Intervention de Victorin Lurel

Séance en hémicycle du 27 mars 2013 à 15h00
Prohibition de la différence de taux de sucre outre-mer — Présentation

Victorin Lurel, ministre des outre-mer :

Madame la présidente, monsieur le ministre crgé de l'agroalimentaire, cher Guillaume Garot, madame la présidente de la commission des affaires sociales, chère Catherine Lemorton, madame la rapporteure, chère Hélène Vainqueur-Christophe, mesdames, messieurs les députés, ce n'est pas sans une certaine émotion que je viens à cette tribune pour m'exprimer au nom du Gouvernement, au moment où l'Assemblée nationale se saisit d'une proposition de loi qui reprend un texte que j'avais eu l'honneur de défendre, il y a deux ans, ici même, en tant que député.

C'est une proposition de loi importante qui est soumise aujourd'hui à votre examen, car il s'agit tout simplement de santé publique.

C'est aussi un texte d'égalité, car il s'agit de mettre un terme à des pratiques discriminatoires que subissent les outre-mer.

Mais c'est également un texte éminemment d'actualité, au moment où s'expriment, avec de plus en plus de vigueur, les inquiétudes citoyennes sur la qualité de notre alimentation et où se manifeste, disons-le, une défiance croissante à l'égard des pratiques d'une certaine industrie.

Je ne peux d'ailleurs que conseiller à chacune et chacun ici de se plonger avec gourmandise, si j'ose dire, dans le livre du journaliste américain, prix Pulitzer, Michaël Moss, dont le titre Sugar, salt, fat peut se traduire par Sucre, sel, graisse : comment les géants de l'agroalimentaire nous rendent accros ? Cette lecture permet de mesurer à quel point, à la faveur d'un sujet qui ne concerne en apparence que les outre-mer, nous sommes en réalité au coeur d'un sujet majeur de société.

Cela a été dit mais je tiens à le répéter devant vous : cela fait des années que les habitants des outre-mer consomment des aliments – principalement des boissons et des spécialités laitières – qui présentent des surdosages en sucre par rapport aux mêmes produits de mêmes marques commercialisés en France hexagonale.

Des années à consommer, dès le plus jeune âge, des aliments et des boissons dont on sait plus que jamais aujourd'hui les effets désastreux qu'ils génèrent pour la santé en termes de diabète, d'obésité, de maladies cardiovasculaires, d'hypertension artérielle, de caries dentaires, et j'en passe. Vous avez tous entendu les chiffres alarmants qui ont été présentés et figurent dans le rapport.

Des années à entendre la défense stupéfiante et combien fallacieuse des industriels, selon laquelle les habitants des outre-mer seraient comme naturellement plus friands de sucre que les autres Français.

Il y a deux ans, j'étais pourtant venu devant la représentation nationale avec des faits, des analyses, des chiffres, des preuves. D'ailleurs, nombreux sont celles et ceux qui n'ont découvert qu'à cette occasion l'existence de ces pratiques ahurissantes et inexpliquées parce que tout simplement inexplicables.

Ces chiffres et ces preuves, que personne n'a contestés, n'avaient hélas pas suffi pour emporter l'adhésion d'une majorité de députés et ouvrir la voie au simple alignement des taux de sucre entre les outre-mer et l'hexagone que nous réclamions alors. Je ne veux pas réécrire l'histoire ni blesser quiconque ici en revenant sur les conditions navrantes qui ont conduit au rejet in extremis de ce texte, mais quelle perte de temps !

Après ce rejet peu glorieux – nous étions début octobre 2011 – alors que le précédent gouvernement nous disait que c'était une matière réglementaire, qu'un simple décret pouvait suffire, que des chartes de bonne conduite pouvaient être conclues avec les industriels, rien, absolument rien n'a été fait : ni décret, ni démarche engagée envers les industriels, rien ! D'ailleurs, nous savons maintenant que cela ne relève pas du tout du domaine réglementaire puisque nous allons toucher à quelques principes constitutionnels, à des libertés fondamentales, et qu'il faut une loi pour y obvier. Circulez : il n'y avait donc rien à réguler, rien à voir !

Aujourd'hui, ce texte revient devant vous, et j'en suis très fier car c'était un engagement du Président de la République : la onzième des trente propositions en faveur des outre-mer. C'est une nouvelle preuve que le changement est bien à l'oeuvre dans les outre-mer.

Mais je tiens à rendre hommage au remarquable travail de la députée Hélène Vainqueur-Christophe, qui ne s'est pas contentée de reprendre le texte tel quel, mais qui a pris le temps de l'étoffer, de l'améliorer et, pour tout dire, de le parfaire, avec le concours précieux de la commission des affaires sociales de l'Assemblée, dont je tiens à remercier la présidente ainsi que tous les membres.

C'est aujourd'hui un texte relatif à la qualité de l'offre alimentaire outre-mer, ce qui résume bien son ambition. Le Gouvernement prend acte de l'élargissement de la proposition de loi et de sa nouvelle portée. Bien sûr, son objectif fondamental demeure l'alignement des taux de sucre entre l'hexagone et les outre-mer. Cette action de régulation se fait même plus précise avec l'introduction de la notion de « sucres ajoutés » dans les yaourts, de manière à tenir compte des contraintes spécifiques rencontrées par les producteurs de yaourts outre-mer, où il n'existe pas de filière laitière très organisée.

Pour ceux qui en doutaient, cette proposition de loi n'est pas dirigée contre les entreprises. Le texte a été revu et amélioré avec les industriels, au terme d'une belle concertation.

Le Gouvernement prend acte de la proposition qui est faite de mettre un terme à la pratique de la double date limite de consommation. Guillaume Garot s'exprimera sans doute sur ce point, qui constitue une discrimination difficilement acceptable. Cette pratique permet en effet à certains industriels de prolonger de vingt jours pour les outre-mer – et les outre-mer uniquement – la date limite de consommation des yaourts, qui est de trente jours dans l'hexagone : trente jours à Paris ou à Rodez, cinquante, parfois cinquante-cinq dans les outre-mer… Il est permis de s'interroger sur les raisons pour lesquelles certains consommateurs mériteraient d'être mieux protégés que d'autres !

Nous sommes ici très éloignés de l'idée que nous nous faisons des outre-mer dans la République.

Enfin, le texte sorti des travaux de la commission propose une autre disposition notable : l'obligation qui sera faite aux collectivités de tenir compte du critère de performance en matière de développement des approvisionnements directs en produits de l'agriculture et de l'agroalimentaire dans l'attribution des marchés.

Guillaume Garot reviendra également plus en détail sur cette disposition qui présente l'intérêt de participer à la structuration et au renforcement des filières de production locale. En effet, ce sont notamment des fruits et légumes produits localement, en circuits courts, qui verront ainsi leur accès aux cantines scolaires favorisé.

Le postulat est intéressant : une meilleure qualité nutritionnelle de l'offre alimentaire, dès le plus jeune âge, peut-elle aller dans le sens d'une stratégie offensive de développement des économies des outre-mer ? Le Gouvernement sera attentif à vos débats autour de ce texte et fait confiance à la sagesse du Parlement. Marisol Touraine, Guillaume Garot et moi-même, et au-delà tout le Gouvernement, partageons nombre des ambitions et des préoccupations qu'il exprime.

L'obésité, le diabète et toutes les pathologies liées aux excès de sucre doivent être combattus par tous les moyens. Ce texte est une brique essentielle du dispositif opérationnel que nous voulons mettre en place. Faisons donc ensemble oeuvre utile ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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