années.
Nous avons pris certaines mesures comme celle qui consiste à avancer le deuxième concours d'une année ce qui accroît le vivier : ils auront un master 2, mais le concours sera un an plus tôt.
Pourquoi ces critiques ? Essayons de résoudre les problèmes et quand certains arrivent à les résoudre, regardons les solutions qui ont fonctionné.
La ministre plénipotentiaire de la République fédérale d'Allemagne, chargée des affaires culturelles, a assisté à l'ouverture de ce débat. En Allemagne, c'est deux ans de formation après un bac +3. Nos amis finlandais font la même chose. Marie-George Buffet et les Verts souhaiteraient que nous les imitions. Je pense qu'ils ont raison mais nous n'avions pas les moyens financiers de le faire dès à présent.
Quel a été mon arbitrage ? Redisons la vérité aux Français : sur les 54 000 postes créés dans l'éducation nationale, 27 000 seront consacrés à la formation et occupés par des enseignants stagiaires ou des formateurs. Au cours d'une année de stage à mi-temps, ils assureront neuf heures de cours. Le coût est considérable.
S'agissant de la revalorisation du métier d'enseignant dont vous parlez, mon prédécesseur avait à deux reprises, et à juste titre, augmenté les rémunérations en début de carrière pour des montants cumulés de 250 millions d'euros. La mesure dont je viens de vous parler va coûter à elle seule 800 millions d'euros aux finances publiques.
C'est ce qui explique que nous ayons besoin de 54 000 postes parce que tous leurs titulaires ne seront pas devant les élèves : ce sont des professeurs en formation pour la moitié d'entre eux. Ces recrutements permettent de réalimenter les viviers et de faire en sorte que nous ayons des professeurs demain.
Nous devrions être capables de nous rassembler là-dessus. Honnêtement, mes prédécesseurs ont été désolés de se retrouver dans la situation de ne plus pouvoir recruter des professeurs. Tout en étant lucide et conscient que nous n'en sommes qu'au début d'un parcours, je constate que nous commençons à y arriver parce que nous avons pris de bonnes décisions.
Les emplois d'avenir évoqués lors de la discussion générale étaient aussi un pari. Pour ma part, j'avais la conviction que les 4 000 emplois proposés en janvier seraient immédiatement pourvus. Ils l'ont été finalement assez tôt par des étudiants de deuxième, troisième et quatrième année qui vont bénéficier des écoles supérieures. Nous allons essayer de monter à 18 000 emplois et il faudrait sans doute faire davantage.
Nous sommes donc au début d'un effort extrêmement important. La réussite d'un système éducatif dépend de la formation. Même si nos débats se poursuivent samedi, nous seront sans doute libérés lundi et nous pourrons assister à ce grand colloque de l'OCDE sur la formation des enseignants qui montrera que les pays qui affichent de grandes réussites éducatives sont ceux qui ont mis le paquet sur la formation initiale et continue des enseignants.
Enfin, avec la meilleure volonté du monde, je ne comprends pas votre point de vue. Vous dites qu'il faut faire évoluer le statut des enseignants et j'en suis d'accord puisque j'ouvre une très grande discussion sur ce sujet au second semestre pour faire avancer les choses. Je l'écris dans tous mes textes. J'ai écrit un livre avec Xavier Darcos pour le dire le premier.
Permettez-moi de finir, monsieur Apparu.
Je répète que je viens de modifier pour la première fois, par circulaire, le métier d'enseignant pour le primaire et j'ai reconnu qu'ils avaient d'autres tâches. Vous avez passé vingt minutes tout à l'heure à contester le forfait, prétendant qu'ils ne vont pas travailler alors qu'ils seront en réunion pédagogique ou en train d'accueillir les autres. Nous sommes en train de changer cela et nous allons continuer à le faire.
Mais il faut que vous choisissiez votre discours. Si vous pensez qu'il faut faire évoluer les obligations de service, alors saluez les initiatives que nous prenons en ce sens. En l'espace d'une heure, vous ne pouvez pas à la fois le demander et critiquer, d'une manière assez désobligeante à l'égard des enseignants, une circulaire qui le fait.
Mme Genevard a fait allusion à une erreur d'orthographe tout à l'heure, moi je voudrais attirer l'attention sur ce qui me semble être une erreur de conjugaison dans votre exposé sommaire. « Le métier d'enseignant n'attire plus les jeunes », écrivez-vous. Il faudrait écrire « n'attirait » plus les jeunes.
Effectivement, en cette année particulière de double concours – l'un méthode Chatel et l'autre méthode Peillon –, il y a eu 46 % de candidats supplémentaires.
Nous nous sommes passés d'une situation où nous n'avions pas assez d'admissibles par rapport aux places ouvertes aux concours à la situation actuelle où nous avons enfin des candidats.
Dès le premier concours, monsieur Apparu !
Vous critiquez l'expression de refondation de l'école, qui ne vous plaît pas. En revanche, il a beaucoup plu à tous ces candidats qui se sont inscrits car ils ont la conviction que l'école est enfin devenue une priorité. C'est pour cette raison que ce texte est une vraie loi de refondation.
Depuis hier soir, je vous écoute et je lis vos amendements avec beaucoup d'attention, chers collègues de l'opposition. Il me semble que vos amendements constituent un rêve, un espoir, à croire que vous avez été muselés durant les huit ou dix dernières années. Il semble que vous souhaitez que l'on fasse maintenant ce que vous n'avez pas pu faire durant les dix dernières années.
Vous parlez de M. Darcos et de sa loi de 2008 sur le socle de compétences. Vous présentez de nombreux amendements sur ce socle de compétences qui a été mal expliqué, qui est appliqué par seulement 50 % des collèges en France, et qui est aussi une cause de rupture de l'élève qui ne peut pas y adhérer.
Quant à l'insertion professionnelle, ce projet de loi de refondation de l'école en parle. Il y est question du parcours professionnel du jeune, de l'apprenant, et de la nécessité de ne laisser personne au bord du chemin.
Pour conclure sur le statut des enseignants, rappelons que ceux-ci ont quand même été maltraités, malmenés au cours des dernières années.
Qui a dit : « Dans l'apprentissage des valeurs et dans la différenciation entre le bien et le mal, le curé ou le pasteur seraient plus performants que l'instituteur » ? C'est l'ancien Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Qui a dit, lors de la mastérisation du recrutement de professeurs des écoles, qu'il n'y avait pas besoin d'avoir un bac + 5 pour changer des couches ? C'est un ancien ministre de l'éducation nationale que vous citez dans vos amendements : M. Darcos.
Voilà aujourd'hui tout ce travail de valorisation que nous avons à faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le ministre, je suis étonné que quelqu'un comme vous, qui connaît bien notre langue, ose mettre des parenthèses dans votre texte. Ce n'est pas bon les parenthèses ! Aux correcteurs de copies, on demande de biffer les parenthèses, artifices un peu grossiers et signes que la pensée n'est pas assez précise.
Les moyens sont une chose mais savoir les adapter, c'est encore mieux. Je ne vais pas vous faire l'insulte de vous rappeler la citation sur les performances de l'armée rouge, qui n'est pas de moi. Il vous faut davantage insister sur l'adaptation des moyens que sur leur quantité.
Marx a dit – Mme Buffet ne me contredira pas – que lorsque le quantitatif atteint ce niveau-là, cela pose un problème qualitatif. Il n'en demeure pas moins que vous devez davantage rechercher le qualitatif que le quantitatif.
Nous sommes d'accord !
L'amendement pose un problème qui, à mon sens, avait vocation à être traité à ce moment-là de l'annexe, c'est-à-dire à son alinéa 25. Il est bien question de réinvestissements dans les moyens humains, déclinés de deux manières : un investissement quantitatif qui est une bonne chose dont nous reparlerons à propos de la programmation ; un investissement qualitatif dans le cadre de la mise en place d'une formation initiale professionnalisante pour les personnels avec les écoles supérieures du professorat et de l'éducation.
Ce double investissement est nécessaire mais, effectivement, il manque le troisième volet : un investissement à réaliser dans le cadre d'une revalorisation du métier de l'enseignant. C'est aussi, bien évidemment, quelque chose qui s'inscrit dans le réinvestissement nécessaire dans les moyens humains. À ce titre, et même si la rédaction de cet amendement aurait pu être différente, nous le soutenons.
Le bien-être des enseignants, l'envie d'exercer ce métier passent par plusieurs facteurs. D'abord, de bonnes conditions de travail. Or, quand pendant des années on supprime des postes, quand des maîtres sont dans l'angoisse de ne pas être remplacés, de ne même pas pouvoir faire les formations nécessaires parce qu'ils savent qu'il n'y aura pas de remplaçant devant leur classe, ce ne sont pas de bonnes conditions de travail.
Ensuite, cela passe par la formation, initiale et continue. J'insiste sur les deux. Les enseignants doivent pouvoir bénéficier tout au long de leur carrière des progrès de la recherche pédagogique, d'un apport de connaissances nouvelles. Ce qui est proposé dans le projet de loi, et je m'en suis déjà réjouie, c'est à la fois une formation de haut niveau universitaire et une formation professionnelle, avec les écoles supérieures du professorat et de l'éducation.
C'est le début d'un parcours, a dit M. le ministre. Il a aussi fait allusion à ma proposition d'organiser le plus rapidement possible un véritable pré-recrutement, permettant de conduire le maximum de jeunes vers ces métiers. Mais c'est aussi la revalorisation du métier lui-même. Je ne reviendrai pas sur les citations qui ont été faites de l'ex-Président de la République et de l'ex-ministre Xavier Darcos, qui à chaque fois portaient des coups au métier d'enseignant au lieu de le valoriser, alors qu'il est de plus en plus difficile.
Cette revalorisation, monsieur le ministre, et je sais que vous êtes d'accord sur le principe, passe aussi par la rémunération elle-même.
On voit bien aujourd'hui que ce métier pourrait devenir un métier d'appoint – un salaire d'appoint. Nous avons besoin que, par le biais de la rémunération aussi, ce métier soit pleinement reconnu. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
(Les amendements identiques nos 69 , 233 , 278 , 705 , 766 , 1107 et 1128 ne sont pas adoptés.)
(L'amendement n° 893 n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l'amendement n° 1127 .
Je souhaiterais par cet amendement que puisse être mise en valeur la notion de formation continue. La formation initiale dure deux ans, ou trois ; le travail, trente-cinq à quarante ans. Il est donc tout à fait capital de pouvoir enrichir le métier par une formation continue, sans quoi l'on risque bien d'en rester au modèle de l'enseignant du XXe siècle.
Pour appuyer mon propos, je voudrais vous livrer la réflexion d'Agnès Florin, professeur de psychologie et auteur de l'ouvrage Éducation, cognition et développement, qui pose une question d'évidence : peut-on enseigner pendant quinze ans dans le même niveau scolaire, dans la même classe de CP par exemple, sans formation actualisée sur les apprentissages de l'écrit, les troubles de l'apprentissage et l'aide pédagogique dans ce domaine ?
Les occasions de formation peuvent être multiples, et pas seulement dans le périmètre scolaire : elles peuvent s'enrichir à l'université, par des stages dans l'administration, dans le secteur associatif ou encore en entreprise. C'est très important, et cela fait partie de l'entreprise de reconsidération dont doit faire l'objet cette profession, souvent caricaturée, voire stigmatisée. Si la formation continue ouvrait les enseignants à la société et à ses évolutions, je pense que la considération portée à cette profession s'en trouverait améliorée et les pratiques pédagogiques enrichies.
L'article 51, qui traite des écoles supérieures du professorat, pose très clairement la nécessité de la formation continue. Par conséquent, cet amendement est largement satisfait.
Nous partageons la même volonté, madame la députée, et vous pouvez croire ce que vous dit le rapporteur. C'est à l'alinéa 29 du rapport : « permettre à l'éducation nationale de s'engager fortement dans l'accompagnement des évolutions professionnelles grâce à une formation professionnelle initiale et continue de qualité ».
À moi, cette phrase semble bien souligner une des vocations des ESPE – qui les distinguera d'ailleurs, contrairement à ce que j'entends souvent, des IUFM.
Ce qui est vrai, c'est que ce sera très difficile dans les années qui viennent. Nous avons fait des choix – toujours, dans cette entreprise de refondation. La formation initiale doit être remise sur pieds : les 40 000 postes, les jeunes qui arrivent, les générations sacrifiées… – je vais leur consacrer des dispositifs spécifiques, ils n'ont rien eu !
Mais il faut aussi assurer la formation continue, parce qu'on ne peut pas exercer ce métier trente-cinq ou quarante ans, avec les évolutions considérables qui s'y produisent, sans une formation continue beaucoup plus puissante qu'aujourd'hui. Cela fait partie de nos objectifs. Le service public du numérique éducatif notamment aura cette vocation. Cette volonté sera traduite dès la rentrée pour les professeurs des écoles.
Je voudrais revenir sur un point, monsieur le ministre, qui m'est totalement incompréhensible. Vous nous avez dit qu'au second semestre, vous lanceriez une réflexion sur le statut de l'enseignant. Je ne comprends toujours pas pourquoi cette question ne figure pas dans le rapport annexé qui est censé présenter vos orientations politiques pour les dix ans qui viennent. Vous lancez une réflexion, mais le Parlement n'est pas concerné ! À quoi sert le rapport annexé si une démarche prévue pour dans quelques semaines n'y figure pas ?
Par ailleurs, vous avez peut-être mal compris un point, monsieur le ministre, s'agissant de la question du temps de service de 27 ou de 24 heures – une petite subtilité qui a dû vous échapper. Ce que nous proposons, ce n'est pas de faire de l'accompagnement pédagogique au détriment des heures devant les élèves, mais en plus ! C'est ce qui figure dans tous les amendements que nous proposons sur le statut des enseignants. Nous voulons conserver le temps devant les élèves tel qu'il est aujourd'hui et en rajouter par ailleurs. Vous, vous enlevez du temps devant les élèves, c'est assez différent…
Cette notion de formation continue aurait mérité qu'on la développât davantage. Vous citez l'alinéa 29 du rapport : le mot « continue » aurait pu ne pas y être. Il y est, mais cela ne suffit pas à mon sens à explorer cette question de la formation continue : vous ne dites pas sur quel temps elle sera prise, dans quel domaine elle pourrait avoir lieu – j'ai évoqué des stages dans l'administration, en entreprise, dans des associations…
Ce projet de loi, qui par ailleurs développe abondamment un certain nombre de notions, et parfois de façon répétée, aurait pu détailler quelque peu cette question de la formation continue, dont je pense qu'elle est largement aussi importante que la formation initiale. En tout état de cause, cet alinéa 29 n'est pas suffisant pour explorer cette notion de formation continue.
Il est effectivement surprenant que cette annexe ne comporte aucune mention concernant la revalorisation du métier d'enseignant.
C'est surprenant d'abord parce que le texte de l'annexe est aussi long que celui de la loi elle-même : cette présentation des orientations est donc importante. C'est surprenant ensuite parce que cette annexe, par le fait même qu'elle soit jointe à la loi, a vocation à irriguer l'ensemble du travail réglementaire qui sera nécessaire pour sa mise en oeuvre. C'est surprenant enfin parce que dans l'architecture de notre système éducatif, la question du statut des enseignants – de leurs obligations de service, de leur rémunération – est bien sûr majeure et que, le ministre nous l'a indiqué, une concertation doit être engagée sur ce sujet.
Pour ces trois raisons, il me semble indispensable que la question du statut des enseignants et de la revalorisation du métier soit à un moment ou à un autre prise en considération dans cette annexe et identifiée comme étant un axe de travail du Gouvernement, que le Parlement a décidé de soutenir.
Ce débat est tout de même étrange. Sur un certain nombre de points, on pourrait finalement accepter vos propositions. Le problème, c'est qu'elles sont déjà dans le texte ! Cela devient vraiment le débat du repentir : vous parlez de formation continue, vous y êtes favorables, comme nous tous… mais vous ne l'avez pas faite lorsque vous pouviez ! Oui, c'est vraiment du repentir…
Mais pourquoi diable avez-vous supprimé cette formation continue, qui existait auparavant, comme la formation initiale ?
Plusieurs députés du groupe UMP. On ne l'a pas supprimée !
Aujourd'hui, nous la faisons figurer dans notre texte et vous trouvez encore que ce qui est proposé n'est pas de la qualité que vous souhaiteriez !
Il y a vraiment dans ce débat des éléments que je ne connais pas. Vous ne cherchez pas à améliorer le texte, vous en faites simplement ressortir la qualité… Je vous en remercie d'ailleurs très sincèrement.
Oui, il faut donc refonder, repartir. Franchement, dix ans perdus ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Croyez-vous que c'était utile ? Je me souviens des époques où nous, élus locaux, tremblions pour nos IUFM : ils allaient être fermés, il n'y avait plus de fréquentation, on voulait tout concentrer au niveau des régions. Nos territoires ne proposaient plus cette formation décentralisée. Et dès lors, monsieur l'ancien recteur, il n'y avait plus de candidat pour venir chez nous ! Pourquoi auraient-ils postulé pour nos postes alors qu'ils étaient formés ailleurs ?
Oui, ce texte est un texte fondateur. Prenez-le comme tel. Essayons de l'améliorer encore ensemble, si c'est possible, mais vos tentatives actuelles ne servent qu'à mettre en valeur des initiatives que vous avez vous-mêmes totalement abandonnées !
(L'amendement n° 1127 n'est pas adopté.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite du projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron