Commission de la défense nationale et des forces armées

Réunion du 20 février 2013 à 16h15

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à seize heures quinze.

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Je vous cède immédiatement la parole, monsieur le ministre, pour un exposé liminaire.

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Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

Je vous avais annoncé, la semaine dernière, que les forces françaises avaient repris les villes d'Aguelhok et de Tessalit et que nous avions mis en place un dispositif permettant d'isoler l'Adrar des Ifoghas, que nous considérions comme la principale zone de refuge d'AQMI. Nous ne nous étions pas trompés.

Depuis mardi dernier, nous avons d'abord conduit de nombreuses missions de reconnaissance aérienne, au moyen de drones et d'avions français et étrangers, pour préparer notre engagement au sol. Dans le même temps, nous avons regroupé à Tessalit un important détachement interarmes avec des moyens d'appui et nous nous sommes coordonnés avec le détachement tchadien stationné à Kidal pour préparer une opération conjointe de bouclage de l'Adrar et de destruction des terroristes qui s'y trouvent.

Samedi dernier, nous avons pénétré dans l'Adrar avec les troupes tchadiennes, d'abord avec des moyens de renseignement au sol, puis avec des moyens de combat. Parallèlement, nous avons identifié et détruit plusieurs cibles – essentiellement des dépôts de munitions et des points de défense. Nous avons engagé le combat hier avec un groupe de djihadistes dans l'ouest du massif. C'est au cours de cet affrontement que le sergent-chef Harold Vormezeele – Belge naturalisé Français pour services rendus dans la légion étrangère, notamment au sein du 2e régiment étranger de parachutistes – a trouvé la mort. Du côté des terroristes, vingt-cinq combattants ont été tués.

L'Adrar constitue un lieu de regroupement important – plus encore que nous ne le pensions – des djihadistes, essentiellement ceux d'AQMI. Nous avons procédé à son bouclage : nos troupes sont présentes à Tessalit et, aux côtés du détachement tchadien, à Kidal ; au Nord, l'Algérie maintient sa frontière fermée. Notre objectif est de libérer cette zone, et de la sécuriser. Nous irons jusqu'au bout.

Je ne suis pas en mesure de vous indiquer à quel moment l'opération s'achèvera. Elle sera sans doute plus longue que celles que nous avons menées jusqu'à présent pour reprendre les villes. Elle est importante et difficile car nous atteignons le coeur du dispositif adverse. Elle se déroule, à ce stade, dans les meilleures conditions possibles. En tous les cas, notre stratégie de poursuivre vers le Nord était la bonne.

Au Sud, dans la boucle du Niger, les forces françaises, maliennes et nigériennes poursuivent leurs efforts de sécurisation et de stabilisation à partir des grandes villes, en particulier autour de Tombouctou et de Gao. Nous avons notamment mené des missions de grande envergure dans la région de Bourem, qui était susceptible d'abriter des éléments djihadistes, et avons à nouveau récupéré du matériel lourd – notamment des ceintures d'explosifs pour kamikazes – abandonné par les terroristes.

D'une manière générale, notre dispositif s'articule désormais autour de deux principaux points d'appui : Gao pour les missions dans la boucle du Niger et Tessalit pour les missions dans l'Adrar.

Nos effectifs tournent toujours autour de 4 000 hommes pour les forces situées au Mali. Ce chiffre est désormais stable et devrait le rester tant que dure l'opération dans l'Adrar, où nous faisons porter notre effort principal. Lorsqu'elle sera terminée, nous avons l'intention de réorganiser notre dispositif et de commencer à réduire nos effectifs.

Le comportement des djihadistes indique qu'ils commencent à souffrir d'un manque de moyens logistiques, en raison du bouclage auquel nous avons procédé et, surtout, de la fermeture – très efficace – de sa frontière par l'Algérie. Celle fermeture pose d'ailleurs un problème car elle gêne l'approvisionnement des marchés du nord du Mali. Nous nous efforçons de libérer rapidement l'ensemble de la zone, mais il convient de tenir compte de son étendue : l'Adrar des Ifoghas et le djebel Timétrine couvrent 250 000 kilomètres carrés, soit la moitié de la France.

Nous sommes en étroite relation avec le gouvernement algérien et constatons une grande convergence de vues sur le déroulement de l'opération.

Sur la boucle de Niger, notre principal adversaire est le Mujao. Ce sont plutôt des bandits de grand chemin, qui vivent là sur leurs terres et ont adopté le discours djihadiste. Ils appliquent manifestement une stratégie asymétrique : attentats-suicides, minage d'axes routiers, attaques ponctuelles. Nous restons donc très vigilants dans cette zone. Cependant, aucun événement notable ne s'y est produit depuis mardi dernier.

Le déploiement des forces africaines se poursuit. Elles comptent actuellement 5 000 hommes, si l'on inclut le détachement tchadien. Les unités du Togo se sont positionnées à San et à Sévaré ; celles du Burkina Faso dans la région de Markala. Nous devrons transformer la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA) en une force de stabilisation sous l'égide de l'ONU, baptisée MINUMA.

Le ministre des affaires étrangères et moi-même avons rencontré hier le Premier ministre malien, M. Sissoko, pour discuter notamment du calendrier politique et des forces maliennes. Il nous a donné son accord à la transformation de la MISMA en opération des Nations unies. Nous lui avons également fait part de notre préoccupation quant aux exactions commises par les forces maliennes, même si toutes ne sont pas vérifiées. Il s'est engagé publiquement à les faire cesser et a chargé le ministre de la défense et le chef d'état-major général des armées de s'en assurer. Si tel n'était pas le cas, nous prendrions les dispositions nécessaires.

Le soutien international se poursuit dans les mêmes conditions. L'appui américain en matière de renseignement se révèle particulièrement utile à notre opération dans l'Adrar. Nos partenaires continuent à mettre des avions gros porteurs à disposition pour le transport des contingents africains.

Comme je l'avais annoncé, j'ai participé à une réunion des ministres de la défense de l'Union européenne à Dublin. La France a été félicitée pour son action. Surtout, j'ai demandé à mes collègues de se mobiliser, et vingt pays se sont engagés à fournir des formateurs à la Mission de formation de l'Union européenne – European Union training mission (EUTM) – au Mali. Celle-ci est en place depuis lundi : son commandement a été confié à un général français, François Lecointre, la France étant nation cadre ; soixante-dix à quatre-vingts précurseurs sont déjà arrivés au Mali et seront rapidement rejoints par le reste de l'effectif ; la formation des forces maliennes débutera dans les jours qui viennent. Nos partenaires européens y participent, y compris en fournissant des soldats chargés d'assurer la sécurité des formateurs, ce qui n'était pas acquis initialement.

Nous avons désormais trois préoccupations majeures. La première est de poursuivre notre opération dans l'Adrar.

La deuxième est de mettre en place une opération de stabilisation sous l'égide de l'ONU. Les discussions pour l'adoption d'une nouvelle résolution par le Conseil de sécurité ont commencé cette semaine. Nous bénéficions du soutien des Etats-Unis, du Royaume-Uni, de plusieurs partenaires européens et des pays africains. Nous anticipons une issue positive, même si cela prendra quelques semaines. D'ici là, nous continuerons à nous appuyer sur la MISMA, qui devra progressivement nous suppléer dès que l'opération dans l'Adrar sera achevée.

La troisième est la situation humanitaire : les réfugiés sont très nombreux et la fermeture de la frontière algérienne entraîne quelques complications. Le ministre délégué chargé du développement a pris l'initiative d'organiser avec l'Union européenne, en mai, une conférence internationale des donateurs pour le développement du Mali. L'Union européenne a d'ores et déjà débloqué 250 millions d'euros à cette fin.

Notre engagement n'a de sens que s'il aboutit à l'organisation d'élections qui légitiment un nouveau gouvernement malien. Nous continuons à nous inscrire – M. Cissoko nous l'a confirmé hier – dans le calendrier prévu : les élections doivent se tenir en juillet. Elles constitueront une étape cruciale du processus de réconciliation nationale.

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Qu'en est-il, monsieur le ministre, de la prise d'otages au Cameroun ? Sans doute dispose-t-on de peu d'informations à ce stade, mais la situation ne laisse pas de nous inquiéter.

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Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

Le ministre des affaires étrangères vient de le rappeler en séance publique : de la Guinée-Bissau au Soudan s'étend une vaste zone de non-droit, où divers trafics – armes, otages, drogue – sévissent. Les militants fondamentalistes y sont actifs et plusieurs groupes terroristes y interviennent. Cette situation n'est pas propre au Mali.

Tout laisse à penser que la prise d'otages a été réalisée par Boko Haram, secte salafiste qui lutte contre toutes les formes d'influence occidentale, et qui est apparue au Nigeria en 2002. L'action s'est déroulée dans le nord du Cameroun, aux confins du Tchad et du Nigeria, où les otages ont probablement été emmenés.

Les terroristes de Boko Haram avaient déjà procédé à plusieurs enlèvements dans le nord du Nigeria : celui de l'industriel français Francis Colomb, à la fin du mois de décembre, celui de sept employés étrangers d'une société de construction libanaise, pas plus tard que dimanche dernier. C'est cependant la première fois – nous franchissons un degré supplémentaire dans l'horreur – qu'ils prennent des enfants en otage. Le ministre des affaires étrangères suit le dossier et a pris contact avec les autorités nigériennes et camerounaises.

À ce stade et en l'absence de revendication, nous ne sommes pas en mesure de dire s'il existe un lien entre la prise d'otages et notre intervention au Mali.

Quoi qu'il en soit, cet événement très grave nous conforte dans l'action que nous avons entreprise. Le laisser-faire eût été coupable. Nous ne pourrons lutter sérieusement contre le terrorisme dans la région que si nous allons jusqu'au bout de notre opération au Mali. Il convient cependant d'élargir dès à présent notre réflexion au-delà du Mali.

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Nous vous remercions, monsieur le ministre, de nous informer chaque semaine. Nous apprécions votre implication.

L'opération militaire arrive aujourd'hui à son terme et se soldera – je n'en doute pas – par un succès. Nos forces ont d'ailleurs fait la preuve de leur compétence, de la qualité de leur entraînement et de leur savoir-faire.

Sur le plan politique, en revanche, l'organisation des élections en juillet prochain doit être précédée d'une pacification interne. Le ministre des affaires étrangères malien, M. Coulibaly, a indiqué que le Président malien avait tendu la main au MNLA, mais que le désarmement de ce dernier constituait un préalable à tout dialogue. Le MNLA ne pouvait pas continuer à menacer le pays et devait choisir : soit il restait malien, soit il quittait le Mali. Pour sa part, M. Canfin a estimé que le dialogue politique ne pourrait pas durer si les forces maliennes commettaient des exactions. Or, il est indispensable que les forces en présence s'entendent. À défaut, nous aboutirons à une partition du Mali.

Quel doit être notre rôle dans les négociations ? Doivent-elles être menées entre les seules parties maliennes ou la France doit-elle en contrôler le processus, dans la mesure où elles détermineront les modalités de notre désengagement ?

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Nous vous remercions, monsieur le ministre, de nous tenir informés régulièrement. La Commission se sent prise au sérieux.

Vous avez évoqué une entente parfaite entre la France et l'Algérie. Néanmoins, le gouvernement algérien joue-t-il pleinement son rôle ? Sommes-nous certains de l'imperméabilité de la frontière algérienne ?

Qu'en est-il des autres frontières ? Les terroristes ne pourraient-ils pas s'enfuir également par le nord du Burkina Faso ou par l'ouest du Niger ?

La France intervient au Mali dans le cadre d'une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies ou, tout au moins, avec sa bénédiction. Pourquoi les troupes françaises continuent-elles à arborer uniquement l'uniforme et le drapeau français ? L'opération va-t-elle passer dans les prochains mois sous l'égide de l'ONU ?

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Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

La base juridique de notre intervention demeure inchangée : il s'agit de l'article 51 de la Charte des Nations unies relatif à la légitime défense. Nous avons répondu à la demande du Président Traoré, représentant légitime du Mali jusqu'aux prochaines élections. Nous intervenons seuls, avec l'appui de certains États africains, tels le Tchad et le Niger.

Par ailleurs, à l'initiative de la France, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 2085, qui donne mandat aux États africains non pas d'agir immédiatement, mais de planifier une opération militaire visant à restaurer l'intégrité territoriale du Mali.

Nous souhaitons l'adoption d'une nouvelle résolution qui crée une force de stabilisation, cette fois sous l'égide de l'ONU. Elle comprendra les éléments militaires qui sont déjà présents sur le terrain. La France jouera un rôle d'appui.

Quant aux autorités algériennes, elles ont manifesté leur volonté de nous seconder et agissent avec fermeté et détermination. Elles ont bloqué toutes les routes qui relient l'Algérie au Mali. Certes, il leur est difficile d'assurer un contrôle parfaitement homogène sur toute la longueur de la frontière.

Nous n'avons pas d'inquiétudes concernant la frontière avec le Burkina Faso. Celle avec le Niger est, en revanche, plus fragile, l'armée nigérienne – qui est à nos côtés au Mali – étant moins puissante que l'armée algérienne. Le Niger peut être confronté demain, dans sa partie nord-ouest, aux mêmes menaces que le Mali et a donc intérêt à pourvoir à sa propre sécurité.

En outre, nous pressentons que des djihadistes pourraient rejoindre le sud-ouest de la Libye à travers le sud de l'Algérie et le nord du Niger, et y créer un nouveau foyer terroriste. Nous n'avions d'ailleurs pas exclu de trouver un Adrar vide. Tel n'a pas été le cas, mais cela n'invalide pas pour autant notre hypothèse. J'en ai longuement discuté avec mon collègue italien, qui était en visite à Paris lundi 11 février, ainsi qu'avec mon collègue libyen. J'ai également soulevé la question à la réunion des ministres de la défense de l'Union européenne à Dublin. Je n'exclus pas une initiative européenne, non pas une opération militaire, mais un partenariat avec le gouvernement libyen pour l'aider à sécuriser ses frontières dans cette zone. Dès que l'opération au Mali sera terminée, nous devrons nous préoccuper de l'ensemble de la région. Je souhaite que l'Union européenne joue, à cet égard, tout son rôle.

Pour répondre à M. Vitel, nous sommes engagés dans une guerre certes discrète et peu spectaculaire, mais il s'agit bien – contrairement à ce qu'on a pu lire dans la presse – d'une guerre. Nous devons la mener jusqu'au bout. À ce stade, nos forces armées se sont montrées exemplaires, notamment en termes de gestion tactique.

S'agissant du processus politique, il s'agit de mettre en oeuvre la feuille de route adoptée par l'Assemblée nationale malienne, comme l'a rappelé le Président Traoré au Président de la République lors de sa récente visite au Mali. Elle n'est pas parfaite, mais a le mérite d'exister. Elle prévoit notamment la tenue d'une conférence de réconciliation. Le ministre des affaires étrangères et moi-même avons rappelé hier au Premier ministre malien qu'il s'agissait d'un point de passage obligé. Il en est convenu et a précisé que le gouvernement malien ferait, au cours de cette conférence, des propositions en matière de gestion décentralisée du territoire.

La France doit non pas se substituer aux parties – elle ne manquerait pas d'être accusée de complicité avec l'une ou l'autre –, mais jouer un rôle de facilitateur. Elle le fait déjà, avec beaucoup de tact.

À l'issue du processus politique, tous les mouvements, y compris le MNLA, devront avoir désarmé, à l'exception de l'armée régulière, qu'il convient au contraire de réarmer. En outre, les forces maliennes – aujourd'hui agrégat de régiments affiliés chacun à telle ou telle personnalité politique – doivent se reconstituer en véritable armée. La mission de formation de l'Union européenne devrait y aider.

Le processus politique est délicat à gérer, mais je suis confiant sur son issue.

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Je vous suis reconnaissant, monsieur le ministre, d'avoir salué la mémoire du sergent-chef Vormezeele. La légion étrangère est un corps d'élite et mérite d'être soutenue.

L'opération progresse rapidement. Nous poussons littéralement les djihadistes dans leurs retranchements. Cependant, ne risquent-ils pas dès lors de revenir dans les grandes villes ? Les deux attentats-suicides de la semaine passée, et l'attaque du commissariat de Gao, le laissent craindre. Quel dispositif déployer pour empêcher les actes terroristes ?

Vous avez indiqué la semaine dernière que la mission de formation de l'Union européenne (EUTM) devrait être opérationnelle en mai, afin d'encadrer la MISMA et l'armée malienne. Où en est-on de son déploiement ?

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Je vous remercie à mon tour, monsieur le ministre.

Nous sommes engagés dans une logique de reconquête de l'ensemble du territoire malien, d'une part, et de neutralisation des forces adverses, d'autre part. Compte tenu des moyens de renseignement dont nous disposons sur le terrain, avons-nous une idée plus précise de l'état de ces forces ? Continuent-elles à se fondre dans la population, ou sommes-nous en train de les encercler et de les détruire ?

Le nombre de soldats déployés – 4 000 Français, 5 000 Africains – apparaît limité au regard de l'immensité du territoire. Comment allons-nous tenir nos positions une fois l'opération achevée ? L'idée est, certes, de transférer la responsabilité du maintien de la paix à l'ONU. Mais une diminution rapide de la présence française comporte aussi des risques : perte de notre avantage sur le terrain, voire discrédit. Comment assurer au mieux la transition entre l'opération militaire et la phase de stabilisation ?

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Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

Monsieur Deflesselles, la mission EUTM Mali, chargée d'assurer la formation des forces armées maliennes, comprendra 500 militaires européens. Lancée ce lundi, elle commencera prochainement son travail, avec un mandat initial d'un an, pouvant être prolongé. La France étant la nation cadre, la mission est commandée par un général français, mais la participation de nos partenaires européens a été obtenue. Le seul point d'interrogation concernait leur volonté d'envoyer non seulement des formateurs, mais également des protecteurs, afin que la France n'ait pas à prendre en charge la totalité de cette tâche. Sécurisée par 5 000 soldats de la MISMA et par des militaires français, la zone de Koulikoro, où se déroulera la formation, ne présente pas de risques majeurs ; aussi le problème est-il désormais réglé, les protecteurs tchèques, espagnols et belges venant étoffer les effectifs. Certains pays fournissent à la fois des formateurs et des protecteurs ; l'Allemagne n'envoie, pour sa part, que des formateurs. La mission de formation et d'entraînement des forces maliennes débute, avec l'objectif de doter le Mali d'une armée digne de ce nom.

Au moment du lancement de l'intervention, le 9-10 janvier, il y avait au Mali quelque 2 500 terroristes – qu'il faudrait plutôt qualifier de narco-djihadistes – de différents groupes. Que sont-ils devenus ? Plusieurs centaines ont été tués ; le nombre significatif de morts – 25 hier, 10 avant-hier – représente une perte nette. Certains ont ainsi déserté, d'autant qu'il s'agissait souvent de mercenaires que leur employeur rémunérait mieux que l'armée régulière, grâce à l'argent des divers trafics. Au total, une partie des terroristes a été neutralisée, une autre s'est dispersée, le reste des combattants – dont on mesure mal le nombre – émigrant vers le Sud de la Libye et jusqu'au Soudan où se trouvent peut-être certains leaders.

Les terroristes encore présents au Mali se concentrent en plusieurs endroits. Nous sommes désormais sûrs que les combattants d'AQMI qui n'ont pas fui vers le Sud de la Libye se trouvent dans l'Adrar des Ifoghas ; les 25 terroristes tués hier appartiennent d'ailleurs à cette organisation. Ces militants ne se mélangent pas à la population ; rattachés au djihadisme international – ils s'en iront proliférer ailleurs lorsque la guerre sera terminée au Mali –, ils représentent quelque 100 ou 150 « Mohamed Merah », capables de tout et armés.

Quant au MUJAO, il rassemble aujourd'hui, selon nos estimations, environ 300 terroristes, toujours dispersés autour de Bourem et de Gao. Les missions que nous menons, avec le concours de l'armée malienne, pour les éradiquer doivent être poursuivies jusqu'au bout. Le site de Bourem a été pris la semaine dernière, alors que le MUJAO effectuait, il y a dix jours, plusieurs opérations suicides et tentatives d'enlèvement de journalistes à Gao. La sécurisation de ces deux villes sera fondamentale, mais difficile. Les missions de reconnaissance que nos forces, aidées par la population locale, y mènent pour trouver les caches des terroristes constituent le meilleur moyen d'empêcher le MUJAO de ressurgir. Seul le développement de ces territoires en viendra pourtant à bout : c'est par désoeuvrement ou par nécessité financière que certains jeunes rejoignent ces groupes, et si l'on n'y remédie pas, l'on risque de nouvelles difficultés.

Si l'on envisage, à l'avenir, de passer le relais à une force de maintien de la paix ou à une mission de stabilisation sous l'égide de l'ONU, l'armée française sera présente en soutien de la future MINUMA, sous une forme à déterminer mais très probablement pour la couverture aérienne. L'objectif final est de reconstituer les forces armées maliennes, afin que le pays puisse se gérer seul ; mais pour que ce processus se déroule bien, il faut avoir avant sécurisé tout le territoire. Notre diplomatie travaille actuellement pour faire voter une résolution d'ici trois semaines ; sa mise en oeuvre demandera ensuite du temps. Pour l'instant, nous menons notre action dans l'Adrar avec le soutien tchadien qui se concentre sur la partie est.

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Monsieur le ministre, vous avez déjà abordé les relations avec l'Algérie, tout comme le déploiement de la force européenne. Le président de la commission de la défense de la Chambre des communes, qu'Yves Fromion et moi-même avons rencontré à Londres la semaine dernière, nous a assurés de son soutien à l'intervention française, annonçant qu'en plus de l'appui logistique, le Royaume-Uni allait adresser au Mali des militaires formateurs. Qu'en est-il ?

Vous avez, dans vos propos, lié la sécurisation des villes et des territoires libérés à leur développement, évoquant également l'action humanitaire. Stoppée depuis quelques mois, la coopération décentralisée avec le Mali – pays avec lequel les villes françaises ont le plus de liens – constitue à cet égard un atout précieux. Ne pourrait-on pas la coordonner avec l'action du Gouvernement ?

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Je vous sais gré, monsieur le ministre, de nous apporter, chaque semaine, l'information nécessaire pour l'exercice de notre mission de parlementaires.

Est-il exact que des Touaregs remontent par le Hoggar ou par le Niger vers la Libye ?

Laurent Fabius a récemment parlé d'un départ programmé des forces françaises à partir du mois de mars ; dans votre propos liminaire, vous avez également semblé faire allusion au retour de nos soldats. Prévoyez-vous d'ores et déjà un calendrier, et pour quels régiments ?

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Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

Monsieur Pueyo, les Britanniques ont été les premiers à nous appuyer, avec l'avion de transport C-17. Ils participent à la mission EUTM et aux opérations de renseignement, grâce à leur avion de surveillance Sentinel, actuellement très utile.

Dans la panoplie des actions européennes, les dispositifs de formation EUTM peuvent être complétés par les missions EUCAP qui visent à former les forces de gendarmerie et de police. Une fois que EUTM Mali sera bien en place, un dispositif de ce type doit être envisagé, afin de restaurer au Mali les fonctions régaliennes de l'État.

La coopération décentralisée est évidemment utile. Le 19 mars, le ministre délégué chargé du développement, Pascal Canfin, réunira à Lyon toutes les collectivités territoriales ayant des liens avec le Mali. Chaque commune malienne ayant une relation – voire deux – avec des villes françaises, ces liens compléteraient utilement l'action de développement qui pourrait être engagée par l'Union européenne à l'initiative de la France. La coordination évitera également que les élus ne prennent le risque d'aller par eux-mêmes sur le terrain ; une mission commune dûment sécurisée serait préférable.

Monsieur Guilloteau, ce ne sont pas les Touaregs, mais les fondamentalistes qui partent vers le Sud de la Libye. Ce mouvement représente, en effet, un vrai risque : celui d'entraîner des mutations significatives des militants les plus durs, ceux d'AQMI.

S'agissant de la fin des opérations, il n'y a pas de contradiction entre les propos de Laurent Fabius et les miens. Même si l'opération cause des morts, notre entrée dans l'Adrar constitue une bonne nouvelle, car elle nous confronte enfin aux forces des terroristes. Nous les combattrons, et une fois que l'Adrar sera libéré, nous pourrons commencer à alléger notre présence au Mali. À partir de fin mars, si tout se passe bien – et c'était là le sens des propos de Laurent Fabius –, des retours pourront progressivement être envisagés, même à petite échelle. Mais tant que l'opération Adrar n'est pas terminée, je ne me prononce pas.

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Notre solidarité avec nos forces armées doit être d'autant plus forte qu'elles commencent à affronter directement les terroristes. L'accrochage d'hier est d'ailleurs une victoire, en ce qu'il montre l'échec de la stratégie d'évitement que les terroristes mènent depuis le début. Il faut rendre hommage au parachutiste tué, mais l'on ne peut que saluer l'élimination de 25 terroristes.

La transformation de la MISMA en MINUMA m'interroge. Quel rôle jouent actuellement les forces tchadiennes, qui, sans faire partie de la MISMA, sont présentes sur le terrain et particulièrement réputées ? Sont-elles engagées dans les opérations, et avec quels résultats ? Peut-on compter sur la présence du Tchad au sein de la future MINUMA ?

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Dimanche dernier, le ministre des affaires étrangères allemand excluait l'envoi de troupes, privilégiant la médiation politique. Hier, il a pourtant promis d'envoyer 330 soldats. Comment expliquez-vous ce revirement ? Les soldats de la Brigade franco-allemande (BFA) sont-ils concernés ?

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Mes pensées vont à nos deux soldats tombés au Mali depuis le 11 janvier.

Monsieur le ministre, il y a 40 jours, la France intervenait au Mali en vertu de l'article 51 de la Charte des Nations unies. Une opération sous mandat de l'ONU, alliant plusieurs forces européennes, aurait certainement été préférable ; il est encore temps de l'envisager.

Les intégristes n'ont pas résisté aux forces françaises, mais la guérilla – qui a vite remplacé le choc frontal – peut durer longtemps, à l'image de celle qui sévit depuis des années en Afghanistan. Le Président de la République souhaiterait l'intervention de l'ONU au Mali ; qu'en pensez-vous ?

Quel est le coût quotidien de l'intervention au Mali ? Le montant de 1,5 million d'euros par jour est-il exact ?

La tenue des élections en juillet semble de moins en moins réaliste ; peut-on encore l'envisager ?

J'en appelle enfin à la vigilance face aux rumeurs d'exactions et de règlements de comptes.

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Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

Monsieur Folliot, les récents événements signent, en effet, l'échec de la stratégie d'évitement et valident notre tactique militaire.

Aujourd'hui, 1 800 Tchadiens se trouvent sur le terrain. Ces soldats très aguerris n'appartiennent pas à la MISMA – car le Tchad ne fait pas partie de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CÉDÉAO) –, mais interagissent directement avec nous. Leur intégration à la MINUMA dépendra du souhait du président Idriss Déby, mais également de la capacité des forces tchadiennes à satisfaire aux critères de l'ONU en matière de compétence, mais également de moralité et de respect du droit. En attendant la résolution de l'ONU, puis sa mise en oeuvre, cette question reste en suspens.

Monsieur Hillmeyer, ce n'est pas la BFA qui participera à la mission de formation au Mali. La question de la forme à donner à la contribution de leur pays a sans doute fait l'objet de débats entre les membres du gouvernement allemand. Pourtant, mon homologue Thomas de Maizière m'a soutenu dès le départ, alors que, quand j'avais soulevé la question du Mali devant les ministres de la défense de l'Union européenne, en septembre 2012, bien peu – y compris en France – mesuraient le danger de la situation.

Monsieur Candelier, comme je l'ai souligné, nous sommes favorables au passage de relais à une force de maintien de la paix sous contrôle de l'ONU, et en prenons même l'initiative. Quant aux élections, tout doit être fait pour qu'elles se tiennent en juillet, au risque d'ébranler la crédibilité du président Traoré, à peine réhabilitée par son appel à l'aide de la France et par sa gestion du conflit. C'est que, si on laisse passer juillet, la saison des pluies entraînera le report des élections à novembre. J'ai donc rappelé hier cette priorité au premier ministre Sissoko, le Président de la République l'a évoquée avec le président Traoré, et l'ONU l'inscrira certainement dans la résolution à venir.

Nous sommes extrêmement vigilants à l'égard des exactions et mettons tout en oeuvre pour les éviter : déploiement d'observateurs des droits de l'homme de l'ONU, présence de la Cour pénale internationale (CPI). Mais restons prudents : tous les cas annoncés dans les journaux ne correspondent pas à la réalité. Dès le 11 janvier au matin – alors que l'opération n'était pas encore décidée –, certains médias relayaient les propos d'ONG parfaitement respectables sur les supposés dégâts collatéraux de l'intervention française ! La vérification doit donc être systématique ; en revanche, il faut être intransigeant face aux exactions avérées, et nous en avons averti les forces maliennes.

Le coût de l'opération – par définition croissant – s'élève actuellement à un peu plus de 100 millions d'euros.

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Les derniers événements – y compris la prise d'otages d'hier au Cameroun – valident la stratégie du Président de la République. Il était temps de traiter la question du terrorisme en Afrique, qui excède la seule zone du Sahel : Boko Haram a repris ses activités militaires depuis 2009, causant plus de mille morts au Nigeria. Je salue le consensus qui s'exprime dans cette Commission, un seul député – qui n'en fait pas partie – remettant notre stratégie en question. Sans vouloir lancer une polémique, au lieu d'étaler ses doutes dans la presse, l'intéressé devrait venir débattre ici.

Monsieur le ministre, comment nos alliés – en particulier nos partenaires européens – perçoivent-ils aujourd'hui cette intervention ? Alors qu'ils nous ont accompagnés depuis le début, et que leur participation – inégale selon les pays – va croissant, ont-ils pris conscience de la nécessité de stabiliser la région et de lutter contre le terrorisme en Afrique ?

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Monsieur le ministre, je vous remercie également pour votre présence hebdomadaire, même si la situation la justifie largement.

L'opération de largage des parachutistes au Nord de Tombouctou semble avoir interrompu la fuite des djihadistes vers le Nord ; certains se seraient pourtant rasés et fondus dans la population. Mène-t-on des opérations de reconnaissance afin de les repérer ? Ils peuvent représenter un véritable problème, générant des opérations similaires à celle de Gao.

Par ailleurs, on dit que notre pays, du temps du gouvernement précédent, aurait versé 8 millions d'euros à l'ancien président du Mali pour la libération de nos otages de l'époque, et que cela aurait servi à l'achat de 40 pick-up. Pourriez-vous nous en dire plus ?

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Que sait-on aujourd'hui de la situation de nos otages au Mali ?

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Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

Monsieur Rihan Cypel, comme l'a montré la première réunion des ministres de la défense de l'Union européenne depuis le début de l'intervention – et comme le montrera sûrement celle des ministres de la défense de l'OTAN, qui se tiendra demain –, le soutien et l'estime de nos alliés nous sont acquis. La France est respectée et ses forces armées, saluées pour leur action. En matière de soutien militaire, tout est en place pour assurer ensemble la formation de l'armée malienne. Ce sont d'ailleurs les Allemands qui fourniront le deuxième contingent de militaires dans la mission EUTM, le plafond voté par le Bundestag s'élevant à 180 hommes.

Monsieur Voisin, il est normal que le ministre de la défense informe l'Assemblée chaque semaine durant cette période d'opérations militaires. Nous ne partageons pas vos craintes concernant la région de Tombouctou ; c'est plutôt à Bourem et à Gao que les terroristes pourraient tenter de se fondre dans le paysage. Mais la population de ces villes est une véritable alliée des forces françaises, et nous fournit les renseignements qui nous permettent de repérer les caches des terroristes. Enfin, je ne dispose d'aucune information sur l'argent qui aurait été antérieurement versé au Mali pour la libération des otages français.

Monsieur Maggi, je ne répondrai pas à votre question, car il s'agit d'informations très confidentielles. Notez simplement qu'il n'existe pas forcément de lien entre notre intervention au Mali et la prise d'otages. Boko Haram en avait fait avant, il en fait pendant, et il en fera après cette opération ; ces comportements relèvent d'une volonté et d'une logique de guerre asymétrique propre au terrorisme. Nos concitoyens dans ce secteur doivent rester vigilants, et il serait judicieux d'élargir la zone à éviter, même si l'aventurisme des victimes n'excuse pas l'horreur de l'acte. En tout état de cause, ne rien faire ne constitue pas la solution. Ce que l'on découvre au Mali – les caches, le matériel – montre qu'une véritable industrie avait été mise sur pied ; si nous n'étions pas intervenus, des attentats auraient sûrement été commis en France.

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Même les familles des otages sont conscientes de la nécessité d'agir. En revanche, il faut savoir que les terroristes sont très mobiles : il y a deux ans, les preneurs d'otages du site d'Areva, au Niger, avaient fait 800 km en une nuit.

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Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

Pour se déplacer, les terroristes ont besoin d'essence, cette dernière étant un enjeu majeur de leurs relations avec l'Algérie. Or, grâce à notre action, ils rencontrent désormais des difficultés croissantes à s'approvisionner, notamment parce que nous avons systématiquement ciblé leurs dépôts.

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Le terrorisme a toujours existé le long de la route du sel qui relie le lac Assal, à l'ouest de Djibouti, au Sénégal.

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Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

Le poids de l'histoire est bien réel. Les rivalités entre les populations du Nord et du Sud du Mali datent de l'esclavage.

La séance est levée à dix-sept heures trente.