Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, la présente proposition de loi visant à garantir la qualité de l'offre alimentaire outre-mer entend réparer une iniquité de traitement en matière de santé publique. Elle s'est progressivement étoffée et renforcée, gagnant ainsi en cohérence, en circonférence et en pertinence.
L'ancien député Victorin Lurel avait déjà bien cerné la problématique, mais les lobbies avaient eu raison de cette première tentative.
En réalité, les lobbies ont eu tort, tort de croire qu'ils avaient gagné définitivement, tort surtout parce que les maladies vasculaires cérébrales, l'hypertension, le diabète sucré, l'obésité ont continué à faire des ravages dans nos régions.
Pour 100 000 habitants, nous constatons dix-huit décès de diabète en France contre trente-sept en Martinique, 24 % des enfants de trois à quinze ans et 53 % des adultes sont obèses ou en surpoids. Le taux de prévalence est en augmentation constante. Le diabète touche 7,4 % de la population en Martinique contre 4,4 % en France.
Tous les indicateurs de santé publique sont au rouge. Pourtant, en Martinique, comble du paradoxe, nous assistons dans le même temps à des fermetures de services au sein du CHU.
La MacDoïsation de l'alimentation de notre jeunesse participe à cette catastrophe sanitaire.
Oui, nous avons été touchés de plein fouet en moins de quarante ans par un changement brutal de vie. Nous avons délaissé une alimentation traditionnelle fondée sur nos produits locaux au profit d'un mode de vie et d'une alimentation occidentolâtres.
L'État a trop longtemps péché par inaction ou omission, faisant preuve d'une grande permissivité législative, d'une complicité réglementaire, ou en entretenant un flou juridique au profit des lobbies.
Il en va ainsi des dates limites de consommation des produits frais. Depuis quelques années, certains fabricants apposent une DLC deux fois plus longue sur les produits frais destinés à l'outre-mer. Concrètement, le même yaourt sorti d'une usine de l'hexagone sera proposé pendant trente jours au consommateur français alors qu'il sera proposé soixante jours à un Martiniquais, au mépris des règles élémentaires de santé publique et en dépit des risques de rupture de la chaîne de froid liés au transport.
Il va sans dire que cette pratique déloyale pénalise les producteurs locaux, qui, eux, respectent les trente jours de DLC.
Au final, le consommateur martiniquais est victime d'une triple tromperie car il ignore qu'il consomme un yaourt deux fois plus vieux, deux fois plus sucré, deux fois plus cher que le yaourt proposé dans l'hexagone.
Les lobbies des industriels et des chaînes de restauration s'évertuent à démontrer la prétendue forte appétence des consommateurs d'outre-mer pour le goût sucré, à affirmer que nous avons développé des gènes de restriction. Ils nous expliquent la main sur le coeur qu'ils n'ont fait jusqu'à présent qu'obéir à nos envies de sucre.
Qu'à cela ne tienne, ils devront désormais obéir à notre volonté de rompre avec leurs pratiques, dont les effets sont irréversibles : cécité, amputation, dialyse, impuissance sexuelle, obésité, AVC, infarctus.
Je ne saurais dire si nous souffrons réellement de prédispositions génétiques pour ces pathologies, mais, en tout état de cause, que ces prédispositions génétiques soient avérées ou pas, l'industrie agroalimentaire n'avait pas à les aggraver.
En matière de santé publique, la règle d'or, c'est le principe de précaution. Pendant toutes ces années, ce principe n'a pas été appliqué, ou, plutôt, il ne l'a été que trop pour protéger la santé financière des firmes de l'industrie agroalimentaire.
Il importe aujourd'hui de remédier aux effets néfastes d'une telle politique de complaisance, qui peut s'analyser objectivement comme relevant de la non-assistance à peuples en danger.
L'article 4 de la proposition nous offre une excellente piste d'intervention en ouvrant l'accès des marchés publics de restauration collective aux productions locales. Nous soutenons fortement cette démarche qui, en perspective, doit s'inscrire dans une politique de restructuration et de refondation de nos filières pour tendre vers une agriculture principalement nourricière. Aussi, les programmes scolaires devraient intégrer des séances d'éducation alimentaire et la mise en place d'ateliers de nourriture dès le plus jeune âge.
Par ailleurs, si l'alignement des taux de sucre sur les taux pratiqués en France représente une avancée, il ne constitue pas pour autant une fin en soi, un objectif ultime. À terme, nous devons pouvoir envisager d'aller en deçà des taux hexagonaux si notre situation sanitaire l'exige.