La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à M. Jean-François Mancel, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le Premier ministre, en juin 2012, j'ai été élu avec soixante-trois voix d'avance sur la candidate du parti socialiste dans le cadre d'une élection triangulaire avec le Front national. Le 17 mars dernier, votre candidate, la candidate socialiste, a été éliminée au premier tour en perdant 61 % de ses voix.
Le suffrage universel vous a censurés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Le 24 mars, j'ai battu la représentante du Front national, soutenue par vos amis socialistes locaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Le parti socialiste national n'en a rien dit. Il est resté silencieux. Quel déshonneur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Tout au long de cette campagne législative, j'ai rencontré des Françaises et des Français désespérés, exaspérés, déçus par les engagements non tenus (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)…
…et par les promesses trahies de François Hollande, mais également par les cafouillages systématiques de votre gouvernement et par vos choix catastrophiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Les Françaises et les Français de ma circonscription m'ont demandé tout simplement de venir ici pour être leur porte-parole, pour les défendre et pour vous poser cette question simple et grave, monsieur le Premier ministre : quand allez-vous changer de politique ou, à défaut, quand allez-vous partir ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
Monsieur le député, j'ai entendu le début de votre question : d'une certaine façon, vous critiquez l'attitude du parti socialiste entre les deux tours de l'élection.
La position de la direction du parti socialiste a été claire et nette : il s'agissait de faire barrage au Front national.
Que vous abordiez cette question m'étonne quelque peu,…
Plusieurs députés du groupe SRC. En effet !
…car cela m'oblige à rappeler que vous avez été exclu du RPR, en 1999, pour avoir fait alliance avec le Front national aux élections locales. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)
Plusieurs députés du groupe SRC. Hou ! Hou !
Compte tenu des thèmes que vous aviez abordés à l'époque, le fait que les gens aient fini par préférer l'original à la copie…
…vous oblige à prendre une part de la responsabilité de ce qui se passe spécifiquement dans cette circonscription, monsieur Mancel. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) J'appelle, du reste, tous les observateurs et commentateurs à prendre en compte cette spécificité.
Par ailleurs, c'est vrai, la situation est difficile,…
…et le Gouvernement ne le nie pas. Ce qui importe aux Français, c'est le cap qui a été fixé – le Premier ministre l'a rappelé lors du débat sur la motion de censure – et l'ensemble des dispositions qui sont prises sur la question majeure de l'emploi,…
…qui est une préoccupation forte. Pour nourrir votre réflexion sur cette question, je vous rappelle que sur les soixante derniers mois, le chômage a augmenté pendant cinquante-deux mois consécutifs.
Par rapport à cette situation, vous devez prendre votre part de responsabilité. Nous, nous agissons et le Président de la République le dira demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, écologiste et RRDP.)
La parole est à M. Michel Destot, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre de l'économie et des finances (« Et du chômage ! » sur quelques bancs du groupe UMP), beaucoup a déjà été entrepris pour relancer la croissance et l'emploi : pacte de compétitivité, emplois d'avenir, contrats de génération, dispositif mis en place il y a une semaine grâce auquel le coût du recrutement d'un jeune en CDI pourra être allégé jusqu'à 60 % en combinant l'aide associée au contrat de génération avec le crédit d'impôt compétitivité emploi et les allégements de cotisations sociales.
Mais, au-delà de ces mesures, notre politique doit également accompagner les entreprises porteuses d'innovation, car c'est aussi de l'innovation que dépend le retour de la croissance et de l'emploi. Hier soir à Bercy, j'étais aux côtés du ministre du redressement productif (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP) et nous avons distingué trois PME particulièrement innovantes : une toulousaine et deux grenobloises. C'est aussi de cela qu'il faut parler !
Notre politique industrielle doit avoir pour ambition de développer le nombre et le volume de nos entreprises de taille intermédiaire. La France ne compte actuellement que 4 700 ETI – dont à peine 380 de plus de 1 000 salariés – contre 16 000 en Allemagne.
Pour cela, nous devons favoriser les bonnes relations entre les grands groupes et ces PME et PMI, dans un rapport gagnant-gagnant. C'est l'objectif des politiques de filière.
Par ailleurs, par une liaison intelligente entre régions et grandes agglomérations, nous devons mobiliser nos territoires avec, bien évidemment, l'aide de la Banque publique d'investissement.
Nous le savons, le retour de la croissance dans notre pays passe par ces territoires régionaux métropolitains, qui sont les centres névralgiques de l'innovation. Ce sont eux qui réalisent 50 % de la valeur ajoutée de notre pays et affichent, à l'image de Rennes, Toulouse ou Grenoble, des taux de croissance de l'ordre de 2 %, 3 % et plus, tirant ainsi vers le haut la croissance française.
Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, quelles mesures vous comptez prendre pour faire de l'innovation le fer de lance de notre stratégie économique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe UMP. Et des impôts !
Monsieur le député, vous avez raison de souligner qu'il ne s'agit pas, lorsque l'on est aux commandes de l'économie française, de défendre uniquement les entreprises qui souffrent. Il faut le faire mais il faut aussi et peut-être d'abord se tourner de façon offensive vers les territoires, vers les entreprises qui innovent et leur donner les moyens de le faire.
Je mentionnerai brièvement quatre directions retenues par le Gouvernement en matière d'innovation.
Il s'agit, premièrement, du crédit d'impôt recherche. Non seulement nous avons pérennisé ce dispositif, mais nous le ferons monter en puissance de 2 milliards d'euros dans les deux années qui viennent. En outre, nous l'avons étendu aux dépenses d'innovation des petites et moyennes entreprises. Jamais un gouvernement n'avait autant fait pour l'innovation dans les années passées.
Il s'agit, deuxièmement, de la stratégie de modernisation de l'achat public, que nous avons présentée ce matin, avec Arnaud Montebourg, au conseil des ministres : 2 % des achats seront réservés à des achats innovants auprès de nos PME et PMI. C'est là encore une innovation tout à fait fondamentale.
Il s'agit, troisièmement, de l'action de la Banque publique d'investissement, qui doit être le porte-avions de la compétitivité française. Tournée vers les PME et l'innovation, elle préfinancera le crédit d'impôt compétitivité emploi et le crédit d'impôt recherche. Elle doit permettre aux ETI françaises de se développer.
Il s'agit, quatrièmement, des stratégies de filière, localisées au coeur de la BPI puisque celle-ci intègre le Fonds stratégique d'investissement et qu'elle a la capacité de mobiliser les fonds du programme des investissements d'avenir. Ces stratégies de filière, qu'elles concernent l'automobile, l'aéronautique ou les biotechnologies, doivent être territorialisées. Comme vous, monsieur Destot, je me garderai d'opposer les grandes et les petites entreprises.
Soyez certain que pour nous, l'entreprise est au coeur de tout. C'est là que se fait la création de richesses. C'est là que se fait la reconquête de l'emploi. Le Gouvernement est entièrement mobilisé par cet objectif. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP et sur quelques bancs du groupe écologiste.)
La parole est à Mme Annick Girardin, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche, alors que notre pays a besoin d'emplois, de projets économiques et d'espoir, nous n'avons pas le droit de négliger le formidable atout que représente notre potentiel maritime.
L'heure est venue d'accélérer la cadence des réformes et des choix politiques, de briser les freins administratifs, de recréer un climat de confiance avec les acteurs socio-économiques pour relever enfin le grand défi de la « croissance bleue ».
Vous le savez, le secteur du transport maritime attend aujourd'hui des orientations fortes du Gouvernement.
Depuis 2008, le shipping traverse une nouvelle phase de récession économique et les entreprises de la filière française sont contraintes, pour se maintenir dans un monde extrêmement concurrentiel et volatil – sans équivalent dans d'autres secteurs – à des plans de départs volontaires, à des réductions du format de leurs flottes ou à des fermetures comme cela a été le cas pour SeaFrance en 2011 ou BW Maritime en 2012.
Démonstration est ainsi faite qu'au-delà de l'excellence des entreprises françaises, le coût reste un critère de compétitivité, surtout en période de crise. Selon une étude récente, le pavillon français serait 20 % plus cher que ses équivalents danois, britannique ou luxembourgeois.
Il est donc urgent d'agir pour redonner à nos entreprises une place sur le marché européen et mondial mais aussi pour sauver nos emplois de marins français et garder notre indépendance d'avitaillement.
Vous devez prochainement installer une mission parlementaire pour étudier ce dossier. Syndicats et armateurs ont déjà fait certaines propositions. Je pense à la réforme de la loi de 1992 sur la sécurité des approvisionnements stratégiques, à l'imposition des normes sociales françaises aux entreprises venant travailler dans nos eaux, à l'assouplissement du calendrier sur les émissions de soufre en Manche et en Mer du Nord, au lancement d'un plan d'investissement pour convertir nos navires au gaz naturel liquéfié, ou encore à l'ouverture d'une réflexion sur des modes de financement alternatifs des navires.
Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas que des réponses concrètes à ces différentes propositions doivent être apportées rapidement ? Si nous n'agissons pas sans délai, je crains en effet qu'il ne soit trop tard pour maintenir une filière maritime française forte et pérenne.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Madame la députée, la France ne peut en effet s'enorgueillir d'occuper le vingt-huitième rang mondial pour sa marine marchande alors que sa surface maritime la place au deuxième rang mondial. De la même façon, elle ne peut s'accommoder d'une perte de compétitivité de 20 % de sa flotte. Il faut rappeler toutefois que le registre international français a bien résisté pour certains de ses segments, notamment le transport maritime spécialisé.
Vous appelez le Gouvernement à prendre des mesures concrètes, eh bien, sachez que le Gouvernement prend des mesures concrètes !
C'est ce gouvernement qui a eu tout d'abord à faire face aux conséquences de l'absence de décisions de nos prédécesseurs (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI) quant à la situation de SeaFrance et à la menace qui pesait sur les 1 500 personnes qu'elle employait.
C'est ce gouvernement qui est aux côtés de Brittany Ferries dans les difficultés que cette compagnie rencontre.
C'est ce gouvernement qui défend My Ferry Link, à la suite de la décision de l'autorité britannique de la concurrence.
Et c'est ce gouvernement aussi qui a décidé de mesures d'ampleur.
Ce matin, avec Vincent Peillon, nous parlions de la nécessité de relancer les perspectives de formation et d'enseignement dans ce secteur.
Avec Arnaud Montebourg, nous travaillons aux côtés de Delphine Batho aux questions relatives à la suppression des émissions de soufre par l'emploi du gaz naturel liquéfié.
Nous faisons également en sorte de répondre à tous les enjeux liés à la compétitivité du transport maritime. C'est en ce sens que M. le Premier ministre a confié à votre collègue, M. Arnaud Leroy, une mission qui portera sur la compétitivité tant des transports que des services maritimes français.
Répondre aux enjeux de la croissance maritime de notre pays, du maintien des emplois de ce secteur, de la compétitivité du pavillon français permettra aux armateurs français de remplir, à armes égales, leurs missions. Ainsi nous relèverons le défi de la maritimité française. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)
La parole est à Mme Huguette Bello, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le ministre des outre-mer (« Chavez ! » sur les bancs du groupe UMP),…
…la semaine dernière, le Président de la République a présenté un plan d'urgence pour le logement. Ce plan ambitieux vise, en vingt mesures, à accélérer les investissements, à lever les obstacles à la construction, à favoriser la rénovation énergétique. Mais peu d'entre elles trouveront une application dans les régions d'outre-mer où le secteur du logement traverse également une crise grave.
À la Réunion, 26 000 familles attendent un logement social, tandis que la construction dans le parc privé s'est effondrée. Cette situation n'est pas non plus sans incidence sur l'emploi. Le secteur du bâtiment et des travaux publics a déjà perdu plus de 8 500 postes.
Dynamiser le logement social passe par l'adoption de mesures spécifiques. Ainsi, il est urgent de revoir le mécanisme des garanties d'emprunt. Les communes et les intercommunalités ne sont pas en mesure d'intervenir à hauteur de 85 %. Sans changement, des projets continueront à être retardés, voire bloqués.
L'insuffisance du foncier aménagé est aussi un obstacle récurrent à la construction de logements. Une remise à plat des mécanismes serait la bienvenue.
Même si elle est forcément différente sous nos latitudes, la rénovation des logements s'avère indispensable dans le parc ancien.
Accélérer les constructions passe également par une consolidation des modalités de financement du logement social qui, en outre-mer, relève du budget, mais aussi de la défiscalisation. Le plafonnement à 4 % du revenu imposable a été censuré, et l'agrément européen prend fin en décembre prochain.
Dans le secteur libre et intermédiaire, actuellement au point mort, la relance requiert une modification des caractéristiques du dispositif issu de la loi Duflot.
Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour que, dans les régions d'outre-mer également, le logement social soit la cible d'un « choc de confiance ».
La parole est à M. le ministre des outre-mer. (« Chavez ! Chavez ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la députée Huguette Bello, la crise économique existe aussi dans les outre-mer. Je peux vous confirmer que le plan d'investissement pour le logement, annoncé et présenté par le Président de la République le 21 mars dernier, s'appliquera intégralement, dans toutes ses composantes, dans les outre-mer.
Concernant le financement, la ligne budgétaire unique a été, comme vous le savez, sanctuarisée à hauteur de 275 millions d'euros en autorisations d'engagement, et 230 millions d'euros en crédits de paiement.
Concernant la défiscalisation, la loi ayant été déférée au Conseil constitutionnel par l'opposition, la partie proportionnelle du plafonnement des avantages fiscaux a été censurée ; mais nous conservons la majoration de la partie forfaitaire à 18 000 euros. C'est absolument indispensable ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je répète devant la représentation nationale que la défiscalisation, couplée avec la ligne budgétaire unique, est absolument nécessaire.
Nous sommes ainsi passés de 4 500 logements à 7 600 logements. Si l'on veut répondre à la demande sociale, il faudrait construire chaque année au moins 10 000 logements, et ce pendant dix ans. Nous maintenons donc l'effort.
La TVA sera très bientôt à 5,5 % ; mais il est bon de rappeler que dans les outre-mer, la TVA immobilière est à 2,1 %, ce qui est déjà beaucoup plus favorable.
Enfin, pour ce qui concerne le logement intermédiaire, ma collègue Cécile Duflot a créé un dispositif – d'abord censuré par suite d'une saisine du Conseil constitutionnel par l'opposition – prenant le relais du Scellier outre-mer. Il faut attendre la montée en puissance de ce nouveau dispositif, plus favorable que ce qui existe dans l'hexagone, qui prévoit une réduction d'impôt de 29 % dans la limite de 300 000 euros et sur une période de location de 9 ans.
Pour le foncier lui-même…
La parole est à M. Guillaume Bachelay, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre du redressement productif, il n'y a pas d'économie sans industrie, et il n'y a pas de grande nation sans production. C'est pourquoi, dans notre pays, les entrepreneurs, les salariés, les partenaires sociaux et les élus locaux sont aujourd'hui mobilisés pour la reconquête de notre tissu productif.
Je veux ici rendre hommage au combat exemplaire des salariés de la raffinerie de Petroplus à Petit-Couronne, en Seine-Maritime. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Cette reconquête industrielle est indispensable – c'est la grande cause nationale voulue par le président Hollande –, alors que dans notre pays, au cours des dix dernières années, 750 000 emplois industriels ont été détruits.
Elle suppose que l'on actionne plusieurs leviers : le soutien à l'emploi et à l'investissement, le pacte de compétitivité, le contrat de génération, la sécurisation des parcours professionnels, la Banque publique d'investissement, la transition écologique. (« Allô ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Elle passe aussi par la réorientation de l'Europe ; tel est le combat mené par le Président de la République lorsqu'il arrache un pacte de croissance en Europe et qu'il plaide contre le dumping et pour la réciprocité commerciale dans les échanges. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Il y a également, et c'est indispensable, la politique de filières stratégiques, ces réseaux de confiance et de compétences qui regroupent les grands donneurs d'ordre, les PME et les entreprises de taille intermédiaire pour innover, exporter, embaucher et former nos jeunes.
L'excellence de notre filière aéronautique française a ainsi permis à Airbus de conclure un contrat magnifique et historique il y a quelques jours. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le ministre, le Gouvernement a mis en place douze filières stratégiques, dont dix des comités nationaux se sont réunis au cours des derniers mois, comme, par exemple, hier, pour les industries et technologies de santé.
Quel bilan dressez-vous de cette stratégie ? Quels objectifs lui avez-vous assignés ? Quels premiers résultats constatez-vous sur le terrain ?
Monsieur le ministre, le défi des filières, c'est le défi du patriotisme économique : il a le soutien de tous les patriotes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. le ministre du redressement productif. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, je vous rappelle que nos séances sont télévisées et que les Français nous regardent : essayons donc, les uns et les autres, de garder notre calme.
Vous avez la parole, monsieur le ministre.
Monsieur le député Guillaume Bachelay, vous avez raison d'indiquer que la renaissance de l'industrie française, après des années de désindustrialisation (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), est une grande cause nationale qui unit tous les Français.
Nous avons fait le choix d'organiser méthodiquement notre travail, tout d'abord en soutenant et en unissant les forces locales, sociales, industrielles, les petites et les grandes entreprises, le système financier, avec la Banque publique d'investissement et les fonds filières.
Nous avons fait le choix d'unir, filière par filière, l'ensemble de nos forces, que ce soit dans les éco-industries, l'automobile, l'aéronautique, le nucléaire, la chimie ou la robotique, et bien d'autres.
Ce travail méthodique consiste à fixer des caps technologiques. Le Gouvernement, avec les professionnels, les partenaires sociaux et les pôles de compétitivité, définit un cap. Ainsi, dans l'automobile, tout le monde est d'accord sur le cap du véhicule 2 litres à horizon 2020. Dans la construction navale, c'est le navire écologique, qui consommera 50 % de carburant en moins ; dans le ferroviaire, c'est le TGV du futur qui doit être, dès 2018, sur les voies.
Les entreprises se sont mises à travailler, et le Gouvernement leur donne les moyens de le faire. C'est une stratégie de donnant-donnant : le plan automobile bonus-malus contre le 2 litres ; dans la chimie, nous sommes présents sur la recherche et le développement, mais nous demandons aux industriels de travailler sur la chimie du végétal.
Nous prenons chacun des secteurs, et nous mettons sur la table la commande publique dans le ferroviaire, les bonus dans l'automobile, le financement de la recherche et du développement dans la robotique, l'utilisation des moyens de la Banque publique d'investissement et de la Caisse des dépôts dans d'autres secteurs.
Il s'agit d'un travail de bénédictin (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI), qui prendra des mois ; mais il est nécessaire, car il constitue un engagement pour l'avenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)
La parole est à M. Olivier Audibert-Troin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, avant de poser ma question, je voudrais dire à M. Vidalies que l'arrogance et le mépris dont il a fait preuve en répondant à Jean-François Mancel ne masqueront jamais les cinq échecs successifs de la gauche dans des élections partielles récentes et la déliquescence du pouvoir qui s'installe jour après jour dans le pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le Premier ministre, depuis le début de l'opération Serval au Mali, la représentation nationale tout entière a fait corps derrière son armée, a salué le professionnalisme de ses hommes, leur courage et partagé leur peine quand cinq des nôtres sont tombés.
C'est la fierté de la France d'avoir pu accomplir, seule, une mission que peu d'armées au monde seraient en mesure de réaliser. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Pourtant, au moment où nos soldats, au Mali, en Centre-Afrique et partout dans le monde, attendent de leurs dirigeants un soutien sans faille, un cataclysme sans précédent leur est annoncé. La commission du livre blanc – entre discorde et colère – reporte sa parution.
Le Président de la République, chef des armées, prendra des décisions d'une extrême gravité pour nos armées, notre souveraineté, notre industrie. Ce que nous redoutions s'écrit, hélas ! sous votre main. Variable d'ajustement budgétaire, vous laissez Bercy tuer le ministère de la défense, comme l'a si bien dit la présidente de la commission de la défense nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
En supprimant des dizaines de milliers d'emplois, en ramenant le budget à 1,15 % du PIB, en supprimant 30 000 emplois industriels, en stoppant les grands programmes, vous rabaisseriez la France au rang de petite puissance régionale, contribueriez au déclin de notre industrie et ruineriez notre crédit au Conseil de sécurité de l'ONU.
Votre politique budgétaire a été inconséquente et dévastatrice en ces temps de crise. Vous voilà au pied du mur.
Nous vous le disons avec force et fermeté : ne laissez pas le Président de la République désarmer notre pays, n'affaiblissez pas la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le député, je tiens tout d'abord à vous remercier pour vos propos à l'égard de nos forces qui mènent au Mali une intervention remarquable et très professionnelle et qui sont confortés dans cette action par le soutien unanime de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, UMP, UDI, écologiste, et RRDP.) Le fait de savoir l'Assemblée unanime derrière eux constitue un soutien et une force considérables alors qu'ils sont confrontés à des conditions extrêmement difficiles.
Vous avez posé une question à laquelle j'ai déjà répondu, la semaine dernière, à votre collègue M. Fromion.
Je vous rappelle le calendrier, avant que vous développiez des hypothèses qui ne relèvent que de votre propre initiative ou intuition. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La commission du livre blanc, conduite par M. Guéhenno, conclura ses travaux dans les prochains jours. À la suite de ses conclusions, une loi de programmation militaire sera présentée.
À la demande expresse du Président de la République et du Premier ministre, un débat sera organisé sur les conclusions du livre blanc, dans cette assemblée, au mois de mai, afin que chacun puisse s'exprimer.
Un projet de loi de programmation militaire sera rendu public à la fin du mois de juin avant d'être débattu à l'automne sur la base d'un modèle d'armée qui soit cohérent et efficace.
Je souhaite, pour ma part, que ce texte soit crédible et qu'il ne tire pas des chèques sur l'avenir, comme l'a fait la loi de programmation militaire antérieure. Quand je suis arrivé, il manquait en effet 5 milliards par rapport aux engagements initiaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Il faut donc de la cohérence, de la franchise, de la loyauté pour que nos armées se sentent rassurées. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Gilbert Sauvan, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, ma question, à laquelle j'associe Yves Blein, député du Rhône, Christophe Castaner, député des Alpes-de-Haute-Provence, Jean-Pierre Maggi et Vincent Burroni, députés des Bouches-du-Rhône, s'adresse à M. le ministre du redressement productif.
La direction de Kem One a annoncé le dépôt d'une demande de procédure de redressement judiciaire et va se déclarer en cessation de paiement. Ce sont 1 400 emplois et cinq sites industriels qui sont menacés, dont un qui concerne ma circonscription.
Cette situation est issue de la vente, mal négociée, du pôle vinylique d'Arkema à un financier. Cette mauvaise initiative que l'UMP et Éric Besson, alors ministre de l'industrie, ont soutenue, a aujourd'hui des conséquences terribles pour les salariés et les territoires.
À la logique des coups de menton et du court terme qui animait la majorité précédente, nous avons substitué une ambition de redressement productif, solide, sérieuse, cohérente. Elle doit permettre à la France d'enrayer le déclin industriel.
Non, il n'y a pas de raison que nous subissions la désindustrialisation. Non, la France n'a pas vocation à devenir une nation sans usine.
Nous avons perdu 750 000 emplois industriels en dix ans.
Pour les salariés des entreprises, pour leurs familles, pour nos territoires qui aspirent à réenclencher des dynamiques de développement puissantes, l'action engagée par votre ministère est un espoir.
D'ores et déjà, 59 961 emplois ont été préservés grâce à votre action et au retour du volontarisme politique. Oui, les pouvoirs publics doivent intervenir pour reformater les plans sociaux, pour engager des négociations de reprise, pour imaginer de nouvelles stratégies de développement. Il y va de la survie de notre appareil productif.
À cet égard, nous apprécions particulièrement la mise en place d'un outil de relocalisation qui doit permettre aux entreprises françaises comme étrangères de mesurer les avantages d'un retour d'une activité industrielle sur notre territoire.
La France dispose encore de solides atouts : des salariés qualifiés, des infrastructures exceptionnelles, des savoir-faire forgés dans les siècles de notre histoire industrielle.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire comment votre politique peut permettre de relancer notre outil industriel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le député, vous évoquez les difficultés de Kem One. Effectivement, cette entreprise a déposé le bilan au tribunal de commerce de Lyon, lequel a déclaré le redressement judiciaire avec une période d'observation de six mois.
Comme vous l'indiquez, 1 400 salariés sont concernés sur de nombreux sites industriels dont le pôle du Rhône, près de Lyon, et celui des Bouches-du-Rhône, dans la région de Marseille.
Nous avons été surpris que huit mois à peine après la transaction d'Arkema avec le financier M. Gary Klesch – transaction qui d'ailleurs non seulement s'est effectuée pour un euro mais a été assortie d'un chèque de 100 millions d'euros – cet argent ait été consommé en quelques mois et que les engagements qui ont été pris par M. Klesch n'aient pas été tenus. Il s'était en effet engagé à investir, développer et moderniser l'appareil productif de la chimie vinylique.
Aujourd'hui, en raison de l'imbrication des productions sur ces sites industriels avec d'autres producteurs, fournisseurs, en amont comme en aval, nous souhaitons maintenir les productions que Kem One assurait.
C'est la raison pour laquelle, en plus du travail que nous faisons pour connaître les raisons de cette difficulté qui ne semble pas passagère, l'administrateur judiciaire, Me Sapin, et le procureur de la République, sont extrêmement attentifs à ce qui s'est passé ces derniers mois.
Surtout, nous allons travailler avec l'ensemble des forces productives de la filière afin que nous puissions trouver, collectivement, des solutions qui assurent l'avenir de la chimie vinylique, cette matière plastique bien connue, le PVC. Nous en avons besoin pour la France car, dans la construction et de nombreuses filières, elle n'a aucune raison d'importer son PVC ; elle peut le fabriquer elle-même. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Laurent Wauquiez, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, 3,2 millions de demandeurs d'emploi : avec vous, la France va atteindre le record absolu du nombre de chômeurs. Et pendant ce temps-là, de quoi débattons-nous dans l'hémicycle ? D'une loi sur les tripatouillages électoraux. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Dans ce contraste, toute votre politique est résumée. Ce chiffre est le signe de votre échec, le symbole de votre incapacité. Bien sûr, on peut comprendre que la situation économique soit difficile. Bien sûr, vous rejetterez la responsabilité sur vos prédécesseurs. Mais ce qui est impardonnable, monsieur le Premier ministre, c'est que depuis dix mois, vous n'ayez pas concentré toute l'action de votre Gouvernement sur ce seul sujet. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Ce qui est impardonnable, c'est d'avoir dispersé l'action de vos ministères.
Ce qui est impardonnable, c'est que votre politique de l'emploi ne soit qu'une mascarade.
Parce qu'en réalité, que faites-vous ? Rien. Que faites-vous, alors que les plans sociaux se multiplient ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe UMP.) Rien : un crédit d'impôt compétitivité pour 2014. Que faites-vous en matière d'emploi des jeunes ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe UMP.) Quinze mille contrats d'avenir en dix mois… Que faites-vous, alors que nous avons plus de mille demandeurs d'emploi supplémentaires chaque jour ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe UMP.) Vous préférez parler du mariage pour tous ou du droit de vote des étrangers. Vous préférez diviser les Français au lieu de les unir dans la seule lutte contre le chômage et pour l'emploi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
La réalité, monsieur le Premier ministre, c'est que François Hollande, pendant la campagne électorale, prétendait être le président de la justice : il est aujourd'hui le président du chômage et des impôts. Vous êtes, monsieur le Premier ministre, le Premier ministre du chômage et des impôts. Et vous êtes, mesdames et messieurs les députés de gauche, la majorité du chômage et des impôts. Tout ceci ne pourra pas durer quatre ans. Il est temps que vous vous ressaisissiez. Quand allez-vous faire de l'emploi votre priorité ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Plusieurs députés du groupe UMP. Ça sent le sapin !
Monsieur le ministre Wauquiez, j'ai pour vous beaucoup de considération (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), d'autant plus que vous avez exercé la difficile responsabilité qui est la mienne aujourd'hui, celle de ministre de l'emploi et du travail. Entre, me semble-t-il, sauf erreur de ma part, mars 2008 et la fin 2010, c'est vous qui, chaque mois – chaque mois ! –, avez eu à annoncer l'augmentation du nombre des chômeurs. Chaque mois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Et vous n'annonciez pas 18 500 chômeurs supplémentaires, comme j'ai dû le faire hier, mais 65 000, 78 000, 72 000 chômeurs de plus ! Bref, monsieur Wauquiez, si je dis cela, ce n'est pas seulement pour rappeler le passé et pour appeler l'opposition – y compris vous, je suis sûr que cela vous conviendrait très bien – à une certaine modestie sur le sujet du chômage (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP) ; c'est aussi pour vous dire et dire à l'ensemble de ceux qui nous regardent que la montée jusqu'à présent inexorable du chômage, elle date de juillet 2008. Un million, 1,2 million de chômeurs de plus : cela devrait tous nous rendre ici modestes et en même temps volontaires pour agir.
Il ne sert à rien, monsieur le ministre, de vouloir tourner en dérision telle ou telle mesure. Vous voulez qu'il y ait plus d'emplois d'avenir ? Alors faites le travail, comme élu local, comme représentant d'un département, comme responsable politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Vous voulez qu'il y ait plus de contrats de génération ? Alors allez-y, parlez-en dans les entreprises : vous verrez, ça va marcher à fond ! Vous pensez que le CICE n'est pas assez connu ? Alors allez l'expliquer dans les entreprises et vous allez voir, ça va marcher !
Nous, nous agissons ; vous, vous ne faites que critiquer. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
Monsieur le ministre du redressement productif et concerne la filière photovoltaïque française, l'entreprise Bosch a décidé de céder son site de fabrication de panneaux solaires de Vénissieux, le plus important de France, où travaillent plus de deux cents personnes.
Cette annonce intervient alors qu'une vingtaine de fabricants européens majeurs ont déjà mis la clé sous la porte.
C'est un coup dur pour cette filière au formidable potentiel industriel : selon les prévisions, l'installation annuelle de panneaux solaires dans le monde sera multipliée par cinquante d'ici à 2020, par rapport à 2005.
Le secteur souffre d'une crise de surcapacité et d'un dumping excessif des entreprises chinoises, qui sont passées de 0 % de parts de marché en 2006 à 80 % aujourd'hui. Elles vendent des panneaux solaires bien en dessous de leur coût de production et font d'énormes pertes, compensées par le gouvernement chinois.
La Commission européenne a lancé deux procédures, une anti-subvention et une antidumping, mais ces procédures sont trop lentes. Le secteur ne pourra pas attendre : une seule année a suffi pour mettre à terre le site de Vénissieux...
Le maintien d'une filière photovoltaïque française forte est indispensable pour réussir notre transition énergétique. Même si l'essentiel de l'emploi solaire se situe, sur nos territoires, dans l'installation des panneaux, le raccordement ou la maintenance, nous devons aussi préserver l'activité industrielle de production. Un plan d'urgence pour sauver cette filière doit être lancé, en prenant des mesures antidumping immédiates au niveau européen pour protéger notre outil industriel ; en utilisant rapidement l'arme douanière pour mettre fin à cette concurrence destructrice, comme le font les États-Unis ; en garantissant des débouchés à la filière et en la soutenant financièrement.
Alors, que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour sauver la filière photovoltaïque française et donc pour assurer une reprise du site de Vénissieux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)
La parole est à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
Madame la députée Laurence Abeille, je me suis rendue à l'usine Bosch de Vénissieux à la demande des salariés le 1er février dernier. L'outil de travail et de production est flambant neuf ; l'usine figure parmi les plus performantes d'Europe. Nous sommes aujourd'hui mobilisés, avec le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg – et je l'en remercie –, pour aider la direction de Bosch et les organisations syndicales à trouver un repreneur pour cet outil de travail particulièrement performant.
Il est vrai qu'il y a une crise mondiale dans le secteur photovoltaïque, qui est une crise de surcapacité. Plusieurs entreprises, dont le n° 1 mondial qui était une entreprise chinoise, ainsi qu'une entreprise allemande, ont dernièrement déposé le bilan. Nous suivons attentivement, dans un contexte difficile pour les entreprises françaises, aggravé par un phénomène de concurrence déloyale, les procédures ouvertes par la Commission européenne.
La filière française a également subi, il faut le dire, l'instabilité des tarifs de soutien décidés par le précédent Gouvernement (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), qui avait détruit 14 000 emplois dans la filière photovoltaïque en France, sous la précédente législature.
Nous avons pris, dès le 7 janvier dernier, des mesures d'urgence pour soutenir la filière française, qui a un avenir. Son avenir, c'est l'innovation, c'est-à-dire les cellules photovoltaïques à haut rendement, le solaire à concentration, les trackers. C'est vers cette industrie que sont orientées aujourd'hui les mesures de soutien, qu'il s'agisse des nouvelles procédures d'appel d'offres, des tarifs de rachat avec des mécanismes de bonification tenant compte du bilan carbone et du bilan environnemental. Il s'agit de faire en sorte que les mesures de soutien en faveur des énergies renouvelables encouragent le développement industriel et la création d'emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Avant de m'adresser au Premier ministre, je souhaite dire à M. Sapin qu'il est réellement le ministre du chômage et sans doute de la méthode Coué : peut-être s'agit-il de nous préparer ainsi au discours présidentiel de demain soir…
Monsieur le Premier ministre, dimanche dernier, malgré une mauvaise volonté caractérisée de la préfecture de police et du ministre de l'intérieur, une foule immense a, une fois encore, manifesté son opposition résolue au projet de mariage homosexuel. Mais il y a un tournant : ce sont, plus largement, les coups portés à la politique familiale qui sont dénoncés. Nous ne voulons pas de cette casse programmée de la famille.
Par ailleurs, dans ces moments difficiles qui touchent de nombreux Français, les chiffres du chômage, publiés hier soir, catastrophiques, rappellent le Gouvernement à l'ordre.
Et que dire de ce recul historique du pouvoir d'achat en 2012 ? Il a baissé de 0,4 %. Le premier recul depuis 1984 !
À travers vous, monsieur le Premier ministre, j'aimerais m'adresser au Président de la République. Préoccupez-vous, monsieur le Président, de la croissance économique nécessaire à nos entreprises et à nos concitoyens !
Préoccupez-vous de l'emploi, des plans sociaux qui se succèdent, et de l'avenir industriel de notre pays ! Préoccupez-vous de l'aménagement du territoire, des zones rurales qui sont les plus oubliées de votre politique et qui n'en peuvent plus ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Préoccupez-vous, enfin, de ce pays et soyez en phase avec les attentes des Français !
Vous vouliez la rupture, eh bien, elle est consommée.
Non, le mariage des couples de même sexe n'est pas le souci principal des Français en ce moment. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous êtes en train de vous couper du peuple de France. Il faut retirer ce projet de loi !
Monsieur le Premier ministre, demandez au Président de la République d'annoncer demain le retrait de ce projet de loi de mariage. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et UDI.)
La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
J'essaie, monsieur le député, de comprendre votre démonstration,…
…notamment sur le fait que nous devrions consacrer plus de temps – et le Gouvernement partage totalement votre appréciation – à débattre de textes qui concerneraient les questions majeures telles que l'emploi et le développement économique.
Mais alors, monsieur Gosselin, il va falloir que vous nous expliquiez où est la cohérence de ceux – et vous étiez parmi eux, au premier rang – qui ont contraint l'Assemblée à délibérer pendant des heures et des heures sur la question du mariage, avec des milliers et des milliers d'amendements répétitifs, des milliers et des milliers d'explications, toujours les mêmes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – protestations et bruit continu sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Vous avez le droit de choisir les textes auxquels vous entendez donner la priorité et sur lesquels vous décidez de vous investir, mais vous n'avez pas le droit de dire exactement le contraire pendant les questions au Gouvernement. Vous aviez alors choisi votre priorité qui n'était pas la nôtre. Nous, nous n'opposons pas le social et le sociétal, comme le Président de la République aura l'occasion de le rappeler demain.
Hier encore, le Gouvernement a annoncé la création de 2 000 emplois pour Pôle emploi. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La semaine dernière, le Gouvernement a annoncé un plan en faveur du logement.
Dites-nous donc quelle politique vous voudriez mettre en oeuvre parce que la seule chose que l'on entend dans vos discours est une sorte de nostalgie exacerbée du sarkozysme, c'est-à-dire, justement, de la politique que les Français ont sanctionnée. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Alors prenez du temps pour réfléchir à une alternative. Nous, nous agissons pour remplir le mandat que nous avons reçu du peuple français. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
La parole est à M. Jean-Jacques Cottel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s'adresse à M. le ministre délégué aux transports et concerne le Canal Seine-Nord-Europe.
Monsieur le ministre, la presse se fait l'écho des premières conclusions du rapport d'évaluation du schéma de transport mis en place à votre initiative afin de hiérarchiser la multitude de projets non financés dont nous héritons.
Il ressort de ces informations des éléments qui illustrent à quel point le canal, dans son état actuel, était bien mal parti : sous-estimation des coûts de conception, montage financier à revoir et demandes de concours européens négligées sinon tardives.
Néanmoins, et à la suite de ces annonces pour le moins inquiétantes, vous avez immédiatement réagi en soutenant le bien-fondé de ce canal. En effet, ce projet d'aménagement dont je rappelle la dimension d'intérêt public européen, a pour but de relier notre pays au réseau fluvial à grand gabarit du nord de l'Europe.
Il est vital, avec la création de milliers d'emplois, grâce aux financements européens des grands chantiers, que l'action pour la croissance du Président de la République a permis de débloquer. Il est indispensable pour la relance économique de nos territoires, l'attrait d'investisseurs, le développement de la filière logistique, voire le maintien de l'emploi – je pense aux 350 salariés en lutte de l'usine Stora-Enso de Corbehem qui pourrait profiter de cet équipement en termes de compétitivité. Enfin, il est essentiel pour l'environnement.
Monsieur le ministre, les élus, la population et les acteurs économiques locaux qui y sont très attachés ont besoin d'être rassurés sur l'avenir de ce projet au potentiel vertueux mais dont l'actualité est conjuguée au conditionnel.
Ma question est simple : quelles décisions avez-vous prises pour relancer le projet et permettre sa réalisation ?
La parole est à M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Monsieur le député, votre réaction à un article qui s'appuie manifestement sur des informations infondées est légitime. Vous le savez, la commission Mobilité 21, que j'ai installée, présidée par le député Philippe Duron, a beaucoup à faire. Et j'invite chacun à la laisser travailler puisqu'elle doit faire face à 245 milliards d'euros de promesses électorales léguées par l'ancien gouvernement, promesses qu'il va bien falloir tenir…
Vous m'interrogez sur le canal Seine-Nord. Nous avons tous en tête les propos prononcés par l'ancien Président de la République qui assurait – c'était en 2011 devant la population et les collectivités des régions concernées – que 97 % des financements étaient assurés.
Face aux doutes exprimés par les professionnels, j'ai demandé une double mission d'expertise de l'état du projet. Cette dernière est éloquente : de 4,4 milliards d'euros, le coût du projet serait passé à plus de 7 milliards, le manque de financement est donc de plus de 2,6 milliards. Nous sommes loin des promesses faites alors au plus haut niveau de l'État !
Or, pour faire face à cet enjeu de transport durable, à cet enjeu économique, dont la réalisation devrait mener le pays vers la croissance et vers l'emploi, nous avons souhaité abandonner une procédure de nature à compromettre le projet et nous avons confié sa reconfiguration à Rémi Pauvros. En outre, nous allons faire ce que d'autres n'ont pas fait : mobiliser les financements extérieurs de l'Europe pour défendre les grands projets d'avenir de notre nation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour le groupe Union des démocrates et indépendants
Monsieur le Premier ministre, demain, nous sera soumise une proposition de loi visant à changer le statut de la recherche sur l'embryon humain. C'est un changement qui soulève un problème de conscience, mais qui touche également aux principes essentiels inscrits dans le code civil, dans notre Constitution et dans le droit européen.
Cette évolution se caractérise par un renversement radical de la charge de la preuve : alors qu'il existait jusqu'ici un système dérogatoire en matière de recherches sur l'embryon humain, il n'y aura plus, désormais, que des critères d'autorisation.
Cela pose deux questions, l'une sur le fond et l'autre sur la forme. La question de fond touche à l'utilité même de cette proposition. Nous souhaitons tous que la recherche parvienne à traiter les maladies dégénératives et les autres pathologies. Nous espérons tous par ailleurs, et c'est légitime, que les travaux dans ce domaine soient les plus efficaces possible, dans le respect de la dignité humaine. Or, la proposition de loi que votre gouvernement va soutenir n'est pas la meilleure solution. Depuis quelques années, d'autres travaux permettent d'aboutir à de biens meilleurs résultats – je pense à ceux du prix Nobel de médecine de 2012. Pourquoi ne va-t-on pas résolument dans cette direction ?
Par ailleurs, pourquoi retenir un critère d'autorisation aussi flou que celui de la « finalité médicale », qui est très difficile à interpréter ? Dans le dernier rapport du Comité consultatif national d'éthique, il est bien précisé, au sujet de l'embryon, que « le respect prime sur les conséquences pratiques ». Confirmez-nous que vous ne cédez pas aux demandes de quelques-uns, en vue de réaliser des tests de médicaments sur des embryons humains.
Monsieur le Premier ministre, mon autre question porte sur la forme. Pourquoi légiférer dans l'urgence, au mépris de toutes les précautions visant à protéger la dignité humaine ? Pourquoi une telle évolution n'a-t-elle pas été préalablement soumise à l'avis du Comité consultatif national d'éthique ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le député Jean-Christophe Fromantin, le 14 décembre 2012, les sénateurs ont adopté une proposition de loi, déposée par le groupe RDSE, autorisant, vous l'avez dit, sous certaines conditions très encadrées, la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires.
Cette proposition de loi sera examinée demain par cette assemblée.
Le débat a déjà eu lieu il y a dix ans et le principe de l'autorisation encadrée a été voté en 2002, par nombre d'entre vous – je ne citerai que MM. Sarkozy, Fillon, Accoyer, Borloo, Juppé, ainsi que Mmes Alliot-Marie et Bachelot. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) En 2011, un an avant l'élection présidentielle, la majorité est revenue sur ce principe, au lieu de le mettre en oeuvre, comme cela avait été prévu en 2002. Vous êtes revenus en arrière !
Cette proposition de loi, que le Gouvernement soutiendra demain, va dans le sens du soutien à la recherche à des fins exclusivement médicales (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), à laquelle le Gouvernement et mon ministère sont profondément attachés. Elle prévoit de passer d'une interdiction de principe à une autorisation encadrée, sous conditions.
L'intérêt de la recherche sur les embryons et les cellules souches embryonnaires n'est plus à démontrer…
…et elle est complémentaire des travaux du professeur Yamanaka, le prix Nobel auquel vous avez fait allusion.
La recherche a perdu pied dans notre pays depuis dix ans, à la suite de l'interdiction que vous n'avez pas voulu lever…
…et la proposition de loi que vous allez examiner l'autorise à nouveau. Ce texte, qui fait confiance à la recherche, est très attendu par les familles et les patients, à qui il redonne espoir, mais aussi par les chercheurs, à qui il donne un signe fort de confiance.
Alors, au lieu d'instrumentaliser politiquement cette proposition de loi, je vous invite à la voter, au bénéfice des malades, des familles et de la recherche. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
La parole est à M. Gilles Lurton, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, depuis l'élection de François Hollande, la défiance envers les milieux économiques et la stigmatisation de nos chefs d'entreprise sont permanentes. Pourtant, jamais l'augmentation du chômage n'a été aussi importante : avec 18 500 chômeurs supplémentaires au mois de février, les chiffres atteignent un nouveau pic historique.
Comme à chaque fois que nous vous interrogeons, vous allez me répondre que c'est le résultat des politiques menées par le précédent gouvernement.
Plusieurs députés du groupe SRC. Eh oui !
Pourtant, monsieur le Premier ministre, c'est la responsabilité du Président de la République, si le Gouvernement aggrave le chômage par sa politique de matraquage fiscal des entreprises. Elle a pour effet de diminuer leur compétitivité, de faire fuir les capitaux et les entrepreneurs, et de freiner l'investissement. C'est la responsabilité du Président de la République, aussi, si les entreprises du bâtiment et des travaux publics traversent actuellement une crise très grave.
Le Président a annoncé jeudi dernier un plan d'investissement d'urgence pour le logement, mais les mesures ne sont pas à la hauteur des enjeux d'une filière qui emploie plus d'un million et demi de personnes. Ce plan est à l'image des initiatives de votre gouvernement : tardif, timide et mal calibré.
Au mois de décembre dernier, votre gouvernement prenait la décision d'une nouvelle aide à l'investissement locatif, avec un régime dérogatoire pour les communes situées dans les zones dites B2. Aujourd'hui, le 27 mars, les décrets ne sont toujours pas pris, alors que de nombreuses entreprises attendent de pouvoir lancer leurs opérations : c'est toute la filière qui est ainsi privée du travail dont elle a besoin.
Vous ne suivez pas l'application des lois votées ; votre façon de gouverner est purement idéologique, alors que les entreprises demandent de la lisibilité. C'est votre responsabilité, c'est celle de François Hollande et de votre majorité !
Monsieur le Premier ministre, quelles mesures envisagez-vous de prendre pour sauver du désastre le tissu productif français, qui menace de sombrer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement.
Monsieur le député, ce que vous dites est assez étonnant. Si l'on en reste à la formule, on peut l'entendre, mais il se trouve que le Gouvernement, sur ce dossier, travaille avec l'ensemble des professionnels du secteur, c'est-à-dire avec les présidents des différentes fédérations, et il se trouve qu'ils ne partagent pas votre avis.
Vos collègues sénateurs de l'opposition, que j'ai rencontrés hier soir lors d'une réunion de la commission des affaires économiques, et qui sont spécialistes de ces questions, ne partagent pas non plus votre point de vue. Pourquoi ? Parce qu'en la matière, il convient d'être pragmatique et efficace. Pragmatisme et efficacité : tel est le sens du plan d'investissement pour le logement qu'a présenté le Président de la République.
Nous avons avancé sur des dossiers très précis, comme l'autoliquidation de la TVA : il s'agit d'éviter aux entreprises françaises de subir la concurrence déloyale de certaines entreprises étrangères qui ne payaient pas la TVA à laquelle elles étaient soumises. Nous avons pris des mesures essentielles pour soutenir les entreprises dans cette période difficile, à commencer par le soutien à la trésorerie, avec 500 millions d'euros débloqués par la BPI pour soutenir les entreprises du secteur du bâtiment. Je pense aussi aux modifications qui vont être introduites dans le code des marchés au sujet des délais de paiement, afin de permettre à ces entreprises d'être payées plus rapidement. De la même manière, nous allons travailler dans le cadre du pacte avec l'Union sociale pour l'habitat, l'USH, sur l'allotissement des marchés, afin que les PME, et en particulier les PME locales, aient plus facilement accès aux marchés qui vont s'ouvrir, avec la construction de logements sociaux.
Telle est, monsieur le député, brossée rapidement, mais avec précision, la politique du Gouvernement. Ce n'est pas une politique de petites phrases, mais une politique d'action, dans un secteur qui a davantage besoin de pondération que d'inaction et de mauvais esprit. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le ministre de l'agriculture, le 21 mars dernier, en clôture du congrès de la Fédération nationale des producteurs de lait, vous avez été interpellé sur les graves difficultés que rencontre aujourd'hui cette filière agricole.
En France, le lait est sous-payé aux producteurs, de sorte que ces derniers se trouvent littéralement pris en tenaille entre la baisse tendancielle de leur rémunération et la hausse des charges et du coût des produits en amont comme les aliments pour le bétail, les fertilisants, les services ou les carburants. À cela s'ajoutent les trop nombreuses contraintes administratives et les nouvelles normes coûteuses et inutiles qui pénalisent nos éleveurs. À vouloir laver plus blanc que blanc, on en vient progressivement à tuer l'agriculture ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
De plus en plus d'agriculteurs cessent leur activité, ils jettent l'éponge car ils sont condamnés à travailler à perte. Si rien n'est fait, l'année 2013 s'annonce terrible pour la filière laitière.
Cette crise n'est pas conjoncturelle. En un an, le litre de lait de vache a baissé de près de 25 centimes. S'agissant du lait de chèvre, c'est l'ensemble de la filière qui est en train de perdre sa rentabilité. Cette situation n'est pas tenable.
Les relations avec la grande distribution sont au coeur du problème : le rapport de force est totalement défavorable aux producteurs. Et il est inadmissible que dans les circuits de distribution, certains pratiquent des marges scandaleuses tout en réclamant de nouvelles baisses de prix.
Les producteurs ne demandent qu'à contractualiser sur des bases saines et à être traités comme des acteurs économiques à part entière. L'État doit fixer un cadre strict et imposer des règles à l'ensemble de la filière : producteurs, transformateurs et distributeurs.
Mais la situation est grave, il y a urgence. Monsieur le ministre, dans quel délai des mesures concrètes pourront être mises en oeuvre ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Monsieur le député, vous avez évoqué mon intervention au congrès de la FNPL sur la situation de la filière laitière.
Je partage votre avis sur la situation difficile et délicate de cette filière, pour laquelle plusieurs actions doivent être menées. Vous avez évoqué le moyen et le long terme, cela entrera dans le cadre du débat sur la réforme de la politique agricole commune qui va consister à donner priorité à l'élevage.
Vous avez ensuite abordé le sujet des relations commerciales. Le Gouvernement va présenter des projets de réforme, qui vont d'ailleurs porter sur les lois que vous avez vous-même votées : LMA et LME. Aujourd'hui, ces lois n'intègrent pas le coût de production dans le contrat passé entre les producteurs et les transformateurs et entre les transformateurs et la grande distribution. Il s'agit peut-être d'un oubli, mais nous allons le corriger. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.) Ainsi cette filière laitière et la filière de l'élevage retrouveront des marges de manoeuvre.
Des questions se posent aussi sur la protection de l'environnement. Vous les avez évoquées en sous-entendant que le Gouvernement aurait mis en place un certain nombre de normes. Je rappelle que ces normes sont en train d'être corrigées, mais qu'elles sont liées à la directive « Nitrates », que l'on connaît bien, qui date de plusieurs années. Les propositions faites au nom de la France avaient été le fait du gouvernement précédent.
Là encore, nous faisons en sorte de prendre en compte l'élevage tout en considérant la question de l'environnement comme un objectif qui permettra à notre agriculture et à nos agriculteurs d'être performants à la fois économiquement et écologiquement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
La parole est à M. Jacques Alain Bénisti, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, depuis plusieurs mois, dans nos écoles, dans nos collèges, dans nos lycées, nous constatons une multiplication des provocations allant à l'encontre de la loi de 2004 interdisant aux élèves de porter des signes religieux ostensibles dans les établissements publics.
Des jeunes filles, manipulées par des associations dogmatiques – qui plus est financées par l'État et certaines collectivités –, provoquent la communauté éducative et portent gravement atteinte à l'une de nos valeurs fondamentales : la laïcité.
Ces provocations répétées dans nos écoles, un peu partout sur le territoire, appellent une réponse sans faille de la République, qui est aujourd'hui bafouée.
Dans ma commune, une élève s'est présentée du jour au lendemain dans une tenue qu'elle a elle-même revendiquée comme étant religieuse, enfreignant par là même volontairement la loi. Malgré les nombreuses tentatives de dialogue avec l'intéressée et sa famille, l'affaire s'est poursuivie devant le tribunal administratif qui a donné raison à l'intéressée qui est retournée au collège dans cette même tenue.
Fort heureusement, le Conseil d'État a annulé cette décision lundi en rappelant la loi et rien que la loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, face à cette guerre larvée imposée par des idéologues qui, sous prétexte de lutter contre l'islamophobie, tentent d'imposer dans notre société des valeurs que nous refusons et qui heurtent nos institutions et l'opinion, il y a urgence à agir. Ces comportements condamnés par une forte majorité au sein de la communauté musulmane ne font qu'aggraver la méfiance à leur égard dans notre pays…
Merci, monsieur le député. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.
Monsieur le député, vous avez rappelé les faits, à savoir que le tribunal administratif de Melun avait ordonné la réintégration d'une élève de troisième.
Étant donné qu'elle portait des signes religieux ostentatoires, nous avions d'abord souhaité inciter cette élève à s'en défaire, puis nous l'avons mise à l'écart, en permanence.
Le tribunal administratif ayant ordonné la réintégration de cette élève, j'ai fait appel de cette ordonnance au nom du ministère de l'éducation nationale le 12 mars 2013. Cet appel a abouti à l'ordonnance du juge des référés du Conseil d'État du 19 mars que vous avez citée.
Cela signifie bien que nous ne sommes pas désarmés face à ces situations, et que la communauté nationale tout entière est réunie lorsqu'il faut ester en justice pour faire respecter nos principes.
Je voudrais vous faire trois remarques. La première est que cette affaire n'a rien à voir avec d'autres affaires dont on parle en ce moment.
La seconde est que c'était une mission conduite par le président Debré et une proposition d'origine parlementaire qui avaient donné naissance à la loi de 2004, votée sur tous les bancs de cette assemblée. Lorsque l'on n'en fait pas un sujet de division, nous pouvons trouver la bonne formule juridique, et c'est la démarche que nous vous proposons.
Ma troisième remarque est que j'ai demandé à ce que la procédure disciplinaire soit engagée, mais lorsque l'on aime la laïcité, lorsque l'on se bat comme je le fais pour la morale laïque, nous voulons convaincre, et c'est toujours un échec d'en arriver à exclure une jeune fille. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Signes religieux à l'école
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Sandrine Mazetier.)
La parole est à Mme Hélène Vainqueur-Christophe, rapporteure de la commission des affaires sociales.
Madame la présidente, monsieur le ministre des outre-mer, monsieur le ministre chargé de l'agroalimentaire, madame la présidente de la commission, chers collègues, je suis très honorée de présenter aujourd'hui cette proposition de loi visant à améliorer la qualité de l'offre alimentaire outre-mer, qui répond à la fois à un enjeu majeur de santé publique sur nos territoires et à une inégalité de traitement flagrante entre les consommateurs ultramarins et les consommateurs hexagonaux.
Je suis d'autant plus honorée de défendre ce texte devant vous, monsieur le ministre des outre-mer, qu'il est directement inspiré de celui que vous aviez soutenu comme député il y a près de deux ans afin d'alerter notre assemblée sur la différence entre les teneurs en sucres des denrées alimentaires commercialisées outre-mer et celles des denrées commercialisées en France hexagonale.
En 2011, la précédente majorité avait rejeté ce texte. Le gouvernement de l'époque avait alors fait prévaloir les stratégies commerciales des industriels de l'agroalimentaire sur les exigences de préservation de la santé des populations ultramarines. Cette attitude était d'autant plus irresponsable que ce texte avait pour objectif de mettre fin à l'injustice qui frappait – et qui continue de frapper – les consommateurs ultramarins, en interdisant que les produits distribués outre-mer soient plus sucrés que les mêmes produits distribués dans l'hexagone.
La question de la teneur en sucres des denrées alimentaires de consommation courante revêt en effet une importance cruciale en termes de santé publique dans les collectivités d'outre-mer, où l'obésité représente un véritable fléau, sans commune mesure avec la situation sanitaire en France hexagonale.
D'après les estimations de l'enquête ObÉpi, près de 7 millions de Français seraient considérés comme obèses, soit le double d'il y a quinze ans. Si cette donnée nationale est éminemment inquiétante, la situation dans les territoires ultramarins est encore plus grave. Les données des enquêtes épidémiologiques menées localement par le docteur André Atallah font état d'une obésité beaucoup plus importante et toujours très dynamique dans les outre-mer, alors qu'elle tend à se stabiliser dans l'hexagone. L'obésité toucherait ainsi 15 à 20 % de la population adulte de la Guadeloupe, de la Réunion et de la Martinique. Plus grave, le surpoids – y compris l'obésité – concerne 23 % des enfants de cinq à quatorze ans en Guadeloupe et 24,5 % de ces enfants en moyenne dans les quatre départements d'outre-mer, à comparer aux 16 % de la France hexagonale. L'obésité seule concerne 10,5 % des enfants des quatre départements d'outre-mer, contre 3 % des enfants en France hexagonale. Au total, sur ces territoires, près d'un quart des enfants et adolescents et plus de la moitié des adultes sont touchés par des problèmes de surcharge pondérale.
Enfin, vous n'êtes pas sans savoir, chers collègues, que l'obésité constitue un facteur de risque aggravant pour le développement de certaines maladies comme le diabète ou l'hypertension artérielle. Le risque d'être traité pour hypertension artérielle est ainsi multiplié par 3,6 chez les personnes obèses. Plus globalement, l'outre-mer présente une surmortalité due aux maladies vasculaires cérébrales ou au diabète par rapport à la France hexagonale.
Face à cette situation, les pouvoirs publics sont demeurés largement impuissants. En dépit des actions mises en oeuvre dans le cadre des versions successives du plan national nutrition santé, les objectifs fixés n'ont pas été atteints. Alors que le PNNS 3 est en cours de réalisation, rien n'indique que la situation évolue plus favorablement. Certes, le PNNS 3 s'accompagne d'une déclinaison spécifique pour les outre-mer, mais les mesures prévues n'ont pour l'heure abouti à aucune amélioration concrète sur le terrain. Ce n'est pas un problème d'orientation, c'est un problème de méthode : le changement concret ne passe que par des mesures contraignantes pour les industriels.
Car, je veux le dire ici, si je ne souhaite pas stigmatiser injustement certains opérateurs économiques, je considère qu'il ne faut pas sous-estimer leur responsabilité dans la progression de ce fléau qu'est l'obésité. Comment peut-on lutter efficacement contre cette épidémie en continuant de tolérer que des produits identiques aient une teneur en sucres supérieure outre-mer ? Comment ne pas y voir une inégalité en matière de santé publique, entretenue par un marché alimentaire obscur ?
À titre d'exemple, je souhaiterais porter à votre connaissance le cas d'un soda à l'orange qui contient de 44 à 48 % de sucre en plus dans les départements d'outre-mer que le même produit vendu ici à Paris. Il en va de même pour certains yaourts, qui sont parfois 20 % plus sucrés à Pointe-à-Pitre qu'à Paris. Je renvoie ainsi chacun à l'édifiante enquête menée par le pôle alimentaire régional de Martinique, sous l'égide des conseils régionaux de Guadeloupe et de Martinique.
Je le redis, cette loi ne cherche pas à priver les industriels de marges de manoeuvre, mais elle tend bien à redonner aux consommateurs ultramarins la possibilité de faire les bons choix alimentaires pour leur santé. Je tiens en outre à condamner fermement les arguments employés par les industriels justifiant la nature plus sucrée de leurs produits par une adaptation au goût local, qui se manifesterait par une plus grande appétence pour le sucre. Il n'existe aucun argument scientifique démontrant l'existence d'un quelconque goût particulier des habitants ultramarins pour les aliments riches en sucre. Si cette appétence existe, j'affirme alors qu'elle est savamment entretenue par les industriels, puisque ceux-ci empêchent les consommateurs ultramarins d'avoir accès à des produits moins sucrés.
En l'absence de règle générale applicable à tous, le consommateur reste donc soumis au bon vouloir des industriels de l'agroalimentaire. Les chartes d'engagements de progrès nutritionnel, actuellement en cours de signature, ne nous laissent pas entrevoir des pratiques différentes. Il apparaît donc nécessaire de passer par la loi afin de mettre fin à cette situation inacceptable et de proposer un dispositif juridique à la fois simple et opérationnel qui permette de mieux protéger les consommateurs.
Dans cette perspective, la commission des affaires sociales a souhaité améliorer le dispositif de la proposition de loi tout en en conservant l'esprit.
Elle a tout d'abord rassemblé, au sein de l'article 1er, les dispositions figurant préalablement au sein des deux articles de la proposition de loi qui doivent s'insérer dans le code de la santé publique. Elle a également précisé certaines de ces dispositions.
L'article 1er crée ainsi trois nouveaux articles au sein du code de la santé publique.
L'article L.3232-5 vise tout d'abord à prohiber la présence de teneurs en sucres ajoutés plus élevées dans les produits alimentaires distribués outre-mer que dans les produits similaires de la même marque distribués en France hexagonale. La notion de « teneur en sucres » a été remplacée par celle de « teneur en sucres ajoutés », afin de tenir compte de la situation spécifique des fabricants de produits laitiers outre-mer.
En effet, en raison de la faible production locale de lait frais, les industriels élaborent leurs produits à partir de poudre de lait dont la teneur en lactose, donc en sucre, est supérieure à celle du lait frais. Les yaourts produits localement sont donc naturellement plus riches en sucre. Cela ne doit pas pour autant conduire à pénaliser ces produits locaux, qui sont aussi bons pour la santé. D'autre part, nous avons étendu le champ d'application de cet article à Saint-Barthélémy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, territoires également touchés par cette injustice.
Le nouvel article L. 3232-6 reprend les dispositions de l'article 2 et prévoit de soumettre les produits distribués uniquement outre-mer, c'est-à-dire à la fois les produits locaux et les produits importés, à une teneur maximale en sucres. Car enfin, comment expliquer que nous interdisions une différence de taux de sucre dans les mêmes produits vendus outre-mer et dans l'hexagone, et que nous laissions parallèlement des produits locaux extrêmement sucrés être consommés ?
L'article L. 3232-7 habilite les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, des douanes et des finances publiques à constater les infractions aux dispositions de la loi.
Des délais ont également été prévus en cas de réduction des taux de sucre hexagonaux servant de références pour les produits ultramarins, afin de laisser aux industriels un temps suffisant pour se mettre en conformité et écouler leurs stocks. À cet égard, je vous proposerai un amendement visant à corriger la rédaction de l'article L. 3232-6, afin de préciser que l'élément déclencheur est bien la diminution de la teneur maximale de référence et non la diminution de la teneur en sucres de n'importe lequel des produits assimilables de la même famille.
Concernant l'article 2, dont les dispositions initiales ont été transférées au sein de l'article 1er, il est désormais consacré à l'entrée en vigueur du texte. La référence à la date du 1er janvier 2014 mentionnée à l'article 1er initial a été supprimée et remplacée par un délai fixé à six mois à compter de la promulgation de la loi.
Au-delà de ces modifications du dispositif initial, la commission a également introduit deux articles additionnels contribuant à améliorer globalement la qualité de l'offre alimentaire outre-mer.
Le nouvel article 3 vise ainsi à interdire la pratique mise en place par certains industriels consistant à prévoir un double étiquetage des dates limite de consommation des produits alimentaires selon qu'ils sont distribués sur le marché hexagonal ou sur le marché ultramarin. En effet, un produit peut actuellement avoir une DLC plus longue qu'un produit identique de même marque lorsqu'il est destiné à l'outre-mer. Certains écarts relevés pour des yaourts peuvent même atteindre vingt-cinq jours.
Il s'agit à nos yeux d'un double scandale en termes de désinformation du consommateur : le consommateur ultramarin est amené à consommer des yaourts considérés comme périmés dans l'hexagone ; le consommateur hexagonal est quant à lui amené à jeter des yaourts considérés comme encore consommables outre-mer.
Je sais, monsieur le ministre chargé de l'agroalimentaire, que vous avez à coeur de lutter contre les gaspillages alimentaires. Vous ne manquerez donc pas, je suppose, de soutenir l'initiative prise par notre commission, qui vise simplement à rétablir une égalité de traitement entre les consommateurs.
Enfin, l'article 4 recevra également, je le crois, votre assentiment. Il est en effet apparu important à notre commission de favoriser la valorisation des ressources et de la production agricole locales, qui sont appelées à jouer un rôle crucial dans l'amélioration de la qualité nutritionnelle de l'offre alimentaire dans les territoires ultramarins.
La commission a donc souhaité contribuer à cet objectif en promouvant l'approvisionnement des sites de restauration collective par des circuits courts de distribution. L'article 4 rend donc obligatoire la prise en compte du critère de performance en matière de développement des approvisionnements directs en produits de l'agriculture dans l'attribution des marchés publics de restauration collective, alors que cela n'est actuellement que facultatif.
Enfin, le titre de la proposition de loi a été modifié afin de mieux refléter son contenu tel qu'il ressort des travaux de notre commission. C'est pourquoi celle-ci devrait désormais s'intituler « Proposition de loi visant à garantir la qualité de l'offre alimentaire en outre-mer ».
En conclusion, chers collègues, je vous rappellerai que, pendant sa campagne, François Hollande s'était engagé à faire voter cette loi, qui avait déjà reçu un large assentiment sur tous les bancs de cet hémicycle. Fort du soutien du groupe socialiste puisque tous ses membres l'ont cosigné, fort du soutien clairement exprimé en commission, le texte, complété et amélioré, vous est de nouveau soumis aujourd'hui. J'espère que, quelle que soit votre appartenance politique, vous saurez exprimer par votre vote votre soutien aux populations ultramarines. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre crgé de l'agroalimentaire, cher Guillaume Garot, madame la présidente de la commission des affaires sociales, chère Catherine Lemorton, madame la rapporteure, chère Hélène Vainqueur-Christophe, mesdames, messieurs les députés, ce n'est pas sans une certaine émotion que je viens à cette tribune pour m'exprimer au nom du Gouvernement, au moment où l'Assemblée nationale se saisit d'une proposition de loi qui reprend un texte que j'avais eu l'honneur de défendre, il y a deux ans, ici même, en tant que député.
C'est une proposition de loi importante qui est soumise aujourd'hui à votre examen, car il s'agit tout simplement de santé publique.
C'est aussi un texte d'égalité, car il s'agit de mettre un terme à des pratiques discriminatoires que subissent les outre-mer.
Mais c'est également un texte éminemment d'actualité, au moment où s'expriment, avec de plus en plus de vigueur, les inquiétudes citoyennes sur la qualité de notre alimentation et où se manifeste, disons-le, une défiance croissante à l'égard des pratiques d'une certaine industrie.
Je ne peux d'ailleurs que conseiller à chacune et chacun ici de se plonger avec gourmandise, si j'ose dire, dans le livre du journaliste américain, prix Pulitzer, Michaël Moss, dont le titre Sugar, salt, fat peut se traduire par Sucre, sel, graisse : comment les géants de l'agroalimentaire nous rendent accros ? Cette lecture permet de mesurer à quel point, à la faveur d'un sujet qui ne concerne en apparence que les outre-mer, nous sommes en réalité au coeur d'un sujet majeur de société.
Cela a été dit mais je tiens à le répéter devant vous : cela fait des années que les habitants des outre-mer consomment des aliments – principalement des boissons et des spécialités laitières – qui présentent des surdosages en sucre par rapport aux mêmes produits de mêmes marques commercialisés en France hexagonale.
Des années à consommer, dès le plus jeune âge, des aliments et des boissons dont on sait plus que jamais aujourd'hui les effets désastreux qu'ils génèrent pour la santé en termes de diabète, d'obésité, de maladies cardiovasculaires, d'hypertension artérielle, de caries dentaires, et j'en passe. Vous avez tous entendu les chiffres alarmants qui ont été présentés et figurent dans le rapport.
Des années à entendre la défense stupéfiante et combien fallacieuse des industriels, selon laquelle les habitants des outre-mer seraient comme naturellement plus friands de sucre que les autres Français.
Il y a deux ans, j'étais pourtant venu devant la représentation nationale avec des faits, des analyses, des chiffres, des preuves. D'ailleurs, nombreux sont celles et ceux qui n'ont découvert qu'à cette occasion l'existence de ces pratiques ahurissantes et inexpliquées parce que tout simplement inexplicables.
Ces chiffres et ces preuves, que personne n'a contestés, n'avaient hélas pas suffi pour emporter l'adhésion d'une majorité de députés et ouvrir la voie au simple alignement des taux de sucre entre les outre-mer et l'hexagone que nous réclamions alors. Je ne veux pas réécrire l'histoire ni blesser quiconque ici en revenant sur les conditions navrantes qui ont conduit au rejet in extremis de ce texte, mais quelle perte de temps !
Après ce rejet peu glorieux – nous étions début octobre 2011 – alors que le précédent gouvernement nous disait que c'était une matière réglementaire, qu'un simple décret pouvait suffire, que des chartes de bonne conduite pouvaient être conclues avec les industriels, rien, absolument rien n'a été fait : ni décret, ni démarche engagée envers les industriels, rien ! D'ailleurs, nous savons maintenant que cela ne relève pas du tout du domaine réglementaire puisque nous allons toucher à quelques principes constitutionnels, à des libertés fondamentales, et qu'il faut une loi pour y obvier. Circulez : il n'y avait donc rien à réguler, rien à voir !
Aujourd'hui, ce texte revient devant vous, et j'en suis très fier car c'était un engagement du Président de la République : la onzième des trente propositions en faveur des outre-mer. C'est une nouvelle preuve que le changement est bien à l'oeuvre dans les outre-mer.
Mais je tiens à rendre hommage au remarquable travail de la députée Hélène Vainqueur-Christophe, qui ne s'est pas contentée de reprendre le texte tel quel, mais qui a pris le temps de l'étoffer, de l'améliorer et, pour tout dire, de le parfaire, avec le concours précieux de la commission des affaires sociales de l'Assemblée, dont je tiens à remercier la présidente ainsi que tous les membres.
C'est aujourd'hui un texte relatif à la qualité de l'offre alimentaire outre-mer, ce qui résume bien son ambition. Le Gouvernement prend acte de l'élargissement de la proposition de loi et de sa nouvelle portée. Bien sûr, son objectif fondamental demeure l'alignement des taux de sucre entre l'hexagone et les outre-mer. Cette action de régulation se fait même plus précise avec l'introduction de la notion de « sucres ajoutés » dans les yaourts, de manière à tenir compte des contraintes spécifiques rencontrées par les producteurs de yaourts outre-mer, où il n'existe pas de filière laitière très organisée.
Pour ceux qui en doutaient, cette proposition de loi n'est pas dirigée contre les entreprises. Le texte a été revu et amélioré avec les industriels, au terme d'une belle concertation.
Le Gouvernement prend acte de la proposition qui est faite de mettre un terme à la pratique de la double date limite de consommation. Guillaume Garot s'exprimera sans doute sur ce point, qui constitue une discrimination difficilement acceptable. Cette pratique permet en effet à certains industriels de prolonger de vingt jours pour les outre-mer – et les outre-mer uniquement – la date limite de consommation des yaourts, qui est de trente jours dans l'hexagone : trente jours à Paris ou à Rodez, cinquante, parfois cinquante-cinq dans les outre-mer… Il est permis de s'interroger sur les raisons pour lesquelles certains consommateurs mériteraient d'être mieux protégés que d'autres !
Nous sommes ici très éloignés de l'idée que nous nous faisons des outre-mer dans la République.
Enfin, le texte sorti des travaux de la commission propose une autre disposition notable : l'obligation qui sera faite aux collectivités de tenir compte du critère de performance en matière de développement des approvisionnements directs en produits de l'agriculture et de l'agroalimentaire dans l'attribution des marchés.
Guillaume Garot reviendra également plus en détail sur cette disposition qui présente l'intérêt de participer à la structuration et au renforcement des filières de production locale. En effet, ce sont notamment des fruits et légumes produits localement, en circuits courts, qui verront ainsi leur accès aux cantines scolaires favorisé.
Le postulat est intéressant : une meilleure qualité nutritionnelle de l'offre alimentaire, dès le plus jeune âge, peut-elle aller dans le sens d'une stratégie offensive de développement des économies des outre-mer ? Le Gouvernement sera attentif à vos débats autour de ce texte et fait confiance à la sagesse du Parlement. Marisol Touraine, Guillaume Garot et moi-même, et au-delà tout le Gouvernement, partageons nombre des ambitions et des préoccupations qu'il exprime.
L'obésité, le diabète et toutes les pathologies liées aux excès de sucre doivent être combattus par tous les moyens. Ce texte est une brique essentielle du dispositif opérationnel que nous voulons mettre en place. Faisons donc ensemble oeuvre utile ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La proposition de loi que vous présentez répond à la fois à une question de santé publique et, cela a été dit, à une question d'égalité entre les citoyens de tous les territoires de la République. C'est pourquoi le Gouvernement a pris acte avec intérêt de la volonté des députés d'élargir le texte initial. Cette proposition met un terme à une injustice qui frappe les consommateurs ultramarins et je veux, comme l'a fait Victorin Lurel avant moi, remercier la rapporteure, Mme Vainqueur-Christophe, pour son travail remarquable.
Je veux pour ma part m'exprimer plus en détail sur les articles 3 et 4 de cette proposition de loi.
L'article 3 vise à interdire la pratique de ce que l'on appelle le double étiquetage des dates limites de consommation de certains produits périssables. Aujourd'hui, l'écart peut atteindre vingt-cinq jours. Vingt-cinq jours selon que le produit est vendu en métropole ou outre-mer ! Comment peut-on accepter une chose pareille ?
Comment accepter qu'un produit puisse avoir une date limite de consommation plus éloignée outre-mer – c'est le même produit, de la même marque, fabriqué au même moment, dans la même usine ?
Comme vous le savez, une date limite de consommation doit être établie pour les denrées alimentaires microbiologiquement très périssables et qui sont susceptibles de présenter un risque immédiat pour la santé humaine. Voilà la règle. Mais c'est le fabricant qui détermine cette date limite de consommation. La dualité qui existe aujourd'hui fait bien apparaître que la décision ne répond pas à une logique exclusivement sanitaire, mais aussi à une logique commerciale ! Ces pratiques paraissent aujourd'hui parfaitement incompréhensibles pour l'ensemble des consommateurs, qu'ils résident outre-mer ou en métropole. En tout cas, ce que nous constatons, c'est que les consommateurs ne les supportent plus.
Nous savons bien que légiférer en matière de date limite de consommation n'est pas neutre, d'abord parce que c'est une responsabilité des fabricants, ensuite parce que vous devez légiférer dans le cadre du droit européen. Mais le Gouvernement comprend parfaitement la volonté des députés de traiter de cette question tout à fait importante, au nom de l'égalité entre les citoyens et aussi du respect dû au consommateur. C'est parfaitement légitime.
L'article 4, lui, vise à promouvoir les denrées issues des circuits courts dans l'approvisionnement en produits frais et produits de saison des sites de restauration collective, comme les cantines scolaires ou des hôpitaux. L'objectif est à la fois de renforcer les filières agricoles de proximité, de soutenir les producteurs locaux et, toujours, d'améliorer la qualité nutritionnelle de l'alimentation.
Nous savons que les circuits courts y participent. Je n'oppose jamais les circuits courts à l'industrie alimentaire, parce que nous devons reconnaître que cette dernière fournit de réels efforts pour répondre aux attentes des citoyens. Mais nous savons aussi que ces efforts doivent être poursuivis. C'est pourquoi j'ai engagé un travail de fond avec les industriels eux-mêmes sur les ingrédients alimentaires, afin que nous puissions améliorer la composition des recettes et revoir leurs teneurs en sucre, en sel et en graisse. C'est un travail considérable, un travail de longue haleine, mais qui aboutira durant l'année 2013.
En effet, à nos yeux, le modèle alimentaire français doit rester plus que jamais le modèle de l'excellence. Et qui dit excellence dit exigence – en tout cas, c'est la règle que nous nous fixons.
S'agissant donc de la commande publique, l'article 53 du code des marchés publics prévoit que le décideur fonde son choix sur une pluralité de critères, dont notamment les performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture. Certes, le code des marchés publics a un caractère réglementaire, mais seule la loi peut intervenir s'agissant de la liberté d'administration des collectivités locales. Votre proposition de loi est donc parfaitement justifiée. Les donneurs d'ordres des marchés publics resteront libres de pondérer ce critère selon la disponibilité de ces produits et selon leur situation économique.
Pour le Gouvernement, c'est une étape tout à fait bienvenue pour améliorer l'offre alimentaire en restauration collective, en particulier dans les outre-mer. Au-delà de l'intérêt évident pour notre agriculture locale, il s'agit là encore, je veux le redire, d'une question de santé publique et d'une question de justice sociale, afin de faire en sorte que chaque citoyen de notre République ait accès à une alimentation de qualité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Je ne vais pas détailler l'ampleur du fléau de l'obésité outre-mer, qui gagne d'ailleurs la métropole. Je ne reviendrai pas non plus sur tout ce qui a été dit concernant les différences de teneurs en sucres – c'est un propre scandale, en particulier du point de vue de l'égalité – et les dates limites de consommation : ce serait redondant et inutile. Je ne reviendrai pas enfin sur la supposée appétence des populations ultramarines pour le sucre : évidemment, elles ont été conditionnées pour consommer ce que l'on voulait qu'elles consomment !
Je vais plutôt utiliser mon temps de parole pour insister sur les lobbies agroalimentaires, qui s'associent d'ailleurs aujourd'hui avec les lobbies de l'industrie pharmaceutique. Voilà que l'on retrouve dans certaines fondations à la fois les industries qui créent le diabète de type 2 et les industries du médicament qui traitent le diabète de type 2 ! J'ai envie de mettre tout le monde en garde dans cet hémicycle, y compris, si je puis me le permettre, MM. les ministres, qui étaient il y a un an encore nos collègues : on voit des colloques, des forums, des grandes associations s'organiser « sous le haut patronage de… » De qui ? Des lobbies de l'agroalimentaire !
Cette proposition de loi était attendue depuis longtemps. M. Lurel, qui était alors un de nos collègues, l'avait déjà présentée et je continue à regretter que la majorité de l'époque ne l'ait pas votée – je ne comprends d'ailleurs toujours pas pourquoi.
En tout cas, je ne veux pas revivre le même cauchemar que lors de la loi hôpital, patients, santé et territoires : un amendement avait été présenté pour interdire les publicités de céréales trop grasses, trop sucrées et trop salées pendant les dessins animés à la télévision, et Mme Bachelot, qui pourtant je pense était partante, était soudain revenue de son ministère en brandissant la charte de l'agroalimentaire et en disant que, la main sur le coeur, l'agroalimentaire avait promis qu'il allait se comporter autrement… Pour ma part, je n'ai pas vu de différence.
Quand un enfant de moins de six ans regarde un dessin animé et voit une publicité avec des céréales qui sautillent de partout, quelle portée pensez-vous qu'ont les recommandations des autorités sanitaires, inscrites tout en bas, en tout petit : « trop gras, trop sucré, trop salé » ou « mangez diversifié » ? Il ne sait pas lire ! Cette question concerne l'outre-mer, mais aussi la métropole – tout le pays. Ces gens-là sont bien plus malins que nous, ils avancent beaucoup plus vite que le législateur !
C'est pourquoi, madame la rapporteure, je suis assez fière que vous présentiez aujourd'hui cette proposition de loi. Elle va nous faire avancer. Au-delà de ses bénéfices pour les territoires outre-mer, elle représente un avertissement au lobby de l'agroalimentaire : ça suffit, on sait ce que vous êtes, vous n'allez pas faire la politique de santé publique dans notre pays ! Comme vous l'avez très bien dit dans votre rapport, on en est à trente-trois chartes de bonne conduite de l'agroalimentaire. Elles ont donné à peu près les mêmes effets que la charte de la visite médicale signée par l'industrie pharmaceutique avec Xavier Bertrand en 2005 : on a vu l'affaire Médiator… L'agroalimentaire, c'est exactement pareil.
Je sais que les grands groupes, les gros syndicats de l'agroalimentaire, comme l'ANIA, suivent de près nos débats. Je leur dis que nous pouvons discuter avec eux, que nous pouvons nous asseoir ensemble autour d'une table, mais que nous veillons ! Et que nous ne baisserons pas notre garde !
J'associe tout particulièrement à ces propos Gérard Bapt, non pas parce que nous sommes tous deux de Haute-Garonne, mais parce que nous avons mené côte à côte les mêmes combats. Nous disons à ces industries qu'elles peuvent travailler, qu'elles peuvent se développer, mais pas à n'importe quel prix pour la santé publique.
Aujourd'hui, il y a des priorités, un hit-parade des priorités, en tête duquel figure la santé des populations – en l'occurrence, la population des DOM-TOM, plus concernée par ce que nous dénonçons –, après quoi viennent les comptes de notre assurance maladie et, seulement ensuite, la santé des industriels. L'ordre des priorités restera tel et ne s'inversera pas, et ce tant que nous serons au pouvoir. Restons-y longtemps ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame la présidente, messieurs les ministres, vous le savez, les chiffres sont implacables. Ils révèlent tous une prévalence sans équivalent de la surcharge pondérale et de l'obésité dans les régions d'outre-mer. À La Réunion, selon les dernières estimations, un adulte sur deux serait concerné, tandis que les enquêtes de santé scolaire montrent que plus du quart des élèves de CM2 sont en surpoids et que l'obésité infantile s'est considérablement accrue en deux décennies.
Ces chiffres sont inquiétants puisqu'il est désormais démontré que l'obésité est un facteur de risque pour de nombreuses pathologies. De fait, c'est à La Réunion que l'on enregistre le plus fort taux de diabète. Avec 8,8 % de la population, la proportion des personnes touchées est deux fois plus élevée que sur l'ensemble du territoire national. De plus, elle augmente bien plus rapidement. Le diabète est devenu une cause importante de mortalité, au point qu'on parle même d'une surmortalité régionale.
S'il est vrai que l'obésité, considérée depuis 1997 comme une maladie, et dans laquelle l'OMS voit comme l'épidémie du siècle, ne répond pas à une cause unique, il est incontestable que l'alimentation joue un rôle majeur. La politique nutritionnelle, qui vise à la fois les aspects alimentaires et l'activité physique, a d'ailleurs été promue au rang des priorités de santé publique.
C'est dans ce cadre que nous examinons la présente proposition de loi qui se concentre sur la qualité de l'offre alimentaire. Elle vient renforcer les dispositifs mis en oeuvre ces dernières années.
Je pense, bien sûr, au programme national nutrition santé, particulièrement dans sa version 2011-2015 qui prévoit une déclinaison outre-mer, ou encore au plan obésité. Je pense au projet régional de santé que l'ARS et les professionnels de santé de La Réunion viennent d'adopter avec, comme axe prioritaire, l'amélioration des habitudes alimentaires. Je pense aussi aux multiples actions qui existent au plan local. C'est ainsi qu'en plus des parcours santé, la commune de Saint-Paul participe au réseau des villes-santé de l'OMS, et organise à ce titre, sur l'ensemble de son territoire, des opérations d'information et de dépistage de l'obésité, de l'hypertension, du diabète et des maladies cardio-vasculaires. Je n'oublie pas non plus, même si elles sont rares, les initiatives de certains producteurs de La Réunion qui, depuis près de dix ans, travaillent, à partir de tests de dégustation, à diminuer la teneur en sucre ajouté de leurs produits.
Réduire la consommation de sucres dans les outre-mer, tel est l'objectif principal et très concret de ce texte. Comme le recours à la voie législative a pu encore surprendre, rappelons que les denrées alimentaires commercialisées chez nous ont une teneur en sucre bien plus élevée que celles qui sont distribuées en France continentale, même lorsqu'il s'agit de produits de marque identique. Rappelons aussi que l'appétence pour le sucre, si elle est entretenue, peut vite devenir une addiction. Et soulignons que, contrairement aux évolutions enregistrées au niveau national, la prévalence du surpoids et de l'obésité chez le jeune enfant ne s'est pas stabilisée dans les outre-mer, où l'on n'a pas enregistré non plus une réduction de la consommation de sucre ni de sel. La prise de conscience doit être générale. Une loi peut y aider.
J'en veux pour preuve la proposition de loi de 2011 qui, alors même qu'elle n'a pas été adoptée, pour les raisons que l'on sait, n'est pas restée sans suite chez certains industriels, notamment ceux qui produisent les produits frais lactés. Des recettes ont été reformulées, les teneurs en sucres ont été réduites, et une récente étude indique que l'offre réunionnaise de produits laitiers frais est désormais légèrement – j'insiste sur l'adverbe – plus sucrée qu'en France continentale.
À ce propos, il faut dénoncer, pour y mettre fin, l'incroyable tromperie à laquelle donne lieu la détermination de la date limite de consommation. Pour des produits similaires, et de même marque, fabriqués en même temps, les industriels des produits lactés fixent une date limite de consommation qui comporte un écart d'au moins vingt jours selon que ces produits sont destinés à la consommation hexagonale ou à l'exportation dans les régions d'outre-mer. Au même instant, et contre toute logique, le même produit peut donc être considéré, selon l'endroit où il va être consommé, comme périmé ou comme propre à la consommation.
On l'a compris, ce texte vient renforcer la prévention de l'obésité et de ses conséquences pathologiques. C'est donc tout naturellement qu'il tend à favoriser, en la rendant obligatoire, la prise en compte des produits agricoles locaux dans la restauration collective. Pour La Réunion, la marge est importante puisque seulement 8 % des 90 000 tonnes de fruits et légumes produits chaque année dans l'île sont consommés dans les écoles et les hôpitaux.
Cette volonté de prévention explique aussi la nécessité d'associer les industries agroalimentaires locales au mouvement général qui vise à la réduction de la teneur en sucres ajoutés. Pour être efficaces, les préconisations doivent être assorties d'une concertation et les efforts consentis doivent être encouragés, surtout lorsqu'il s'agit de petites structures.
Dans la même logique, il est vivement souhaitable que l'alimentation infantile fasse l'objet d'une attention particulière, puisque les trois premières années de la vie, on le sait bien, sont cruciales dans la formation du goût. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, messieurs les ministres, madame la rapporteure, chers collègues, le projet de loi que nous examinons cet après-midi s'inscrit dans la continuité d'une démarche engagée au cours de la précédente législature, une démarche qui vise à mettre fin à une inégalité de traitement entre les consommateurs de l'hexagone et ceux de l'outre-mer, une démarche engagée par M. le ministre des outre-mer, qui est sensibilisé à ce problème du taux de sucre plus élevé des produits importés dans nos régions. Vous l'avez dit, monsieur le ministre, un texte semblable a été rejeté au cours de la précédente législature, je ne sais pour quel motif. S'il avait été adopté, nous aurions pu gagner du temps dans la lutte que nous menons contre l'obésité.
L'écart entre le taux de sucre des produits outre-mer et celui des mêmes produits en métropole peut varier d'une région ultramarine à l'autre. Pour les boissons sucrées non rafraîchissantes, il varie de 1,2 % à plus de 48 %. Il en est de même pour les yaourts, avec un écart qui varie de 8 % à 15 %, voire 26 % lorsqu'ils sont fabriqués localement.
De nombreux industriels tentent de justifier cette réalité par notre appétence réelle ou supposée pour le sucre. Sans insister sur la pertinence scientifique de l'argument, il n'est bien entendu pas envisageable d'accepter cette justification quand on sait à quels risques une alimentation trop sucrée expose la santé.
La santé est un des trois indices pris en compte pour mesurer le niveau de développement humain d'un pays. Or, par son IDH, La Réunion est bien loin derrière l'hexagone mais aussi derrière la plupart des autres départements d'outre-mer, notamment la Martinique et la Guadeloupe. Si l'on considère ce seul indice santé, quand la France métropolitaine est classée au neuvième rang mondial, la Réunion arrive au soixante-quatorzième, derrière la quasi-totalité des pays ultramarins.
Admettre cette différence de taux de sucre, c'est nous rendre complices de la dégradation de l'état de santé de nombre de nos compatriotes, touchés par des pathologies liées aux surcharges pondérales.
Admettre cette différence, c'est aussi être complices des inégalités sociales de santé, dont tel ou tel individu est victime en fonction de sa catégorie sociale, de sa catégorie socio-économique ou encore du territoire où il vit. Notre responsabilité est de faire en sorte que ces inégalités se réduisent partout où c'est possible.
Messieurs les ministres, même si les liens entre consommation de sucre et obésité ne sont pas encore clairement établis au niveau scientifique, de nombreuses études validées par l'Organisation mondiale de la santé montrent qu'une alimentation riche en sucre contribue activement aux risques de surpoids et d'obésité. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail souligne par ailleurs qu'une consommation excessive de glucides, en particulier de glucides simples ajoutés, notamment sous forme de boissons, serait responsable du développement du surpoids et de l'obésité chez les enfants et les adolescents.
Outre-mer, c'est en effet plus d'une personne sur deux qui est obèse ou en surpoids, contre 41 % en métropole. À La Réunion, on estime que le diabète, l'hypertension et les accidents cardio-vasculaires sont à l'origine de plus d'un tiers des décès recensés chaque année. Pour le seul diabète, on compte 250 décès. En outre, les publics les plus exposés sont les enfants et les femmes.
Ces données ont conforté nombre de parlementaires socialistes dans leur volonté d'appliquer le principe de précaution et d'adopter une posture ferme en matière de teneur en sucre des produits vendus outre-mer.
La proposition de loi discutée aujourd'hui diffère cependant de celle présentée en 2011 car elle a été enrichie et complétée par de nouvelles dispositions visant à garantir plus largement la qualité des produits alimentaires vendus dans nos territoires.
Si, depuis 2011, il faut le reconnaître, certains industriels se sont engagés, à travers une charte, dans une démarche de réduction des taux de sucres de leurs produits – et je salue ici l'engagement de ces industriels qui ont su prendre leurs responsabilités –, l'objectif de ce texte de loi est de s'assurer que cet engagement soit partagé par tous les industriels, ceux qui importent les denrées alimentaires mais également ceux qui les produisent localement. En effet, cette proposition de loi serait inefficace si on avait continué d'exclure les boissons et les yaourts fabriqués localement et dont les teneurs en sucre sont extrêmement élevées. Une étude menée par la région Guadeloupe a ainsi montré un écart de plus de 23 % avec la boisson la plus sucrée fabriquée dans l'hexagone et un écart de plus de 97 % avec la moins sucrée. Il était donc nécessaire de légiférer également sur ces produits. Tel est l'esprit de l'article 1er de la loi, qui traduit cette préoccupation dans le code de la santé publique sous la forme de deux articles L. 3232-5 et L. 3232-6.
Bien sûr, il ne suffira pas d'une loi pour diminuer les taux d'obésité et de surpoids. Il faut aussi insister sur l'importance de développer des actions de sensibilisation et de prévention dès le plus jeune âge. Je souhaite donc que le traitement de l'obésité dans les territoires d'outre-mer puisse faire l'objet d'une déclinaison spécifique du plan national de prévention, comme c'était le cas sur la période 2010-2013. En effet, seules des actions efficaces et adaptées au contexte local auront des chances de faire changer les comportements. C'est le rôle des ARS, qui doivent développer des stratégies, en concertation avec des associations locales, pour éduquer et informer les populations quant aux pratiques d'une alimentation alimentaire équilibrée.
Mais, monsieur le ministre des outre-mer, vous l'avez dit, la différence de taux de sucre n'est pas la seule inégalité de traitement que subissent les ultramarins. Il est ainsi apparu que certains industriels hexagonaux avaient mis en place un dispositif de double étiquetage en matière de date limite de consommation des produits périssables.
Les industriels sont bien sûr libres d'apposer les dates limites de consommation qu'ils souhaitent sur les produits qu'ils mettent sur le marché, sous réserve néanmoins de respecter les règles générales d'hygiène et de sécurité alimentaires, et donc d'être en mesure de prouver que la qualité sanitaire de ces produits n'est pas altérée dans ces délais. Il n'en demeure pas moins que ces pratiques vont à l'encontre d'une bonne information tant du consommateur résidant outre-mer que de celui habitant en France hexagonale. Le premier ignore en effet que le yaourt venu de métropole qu'il achète a pu être fabriqué plus d'un mois et demi avant la date qui y est apposée, et que ce même produit, s'il avait été distribué en France métropolitaine, serait considéré comme périmé au-delà d'un délai de trente jours. C'est d'autant plus incompréhensible que les industriels produisant dans les départements d'outre-mer apposent quant à eux des mentions à trente jours et non à quarante-cinq ou cinquante-cinq jours, afin de tenir compte de différents facteurs susceptibles d'altérer la qualité des produits après leur mise en circulation, comme d'éventuelles ruptures de la chaîne de froid. Quant au consommateur résidant en France hexagonale, il ignore que le produit qu'il achète et qu'il jette, lorsqu'il ne l'a pas consommé dans le délai de trente jours, est considéré comme encore consommable pendant quinze ou vingt-cinq jours outre-mer. Cela laisse entrevoir l'ampleur du gaspillage organisé par les industriels. Oui, madame Lemorton, on sent derrière tout cela un lobbying très fort.
C'est la raison pour laquelle la proposition de loi a été enrichie d'un article 3 qui interdira désormais une telle inégalité de traitement entre l'hexagone et l'outre-mer. Cette situation nécessiterait une enquête approfondie des services de l'État pour établir si oui ou non un même produit peut être consommé sans risque pour la santé humaine jusqu'à trente ou soixante jours après sa fabrication, mais, quels que soient les résultats de cette enquête, il apparaît en tout état de cause inadmissible, du point de vue de l'égalité des droits des consommateurs sur le territoire français, que des délais différents de consommation, ne tenant pas aux qualités intrinsèques d'un produit, puissent être apposés sur les emballages en fonction du lieu de distribution de ces produits, a fortiori lorsque ces pratiques conduisent à fixer des durées plus longues.
Mes chers collègues, la loi que nous examinons aujourd'hui vise spécifiquement à effacer ces inégalités de traitement. Elle n'en fait pas pour autant une fin en soi. La réduction de la teneur en sucre et l'interdiction des dates limites de consommation supérieures relèvent d'une même démarche d'amélioration de la qualité de l'offre alimentaire proposée dans nos territoires.
Il s'agit également de mettre l'accent sur les bénéfices d'une alimentation saine et équilibré, qui passe par la consommation de produits frais et locaux. Parce que nous sommes soucieux de la qualité des denrées que nous consommons, nous voulons encourager l'utilisation de ces produits dans nos cantines scolaires et dans nos services de restauration collective. Tel est l'objet de l'amendement de Mme Vainqueur-Christophe, que je soutiendrai sans réserve.
En conclusion, l'ambition que traduit cette proposition de loi ne peut aboutir qu'à deux conditions. D'une part, l'application de la loi devra être associée à des campagnes d'information et de sensibilisation. L'ensemble des acteurs impliqués dans la réduction des inégalités de santé outre-mer – le ministère de la santé, le ministère de l'agriculture, les services de l'État en charge de la consommation et de l'agroalimentaire, les associations et l'ensemble des acteurs impliqués dans la lutte contre l'obésité – doivent se rassembler pour atteindre les objectifs fixés.
D'autre part, l'étiquetage des produits doit être plus transparent, qu'ils soient fabriqués localement ou viennent de pays situés hors de l'Union européenne. En effet, la composition de beaucoup des produits que nous consommons manque de transparence, en raison du caractère peu contraignant de la législation européenne.
J'ai bon espoir, si ces conditions sont remplies, que l'ensemble des pathologies dont j'ai parlé au début de mon intervention baisseront significativement. J'invite donc l'ensemble des députés de cet hémicycle à partager notre souci de la santé publique et à voter pour cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame la présidente, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mes chers collègues, la présente proposition de loi de M. Bruno Le Roux et plusieurs de ses collègues vise à prohiber la différence entre le taux de sucre des produits manufacturés et vendus dans les régions d'outre-mer et celui des mêmes produits vendus dans l'hexagone.
J'aborderai d'abord un point de fond. L'obésité est un fléau qu'il convient de combattre : il s'agit d'un impératif évident de santé publique. Avec le Programme national nutrition santé pour les années 2011 à 2015, notre pays s'est doté d'une politique nutritionnelle ambitieuse afin d'améliorer l'état de santé de la population. Toutefois, l'obésité et le surpoids continuent de se développer. Ces affections touchent inégalement les différentes catégories sociales. L'obésité progresse : 16 % de la population adulte est concernée, alors que ce chiffre atteignait seulement 8,5 % dix ans auparavant.
Il n'est nul besoin de rappeler ici les conséquences sur la santé de la consommation de produits excessivement riches en sucres et en graisse. Elles sont connues : maladies cardio-vasculaires, hypertension artérielle, diabète… À cette inégalité sociale s'ajoute une inégalité territoriale entre l'hexagone et les régions d'outre-mer, où les taux de sucre sont notoirement plus élevés, les précédents orateurs qui se sont exprimés à cette tribune l'ont déjà longuement rappelé. Cette proposition de loi vise donc à réglementer les taux de sucres des produits destinés à la consommation des populations d'outre-mer.
Alors que le taux d'obésité des adultes est de 16 % dans l'hexagone, dans les régions d'outre-mer le taux d'obésité des enfants et adolescents est de 25 %. Plus d'un adulte sur deux connaît des problèmes de poids dans les régions d'outre-mer.
J'aborderai à présent les interrogations qui se posent quant à la forme de cette proposition de loi. Premièrement, pourquoi adopter ce texte alors qu'un projet de loi sur la santé publique devrait être présenté au Parlement d'ici quelques mois ? Sur le fond, chacun s'accorde sur le caractère impératif qu'exige la lutte contre l'obésité. Cependant, sur la forme, des questions se posent : nous vous saurions gré de bien vouloir nous apporter quelques précisions à cet égard.
Une proposition de loi a été déposée au cours de la précédente législature, et a donné lieu à la signature de chartes d'engagements permettant aux industriels d'améliorer la qualité nutritionnelle des produits en réduisant déjà leur teneur en sucre. Mme la rapporteure a constaté en commission des affaires sociales qu'à l'heure actuelle une seule charte a été signée outre-mer. Parallèlement, selon le site du ministère de la santé, trente-trois entreprises ont signé une charte d'engagements volontaires de progrès nutritionnel, alors même qu'il n'y a pas actuellement en métropole d'obligation réglementaire fixant la teneur en sucres des produits.
Ces mesures, menées dans le cadre du Plan national nutrition santé, qui a été reconduit par la précédente majorité pour les années 2011 à 2015, doivent être privilégiées, voire fortement encouragées, tout particulièrement dans les régions d'outre-mer. À ce propos, il serait intéressant que Mme la ministre de la santé détaille l'avancée du plan de contractualisation. Nous aurons l'occasion d'y revenir au cours de l'examen du projet de loi sur la santé publique.
Par ailleurs, une question de calibrage se pose. Le Gouvernement nous annonce le dépôt à venir d'un projet de loi de santé publique. Ce texte sera un véhicule législatif idoine pour prendre en compte de manière beaucoup plus globale les problèmes liés à la prévalence de l'obésité et à ses conséquences sur les populations. En attendant, le Plan national nutrition santé a été décliné pour l'outre-mer, et comprend tous les outils nécessaires pour avancer.
Par conséquent, le recours à la loi paraît superficiel. Ce pansement ne permettra pas de guérir une plaie si profonde. Pourquoi, dès lors, recourir à une proposition de loi qui ne traite qu'une petite partie du problème de l'obésité ?
Vous pourriez me répondre à juste titre, qu'il y a urgence, que cette situation ne peut attendre, et que, de ce fait, il convient d'apporter rapidement une réponse.
La réponse au problème de la différence de taux de sucre entre les produits vendus en métropole et outre-mer aurait pu relever du domaine réglementaire.
Deuxièmement, toujours à propos des interrogations de forme, pourquoi avoir ajouté un article relatif aux dates limite, de consommation ? Par le biais d'un amendement adopté en commission des affaires sociales, des règles relatives aux délais de péremption ont été ajoutées au texte de la proposition de loi, alors qu'elle était initialement consacrée uniquement à l'interdiction de la différence de taux de sucre entre les produits vendus en métropole et outre-mer. Cet ajout montre que les questions liées à l'outre-mer nécessitent de prendre en compte d'autres éléments que l'obésité. Pour ma part, je n'ai pris connaissance de la différence d'étiquetage entre l'outre-mer et la métropole que très récemment. Un certain nombre de nos collègues ont, comme moi, découvert cette situation. Je me réjouis que des solutions soient recherchées pour remédier à cette inégalité, que nous pourrions même appeler une injustice.
Il apparaît par ailleurs que l'obligation résultant de l'article 3 s'appliquera uniquement aux entreprises françaises, alors qu'une dérogation européenne existe. Monsieur le ministre, vous avez mentionné le plan européen. Cette dérogation européenne prévoit en effet que le fabricant est responsable de la date limite d'utilisation de ses produits, sous le contrôle de la direction départementale de la protection de la population.
Jusqu'à présent, les fabricants concernés pouvaient expédier leurs produits dans les territoires d'outre-mer en intégrant le temps de transport dans le délai de péremption. Je m'interroge sur les effets de cette disposition. La nouvelle situation permettra-t-elle aux entreprises européennes non françaises de conserver des dates limites de consommation différentes ? Cela conduirait immanquablement à ce que les fournisseurs français – notamment de produits laitiers – ne puissent plus livrer outre-mer à cause du délai de péremption de 30 jours. Ce serait le comble ! À cet égard, il aurait été intéressant de réaliser une étude d'impact préalable.
Au total, des règles différentes relatives aux délais de péremption pourraient continuer à coexister du fait de livraisons de produits, notamment de produits laitiers, provenant d'autres pays de l'Union européenne. Il serait donc utile de réaliser une harmonisation européenne au préalable. Cela permettrait de ne pas pénaliser davantage les entreprises françaises et d'améliorer l'égalité entre consommateurs par rapport aux dates limites de consommation, quelle que soit l'origine des produits concernés.
En conclusion, nous pensons qu'il eût été opportun d'attendre le projet de loi de santé publique pour prendre en compte, d'une part, tous les aspects de la lutte contre l'obésité – comme la question des sels et des graisses, que M. le ministre a évoquée – et d'autre part, tous les aspects particuliers à l'outre-mer. Un amendement présenté par Mme la rapporteure a été adopté en commission, dont l'objet est d'élargir le titre même de la présente proposition de loi, qui s'intitule désormais « proposition de loi visant à garantir la qualité de l'offre alimentaire en outre-mer », au lieu de « proposition de loi tendant à prohiber la différence de taux de sucre entre la composition des produits manufacturés et vendus dans les régions d'outre-mer et celle des mêmes produits vendus dans l'hexagone. »
Force est donc de constater que cette proposition de loi pouvait s'intégrer dans un bloc législatif plus vaste. Des modifications législatives seraient vraiment utiles : je suis tout à fait d'accord avec la volonté que traduit cette proposition de loi, tout comme avec ses orientations. Il convient cependant d'intégrer ces modifications législatives dans le cadre d'une stratégie cohérente et globale. Le Gouvernement a annoncé une grande loi de santé publique : elles auraient tout à fait pu trouver leur place dans ce cadre.
Nous regrettons également la méthode suivie : par rapport à l'importance de ce problème de santé publique, elle n'a été que parcellaire. La question de l'obésité dépasse nettement la question des taux de sucres, et touche plus globalement à l'éducation nutritionnelle. Un plan véritablement cohérent, responsabilisant tous les acteurs, en particulier les professionnels de l'agroalimentaire, est préférable. Or ce plan existe et la volonté d'avancer sur ce sujet est partagée. Dans l'attente de la loi de santé publique, nous préconisons donc la prudence. Par conséquent, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, messieurs les ministres, madame la rapporteure, chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui reprend le texte d'une proposition de loi de M. Victorin Lurel – qui était alors député – déposée sous la législature précédente, cela a déjà été rappelé. Au-delà des aléas de la vie démocratique et parlementaire, ce texte conserve toute sa pertinence. Il s'agit, fondamentalement, de réparer une injustice faite à nos concitoyens d'outre-mer, une injustice d'autant plus grave qu'elle concerne leur santé. Je vous annonce d'emblée que le groupe UDI votera cette proposition de loi, tout comme le groupe Nouveau Centre avait voté pour la proposition de loi de M. Lurel au cours de la précédente législature.
Le développement de l'obésité dans notre société est désormais un fait majeur. Cette maladie est considérée comme la première épidémie non infectieuse de l'histoire. Elle se propage à une vitesse inquiétante. Cette tendance a été observée dans la plupart des pays européens, en Amérique du Nord et dans plusieurs pays d'Amérique du Sud et d'Asie. Dans les pays en développement, le nombre de personnes obèses a plus que doublé au cours des vingt dernières années. Les chiffres sont parfois démesurés : par exemple, plus de 50 % des Nord-Américains sont en surpoids, et 25 % d'entre eux sont considérés comme obèses.
C'est fondamentalement un phénomène social, qui entraîne une double inégalité. Une inégalité sociale au sens strict, d'abord. Outre les prédispositions génétiques, l'obésité est en effet principalement due à des facteurs environnementaux, sociaux, économiques et culturels qui jouent un rôle très important dans son évolution. En France, 15 % des personnes sans diplôme ou n'ayant obtenu que le brevet des collèges sont obèses, contre 5 % des diplômés de l'enseignement supérieur. Une étude récente de l'INSEE fait apparaître une relation très marquée entre l'obésité et le statut social. Les catégories populaires, à faible niveau de diplôme et à faibles revenus, sont plus sujettes à l'obésité que les autres. La situation est inverse pour les catégories aisées. L'écart se creuse fortement depuis vingt ans.
L'inégalité est ensuite géographique. Les données nationales issues de l'étude ObÉpi indiquent qu'en 2012 40 % des adultes vivant outre-mer sont en surpoids, contre 32,3 % en métropole. Alors que 15 % des métropolitains sont considérés comme obèses, cette pathologie atteint jusqu'à 30 % de nos compatriotes ultramarins. Pour combattre ce fléau, des mesures préventives et d'information sont nécessaires. Il convient notamment de financer un parcours de santé, ou de mettre en oeuvre des actions de sensibilisation dans les écoles. Mais, ce n'est pas suffisant.
Il faut que des mesures plus contraignantes soient prises pour associer les acteurs de l'agroalimentaire à la lutte contre cette pandémie, pour adapter les moyens aux fins. Le texte qui nous est proposé aujourd'hui a le mérite de poser clairement la problématique : outre les politiques de prévention, qui sont essentielles, nous devons aborder très clairement la question de l'offre alimentaire proposée à nos concitoyens, et de la juste information qui leur est délivrée sur le contenu des produits.
Ce texte nous oblige à nous poser les vraies questions sur les démarches à engager pour que la politique de lutte contre l'obésité soit une politique de cohérence et d'égalité républicaine, pour que nous puissions engager l'ensemble des acteurs de notre société à apporter des réponses pertinentes. Il nous fait un devoir moral de protéger la santé de nos citoyens et plus spécialement, dans ce domaine, celle des ultramarins. Cette proposition de loi part d'un constat simple et avéré : le pourcentage d'obésité augmente plus rapidement outre-mer que dans l'hexagone, en particulier chez les jeunes. Or de nombreuses études ont montré qu'il existait une très grande différence entre le taux de sucre des produits vendus dans l'hexagone et celui des produits vendus outre-mer. C'est le cas, notamment, de certains sodas et de certaines spécialités laitières pour lesquels la quantité de sucre peut, dans les cas les plus graves, atteindre un écart de 45 %. Même si cette situation n'est pas imputable en totalité à l'industrie agroalimentaire, cet inquiétant constat trahit toutefois une part de responsabilité non négligeable de cette dernière, laquelle n'hésite pas à ajouter à ses produits du sucre, du sel ou des matières grasses pour la seule raison que ces ingrédients ne coûtent pas cher et induisent – en particulier le sucre – une addiction dans les populations les plus vulnérables comme, par exemple, les jeunes enfants. Nous le savons bien, le goût et les habitudes de consommation se forgent dès le plus jeune âge et principalement au cours des trois premières années de la vie. Il ne peut y avoir de lutte active contre l'obésité si le jeune public n'est pas prioritairement protégé. Or c'est bien lui qui est le premier concerné par la consommation des produits évoqués.
Cette initiative est un acte politique indispensable et responsable vis-à-vis de nos concitoyens ultramarins, et l'urgence commande des solutions rapides. Il faut donc agir de façon volontariste et sans plus tarder, y compris en renouvelant encore l'effort de pédagogie, car l'obésité et le surpoids représentent, pour toute une partie de la jeunesse, un facteur aggravant d'autres pathologies, comme le diabète ou l'hypertension artérielle. Certes, nous aurions préféré que ce texte trouvât sa place dans la grande loi de santé publique annoncée par le Gouvernement pour cette année, d'autant que les facteurs d'obésité sont multiples et vont au-delà des boissons dont il est essentiellement question dans la présente proposition de loi. Il nous aurait également semblé plus pertinent de faire précéder cette proposition de loi d'une négociation avec l'ensemble des parties prenantes du secteur. Ce travail pouvait utilement aboutir à des objectifs concertés et contractualisés prenant en compte les contraintes économiques des uns et les impératifs de santé publique pour tous. L'UDI a toujours tendance à préférer la concertation à l'interdiction, même si un délai de six mois est introduit pour que les professionnels soient en mesure de s'adapter à la nouvelle réglementation.
Un autre dispositif évoqué à plusieurs reprises a été ajouté à ce texte. Il a trait à la différence existant entre les dates limites de consommation des produits distribués outre-mer et en métropole. Il y a là, à l'évidence, une injustice et une incohérence qui avaient, je le crois, échappé à beaucoup d'entre nous et qu'il est nécessaire de faire disparaître. Même si cette mesure ne relève pas à proprement parler de la proposition de loi qui nous est soumise, c'est l'occasion de revenir sur cette inégalité.
Nous sommes face à ce texte, à l'instant de choisir notre vote, et il n'est plus temps d'ergoter, en dépit des quelques réserves que j'ai pu évoquer. Nous devons agir. Il est donc impératif que les différents ministres concernés soient en mesure de nous assurer qu'un arrêté sera pris rapidement.
Ainsi mes chers collègues, en dépit des imperfections de ce texte et de son caractère parcellaire pour traiter d'un sujet majeur de santé publique, le groupe UDI, conscient de l'enjeu, mais aussi de l'importance de dépasser les clivages politiques dans un tel domaine, votera, je le répète, en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, messieurs les ministres, madame la rapporteure, mesdames, messieurs, il est temps que nous votions un tel texte ! Cette proposition de loi soumise aujourd'hui par des députés du groupe socialiste est attendue depuis longtemps. L'adoption de cette disposition relative à la régulation du taux de sucre dans les produits alimentaires outre-mer a été reportée à plusieurs reprises et de façon incompréhensible. Proposée par Victorin Lurel en 2011, l'Assemblée l'a rejetée en première lecture. Il en est allé de même lors de l'examen, en ce début de législature, du projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer Les écologistes avaient alors déposé un amendement similaire. Celui-ci n'a pas été adopté au motif qu'une telle disposition devait figurer dans une loi plus large.
Le texte a été complété en commission des affaires sociales la semaine dernière. Ainsi, deux articles ont été ajoutés et le titre a été modifié, puisque cette proposition vise, aujourd'hui à « garantir la qualité de l'offre alimentaire en outre-mer. »
Quatre articles composent le nouveau texte. Mais je dois dire que je suis un peu surprise de sa faible ambition, alors que le changement de nom de ladite proposition de loi annonçait justement une approche plus globale. Nous aurions dû, ainsi, voter la disposition sur la prohibition de la différence de taux de sucre il y a longtemps, d'autant qu'il y a urgence. Outre-mer, les produits de consommation courante ont une concentration en sucre supérieure à celle des mêmes produits de marques identiques vendus en France hexagonale. Par exemple, un soda à l'orange acheté à Paris comporte 9,5 grammes de sucres pour 100 grammes, et ce taux atteint entre 13 et 14 grammes lorsque ce même produit est acheté dans les outre-mer, soit une augmentation de près de 40 %. Cette pratique inadmissible, qu'aucun argument objectif ne justifie, a des effets directs sur la santé des ultramarins, puisque les sucres sont une des causes principales de l'obésité qui n'a, jusqu'ici, pas été suffisamment traitée outre-mer. Selon une enquête de 2012, 25 % des enfants et adolescents et plus d'un adulte sur deux sont en effet touchés par des problèmes de surcharge pondérale outre-mer, ce qui correspond quasiment au triple des estimations nationales. Or, rappelons-le, l'obésité favorise la survenue de diabète, d'hypertension, de maladies cardiovasculaires et respiratoires et d'atteintes articulaires, sources de handicaps. La santé des ultramarins mérite mieux que des dérogations !
De même, je souligne l'importance de l'article 4, lequel vise à promouvoir les denrées issues des circuits courts de distribution afin de favoriser l'approvisionnement des sites de restauration collective en produits frais et de saison. Cette mesure, engagement du Grenelle de l'environnement et du Gouvernement, doit être promue, non seulement dans les territoires ultramarins dont les économies sont très dépendantes des importations, mais aussi dans toute la France. Les outre-mer vont montrer la voie à la métropole.
Outre-mer, le poids des importations est en partie responsable de la vie chère qui caractérise ces territoires. Développer l'économie locale pour une consommation locale nécessite une véritable politique et des mesures d'incitation et d'accompagnement pour stimuler la coopération et l'investissement. Produire local pour consommer local présentera le double avantage de créer des emplois, mais également de réduire l'empreinte carbone qu'entraînent les longs trajets des marchandises. Cela permettra aux départements d'outre-mer de sortir de leur dépendance des importations, de garder la valeur ajoutée de leurs productions et d'intervenir sur le coût de leur alimentation.
Dans la loi relative à la régulation économique outre-mer, nous avions déjà demandé la publication d'un rapport sur ce sujet. Ce rapport devait permettre de comprendre les contraintes pesant sur la production locale dans les outre-mer et d'esquisser des propositions pour que l'économie locale soit accessible aux habitants de ces territoires. L'article 4 est une première réponse à cette question de la production locale, mais elle n'est pas suffisante. Lors du débat, le Gouvernement nous avait assuré qu'une réponse serait apportée lors de la conférence économique et sociale de cet été. Cette dernière l'a elle-même renvoyée au projet de loi d'avenir de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, lequel comportera, je cite, « un titre spécifique aux outre-mer afin de tenir compte des difficultés spécifiques à l'agriculture ultramarine, notamment l'insularité, l'éloignement, et la difficulté d'accès au foncier ». Nous en prenons acte.
Pour conclure, je dois dire que, même si je considère comme trop partiel le traitement qui a été fait, dans cette proposition de loi, à la problématique de l'alimentation et de la production outre mer, ces dispositions complémentaires ont leur raison d'être et doivent être adoptées sans tarder. En conséquence, le groupe écologiste votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, mesdames, messieurs, la présente proposition de loi répond, dans un premier temps, à un fort enjeu de santé et de société dans les outre-mer, à savoir la différence de taux de sucre entre les produits vendus dans les régions d'outre-mer et dans l'hexagone. Nous avons déjà tenté, en 2011, d'apporter une réponse législative à ce sujet, à votre initiative, monsieur le ministre des outre-mer. Face au poids des maladies chroniques outre-mer et de leurs conséquences incontestables en matière de durée, mais aussi de qualité de la vie, il y a là largement matière à se féliciter que la France tout entière ait pris la juste mesure des choses et ait choisi de donner un mandat fort à un gouvernement et à un Parlement majoritairement de gauche.
C'est grâce à ce changement à gauche que nous sommes aujourd'hui en mesure de dépasser la fin de non-recevoir qui nous avait été opposée en 2011 par la droite sur ce sujet d'urgence sanitaire et sociale, et que nous sommes aujourd'hui en mesure de débattre et de voter un texte à la fois urgent et utile. À ce titre, il est particulièrement navrant que le message prévalant au sein des députés de l'opposition est qu'il est une nouvelle fois urgent de ne rien faire sur ce dossier et de le renvoyer à une future loi, un autre texte, toujours et encore plus tard et – pourquoi pas ? – aux calendes grecques ! Certains à l'UMP, ont même osé nous affirmer que les Françaises et les Français outre-mer seraient en quelque sorte différents, auraient, par culture ou par nature, des goûts plus sucrés que les Françaises et les Français, différence naturelle qu'il ne faudrait surtout pas « brusquer » ! Une telle attitude, une telle vision du monde, est non seulement nauséabonde et antirépublicaine, elle est aussi irresponsable !
Premièrement, la triste réalité commerciale des sucres ajoutés sciemment dans les produits vendus outre-mer est avérée, documentée et chiffrée. Elle est incontestable. Deuxièmement, les conséquences de cette démarche industrielle volontaire sur les risques supplémentaires d'obésité, et ce dès le plus jeune âge, sont également démontrées et constituent une évidence. Dès lors, lorsque l'on connaît les effets directs de l'obésité en matière d'hypertension artérielle – six fois plus de risque, chez un jeune de vingt-cinq ans à trente-cinq ans –, en matière de diabète de type 2 avec son lot de risques accrus d'accident vasculaire cérébral, d'infarctus, d'artérite, de problèmes rénaux, ou encore de perte de vue – et je ne détaille pas les effets en termes, entre autres, d'insuffisance veineuse, d'insuffisance cardiaque ou encore d'arthrose. Une telle attitude de la part d'élus de la République est effectivement navrante ! Fort heureusement, ce n'est là que posture politique de la part des députés de l'opposition pour justifier leur abstention et éviter d'avoir à se rallier ouvertement à un bon texte de loi, un texte qui était déjà bon en 2011 et que de nombreux députés du groupe UMP ont immédiatement soutenu et persisté à soutenir, il faut le dire, en dépit du revirement de dernière minute de la majorité présidentielle de l'époque !
Les mesures prévues dans le texte examiné aujourd'hui en séance constituent donc un bon équilibre entre les enjeux de santé, d'une part, et les impératifs économiques, d'autre part. Si le texte est ferme – et c'est tant mieux –, il prévoit néanmoins les dispositions pratiques permettant à l'ensemble des acteurs d'en tirer les conséquences et de le mettre en application sans heurts.
Accessoirement, messieurs les ministres, il est intéressant de souligner que ces sucres ajoutés ne sont pas pour rien, me semble-t-il, dans le surcoût des produits vendus outre-mer et la cherté de la vie qui en résulte.
Il sera essentiel, mais je sais pouvoir vous faire confiance sur ce point, tant nous partageons la même ardente motivation dans la lutte en faveur du pouvoir d'achat outre-mer, que les conséquences de la présente proposition de loi soient contrôlées de très près par l'ensemble des instances chargées du suivi et du contrôle des prix et du pouvoir d'achat, afin de s'assurer que la baisse des sucres ajoutés se traduise aussi par une baisse des prix pour les ménages.
Aussi, vous l'aurez compris, les radicaux de gauche et le groupe RRDP se rallient sans hésitation à ce texte empreint de justice, de volontarisme et de raison.
Il est particulièrement louable que la commission des affaires sociales ait saisi cette occasion pour aborder un ensemble d'autres problématiques visant à favoriser et à renforcer encore la qualité globale de l'offre alimentaire outre-mer, et je remercie Mme Vainqueur-Christophe d'avoir porté ce texte.
Il s'agit ainsi de prévoir une égalité de traitement en matière de dates limites de consommation, ce qui relève de la justice basique et du bon sens car, franchement, ce n'est pas parce qu'un produit doit être livré outre-mer que sa durée de vie est subitement supérieure à celle d'un produit consommé en métropole.
Le texte met également en place un nouveau dispositif de soutien aux productions agricoles locales outre-mer, en incitant législativement à leur consommation dans le cadre des marchés publics de restauration collective, ce qui répond non seulement à un objectif évident de développement économique, mais également à des enjeux de traçabilité, de sécurité alimentaire et d'impact environnemental, en encourageant le développement de filières locales et de circuits courts. Il faudra faire de même, messieurs les ministres, pour la pêche et l'aquaculture.
S'agissant d'un texte adapté principalement pour le contexte spécifique des départements d'outre-mer, je me permettrai toutefois de souligner l'importance de prendre en compte les spécificités de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon au moment de l'adoption de l'arrêté prévu à l'article 1er.
Comme vous avez pu le constater lors de votre récent déplacement dans nos îles, monsieur le ministre, et en l'attente du développement des filières de production locale, que j'appelle de tous mes voeux, notre consommation repose toujours en grande partie, malheureusement, sur l'importation de produits canadiens. Il sera essentiel de veiller à ce que les mesures mises en place pour les DOM n'aient pas pour conséquence inattendue de créer des problèmes réglementaires d'approvisionnement en produits canadiens à Saint-Pierre-et-Miquelon. Messieurs les ministres, je sais l'attention que vous portez, ainsi que vos services, à la défense des spécificités de chaque collectivité d'outre-mer et je suis sûre que, forts de cet avertissement et de la volonté du législateur, vous saurez y prendre garde et mener à bien ce grand chantier de justice sanitaire et sociale.
Pour toutes ces raisons, le groupe RRDP votera ce texte sans réserves et se félicite de cette nouvelle démonstration pratique et concrète que notre majorité agit de façon résolue et ambitieuse pour la prise en compte des enjeux spécifiques de l'ensemble des outre-mer. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste.)
Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, la présente proposition de loi visant à garantir la qualité de l'offre alimentaire outre-mer entend réparer une iniquité de traitement en matière de santé publique. Elle s'est progressivement étoffée et renforcée, gagnant ainsi en cohérence, en circonférence et en pertinence.
L'ancien député Victorin Lurel avait déjà bien cerné la problématique, mais les lobbies avaient eu raison de cette première tentative.
En réalité, les lobbies ont eu tort, tort de croire qu'ils avaient gagné définitivement, tort surtout parce que les maladies vasculaires cérébrales, l'hypertension, le diabète sucré, l'obésité ont continué à faire des ravages dans nos régions.
Pour 100 000 habitants, nous constatons dix-huit décès de diabète en France contre trente-sept en Martinique, 24 % des enfants de trois à quinze ans et 53 % des adultes sont obèses ou en surpoids. Le taux de prévalence est en augmentation constante. Le diabète touche 7,4 % de la population en Martinique contre 4,4 % en France.
Tous les indicateurs de santé publique sont au rouge. Pourtant, en Martinique, comble du paradoxe, nous assistons dans le même temps à des fermetures de services au sein du CHU.
La MacDoïsation de l'alimentation de notre jeunesse participe à cette catastrophe sanitaire.
Oui, nous avons été touchés de plein fouet en moins de quarante ans par un changement brutal de vie. Nous avons délaissé une alimentation traditionnelle fondée sur nos produits locaux au profit d'un mode de vie et d'une alimentation occidentolâtres.
L'État a trop longtemps péché par inaction ou omission, faisant preuve d'une grande permissivité législative, d'une complicité réglementaire, ou en entretenant un flou juridique au profit des lobbies.
Il en va ainsi des dates limites de consommation des produits frais. Depuis quelques années, certains fabricants apposent une DLC deux fois plus longue sur les produits frais destinés à l'outre-mer. Concrètement, le même yaourt sorti d'une usine de l'hexagone sera proposé pendant trente jours au consommateur français alors qu'il sera proposé soixante jours à un Martiniquais, au mépris des règles élémentaires de santé publique et en dépit des risques de rupture de la chaîne de froid liés au transport.
Il va sans dire que cette pratique déloyale pénalise les producteurs locaux, qui, eux, respectent les trente jours de DLC.
Au final, le consommateur martiniquais est victime d'une triple tromperie car il ignore qu'il consomme un yaourt deux fois plus vieux, deux fois plus sucré, deux fois plus cher que le yaourt proposé dans l'hexagone.
Les lobbies des industriels et des chaînes de restauration s'évertuent à démontrer la prétendue forte appétence des consommateurs d'outre-mer pour le goût sucré, à affirmer que nous avons développé des gènes de restriction. Ils nous expliquent la main sur le coeur qu'ils n'ont fait jusqu'à présent qu'obéir à nos envies de sucre.
Qu'à cela ne tienne, ils devront désormais obéir à notre volonté de rompre avec leurs pratiques, dont les effets sont irréversibles : cécité, amputation, dialyse, impuissance sexuelle, obésité, AVC, infarctus.
Je ne saurais dire si nous souffrons réellement de prédispositions génétiques pour ces pathologies, mais, en tout état de cause, que ces prédispositions génétiques soient avérées ou pas, l'industrie agroalimentaire n'avait pas à les aggraver.
En matière de santé publique, la règle d'or, c'est le principe de précaution. Pendant toutes ces années, ce principe n'a pas été appliqué, ou, plutôt, il ne l'a été que trop pour protéger la santé financière des firmes de l'industrie agroalimentaire.
Il importe aujourd'hui de remédier aux effets néfastes d'une telle politique de complaisance, qui peut s'analyser objectivement comme relevant de la non-assistance à peuples en danger.
L'article 4 de la proposition nous offre une excellente piste d'intervention en ouvrant l'accès des marchés publics de restauration collective aux productions locales. Nous soutenons fortement cette démarche qui, en perspective, doit s'inscrire dans une politique de restructuration et de refondation de nos filières pour tendre vers une agriculture principalement nourricière. Aussi, les programmes scolaires devraient intégrer des séances d'éducation alimentaire et la mise en place d'ateliers de nourriture dès le plus jeune âge.
Par ailleurs, si l'alignement des taux de sucre sur les taux pratiqués en France représente une avancée, il ne constitue pas pour autant une fin en soi, un objectif ultime. À terme, nous devons pouvoir envisager d'aller en deçà des taux hexagonaux si notre situation sanitaire l'exige.
Enfin, chez nos voisins cubains, un médicament dénommé Heberprot-P semble obtenir des résultats probants dans le traitement des plaies et des ulcères des diabétiques et permet ainsi d'éviter l'amputation, solution plus coûteuse tant du point de vue psychologique que du point de vue financier, qui, pourtant, se généralise dans nos hôpitaux. Nous entendons défendre prochainement auprès du Gouvernement la demande d'autorisation de tests cliniques en Martinique.
Cette proposition de loi est donc à mes yeux juste une étape, mais une étape juste qui doit être résolument poursuivie pour faire triompher définitivement les impératifs de santé publique sur toutes les considérations mercantiles. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC, écologiste, et RRDP.)
Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, j'ai franchement le sentiment que les choses sont en train d'évoluer. Pour certains élus, il aurait fallu intégrer ces dispositions dans la loi santé qui sera élaborée, mais il faut les situer dans un ensemble.
La proposition a évolué. Au départ, M. Lurel avait présenté un texte sur le taux de sucre, texte fondamental en matière de santé publique, et je ne vais pas revenir sur les arguments ou donner des exemples de taux. Vous l'avez modifié, madame la rapporteure, en amplifiant son caractère législatif, ce qui me semble essentiel, en intégrant l'article 1er dans le code de la santé. Cela permet aussi de répondre aux critiques selon lesquelles on devrait procéder par voie réglementaire. Entre la voie réglementaire et la voie législative, il y a des choix politiques extrêmement importants, nous le verrons tout à l'heure.
Ce texte pose non seulement le problème du taux de sucre, avec ses conséquences sur le diabète et les maladies cardiovasculaires, mais un problème de principe. Comment peut-on tolérer que des êtres humains soient traités de manière différente, au détriment de leur santé, simplement parce que l'on a inventé une espèce de culture labiale, gustative, propre aux Martiniquais et Guadeloupéens, et non à celui qui habite dans l'hexagone ? C'est pour cette raison que le caractère législatif est important, et vous pourrez l'expliquer à vos collègues de l'UMP, monsieur Gibbes, puisque vous êtes de Saint-Martin.
Deuxième pilier essentiel, la date limite de consommation, et il fallait que ce soit une loi qui règle ce problème. C'est en effet un scandale, un grand nombre d'entre vous l'ont déjà démontré : soixante jours pour des produits destinés « aux outre-mer », expression que je n'aime pas trop, et trente jours pour la consommation locale, pour le même produit, élaboré dans les mêmes conditions.
Lorsque l'on va dans le détail, on constate qu'il s'agit en fait aussi d'un problème économique. Les règles de droit ne sont pas respectées, il y a abus de concurrence, trucage. Dans le magasin ou le centre commercial, la personne qui regarde les dates ne peut pas faire de comparaison. De plus, ces produits viennent concurrencer la production locale. Il ne faut pas oublier qu'il y a des yaourts produits localement et que l'on déforme la concurrence. Je suis donc très heureux que le Gouvernement ait accepté un amendement permettant de régler ce problème.
Troisième pilier de ce texte, l'approvisionnement de proximité. C'est très important et les anciens parlementaires savent quelle bataille nous avons déjà menée pour la production locale mais aussi pour l'approvisionnement local.
Le taux de couverture des importations par l'exportation est de 14 % et, lorsque l'on importe 2 à 3 milliards d'euros, on n'en exporte que 325 millions. Pour certains produits de base, la volaille ou les légumes par exemple, la production locale dans la consommation varie de 14 à 20 %.
On introduit une nouvelle dynamique économique pour nos pays, et je souhaite vraiment que ce circuit court, à la limite intégré dans un processus du code des marchés publics – étape qui n'avait été franchie ni dans la LMA ni dans la LME ni dans la loi Grenelle, même si l'on avait posé le socle –, nous donne la possibilité, et c'est un élément considérable, notamment dans la restauration collective, de définir des critères nous permettant de nous approvisionner localement.
Un dernier exemple : 80 % de ce qui est consommé dans les hôtels, et c'est une activité forte dans nos territoires, provient de l'extérieur. Cela signifie que nous sommes déconnectés de nos réalités culturelles dans le cadre d'un secteur porteur d'activité et de travail.
En conclusion, madame la rapporteure, vous réglez non seulement un problème de justice, d'égalité de traitement, mais aussi et surtout un problème de santé publique. Qui plus est, je pense comme Jean-Philippe Nilor que vous engagez un processus économique moderne pour nos territoires, en nous intégrant dans une politique de filières pour sortir progressivement du modèle actuel, un modèle de dépendance non seulement matérielle mais aussi intellectuelle, psychologique, mentale. C'est un acte de bravoure que je salue. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et RRDP.)
Madame la présidente, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mes chers collègues, je saisis l'occasion qui m'est donnée pour vous alerter, au risque d'être redondant,…
…sur le fléau sanitaire qui frappe de plein fouet les territoires ultramarins. Permettez-moi de prendre comme illustration – une fois n'est pas coutume – les chiffres qui concernent la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin.
Oui, nous pouvons définir l'obésité et le surpoids comme un fléau, car ils touchent toutes les populations : les hommes, les femmes, les seniors comme les enfants. Le territoire de la collectivité de Saint-Martin est l'un des plus touchés, puisque 54 % de la population souffrent de surcharge pondérale, 28 % d'obésité. Ce sont 15 % des enfants de l'île qui sont en surpoids, 11 % qui sont obèses. Pourquoi ces chiffres ? Ils mettent en exergue que, si les Guadeloupéens, par exemple, sont touchés par ce fléau, les chiffres sont deux fois plus élevés à Saint-Martin.
Cette épidémie n'atteint pas uniquement les populations fragiles ou peu aisées ; elle frappe l'ensemble de la population, sans aucune distinction de niveau de vie ni de nationalité. Rien ne justifie qu'elle touche davantage les populations ultramarines.
Au-delà des difficultés quotidiennes et psychologiques que rencontrent les personnes qui vivent avec cette surcharge pondérale, je n'ai pas besoin de rappeler les risques et les conséquences irréversibles sur leur santé fragilisée : diabète, hypertension artérielle, infarctus, maladies cardio-vasculaires, apnée du sommeil… Là encore, sans surprise, les chiffres explosent en outre-mer. Cela implique inévitablement des soins, des accompagnements médicaux particuliers, un suivi accru d'une frange de plus en plus importante de la population. Il faudra alors mettre en place des structures spécifiques, médicales et d'accompagnement, mais aussi des équipes médicales plus nombreuses et spécialisées dans ce domaine de santé publique. Ce qui engagera automatiquement une augmentation des dépenses médicales dans les territoires ultramarins.
Nous maîtrisons mal le processus et les causes de ce fléau, mais il est certain qu'il est de notre devoir de prendre dès que possible les mesures indispensables qui enrayeront sa propagation.
C'est pourquoi nous devons nous pencher en priorité sur le cas des enfants, car il y a un réel risque de persistance et d'augmentation de l'obésité à l'âge adulte. Je me réjouis que les Agences régionales de santé fassent tout pour déployer des mesures et des programmes de prévention des risques de surcharge pondérale qui guettent les enfants. Nous devons redoubler nos efforts en soutenant sur les territoires d'outre-mer le Programme national nutrition santé, reconduit par la précédente majorité sur la période 2011-2015.
Toutefois, il nous faut dans l'immédiat remédier aux causes de cette calamité dont souffrent les populations ultramarines. Cela passe d'abord par une réelle équité entre les produits vendus dans les territoires ultramarins et ceux vendus dans l'hexagone. C'est l'objet de cette proposition de loi.
Les produits importés et consommés par les populations ultramarines ont en effet une teneur en sucre bien supérieure aux produits consommés dans l'hexagone. Cette proposition de loi vise à contraindre les industries agroalimentaires à réduire de la même façon, sans distinction et dans les mêmes délais, la teneur en sucre de tous les aliments à destination des territoires de l'outre-mer, de telle sorte que leur composition soit identique à celle des aliments à destination de l'hexagone. Cela concerne principalement les produits laitiers et les boissons du type des sodas. Rien ne justifie que les taux de sucre soient différents dans l'hexagone et dans les outre-mer ; sortons des poncifs qui voudraient que l'Antillais ait le « bec plus sucré » que le Normand !
Par ailleurs, au motif que le conditionnement et la commercialisation des produits à destination de l'outre-mer seraient plus complexes, les délais des dates limites de consommation qui apparaissent sur les denrées importées sont deux fois plus longs que ceux qui figurent sur les produits identiques vendus dans l'hexagone. Deux fois plus longs ! Ainsi, pour un yaourt vendu en France hexagonale, la pratique en vigueur des dates limites de consommation est de trente jours ; pour le même yaourt vendu en territoire ultramarin, le délai est de soixante jours. Il n'est pas normal que ce délai soit doublé, au regard des normes de consommation en vigueur. Cette disparité révèle le non-respect des règles de santé. On pourrait se demander : qu'en est-il des ruptures de la chaîne du froid pendant le transport ? Qu'en est-il des différences de climat, qui ne sont pas prises en compte ?
Évidemment, les productions locales sont soumises aux mêmes normes de santé strictes que les productions hexagonales, et les producteurs ultramarins sont attachés au respect de celles-ci. Mais cette différence de traitement occasionne une concurrence déloyale flagrante qui dessert outrageusement les économies de l'outre-mer. Vous savez combien il est capital d'encourager et de défendre les productions locales, qui sont fragiles. Il est primordial de les soutenir lors des attributions de marchés publics, dans la restauration collective, par exemple.
Permettez-moi un seul bémol, sur la forme : je doute, comme nombre de mes collègues, qu'une proposition de loi soit nécessaire. Un simple décret ministériel aurait pu suffire pour mettre en place les dispositions de ce texte, dans un délai rapide.
Toutefois, face à l'urgence et à la gravité de la situation, j'estime que la santé publique prévaut et que nous ne pouvons pas transiger plus longtemps sur des mesures indispensables pour nos concitoyens ultramarins.
Je regrette simplement que ce texte soit incomplet, au regard de l'ampleur des problématiques de santé publique auxquelles les territoires d'outre-mer sont confrontés. Ces territoires méritent qu'un véritable programme de prévention soit mis sur pied et déployé pour accompagner le travail entrepris par le biais du Programme national nutrition santé, qui apparaît comme insuffisant.
Il est des domaines – nombreux ! – pour lesquels, c'est vrai, les ultramarins demandent le respect et la prise en considération des spécificités de leurs territoires. L'ultramarin n'est pas, comme disait Aimé Césaire, « un Français entièrement à part, mais bel et bien un Français à part entière ».
Pour conclure, chers collègues de la majorité, au-delà des clivages politiques qui souvent nous opposent, et au risque de vous surprendre, je voterai en faveur de cette proposition de loi, que je trouve juste et nécessaire à l'équilibre alimentaire dont sont privées les populations de l'outre-mer. (Applaudissements et « Très bien ! » sur plusieurs bancs des groupes SRC et RRDP.)
Madame la présidente, messieurs les ministres, madame la rapporteure, chers collègues, « ce n'est pas l'amour qui mène le monde et qui ne l'a jamais mené, c'est l'appétit. » C'est à l'aune de cette citation de Danièle Starenkyj que je souhaiterais souligner à quel point la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui revêt des enjeux mobilisateurs.
Manger est un acte fondateur. Il participe en premier lieu, bien sûr, à notre équilibre et à notre développement personnels, mais c'est aussi un rite et il contribue en cela à nous définir collectivement. Pour nous, citoyens français des outre-mer, se nourrir n'est pas une action strictement pratique destinée à nous maintenir animés. Le député-poète guyanais maintes fois cité, récemment, par Mme la garde des sceaux ici même, disait : « un os se mange avec mesure et discrétion », mais aussi : « un estomac doit être sociable et tout estomac sociable se passe de rots. » Autrement dit, manger ne correspond pas seulement pour nous à un besoin individuel mais traduit, d'une certaine façon, notre volonté de vivre ensemble. C'est un acte social qui structure l'harmonie familiale autour du repas et qui nous identifie collectivement à travers une gastronomie dont nos territoires d'outre-mer ont enrichi le patrimoine au fil du temps.
Dans l'enthousiasme que suscite légitimement cette proposition de loi, j'intègre bien sûr la nécessité de répondre aux urgences et aux préoccupations de santé des individus, mais j'y vois aussi pour nos populations d'outre-mer la volonté de raffermir ce vivre ensemble, la marque d'une farouche envie commune de s'élever, d'abattre les différences, les difficultés et les inégalités de toute nature pour accéder à davantage de liberté partagée.
Garantir la qualité de l'offre alimentaire en outre-mer, c'est incontestablement combattre les facteurs essentiels du surpoids. La surconsommation de produits sucrés est le premier. Cet excès s'assimile à une addiction, provoquée par les propriétés du sucre, auxquelles les enfants sont plus sensibles et donc plus vulnérables. Ainsi, 25 % des enfants sont en surpoids dans l'ensemble des outre-mer, contre 18 % en France hexagonale et 20 % en Guyane. Ce dernier chiffre ne serait que peu décourageant s'il n'en cachait pas un autre, celui de l'obésité. Car 7 % des jeunes Guyanais sont en effet touchés par cette « épidémie mondiale », pour reprendre les termes de l'OMS, contre seulement 4 % en moyenne nationale.
Lorsque l'on connaît l'impact, maintes fois démontré par les médecins, que l'obésité peut avoir sur le moral, entraînant parfois dépressions et souvent échec scolaire, la nécessité d'agir au plus tôt sur ce fléau se fait impérieuse. C'est en effet dans les trois premières années de la vie que se forme le goût chez 1'enfant. À ce moment, ses papilles gustatives sont particulièrement réceptives aux saveurs et il peut, le cas échéant, développer une prédisposition aux produits sucrés.
En imposant par la loi nationale, seul instrument véritablement efficace pour le faire, un même taux de sucre ajouté dans les denrées alimentaires destinées au consommateur final, et surtout en harmonisant les délais de consommation, nous abolissons les discriminations entre territoires, nous permettons l'égalité entre individus dès le plus jeune âge, nous préservons leur santé et nous favorisons leur accès à la réussite.
Ensuite, il nous faudra accompagner ces mesures d'attentions particulières pour combler certaines difficultés que cette loi ne pourra résoudre à elle seule. Les repas à l'école, contrôlés et équilibrés, ne peuvent être pris par les enfants que si des cantines leur sont accessibles ; or, aujourd'hui, un tiers des établissements scolaires de Guyane n'en dispose pas. Vous comprendrez que la nécessité d'avoir des infrastructures qui répondent aux problématiques posées en Guyane se fait d'autant plus prégnante que la démographie est pressante, avec une moyenne de 3,5 enfants par femme.
Par ailleurs, il faut absolument renforcer les contrôles douaniers aux abords de l'Oyapock et du Maroni afin d'éviter la pénétration illégale sur le territoire guyanais de certains produits extrêmement sucrés qui font florès aux abords de nos écoles.
Enfin, aucune mesure ne sera efficace si nous ne sommes pas capables d'éduquer nos enfants dans le respect d'une alimentation saine et d'une hygiène bucco-dentaire de nature à esquiver les maux et à éviter certaines dépenses de santé. Ici encore, l'école sera le meilleur espace de prévention.
Madame la rapporteure, la mauvaise alimentation et toutes les conséquences qui en découlent touchent en premier lieu les populations les plus défavorisées, en même temps qu'elles affadissent l'art de vivre dans chacun de nos territoires. En soumettant cette loi à notre assemblée, à la fois vous proposez de faire vivre le principe d'égalité et vous permettez à nos cultures de rayonner à nouveau. Je ne puis qu'espérer, monsieur le ministre, que notre gouvernement se donnera les moyens financiers et humains pour que les dispositions adoptées soient rapidement opérationnelles et efficientes, et je tiens à vous en remercier. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC et RRDP.)
Nous avons regretté, le 6 octobre 2011, que la proposition de loi visant à prohiber la différence des taux de sucre entre les produits manufacturés vendus dans les régions d'outre-mer et ceux vendus dans l'hexagone soit rejetée pour des questions partisanes, alors qu'elle était soutenue par un grand nombre de nos collègues toutes tendances confondues. Notons au passage que cette proposition de loi émanait de M. Lurel, devenu depuis ministre des outre-mer.
Je tiens donc à féliciter Mme Vainqueur-Christophe de l'avoir reprise, enrichie et complétée ; car cet état des choses est inacceptable, quand on sait que le diabète et les maladies cardio-vasculaires sont en nette augmentation. Certains nous diront qu'il s'agit d'une fatalité culturelle, voire génétique, mais cette fatalité ne peut plus durer. Comment continuer à accepter cette situation qui relève de pratiques de marketing critiquables de la part des producteurs de denrées alimentaires pour les marchés d'outre-mer ?
Ce texte a pour objectif d'interdire que la teneur en sucre des produits alimentaires soit plus élevée lorsqu'ils sont distribués en outre-mer. Il est reconnu qu'une consommation de sucre trop élevée représente un facteur de risque d'obésité. Or ce constat a été confirmé par l'enquête locale dite PODIUM – Prévalence de l'obésité, de sa diversité et de son image ultramarine – menée par des médecins en Guadeloupe : le taux de surpoids et d'obésité est plus élevé chez l'adulte et l'enfant dans les collectivités ultramarines qu'en métropole. Aussi ce phénomène constitue-t-il un problème majeur de santé publique sous nos latitudes.
Cette proposition de loi revêt une importance cruciale en termes de santé publique pour les collectivités d'outre-mer où l'obésité est un véritable fléau, puisque 55 % des Guadeloupéens ont un poids supérieur à la norme, soit deux fois plus qu'en France hexagonale.
En outre, il faut se féliciter que ce texte garantisse la qualité de l'offre alimentaire dans nos régions. En interdisant la pratique du double étiquetage, il va plus loin que le précédent. Comment accepter qu'un produit périssable comme le yaourt ait une date limite de consommation plus longue, s'il est destiné à une distribution en outre-mer ? Les dates limites de consommation des yaourts et des autres produits à base de lait frais fabriqués en France doivent être les mêmes pour les produits vendus sur le territoire national que pour ceux qui sont expédiés dans les DOM. Le produit que vous achetez et que vous jetteriez, chers collègues de métropole, si vous ne l'aviez pas consommé dans le délai de trente jours inscrit sur l'étiquette, serait considéré comme consommable pour les ultramarins pendant quinze, voire vingt-cinq jours supplémentaires ?
Interdire le double étiquetage serait faire preuve d'équité et de justice pour nos producteurs ; cela permettrait de garantir également une qualité et une information identiques pour le consommateur, qu'il se trouve en outre-mer ou en France métropolitaine. Cette proposition de loi prend ici tout son sens.
Enfin, l'article 4, madame la rapporteure, permettra d'inciter nos agriculteurs à participer à l'optimisation de la qualité nutritionnelle de nos produits, de façon à favoriser les bonnes pratiques de consommation alimentaire et d'hygiène de vie.
C'est pourquoi, madame la rapporteure, chers collègues, je voterai ce texte enrichi et amendé dans l'intérêt des consommateurs ultramarins. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et RRDP.)
Cher Victorin Lurel, nous avons mené ensemble ce combat sous la législature précédente, convaincus de l'importance de cette question de santé publique dans les outre-mer, et convaincus également que l'impulsion de la régulation devait venir du Parlement.
Ce texte est non seulement le résultat des engagements pris par François Hollande – témoignant par là de son rapport particulier avec les outre-mer –, mais également l'aboutissement d'un combat politique, d'abord mené dans l'opposition.
La lutte contre l'épidémie d'obésité qui touche notre pays, en métropole ou dans les outre-mer, où la situation est encore plus inquiétante que dans l'hexagone, représente aussi un enjeu international. Notre combat est à destination de tous les citoyens qui, sur la planète, n'ont pas toujours à leur tête des gouvernements ou des parlements soucieux de la régulation des activités de l'industrie agro-alimentaire.
Nous avons fait oeuvre de justice, car il était proprement choquant d'imaginer que les populations d'outre-mer soient traitées différemment. Ceux qui s'intéressent à ces problèmes de santé publique et d'obésité savent qu'il nous fallait travailler autour de la question de l'appétence au sucre qui mène peu à peu à la dépendance chez le consommateur : notre action devait donc envisager une régulation.
Le Parlement est, depuis le début, le moteur de la lutte contre l'obésité. À l'occasion de la loi de 2004, relative à la politique de santé publique, un certain nombre de parlementaires, parfois même de la majorité de l'époque – je salue à ce propos notre ancien collègue Yves Bur, qui avait une conscience aiguë de ces sujets –, avaient su imposer au gouvernement d'alors de mener une action de régulation sur la publicité, la distribution des produits et leur composition.
Cette action était politique, car le phénomène est lui-même politique, qu'il s'agisse de l'injustice faite aux ultra-marins, du problème de santé publique ou de la nécessité d'agir par la loi afin de contraindre l'industrie agro-alimentaire à modifier son comportement. Il est regrettable de devoir stigmatiser cette industrie, comme d'autres d'ailleurs, mais elle devrait s'interroger afin d'anticiper des régulations dont la nécessité est évidente. Par exemple, nous nous sommes battus pendant des années pour interdire la publicité alimentaire dans les programmes pour les jeunes enfants. Les industriels ont pris des engagements, mais l'un d'entre eux refuse de les appliquer. Aujourd'hui encore de la publicité pour des produits alimentaires funestes à la santé publique est diffusée dans le cadre de programmes enfantins.
Nous faudra-t-il légiférer une fois de plus ? Ne pouvons-nous pas espérer que les industriels anticipent cette nécessaire régulation, puisqu'ils prétendent vouloir agir de façon contractuelle et refusent une loi qui selon eux serait discriminante ?
Nous menons ce combat pour la santé des enfants, tout particulièrement dans les outre-mer, mais également parce que nous savons que la France a vocation à être un modèle ; c'est-à-dire que nous interpellons les industries agro-alimentaires bien au-delà de nos frontières. Notre action dans les outre-mer peut ainsi être entendue et reprise, notamment dans les pays caribéens ou de l'Asie-Pacifique, particulièrement touchés par l'obésité. Notre message est raisonnable, raisonné et scientifiquement démontré : il est possible de ne pas laisser notre monde sous la domination de forces qui l'entraînent vers des cataclysmes sanitaires. Voyez l'exemple des États-Unis, où 66 % de la population sont en surpoids et un tiers menacé par le diabète, ce qui n'est pas, vous l'imaginez, sans conséquences sur la santé publique et sur les soins.
Pour conclure, je me réjouis de ce projet de loi pour les outre-mer, pour la santé publique, mais également parce que nous montrons, d'une façon raisonnable et raisonnée, qu'il est possible de ne pas laisser le marché nous entraîner vers des formes de civilisation problématiques, qui détruisent et fragilisent l'ensemble de nos sociétés, en remettant en cause la santé humaine ; car si nous légiférons à l'intention d'un certain nombre de nos concitoyens, nous le faisons avec une conscience plus large.
Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir soutenu ce combat dans l'opposition comme dans la majorité désormais.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Je voudrais répondre à Mme Louwagie qui justifie son abstention au prétexte que cette mesure pourrait s'intégrer dans une loi de santé publique. Vous n'étiez pas députée dans la précédente législature, mais je vous rappelle qu'une loi de santé publique était prévue en 2009. Nous avons pris quatre ans de retard et c'est à la nouvelle majorité que cette loi incombe ; or plus nous prenons de retard, plus les lobbies progressent. La nouvelle loi sera donc d'autant plus difficile à écrire.
Il ne s'agit pas seulement des lobbies agro-alimentaires, mais également des lobbies pharmaceutiques ou alcooliers. Voyez plutôt : en tant que présidente de la commission des affaires sociales, j'ai reçu un courrier de « Vin & société », une association qui prétend m'aider à réfléchir à la future loi de santé publique…
Je le répète : il est très difficile de rédiger une loi de santé publique. Votre majorité de l'époque, à laquelle je ne vous intègre pas puisque vous n'y étiez pas…
…Peut-être auriez-vous été l'une des premières à affirmer qu'il fallait progresser sur la question, comme Valérie Boyer l'avait fait sur l'obésité – mais, rappelons-le, Mme Bachelot avait fait rejeter, à l'occasion de la loi HPST, tous ses amendements, alors que nous étions prêts, dans l'opposition, à les voter. Cette loi de santé publique est annoncée prochainement. Elle ne sera pas facile à écrire, non pas parce que le Gouvernement manquerait de courage, mais parce que chaque retard pris par le législateur permet aux lobbies de prendre de l'avance et d'anticiper ses mesures.
Nous ne devons donc pas tarder. Ne rien faire serait dangereux, d'autant que le problème est bien identifié depuis 2011. Il me semble inconcevable de ne pas voter cette loi, madame Louwagie. Je vous le dis d'ailleurs en toute amitié, puisque dans notre commission nous travaillons en bonne intelligence.
Je voudrais d'abord remercier tous les députés présents qui ont participé au débat, ainsi que tous les groupes : le groupe SRC pour la qualité du travail fourni par la présidente de la commission et la rapporteure, le groupe écologiste, le groupe UDI qui a annoncé qu'il voterait en faveur du texte, mais également le groupe UMP puisque, contrairement à mes préjugés, un député va voter pour le texte, quand les autres s'abstiendront.
Nous nous accordons sur le constat à faire : nous devons mettre un terme aux discriminations et aux inégalités de traitement. Je ferai donc l'économie d'une réponse personnelle à chaque député, pour concentrer ma réponse autour de quatre points soulevés par l'opposition.
Tout d'abord, comme vient de le dire la présidente de la commission, nous n'avons plus le temps d'attendre, de dire : festina lente… Il faudrait, nous dit-on, attendre la grande loi de santé publique. On nous a souvent fait ce coup-là : il serait urgent d'attendre car il faudrait plus de cohérence et plus de globalité dans ce qui est proposé. Mais ce serait trop piecemeal policy, et la réponse est non.
Deuxième réponse : le Président de la République, comme l'a rappelé Serge Letchimy, tenait particulièrement à la visibilité qu'offre un texte de loi. C'est la proposition numéro onze de ses trente engagements pour l'outre-mer, montrant très clairement qu'il entendait précisément prendre en charge ce qui avait été refusé en son temps aux outre-mer.
Troisièmement, compte tenu du calendrier parlementaire et de l'ampleur des problèmes à traiter dans la future loi de santé publique, il est urgent de régler maintenant le problème. En effet, ce texte devrait être présenté à la fin de l'année et peut-être discuté au début de 2014. On ne peut pas attendre encore six mois.
Enfin, il est impératif et urgentissime de traiter les inégalités territoriales de santé, et c'est le cas en l'espèce puisque la proposition de loi traite de discriminations entre ici et là-bas, auxquelles il est important de mettre un terme.
Autre argument évoqué : la démarche incitative serait meilleure et, à cet effet, les chartes d'engagement volontaire pour les progrès nutritionnels seraient préférables à la loi. Je réponds que non car on sait aujourd'hui qu'elles ne sont pas du tout efficaces : chacun attend que l'autre s'engage. C'est en général les petites entreprises qui en prennent l'initiative – tout en disant qu'elles vont perdre des parts de marché –, et lorsqu'elles s'engagent dans les outre-mer, où souvent elles sont franchisées, leur société-mère, elle, n'y est pas engagée, ou vice-versa. Et il faudrait attendre encore et encore : cela fait plus dix ans que nous attendons, depuis 2001… Nous sommes aujourd'hui en 2013 et l'affaire n'est toujours pas réglée. J'ai engagé ce combat avec beaucoup d'autres. Il y a ici des députés impliqués depuis fort longtemps, très militants ; Jean-Marie Le Guen a cité quelques anciens élus, et je pense aussi à Gérard Bapt ici présent, qui a toujours suivi ces problèmes, vigilant partout, sur tous les pans du territoire national, et je le remercie particulièrement. On nous a toujours dit : « Attendez, la démarche incitative est meilleure. » Celle-ci n'a pourtant pas donné jusqu'ici les résultats probants que nous sommes tous en droit d'attendre.
À ceux qui pensent que des arrêtés auraient dû être pris en lieu et place de cette proposition de loi, je rappelle que M. Xavier Bertrand avait dit qu'il les prendrait et qu'il ne l'a pas fait. L'ancienne majorité a été au pouvoir pendant dix ans, et elle n'a pas pris d'arrêtés. De toute façon, madame Louwagie, ceux-ci n'auraient pas répondu à la problématique, parce que nous touchons tout de même au domaine des libertés publiques : la liberté du commerce et la liberté d'entreprendre. Il convient donc de le faire par voie législative.
Et puis j'ai aussi entendu que les entreprises métropolitaines seraient pénalisées parce qu'elles ne pourraient plus exporter outre-mer ou se retrouveraient en position de faiblesse par rapport aux autres entreprises européennes. Permettez-moi de n'y pas croire puisque, avec les navires réfrigérés et les porte-conteneurs, l'acheminement des produits met cinq à sept jours, dix au plus. Dans cette affaire, il y a réciprocité et non pas asymétrie : par exemple, les yaourts « Comté de Lohéac », faits avec du sucre de canne et particulièrement prisés là-bas, pourraient être exportés ici, et ils seraient alors logés à la même enseigne, soumis au même régime, que les yaourts métropolitains exportés dans les outre-mer. Il n'y aura pas d'inégalité de traitement ; tout au plus ceux-ci perdraient-ils cinq à sept jours, au grand maximum dix, le temps de l'acheminement, par rapport aux yaourts « Comté de Lohéac ».
Enfin, j'ai souvent entendu dans cet hémicycle que les Ultramarins auront des produits américains : non, car tous les produits seront soumis au même régime.
Par ailleurs, ce texte répond parfaitement aux objectifs de portée constitutionnelle que sont la protection de la santé, la protection de la mère et celle de l'enfant.
Oui, il faut un texte de loi pour légiférer sur la liberté des échanges, et l'article 20 du fameux GATT, devenu l'OMC, permet, pour des motifs de santé publique, à un État d'édicter des conditions et des contraintes à l'exercice de ladite liberté.
Je conclus en soulignant, mesdames, messieurs les députés, que la proposition de loi a été excellemment présentée et retravaillée. Au-delà des dates limites de consommation, une disposition considérable figure dans le texte : l'article 4 dispose que les possibilités d'approvisionnement direct sont obligatoirement prises en compte pour l'attribution des marchés publics de restauration collective. Il y aura des circuits courts, donc de la fraîcheur et moins d'émission de CO2. Tout en respectant la législation communautaire et la législation nationale, nous pourrons ainsi prioriser le développement de la production locale. Si les entreprises parviennent, notamment dans l'agriculture et l'agroalimentaire, à s'organiser à bref délai, elles pourront résoudre le problème des économies d'échelle dans les territoires insulaires, où l'étendue du marché n'est pas suffisamment large, car la restauration collective est un marché de taille suffisante pour produire des économies d'échelle et pour développer des filières structurées.
C'est un excellent texte, bien préparé et bien présenté. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Je ne vais pas répéter ce qu'ont dit excellemment mes collègues, notamment ceux du groupe socialiste, ainsi que la présidente de la commission des affaires sociales, et je me réjouis, monsieur le ministre, que l'initiative que vous aviez prise lors de la dernière législature, et à laquelle j'avais participé dans cet hémicycle, trouve aujourd'hui sa réalisation. Je me rappelle que le ministre de la santé de l'époque, M. Bertrand, avait donné un avis favorable à l'adoption de ce texte et que c'était pour d'obscures raisons locales, préélectorales semble-t-il, qu'un arbitrage gouvernemental l'avait repoussé au profit de chartes d'engagement dont on connaît la limite et qui ne répondaient pas à l'urgence de la situation en outre-mer.
À propos de l'obésité, il s'agit bien entendu d'une épidémie silencieuse mondiale dont la teneur élevée en sucre de l'alimentation n'est pas le seul facteur. Elle a une origine plurifactorielle. La façon dont le PNSS, le Plan national nutrition santé, et sa déclinaison outre-mer sont détaillés dans le rapport rend bien compte de l'attitude à avoir en matière de santé, qu'il s'agisse de l'outre-mer ou de l'hexagone. L'assemblée générale de l'ONU, à l'initiative de l'OMS, a désigné l'obésité comme une des grandes maladies non transmissibles qui risquent de bousculer les équilibres de la protection sociale parce qu'elle touche, y compris au travers des affections qu'elle entraîne, les catégories les plus larges de la population en fonction, ce qui est particulièrement douloureux, de contextes et de facteurs socioéconomiques.
Je suis frappé, en relisant le rapport, par le fait qu'il y a une différence en termes de prévalence à l'obésité entre la Martinique et la Guadeloupe d'une part, et la Réunion et Mayotte de l'autre. À cet égard, je me demande s'il ne faudrait pas plus tenir compte dans la réponse à apporter, notamment en outre-mer, de l'incidence éventuelle des perturbateurs endocriniens. L'augmentation de la prévalence n'a-t-elle pas un rapport avec la présence à si long terme du chlordécone ? J'ai eu correspondance cette semaine avec un chef de service de pédiatrie de la Martinique, en congrès à Montpellier, qui me disait être stupéfait de l'explosion du nombre des pubertés précoces chez les petites filles de son département. Il est important que les acteurs locaux mettent aussi l'accent sur la recherche, notamment s'agissant des perturbateurs endocriniens. Ceux-ci sont aujourd'hui encore insuffisamment ciblés par nos autorités sanitaires, malgré le lancement d'un plan national de recherche sur les perturbateurs endocriniens.
Il s'agit d'amendements de précision visant à éviter des stratégies de contournement des dispositions de la présente proposition de loi.
Certains des fabricants implantés dans les départements et autres collectivités d'outre-mer pourraient se prévaloir d'une distribution confidentielle de leurs produits dans de petits commerces spécialisés de l'hexagone pour échapper aux dispositions du nouvel article L. 3232-6 du code de la santé publique. L'amendement n° 5 a pour but de prévenir de tels comportements.
L'amendement n° 6 tend à éviter que puisse être pris comme référence un produit faiblement distribué dans l'hexagone mais très sucré, autre stratégie possible de contournement.
L'amendement n° 7 mentionne à l'alinéa 5 les ministres chargés de l'agriculture et de la consommation : il est tout à fait fondé qu'ils contresignent l'arrêté prévu audit alinéa, puisque nous sommes bien dans des matières relatives à la consommation et à l'agroalimentaire.
La parole est à Mme Hélène Vainqueur-Christophe, rapporteure de la commission des affaires sociales, pour donner l'avis de la commission sur ces trois amendements.
Aucun de ces amendements n'a été examiné par la commission. Je vais donc donner un avis personnel.
S'agissant de l'amendement n° 5 , j'y suis favorable car il vise à préciser le texte afin de prévenir d'éventuelles tentatives de contournement de la loi par des acteurs économiques. Il va donc dans le bon sens en renforçant le dispositif.
J'émets également un avis favorable à l'amendement n° 6 car il est vrai qu'en l'absence de produit similaire de même marque commercialisé dans l'hexagone, le nouvel article L. 3232-6 du code de la santé publique prévoit de se référer aux produits assimilables de la même famille distribués en métropole. Il paraît donc normal de prendre comme référence les denrées les plus largement distribuées et d'éviter d'établir des comparaisons avec une production confidentielle qui ne reflèterait pas la consommation réelle des Français.
Concernant l'amendement n° 7 , je n'y suis pas défavorable car il va dans le même sens que les travaux de la commission, qui elle-même a élargi le champ des signataires de l'arrêté prévu par le nouvel article L. 3232-6 : la liste des produits établie par cet arrêté étant prise sur la base des travaux en cours de la DGCCRF et de l'OQALI, il est logique que les ministères chargés de la consommation et de l'agriculture soient impliqués dans son élaboration. Permettez-moi néanmoins, monsieur le ministre, d'émettre le souhait que l'élargissement du circuit des signatures ne se traduise pas in fine par un allongement des délais nécessaires à sa publication car il est indispensable que le texte de loi soit appliqué le plus vite possible. (M. le ministre manifeste son accord.)
Comme je l'ai indiqué dans mon propos liminaire, cet amendement vise à préciser quel est l'élément qui déclenchera l'ajustement des teneurs en sucres ajoutés des produits distribués dans les territoires ultramarins lorsque l'on va constater une diminution des teneurs en sucres ajoutés dans les produits distribués en France hexagonale.
Si dans le cadre de l'article L.3232-5 du code de la santé publique, c'est la réduction du taux de sucres ajoutés du produit similaire de même marque qui constitue l'élément déclencheur, dans le cadre de l'article L. 3232-6, ce n'est plus la réduction du taux de sucres ajoutés, mais la réduction du taux de sucres ajoutés du produit le plus sucré de la même famille commercialisé en France hexagonale.
Cette rédaction vise à clarifier l'article L. 3232-6 en corrigeant une erreur rédactionnelle.
(L'amendement n° 3 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 1er, amendé, est adopté.)
Dans le cadre des travaux de la commission des affaires sociales chargée de l'examen de cette proposition de loi, Mme la rapporteure a déposé un amendement visant à interdire le double étiquetage des dates limites de consommation. Je comprends et je partage l'émoi que peut susciter le fait que des produits alimentaires périssables au bout de trente jours en métropole ne le seraient qu'au bout de cinquante-cinq jours dans les départements et territoires d'outre-mer. Mais si je partage et si je comprends cette émotion, je crois cependant que cet amendement ne va pas sans poser quelques questions sur lesquelles il faut que nous nous interrogions.
Il faut rappeler, et M. le ministre chargé de l'agroalimentaire l'a fait il y a quelques instants, que c'est une réglementation européenne qui laisse aux fabricants la responsabilité de leurs dates limites de consommation en lien avec et sous le contrôle de la direction départementale de la protection des populations.
Aussi, monsieur le ministre, je m'interroge sur la capacité de notre assemblée à légiférer sur ce point qui, s'il est adopté, ne manquera pas de mettre nos entreprises en situation d'inégalité par rapport à celles des autres pays européens. Je me demande s'il ne conviendrait pas de porter ce dossier au niveau européen et tenter, comme le proposait ma collègue Véronique Louwagie, d'obtenir une harmonisation sur ce point.
Oui, monsieur le député, il faudrait peut-être légiférer au niveau européen. Pour le moment, chacun est libre de déterminer des dates limites de consommation. Mais en l'espèce, il y a une réelle distorsion de concurrence. La disposition qui est présentée et qui, je l'espère, sera votée, corrigera cette distorsion. Et nous ne créons pas de distorsion dans l'autre sens. Il y a symétrie : l'industriel exportant depuis les outre-mer – et les outre-mer ont aussi vocation à exporter – sera assujetti à la même règle. Ils perdront cinq jours, au pire dix jours. Certes, sur trente jours, dix jours, c'est beaucoup.
Mais aujourd'hui, le délai est double : soixante jours contre trente jours. Là, il y a une vraie inégalité. Guillaume Garot – qui a dû s'absenter et qui vous prie de l'excuser – a évoqué, et je le rappelle par loyauté à son égard, les engagements collectifs, pas uniquement les chartes d'engagement nutritionnelles qui sont individuelles. En juin prochain, une première évaluation aura lieu sur des engagements collectifs où toute une filière s'engage notamment sur les ingrédients alimentaires. J'attends beaucoup de ce texte et j'invite l'ensemble des parlementaires, notamment les parlementaires d'outre-mer, à s'engager très activement sur ce chantier, tant il est important.
On a en effet échoué dans les outre-mer : aucune charte, à l'exception d'une seule, n'a été signée, les entreprises ayant eu peur de perdre quelques parts de marché.
Avec cette proposition, nous contribuons à introduire de l'égalité dans les conditions de concurrence en supprimant quelques inégalités de traitement. Je peux vous assurer que ce texte ne créera pas de distorsion en défaveur des entreprises métropolitaines ou européennes.
Pour le moment, il n'y a aucune exportation, notamment de produits laitiers et de yaourts, en provenance des autres pays européens. Il faudrait que ces entreprises passent par la métropole, ce qui allongerait le circuit. Et c'est là que l'article 4 va jouer : plus d'émissions de CO2, moins de compétitivité. Ce qui permettra à un donneur d'ordre, par exemple un maire, un président de région ou de département, lorsqu'il fera ses appels d'offres et qu'il définira ses critères– de prix, de qualité du dossier technique, d'insertion, de verdissement –, de pondérer le critère de circuit d'approvisionnement. Ce critère de circuit d'approvisionnement, en termes de fraîcheur, de teneur en CO2, pourra être de zéro s'il n'y a pas d'offre locale, et pourra être pondéré s'il y a une production locale, sans pour autant sombrer dans le protectionnisme.
(L'article 3 est adopté.)
Je souhaite saluer le travail de Mme la rapporteure, qui a su donner toute sa dimension à ce texte, avec l'appui de la commission des affaires sociales.
L'article 4 est important car il ouvre une voie pour le secteur de l'agriculture. Vous nous aviez décrit hier, monsieur le ministre, dans le cadre d'une audition, les grandes orientations de la loi d'avenir agricole qui doit voir le jour. Les agricultures de nos territoires doivent pouvoir offrir une alimentation de qualité à nos concitoyens, l'attente étant très grande dans nos territoires.
Je remercie donc Mme la rapporteure pour cet amendement. La proposition de loi répond en effet à un double objectif de santé publique pour nos consommateurs et de développement économique, qui est attendu par tous.
(L'article 4 est adopté.)
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, j'indique à l'Assemblée que la commission a ainsi rédigé le titre : Proposition de loi visant à garantir la qualité de l'offre alimentaire en outre-mer.
Je vais maintenant mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
Je veux tout simplement vous dire merci, car c'est du beau travail et un beau texte.
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-neuf heures.)
Hier soir, l'Assemblée a commencé l'examen des articles, s'arrêtant à l'article 4.
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l'amendement de suppression n° 36.
La parole est à M. Pascal Popelin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur cet amendement.
La parole est à M. le ministre de l'intérieur pour donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement.
ministre de l'intérieur. Défavorable également.
(L'amendement n° 36 n'est pas adopté.)
(L'article 4 est adopté.)
Je suis saisie de plusieurs amendements de suppression de l'article 5.
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l'amendement n° 37 .
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l'amendement n° 280 .
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l'amendement n°280 .
Défendu.
(L'amendement n° 281 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Cet amendement vise à rétablir le principe adopté par le Sénat, selon lequel en cas d'égalité des suffrages entre deux binômes de candidats, l'élection serait acquise par celui comportant le plus jeune des candidats.
Cette mesure permet de favoriser le renouvellement générationnel des élus et de ne pas conforter la prime au sortant. Il entend donner une prime à la jeunesse et vise à encourager les jeunes à s'engager en politique. Surtout, il témoigne de notre confiance en la jeunesse de notre pays.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 5 quater.
La parole est à M. Guillaume Larrivé.
J'aimerais simplement souligner, madame la présidente, que même si l'opposition est pleine de bonne volonté pour que cette deuxième lecture dure le temps qu'elle doit durer, il serait tout de même bon que les députés de la majorité soient davantage présents dans l'hémicycle et veuillent bien prendre part aux votes, afin qu'il n'y ait pas d'incertitudes sur les résultats des mises aux voix.
Je vous remercie de votre vigilance, que je sais constante, monsieur Larrivé, et de votre collaboration au travail de la présidence.
La parole est à M. Nicolas Dhuicq.
J'aimerais revenir sur quelques assertions entendues la nuit dernière.
Il y a effectivement, monsieur le rapporteur, une grande différence entre le découpage que le ministère de l'intérieur s'apprête à opérer, à la suite de votre projet de loi, et le découpage prévu par la réforme que nous avions élaborée sous la précédente législature.
Prenons le cas d'un département que je connais bien. La précédente réforme y conservait 33 cantons, ce qui permettait un rééquilibrage entre populations des villes et des campagnes, quand la vôtre prévoit d'en diminuer le nombre à 17, ce qui renforcera très nettement le poids de l'urbain et signera inéluctablement la disparition du poids de la ruralité. La différence de méthode est flagrante.
Par ailleurs – et cela a été souligné hier dans nos débats – vous passez à l'étape suivante avant même d'avoir réfléchi à l'organisation territoriale du pays et de la patrie, aux compétences des collectivités territoriales. Vous rendez impossible le travail des élus ruraux.
(L'article 5 quater est adopté.)
Je répète inlassablement que, malgré les sourires de M. le ministre, qui est un excellent professionnel dans son domaine, le Gouvernement présente un texte qui va déséquilibrer la République et mettre à mal la représentation des territoires ruraux, qui sont pourtant l'avenir du pays en termes de matières premières et de richesses.
(L'article 6 est adopté.)
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article.
La parole est à M. Jean Lassalle.
Hier soir, j'ai eu l'occasion de revenir avec mes collègues sur la disparition des cantons ruraux. M. le ministre a répondu fort judicieusement qu'il existait des problèmes dans les villes et les banlieues et pas seulement dans les territoires ruraux. Cela, je le sais depuis longtemps, vous pourrez au moins le reconnaître. J'ai eu le privilège de participer à trois campagnes électorales dans l'entourage d'un candidat à la présidence de la République.
Je me suis rendu compte que j'étais aussi bien reçu dans les villes et les banlieues qu'au fin fond des hameaux de mes vallées. Je crois pouvoir dire que je connais le territoire français dans toutes ses composantes.
Pour nous, il est primordial que ces territoires ruraux, qui constituent 70 % du territoire français, continuent à avoir une expression politique et connaissent à échéance régulière des campagnes électorales et des élections. Un territoire qui ne vit plus politiquement meurt.
C'est un signal d'espoir qu'il faut leur donner au lieu de caler nos positions sur les seules perspectives de l'INSEE, qui certes ne leur sont pas favorables. Il leur faut un nouveau dessein, un nouveau projet.
Je pense à celles et ceux qui, élus de territoires ruraux, se débattent avec des vraies difficultés, dans un contexte budgétaire très difficile : mise en place des services à peu près équivalents à ceux de la ville, constitution de communautés de communes, création de nouveaux groupes scolaires, de lieux culturels, de maisons de santé pluridisciplinaires. Qu'allons-nous, nous parlementaires de la nation, expliquer à nos collègues maires, conseillers généraux, le plus souvent bénévoles ?
Que le Parlement, dans sa grande sagesse, a adopté une loi les obligeant à entrer dans un binôme improbable qui les placera dans une position quantique. Je dis bien « quantique » car, après avoir inventé le mariage quantique, vous inventez les élus quantiques, c'est-à-dire des élus dont la position dépendra du moment où ils sont observés : ils seront dans un premier temps partenaires au sein d'un même ticket électoral et l'instant d'après, ils siégeront dans des groupes différents au conseil général. Tout se passe comme si les positions au sein du conseil général étaient uniquement d'ordre politique. Or, vous êtes trop fin politique, monsieur le ministre, pour ignorer que les choses sont bien plus compliquées que cela dans les différents territoires, qu'ils soient ruraux ou urbains.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l'amendement de suppression, n° 64.
Défendu !
(L'amendement n° 64 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 7 est adopté.)
L'opposition se réjouit de constater que ses efforts sont parfois – rarement ! – couronnés de succès.
Nous avions en première lecture dénoncé avec vigueur l'abaissement du seuil d'accès au second tour pour les élections cantonales. Nous avions démontré, en dépit de la faiblesse de l'étude d'impact, que cela aurait eu pour effet de multiplier les triangulaires et, partant, de fragiliser la légitimité des conseillers départementaux élus au second tour.
L'opposition a été entendue non seulement par le Sénat, mais également par le Gouvernement puisque nous avons compris que celui-ci reculait sur ce point important, et acceptait de se rallier à notre proposition, c'est-à-dire au maintien d'un seuil d'accès de 12,5 % des inscrits pour le second tour.
Nous nous réjouissons d'avoir réussi pour une fois à convaincre le Gouvernement.
Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, je profite de ce débat très important de deuxième lecture pour faire passer quelques idées. Certes, je ne fais qu'enfoncer des portes ouvertes, mais il n'est pas inutile de le faire de temps à autre.
Je souhaite réfléchir avec vous sur la dictature de la bureaucratie, que nous subissons tous. Nous sommes élus – tantôt les bleus, tantôt les roses.
Puis, nous prenons place dans nos bureaux, où nous trouvons tous la même feuille de route depuis 25 ou 30 ans…
Cette feuille de route est fondée sur une pensée unique, monolithique, qui ne ressemble absolument pas à la variété, à la richesse, aux formidables atouts de notre beau pays de France, entouré de mers et d'océans, de montagne partout où il faut, avec son bassin parisien, son bassin aquitain, son couloir rhodanien, etc.
Cette dictature de la bureaucratie nous fait croire que seule compte l'importance de la population, et que les territoires n'auraient strictement plus rien à voir.
Quelle erreur pour le troisième pays le plus important d'Europe ! Quelqu'un s'est-il jamais amusé à dire que l'Australie était moins importante que la Chine ou le Canada, au prétexte que tel État-continent comptait 1,2 milliard d'habitants de moins que tel autre ? Quelqu'un a-t-il jamais déclaré que le Premier ministre israélien était moins important que le président des États-Unis ?
Si nous continuons sur cette pente, nous ne serons pas près de nous remettre en état de marche au niveau français comme au niveau européen ou mondial.
Comme Guillaume Larrivé l'a indiqué il y a quelques instants, nous sommes satisfaits du rétablissement du seuil à 12,5 % des inscrits.
Le Gouvernement a sans doute constaté, lors de la dernière élection législative partielle, qu'il valait peut-être mieux fixer le seuil à 12,5 % pour éviter la montée des extrêmes.
Je souhaite vous poser une question, monsieur le ministre : l'article 8 étend la législation applicable aux comptes de campagne, lesquels étaient jusqu'à présent obligatoires à partir de 9 000 habitants. Or un compte de campagne suppose un remboursement des frais de campagne.
Sur les 4 000 cantons qui existeront demain en France, seuls 3 % seront en dessous du seuil de 9 000 habitants, et par conséquent en dessous du seuil de remboursement. Cela signifie qu'un nombre beaucoup plus important de cantons sera éligible et qu'il faudra rembourser beaucoup plus d'élus.
À l'heure où nos finances publiques sont en berne, avons-nous une idée de l'impact financier sur le budget de l'État généré par la création de ce binôme et par le remboursement d'un très grand nombre d'élus ?
Je souhaite simplement signaler combien l'organisation actuelle des cantons est satisfaisante ; je maintiens donc mon opposition au dispositif proposé.
Je ferai une simple observation, à contre-courant de ce que nos collègues de l'UMP ont déclaré : nous considérons que passer le seuil de 12,5 % à 10 % était une très bonne solution. Revenir au taux de 12,5 % est en réalité discriminatoire…
…envers des formations certes moins importantes, mais qui conservent tout leur intérêt dans le cadre d'un suffrage démocratique. Dès lors, je m'opposerai, au nom de mon groupe, à la fixation du seuil à 12,5 % des inscrits.
Permettez-moi une petite réaction d'humeur, parce que j'hallucine ! Je suis scandalisée quand je vous entends vous auto-féliciter et prétendre que vous luttez contre les extrêmes : arrêtez avec cet argument !
En réalité, si vous avez réussi à vous entendre, c'est uniquement parce que vous défendez vos petites places ! Vous êtes bien contents parce que ce mode de scrutin parfaitement antidémocratique favorisera le bipartisme et les sortants – vous le savez bien !
Aussi, la lutte contre les extrêmes et l'auto-félicitation sur le mode « on a réussi à se convaincre dans l'intérêt de la démocratie », cela me fatigue ! Arrêtez et soyez un peu honnêtes !
Je souhaite défendre cet amendement, car je pense que sur cette question du seuil d'accès au second tour, nous ne ferons pas l'économie d'une réflexion sur l'harmonisation des seuils dans différentes élections.
Cet amendement de suppression a pour objet le maintien du mode de scrutin actuel pour l'élection des conseillers départementaux.
La parole est à M. François Sauvadet, pour soutenir l'amendement n° 380 .
Nous en sommes à la deuxième lecture de ce projet de loi. Or une deuxième lecture ne signifie pas que tout a été dit lors de la première lecture, et qu'il ne nous resterait finalement plus qu'à constater, impuissants, la marche forcée du parti socialiste imposant au reste du pays un binôme dont personne ne veut, et un redécoupage généralisé des cantons dont chacun sait qu'il affaiblira la représentation politique des territoires ruraux. Cela provoquera finalement une rupture grave, dont je sais qu'elle sera mal vécue, lorsqu'elle sera connue, par nos compatriotes.
Je rappelle que ce seuil de 12,5 % a d'abord été proposé par le Sénat. Il paraît tout à fait cohérent, et je rejoins ceux qui souhaitent fixer un seuil cohérent pour l'ensemble des élections.
Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, il est encore temps pour vous de renoncer à ce projet de loi, et notamment à la création du binôme. J'ai déjà eu l'occasion de dire et continuerai de répéter que vous imposez cette création à tout le pays. Aucun des courants démocratiques constituant l'Assemblée nationale, autre que le parti socialiste, ne souhaite son instauration.
Je vous informe, monsieur le ministre, que j'ai déposé aujourd'hui même, au nom de mon groupe, un projet de loi constitutionnelle visant à prévenir une telle situation. L'objectif est d'éviter que dans une démocratie moderne, un parti puisse à lui seul, tirant prétexte du fait majoritaire à l'Assemblée nationale, imposer au pays tout entier des règles du jeu démocratiques qui bouleversent complètement l'ordre des choses.
En outre votre projet vous donnera l'opportunité, en dehors de tout contrôle, de redécouper entièrement les cantons, sur la base d'une série de critères qui ne sont en réalité que des faux nez et des alibis.
Votre objectif en effet est bien de redécouper pour donner le pouvoir des territoires aux agglomérations, au détriment de l'équilibre du pays. Vous remettez ainsi en cause le principe selon lequel une collectivité territoriale doit représenter non seulement des populations, mais également des populations vivant sur des territoires. C'est regrettable !
J'en appelle donc à tous les groupes politiques, et y compris aux élus socialistes : vous ne pouvez pas rester ainsi « scotchés » derrière la position du Gouvernement, mes chers collègues ! J'entends tant de voix, émanant notamment de ceux que vous représentez aujourd'hui à l'Assemblée, s'émouvoir de ce que vous vous apprêtez à faire !
Vous avez rendez-vous avec votre avenir, avec l'avenir des territoires ; et vous aurez rendez-vous avec les élus locaux. Nous continuerons jusqu'au bout à nous battre contre ce mode de scrutin.
Je comprends du reste pourquoi cette réforme est portée par un rapporteur élu de l'Île-de-France, tout comme le porte-parole du groupe socialiste. Vous avez probablement eu beaucoup de mal, monsieur le ministre – et je m'adresse également aux représentants du groupe socialiste –, à trouver des élus ruraux acceptant de s'aventurer dans la défense de ce binôme.
Cette machine infernale provoquera de graves désordres, ainsi qu'une rupture profonde dans l'avenir de la représentation des territoires. Nous combattrons ce projet de loi jusqu'au bout, mais vous resterez, monsieur le ministre, comme l'homme qui aura véritablement bâillonné l'expression des territoires ruraux.
Avis défavorable.
Étant un ancien parlementaire, je partage l'avis de M. Sauvadet : la deuxième lecture comme la lecture définitive sont l'occasion d'approfondir le débat – même si je n'ai pas entendu de nouvel argument dans le pilonnage du texte auquel vous venez de vous livrer, monsieur Sauvadet ; c'est votre droit.
Pis, pour moi qui suis un homme d'ordre, vous en avez même appelé à la sédition de la majorité ! Elle aura l'occasion de vous répondre ! (Sourires.)
Vous semez le désordre partout, mais vous n'y parviendrez pas pour ce qui concerne la majorité ! (Sourires.) Mais redevenons sérieux.
Nous avons déjà débattu de la question du seuil, et nous pourrions poursuivre cette discussion sur tous les bancs. Je suis d'accord avec M. Larrivé : il faudra à terme parvenir à une harmonisation des seuils. Mais on ne peut pas le faire à l'occasion de ce débat.
Je rappelle que le seuil existant pour les cantonales n'était pas de 12,5 %, mais de 10 % des inscrits, et non des suffrages exprimés comme c'est le cas pour les municipales.
Pour un scrutin majoritaire à deux tours, comme celui que nous proposons pour les élections départementales, ou celui qui était prévu pour le conseiller territorial, une harmonisation avec l'élection législative présenterait une forme de cohérence.
Il faudra sans doute y réfléchir, même s'il existe des spécificités selon les élections. Ainsi, il paraît difficile de revenir sur le seuil de 10 % des suffrages exprimés concernant les élections municipales, compte tenu de leur spécificité. L'harmonisation n'est donc pas forcément chose facile.
En l'espèce, cela répondait à une logique ; de plus, nous avons entendu ce que nous a proposé le Sénat. Selon les uns, nous aurions plié devant la puissance de l'opposition, et selon les autres nous aurions adopté une posture naturelle d'écoute à l'égard de la Haute assemblée ; mais ce qui compte finalement, c'est le résultat !
Permettez-moi de dire à chacun, et notamment à Mme Maréchal-Le Pen, que ce ne sont pas un mode de scrutin ni un seuil qui fonderont les résultats d'une élection et changeront le vote des Français, dans un sens ou dans un autre.
Ceux qui peuvent avoir accès au second tour y seront. Vous auriez ainsi pu appuyer votre argumentation sur le résultat de l'élection législative partielle de dimanche dernier, madame Maréchal-Le Pen : vous seriez moins fatiguée !
En tout état de cause, cela ne changera rien. Aussi, pour cette élection, et dans l'intérêt du débat démocratique, nous est-il apparu tout à fait possible d'accéder à la demande du Sénat.
Enfin, concernant le financement des campagnes et le remboursement des frais, au-delà du fait que très peu de cantons ne se verront pas appliquer ce dispositif, je rappelle que cela concernera 2 000 cantons et non 4 000, puisque les binômes font une campagne commune.
C'est également une question de transparence et de capacité à mener des campagnes dans de bonnes conditions. L'on peut certes discuter du seuil de remboursement, mais c'est un autre sujet.
Voilà ce que je souhaitais répondre aux différents orateurs. Pour toutes ces raisons, je conclus donc, comme M. le rapporteur, au rejet de ces amendements.
Sur la question du seuil à franchir pour se maintenir au second tour, j'avais trouvé M. le ministre plus convaincant en première lecture. Il nous avait alors rappelé, à juste titre, que le seuil des 10 % des inscrits était la norme historique – c'est le terme qu'il avait employé – pour les élections cantonales, norme qui n'avait été remise en cause que lors de la réforme de 2010.
Par conséquent, comme il l'a souligné à juste titre à l'instant, toute harmonisation est impossible. En effet, on ne peut pas harmoniser le seuil pour les élections municipales, qui est de 10 % des suffrages exprimés, avec celui des élections législatives ou cantonales. C'est pourquoi je suggère que l'on tienne compte de la spécificité de chacune de ces élections et que, pour les élections cantonales, on en reste à la norme historique des 10 %. C'est l'objet de notre amendement n° 91 qui permet par ailleurs d'éviter de trop favoriser le bipartisme dans ce pays et de faire en sorte que le pluralisme puisse être respecté.
Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas laisser croire que vous auriez fait une grande avancée en écoutant l'opposition et le Sénat au motif que vous auriez restauré le seuil. J'observe simplement que nous vous avons fait toute une série de propositions de scrutins alternatifs, en vue de rechercher une convergence entre l'ensemble des groupes parlementaires constituant la représentation nationale, mais que vous les avez toutes refusées. Vous m'avez même accusé de manquer de cohérence alors que j'essayais de vous aider à sortir de l'impasse dans laquelle vous vous étiez mis, et vous nous avez opposé avec une poigne de fer la rigidité de votre texte, estimant qu'il était une oeuvre aboutie. Si tel était le cas, comment se fait-il que le coeur de ce texte ait été repoussé par deux fois ? Et la deuxième lecture au Sénat a présenté un grand intérêt, puisque vingt-cinq voix supplémentaires ont repoussé votre texte, considérant qu'il s'agissait d'une erreur colossale.
Monsieur le ministre, vous n'avez écouté en rien nos propositions. Vous n'avez recherché en rien la convergence. Vous avez manifesté avec votre groupe une poigne de fer pour imposer au pays un mode de scrutin que tous les autres groupes politiques déplorent, et vous n'avez pas recherché les voies de la convergence malgré l'apport du groupe UDI qui a ouvert toutes les pistes.
Il ne faut pas confondre cohérence et recherche de la convergence.
(Les amendements identiques nos 38 , 65 , 288 et 380 ne sont pas adoptés.)
Cet amendement vient compléter et préciser les modalités de l'élection au scrutin majoritaire à deux tours qu'il serait pertinent, comme précédemment développé dans d'autres amendements, de maintenir en zones rurales afin qu'elles puissent continuer à bénéficier d'une lisibilité et d'une proximité.
La parole est à M. François Sauvadet, pour soutenir l'amendement n° 390 .
Il s'agit de sujets que nous avons déjà longuement évoqués. S'il y a une continuité dans les propositions qui sont faites, il y en a aussi une dans la position de la commission qui a rejeté ces deux amendements.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l'amendement n° 283 .
Nous restons dans la cohérence afin de faire en sorte que les sections cantonales poursuivent plusieurs objectifs, notamment celui de la lisibilité. C'est pourquoi nous proposons que la déclaration conjointe de candidature énonce la section cantonale que chacun des candidats représente au sein du binôme.
La commission est défavorable à cet amendement, pour les mêmes raisons que précédemment.
Même avis.
(L'amendement n° 283 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l'amendement n° 284 .
Certains collègues de l'opposition ont déposé des amendements qui vont dans le même sens que l'amendement n° 17 qui a déjà fait l'objet d'une discussion en commission.
Monsieur le ministre, vous n'ignorez pas que je suis député des Français de l'étranger, d'une zone qui regroupe l'Amérique latine et les Caraïbes et qui a vu dans les années 90 le retour de nombreux pays à la démocratie – mais une démocratie parfois fragile où il existe des pratiques népotiques. Je sais que l'emploi de ce mot peut sembler quelque peu choquant en France où l'on peut avoir l'impression de vivre dans une démocratie parfaite, ce que je ne pense pas. C'est pourquoi cet amendement vise à éviter que les membres d'une même famille, père, mère, fille, fils, conjoints ou pacsés, soient candidats sur le même binôme, afin d'éviter ce type de pratique.
Cet ajout se justifie par le fait qu'un binôme de candidats est très différent des listes présentées dans les élections au scrutin proportionnel, qui sont moins sensibles au phénomène de personnification. J'espère que nos collègues de la majorité seront tout aussi sensibles que certains membres de l'opposition et que cet amendement sera adopté à une large majorité.
Ce débat a déjà eu lieu hier soir puisqu'un amendement présenté à l'article 2 – il n'était peut-être pas idéalement placé – et qui a été rejeté traitait de cette question. Votre rapporteur a rappelé que la commission ne l'avait pas adopté mais que, bien évidemment, personne ici ne souhaite encourager les pratiques népotiques.
J'avais souligné les faiblesses de ce type de restrictions fixées par la loi, parce qu'elles ne peuvent faire état que d'éléments avérés, c'est-à-dire un lien familial avéré et connu, une union officialisée par un acte d'état civil ou un PACS. Il y a beaucoup d'autres cas qui ne peuvent être réglés à travers cette mesure.
Il m'a été objecté que certes on ne pouvait tout régler, mais qu'il fallait déjà commencer par régler ce qui pouvait l'être, et que la loi n'était jamais parfaite. Toujours est-il que la difficulté par rapport à ce problème est d'introduire une forme d'inégalité entre un couple qui aurait fait le choix de vivre notoirement ensemble, mais sans passer par M. le maire ou par un PACS, et un couple qui ne le ferait pas. Bref, sur ces questions, il m'a toujours semblé, et je l'ai déjà dit en première lecture, qu'il était de bonne politique de faire confiance aux électrices et aux électeurs qui ont légitimement vocation à sanctionner ce type de pratiques quand elles existent.
M. Coronado vient de dire que les dispositions concernant le scrutin majoritaire devraient être différentes de celles du scrutin de listes. Cela nous interpelle dans la mesure où, s'agissant des élections municipales, les listes font l'objet de restrictions, comme la limitation du nombre de membres d'une même famille. Et l'on sait que, dans un certain nombre d'endroits, si l'on ne pratique pas de cette façon, en particulier dans les petites communes, l'on a des difficultés à constituer les assemblées.
Si nous adoptons cet amendement, nous aurons une réponse qui ne sera pas satisfaisante du point de vue du droit. Si nous ne l'adoptons pas, il y aura inévitablement des commentateurs pour dire qu'une fois de plus ces abominables responsables politiques n'ont pas voulu empêcher les pratiques népotiques dans notre pays…
Une partie des arguments qui ont été évoqués hier soir vient d'être rappelée. Vous aurez apprécié la souplesse du rapporteur entre sa position et les réflexions de la commission. Comme lui, j'estime que c'est à chacun de s'organiser.
Des règles existent, notamment pour les scrutins de listes, mais à force de vouloir tout codifier, on ne rend pas service à la loi sur ce sujet.
Hier soir, l'Assemblée nationale a rejeté un amendement de même type. Le Gouvernement avait appelé à le repousser et je ne peux que confirmer ce choix.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, j'aurais pu comprendre votre argument pour les autres types d'élections, notamment pour des scrutins de listes. Or il y a là un phénomène nouveau, le binôme, qui n'existe dans aucun autre pays. Un homme et une femme vont être élus ensemble mais ils exerceront séparément leur mandat.
Vous nous demandez de repousser cet amendement au motif que le corps électoral veillera à ce qu'un homme et une femme ne puissent pas se présenter ensemble dès lors qu'ils ont une relation avérée ou qu'ils appartiennent à une même famille, qu'ils sont liés par un PACS, qu'un document atteste d'une union. Je trouve que vous ne donnez vraiment pas là un bon signal. Le cas du scrutin de listes est tout différent. Mais dans le cas du binôme j'invite la représentation nationale à y réfléchir à deux fois avant de balayer cette question d'un revers de main, d'autant que l'amendement de notre collègue est bien écrit. En effet, il précise qu'il s'agit d'ascendants ou descendants en ligne directe, de conjoints ou de personnes liées par un pacte civil de solidarité : la proposition est bien cadrée. D'un côté, vous nous imposez un certain nombre de règles, y compris qu'un homme ne peut avoir qu'un homme comme suppléant, alors que, de l'autre, vous nous faites le coup de la liberté. Je ne sais pas à quoi vous pensez, monsieur le ministre, mais peut-être avez-vous des exemples en tête que vous ne voudriez pas voir remis en cause ?
Je pense que mon amendement n° 284 répond à l'interpellation de M. Coronado puisqu'il vise à interdire que les deux candidats se présentant en binôme puissent être mariés, partenaires d'un PACS ou appartenant à une même famille et que la famille est entendue ici au sens strict, soit l'ensemble formé par le père, la mère et les enfants.
Si l'amendement n° 17 est bien écrit, c'est parce nous avons tenu compte des remarques formulées par le rapporteur en commission. À l'époque, il avait donné un avis défavorable à l'adoption d'un amendement dont il trouvait que la rédaction était floue. Nous l'avons donc précisée. Mais vous trouvez de nouveaux arguments pour vous y opposer. Je finis par croire qu'il n'y a pas au fond de volonté d'affronter cette question.
Ce qui me pose problème, c'est l'argument utilisé par le Gouvernement, à savoir qu'il faut laisser les électeurs trancher la question eux-mêmes. Alors, pourquoi ne pas faire de même s'agissant du cumul des mandats, dont on sait qu'une grande majorité de la population y est opposée ? Le Gouvernement pourrait choisir la solution de facilité qui consiste à dire que c'est aux électeurs de trancher, ce qui lui permettrait de ne pas affronter cette question par la loi.
La question qui est posée clairement à travers l'amendement n° 17 et par certains collègues de l'opposition mérite que l'Assemblée se prononce en toute indépendance et qu'elle décide de ne pas adopter une position de facilité. J'invite donc tous mes collègues à se prononcer en conscience. Ce n'est pas rendre service à la démocratie que de permettre que deux candidats qui se présentent en binôme puissent appartenir à la même famille.
Je vous remercie, monsieur Coronado, pour vos leçons de morale.
Vous participez au débat, et c'est votre droit.
Au fond, j'ai été convaincu par vos arguments ainsi que par ceux de M. Sauvadet, parce qu'il s'agit, d'une certaine manière, de l'approbation du binôme. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)
J'essaie de vous répondre et nous allons tenter d'avancer collectivement.
Vous nous dites que le Gouvernement n'a pas été à l'écoute de l'opposition et des groupes. Je vous réponds que ce n'est pas vrai. Sur le seuil dans les communes, sur le seuil des 12,5 %, sur le tunnel, pour ne prendre que ces exemples, ou encore sur les critères de découpage des cantons, nous avons été en permanence à l'écoute de la majorité et de l'opposition, notamment au Sénat où, à l'évidence, ce texte ne trouvait pas de majorité.
Le texte a été repoussé en première lecture au Sénat. En deuxième lecture, c'est l'article instituant le binôme qui l'a été, mais sur d'autres sujets, nous avons avancé et c'est sur ces bases-là que nous discutons, l'Assemblée nationale ayant rétabli le binôme.
Sur le point que nous évoquons, j'ai dit qu'il fallait laisser les électeurs trancher, parce qu'il y a des choses un peu plus compliquées, y compris dans la vie. Mais s'il faut acter les choses, cela ne me pose aucun problème. Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse de l'Assemblée. Les arguments développés hier par le rapporteur, ceux que vous avez entendus ce soir, permettent à l'Assemblée, me semble-t-il, de se prononcer sagement.
La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Madame la présidente, puisque le ministre ouvre un débat dans lequel les opinions individuelles sont autorisées, je vais vous dire que je suis contre l'amendement de M. Coronado, à titre personnel. Ce serait en effet du jamais vu dans le code électoral. Depuis 1982, il n'existe aucune disposition interdisant à des conjoints de se présenter. Je veux bien qu'à l'occasion d'une leçon comme celle que nous avons entendue on décrète que les conjoints ne peuvent se présenter, mais alors, pourquoi les concubins non pacsés auraient-ils le droit de le faire ?
Il y a certes dans le code une disposition sur les communes de moins de cinq cents habitants, on en comprend bien le sens quand le corps électoral est si peu nombreux, mais je ne vois pas pourquoi, ici, nous interdirions à des conjoints de se présenter. Peut-être est-ce une faiblesse, mais je l'assume : je fais confiance au corps électoral pour éviter ce que M. Coronado appelle le népotisme.
Dans l'hypothèse où l'Assemblée nationale adopterait un de ces amendements – et nous avons bien compris que chacun votera comme il l'entend –, je préconiserais, pour des raisons rédactionnelles, l'amendement n° 17 .
Monsieur le ministre, vous ne ferez pas prendre des vessies pour des lanternes. Ce n'est pas parce que nous essayons d'apporter des correctifs à un mauvais mode de scrutin, à la marge d'ailleurs, que nous en venons à considérer que c'est un bon mode de scrutin. Je vous redis mon opposition forte et engagée contre ce binôme qui est une erreur considérable et qui augure d'un vaste tripatouillage électoral.
Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, il n'y a qu'une seule différence avec tout ce qui existait auparavant comme modes de scrutin, expressions de cette liberté chérie que vous semblez promouvoir : c'est le binôme ! Cela change la donne.
Vous voyez bien, d'ailleurs, que ce binôme ouvre de nouveaux champs d'interrogation que vous-mêmes ne pouvez ignorer. C'est tout de même un phénomène unique, ce binôme. Vous-mêmes, vous l'avez contraint, puisqu'au lieu de garantir cette liberté de pouvoir se présenter, vous avez exigé qu'un homme ait pour suppléant un homme et une femme, une femme, interdisant même la mixité.
Franchement, je vous appelle à la cohérence. Mais monsieur le ministre, je vous rassure : mon opposition est totale à ce texte qui est un mauvais texte !
Deux remarques. La première est technique : il y a quelques années, le Conseil constitutionnel a censuré une loi pénale qui créait une infraction à raison de « l'appartenance à une famille ». La notion de « membres d'une même famille », qui est dans l'amendement de M. Coronado, ne veut rien dire en droit. Quel que soit l'avis qu'on peut avoir sur le fond, on ne peut pas voter cet amendement trop imprécis.
Voilà pour la remarque technique. Sur la question de principe, à titre personnel, je ne voterai pas ces amendements, faisant confiance à la sagesse du corps électoral pour s'exprimer librement et choisir en conscience à qui confier les clés du canton. Je crois précisément que votre texte, monsieur le ministre, souffre d'un défaut de liberté. Vous imposez le binôme, vous allez tout contraindre, jusqu'à l'ordre de présentation des candidats sur le bulletin. Rappelons-nous qu'en matière électorale, c'est le principe de liberté qui doit l'emporter, et par conséquent le principe de responsabilité : c'est aux électeurs de décider.
Merci, madame la présidente. Je voudrais répondre rapidement à M. le ministre. Vous reconnaissez, monsieur le ministre, que le groupe écologiste n'a pas, dans ce débat, la même attitude que les membres de l'opposition. Nous avons essayé de contribuer au débat, d'améliorer le projet. Nous avons dit notre opposition au fait majoritaire, nous nous sommes réjouis du respect de la parité, nous avons débattu sur le seuil. Vous me reconnaissez le droit de participer au débat : c'est une très bonne chose, je vous en remercie, d'autant que vous le faites à chaque fois très aimablement.
Je voudrais simplement dire à mon collègue Larrivé que sa remarque ne tient pas compte de la rédaction de mon amendement. On vote l'amendement et non l'exposé des motifs. Il n'est nulle part écrit « famille » dans la formulation proposée.
(L'amendement n° 372 n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 284 n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 17 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l'amendement n° 285 .
Monsieur le ministre, vous allez dire qu'en défendant cet amendement, je commence à admettre le binôme. (Sourires.)
Eh bien oui : puisque vous faites preuve de jusqu'auboutisme, j'ai déjà déposé des amendements instituant des sections et je continue dans cette voie pour essayer d'obtenir un peu d'ouverture. Alors que vous exigez la parité dans le binôme, mon amendement vise à ce que le choix des remplaçants ne soit pas contraint par cette exigence. Cette parité, on y arrivera, mais peut-être avec un certain lissage dans le temps.
(L'amendement n° 285 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Il est défendu.
(L'amendement n° 274 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l'amendement n° 286 .
Mon amendement vise à prévoir que seuls les deux candidats, c'est-à-dire les deux binômes qui ont obtenu le plus grand nombre de suffrages au premier tour peuvent se maintenir au second. Cela permettra aux électeurs de faire un choix clair, en se prononçant pour un binôme qui obtiendra une majorité absolue et non relative, comme cela peut être le cas dans une triangulaire.
Cette volonté d'éviter les triangulaires a déjà fait l'objet de débats, y compris sous la précédente législature. S'agissant de l'élection législative, elle n'a pas conduit à l'adoption d'une telle disposition par la précédente majorité.
Il se trouve que par ailleurs le seuil de maintien au second tour a été porté à 12,5 % des inscrits. Des candidats qui obtiennent 12,5 % des inscrits dans une élection départementale peuvent légitimement figurer au second tour, y compris s'ils sont arrivés en troisième position.
Même avis.
(L'amendement n° 286 n'est pas adopté.)
Monsieur Valls, ne me dites pas que les seuils ne changent rien. La composition de cette assemblée montre bien qu'ils sont déterminants. Vous n'allez pas me dire que cette assemblée est représentative. Si les écologistes et les communistes ne vivaient pas sous perfusion du Parti socialiste, beaucoup n'auraient pas accédé au second tour, ce qui serait d'ailleurs triste pour la démocratie : je le regretterais fortement.
Vous ne pouvez pas à la fois déplorer en permanence le taux d'absentéisme important que connaît notre pays, et ne pas donner le sentiment aux Français que leur vote sert à quelque chose.
Contrairement à ce que vous dites, j'ai retenu une leçon de ce qui s'est passé dans l'Oise : c'est que vous avez été éliminés dès le premier tour. Alors, continuez comme cela, maintenez vos seuils : vous aurez plein de duels UMP-FN !
Il vise à revenir au seuil de 10 % pour que davantage de candidats de groupes minoritaires puissent se maintenir au second tour. J'ai déjà défendu cet amendement en première lecture, je suis cohérent.
La commission a tenu compte de la discussion qui a eu lieu au Sénat et a donc, après avoir conservé en première lecture le seuil de 10 %, accepté de le porter à 12,5 % : ce n'est pas pour revenir maintenant sur cette décision. La commission a donc donné un avis défavorable.
On peut défendre un autre seuil, sur ce sujet des points de vue se sont éloignés et d'autres rapprochés : c'est ainsi.
Ce n'est pas la possibilité de passer au second tour qui change nécessairement le résultat. La représentativité de l'Assemblée peut résulter de diverses données, par exemple de la représentation proportionnelle, défendue par certains ; mais la question de l'accès au second tour est un autre sujet.
Par ailleurs, je le répéterai toujours, tous les députés sont représentatifs du peuple français.
(L'amendement n° 350 n'est pas adopté.)
(Les amendements identiques nos 16 et 91 ne sont pas adoptés.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi et du projet de loi organique relatifs à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron