Intervention de Huguette Bello

Séance en hémicycle du 27 mars 2013 à 15h00
Prohibition de la différence de taux de sucre outre-mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHuguette Bello :

Madame la présidente, messieurs les ministres, vous le savez, les chiffres sont implacables. Ils révèlent tous une prévalence sans équivalent de la surcharge pondérale et de l'obésité dans les régions d'outre-mer. À La Réunion, selon les dernières estimations, un adulte sur deux serait concerné, tandis que les enquêtes de santé scolaire montrent que plus du quart des élèves de CM2 sont en surpoids et que l'obésité infantile s'est considérablement accrue en deux décennies.

Ces chiffres sont inquiétants puisqu'il est désormais démontré que l'obésité est un facteur de risque pour de nombreuses pathologies. De fait, c'est à La Réunion que l'on enregistre le plus fort taux de diabète. Avec 8,8 % de la population, la proportion des personnes touchées est deux fois plus élevée que sur l'ensemble du territoire national. De plus, elle augmente bien plus rapidement. Le diabète est devenu une cause importante de mortalité, au point qu'on parle même d'une surmortalité régionale.

S'il est vrai que l'obésité, considérée depuis 1997 comme une maladie, et dans laquelle l'OMS voit comme l'épidémie du siècle, ne répond pas à une cause unique, il est incontestable que l'alimentation joue un rôle majeur. La politique nutritionnelle, qui vise à la fois les aspects alimentaires et l'activité physique, a d'ailleurs été promue au rang des priorités de santé publique.

C'est dans ce cadre que nous examinons la présente proposition de loi qui se concentre sur la qualité de l'offre alimentaire. Elle vient renforcer les dispositifs mis en oeuvre ces dernières années.

Je pense, bien sûr, au programme national nutrition santé, particulièrement dans sa version 2011-2015 qui prévoit une déclinaison outre-mer, ou encore au plan obésité. Je pense au projet régional de santé que l'ARS et les professionnels de santé de La Réunion viennent d'adopter avec, comme axe prioritaire, l'amélioration des habitudes alimentaires. Je pense aussi aux multiples actions qui existent au plan local. C'est ainsi qu'en plus des parcours santé, la commune de Saint-Paul participe au réseau des villes-santé de l'OMS, et organise à ce titre, sur l'ensemble de son territoire, des opérations d'information et de dépistage de l'obésité, de l'hypertension, du diabète et des maladies cardio-vasculaires. Je n'oublie pas non plus, même si elles sont rares, les initiatives de certains producteurs de La Réunion qui, depuis près de dix ans, travaillent, à partir de tests de dégustation, à diminuer la teneur en sucre ajouté de leurs produits.

Réduire la consommation de sucres dans les outre-mer, tel est l'objectif principal et très concret de ce texte. Comme le recours à la voie législative a pu encore surprendre, rappelons que les denrées alimentaires commercialisées chez nous ont une teneur en sucre bien plus élevée que celles qui sont distribuées en France continentale, même lorsqu'il s'agit de produits de marque identique. Rappelons aussi que l'appétence pour le sucre, si elle est entretenue, peut vite devenir une addiction. Et soulignons que, contrairement aux évolutions enregistrées au niveau national, la prévalence du surpoids et de l'obésité chez le jeune enfant ne s'est pas stabilisée dans les outre-mer, où l'on n'a pas enregistré non plus une réduction de la consommation de sucre ni de sel. La prise de conscience doit être générale. Une loi peut y aider.

J'en veux pour preuve la proposition de loi de 2011 qui, alors même qu'elle n'a pas été adoptée, pour les raisons que l'on sait, n'est pas restée sans suite chez certains industriels, notamment ceux qui produisent les produits frais lactés. Des recettes ont été reformulées, les teneurs en sucres ont été réduites, et une récente étude indique que l'offre réunionnaise de produits laitiers frais est désormais légèrement – j'insiste sur l'adverbe – plus sucrée qu'en France continentale.

À ce propos, il faut dénoncer, pour y mettre fin, l'incroyable tromperie à laquelle donne lieu la détermination de la date limite de consommation. Pour des produits similaires, et de même marque, fabriqués en même temps, les industriels des produits lactés fixent une date limite de consommation qui comporte un écart d'au moins vingt jours selon que ces produits sont destinés à la consommation hexagonale ou à l'exportation dans les régions d'outre-mer. Au même instant, et contre toute logique, le même produit peut donc être considéré, selon l'endroit où il va être consommé, comme périmé ou comme propre à la consommation.

On l'a compris, ce texte vient renforcer la prévention de l'obésité et de ses conséquences pathologiques. C'est donc tout naturellement qu'il tend à favoriser, en la rendant obligatoire, la prise en compte des produits agricoles locaux dans la restauration collective. Pour La Réunion, la marge est importante puisque seulement 8 % des 90 000 tonnes de fruits et légumes produits chaque année dans l'île sont consommés dans les écoles et les hôpitaux.

Cette volonté de prévention explique aussi la nécessité d'associer les industries agroalimentaires locales au mouvement général qui vise à la réduction de la teneur en sucres ajoutés. Pour être efficaces, les préconisations doivent être assorties d'une concertation et les efforts consentis doivent être encouragés, surtout lorsqu'il s'agit de petites structures.

Dans la même logique, il est vivement souhaitable que l'alimentation infantile fasse l'objet d'une attention particulière, puisque les trois premières années de la vie, on le sait bien, sont cruciales dans la formation du goût. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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