Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du 20 février 2013 à 16h15
Commission de la défense nationale et des forces armées

Jean-Yves le Drian, ministre de la défense :

La base juridique de notre intervention demeure inchangée : il s'agit de l'article 51 de la Charte des Nations unies relatif à la légitime défense. Nous avons répondu à la demande du Président Traoré, représentant légitime du Mali jusqu'aux prochaines élections. Nous intervenons seuls, avec l'appui de certains États africains, tels le Tchad et le Niger.

Par ailleurs, à l'initiative de la France, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 2085, qui donne mandat aux États africains non pas d'agir immédiatement, mais de planifier une opération militaire visant à restaurer l'intégrité territoriale du Mali.

Nous souhaitons l'adoption d'une nouvelle résolution qui crée une force de stabilisation, cette fois sous l'égide de l'ONU. Elle comprendra les éléments militaires qui sont déjà présents sur le terrain. La France jouera un rôle d'appui.

Quant aux autorités algériennes, elles ont manifesté leur volonté de nous seconder et agissent avec fermeté et détermination. Elles ont bloqué toutes les routes qui relient l'Algérie au Mali. Certes, il leur est difficile d'assurer un contrôle parfaitement homogène sur toute la longueur de la frontière.

Nous n'avons pas d'inquiétudes concernant la frontière avec le Burkina Faso. Celle avec le Niger est, en revanche, plus fragile, l'armée nigérienne – qui est à nos côtés au Mali – étant moins puissante que l'armée algérienne. Le Niger peut être confronté demain, dans sa partie nord-ouest, aux mêmes menaces que le Mali et a donc intérêt à pourvoir à sa propre sécurité.

En outre, nous pressentons que des djihadistes pourraient rejoindre le sud-ouest de la Libye à travers le sud de l'Algérie et le nord du Niger, et y créer un nouveau foyer terroriste. Nous n'avions d'ailleurs pas exclu de trouver un Adrar vide. Tel n'a pas été le cas, mais cela n'invalide pas pour autant notre hypothèse. J'en ai longuement discuté avec mon collègue italien, qui était en visite à Paris lundi 11 février, ainsi qu'avec mon collègue libyen. J'ai également soulevé la question à la réunion des ministres de la défense de l'Union européenne à Dublin. Je n'exclus pas une initiative européenne, non pas une opération militaire, mais un partenariat avec le gouvernement libyen pour l'aider à sécuriser ses frontières dans cette zone. Dès que l'opération au Mali sera terminée, nous devrons nous préoccuper de l'ensemble de la région. Je souhaite que l'Union européenne joue, à cet égard, tout son rôle.

Pour répondre à M. Vitel, nous sommes engagés dans une guerre certes discrète et peu spectaculaire, mais il s'agit bien – contrairement à ce qu'on a pu lire dans la presse – d'une guerre. Nous devons la mener jusqu'au bout. À ce stade, nos forces armées se sont montrées exemplaires, notamment en termes de gestion tactique.

S'agissant du processus politique, il s'agit de mettre en oeuvre la feuille de route adoptée par l'Assemblée nationale malienne, comme l'a rappelé le Président Traoré au Président de la République lors de sa récente visite au Mali. Elle n'est pas parfaite, mais a le mérite d'exister. Elle prévoit notamment la tenue d'une conférence de réconciliation. Le ministre des affaires étrangères et moi-même avons rappelé hier au Premier ministre malien qu'il s'agissait d'un point de passage obligé. Il en est convenu et a précisé que le gouvernement malien ferait, au cours de cette conférence, des propositions en matière de gestion décentralisée du territoire.

La France doit non pas se substituer aux parties – elle ne manquerait pas d'être accusée de complicité avec l'une ou l'autre –, mais jouer un rôle de facilitateur. Elle le fait déjà, avec beaucoup de tact.

À l'issue du processus politique, tous les mouvements, y compris le MNLA, devront avoir désarmé, à l'exception de l'armée régulière, qu'il convient au contraire de réarmer. En outre, les forces maliennes – aujourd'hui agrégat de régiments affiliés chacun à telle ou telle personnalité politique – doivent se reconstituer en véritable armée. La mission de formation de l'Union européenne devrait y aider.

Le processus politique est délicat à gérer, mais je suis confiant sur son issue.

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