Le développement de l'obésité dans notre société est désormais un fait majeur. Cette maladie est considérée comme la première épidémie non infectieuse de l'histoire. Elle se propage à une vitesse inquiétante. Cette tendance a été observée dans la plupart des pays européens, en Amérique du Nord et dans plusieurs pays d'Amérique du Sud et d'Asie. Dans les pays en développement, le nombre de personnes obèses a plus que doublé au cours des vingt dernières années. Les chiffres sont parfois démesurés : par exemple, plus de 50 % des Nord-Américains sont en surpoids, et 25 % d'entre eux sont considérés comme obèses.
C'est fondamentalement un phénomène social, qui entraîne une double inégalité. Une inégalité sociale au sens strict, d'abord. Outre les prédispositions génétiques, l'obésité est en effet principalement due à des facteurs environnementaux, sociaux, économiques et culturels qui jouent un rôle très important dans son évolution. En France, 15 % des personnes sans diplôme ou n'ayant obtenu que le brevet des collèges sont obèses, contre 5 % des diplômés de l'enseignement supérieur. Une étude récente de l'INSEE fait apparaître une relation très marquée entre l'obésité et le statut social. Les catégories populaires, à faible niveau de diplôme et à faibles revenus, sont plus sujettes à l'obésité que les autres. La situation est inverse pour les catégories aisées. L'écart se creuse fortement depuis vingt ans.
L'inégalité est ensuite géographique. Les données nationales issues de l'étude ObÉpi indiquent qu'en 2012 40 % des adultes vivant outre-mer sont en surpoids, contre 32,3 % en métropole. Alors que 15 % des métropolitains sont considérés comme obèses, cette pathologie atteint jusqu'à 30 % de nos compatriotes ultramarins. Pour combattre ce fléau, des mesures préventives et d'information sont nécessaires. Il convient notamment de financer un parcours de santé, ou de mettre en oeuvre des actions de sensibilisation dans les écoles. Mais, ce n'est pas suffisant.
Il faut que des mesures plus contraignantes soient prises pour associer les acteurs de l'agroalimentaire à la lutte contre cette pandémie, pour adapter les moyens aux fins. Le texte qui nous est proposé aujourd'hui a le mérite de poser clairement la problématique : outre les politiques de prévention, qui sont essentielles, nous devons aborder très clairement la question de l'offre alimentaire proposée à nos concitoyens, et de la juste information qui leur est délivrée sur le contenu des produits.
Ce texte nous oblige à nous poser les vraies questions sur les démarches à engager pour que la politique de lutte contre l'obésité soit une politique de cohérence et d'égalité républicaine, pour que nous puissions engager l'ensemble des acteurs de notre société à apporter des réponses pertinentes. Il nous fait un devoir moral de protéger la santé de nos citoyens et plus spécialement, dans ce domaine, celle des ultramarins. Cette proposition de loi part d'un constat simple et avéré : le pourcentage d'obésité augmente plus rapidement outre-mer que dans l'hexagone, en particulier chez les jeunes. Or de nombreuses études ont montré qu'il existait une très grande différence entre le taux de sucre des produits vendus dans l'hexagone et celui des produits vendus outre-mer. C'est le cas, notamment, de certains sodas et de certaines spécialités laitières pour lesquels la quantité de sucre peut, dans les cas les plus graves, atteindre un écart de 45 %. Même si cette situation n'est pas imputable en totalité à l'industrie agroalimentaire, cet inquiétant constat trahit toutefois une part de responsabilité non négligeable de cette dernière, laquelle n'hésite pas à ajouter à ses produits du sucre, du sel ou des matières grasses pour la seule raison que ces ingrédients ne coûtent pas cher et induisent – en particulier le sucre – une addiction dans les populations les plus vulnérables comme, par exemple, les jeunes enfants. Nous le savons bien, le goût et les habitudes de consommation se forgent dès le plus jeune âge et principalement au cours des trois premières années de la vie. Il ne peut y avoir de lutte active contre l'obésité si le jeune public n'est pas prioritairement protégé. Or c'est bien lui qui est le premier concerné par la consommation des produits évoqués.
Cette initiative est un acte politique indispensable et responsable vis-à-vis de nos concitoyens ultramarins, et l'urgence commande des solutions rapides. Il faut donc agir de façon volontariste et sans plus tarder, y compris en renouvelant encore l'effort de pédagogie, car l'obésité et le surpoids représentent, pour toute une partie de la jeunesse, un facteur aggravant d'autres pathologies, comme le diabète ou l'hypertension artérielle. Certes, nous aurions préféré que ce texte trouvât sa place dans la grande loi de santé publique annoncée par le Gouvernement pour cette année, d'autant que les facteurs d'obésité sont multiples et vont au-delà des boissons dont il est essentiellement question dans la présente proposition de loi. Il nous aurait également semblé plus pertinent de faire précéder cette proposition de loi d'une négociation avec l'ensemble des parties prenantes du secteur. Ce travail pouvait utilement aboutir à des objectifs concertés et contractualisés prenant en compte les contraintes économiques des uns et les impératifs de santé publique pour tous. L'UDI a toujours tendance à préférer la concertation à l'interdiction, même si un délai de six mois est introduit pour que les professionnels soient en mesure de s'adapter à la nouvelle réglementation.
Un autre dispositif évoqué à plusieurs reprises a été ajouté à ce texte. Il a trait à la différence existant entre les dates limites de consommation des produits distribués outre-mer et en métropole. Il y a là, à l'évidence, une injustice et une incohérence qui avaient, je le crois, échappé à beaucoup d'entre nous et qu'il est nécessaire de faire disparaître. Même si cette mesure ne relève pas à proprement parler de la proposition de loi qui nous est soumise, c'est l'occasion de revenir sur cette inégalité.
Nous sommes face à ce texte, à l'instant de choisir notre vote, et il n'est plus temps d'ergoter, en dépit des quelques réserves que j'ai pu évoquer. Nous devons agir. Il est donc impératif que les différents ministres concernés soient en mesure de nous assurer qu'un arrêté sera pris rapidement.
Ainsi mes chers collègues, en dépit des imperfections de ce texte et de son caractère parcellaire pour traiter d'un sujet majeur de santé publique, le groupe UDI, conscient de l'enjeu, mais aussi de l'importance de dépasser les clivages politiques dans un tel domaine, votera, je le répète, en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)