Nous nous accordons sur le constat à faire : nous devons mettre un terme aux discriminations et aux inégalités de traitement. Je ferai donc l'économie d'une réponse personnelle à chaque député, pour concentrer ma réponse autour de quatre points soulevés par l'opposition.
Tout d'abord, comme vient de le dire la présidente de la commission, nous n'avons plus le temps d'attendre, de dire : festina lente… Il faudrait, nous dit-on, attendre la grande loi de santé publique. On nous a souvent fait ce coup-là : il serait urgent d'attendre car il faudrait plus de cohérence et plus de globalité dans ce qui est proposé. Mais ce serait trop piecemeal policy, et la réponse est non.
Deuxième réponse : le Président de la République, comme l'a rappelé Serge Letchimy, tenait particulièrement à la visibilité qu'offre un texte de loi. C'est la proposition numéro onze de ses trente engagements pour l'outre-mer, montrant très clairement qu'il entendait précisément prendre en charge ce qui avait été refusé en son temps aux outre-mer.
Troisièmement, compte tenu du calendrier parlementaire et de l'ampleur des problèmes à traiter dans la future loi de santé publique, il est urgent de régler maintenant le problème. En effet, ce texte devrait être présenté à la fin de l'année et peut-être discuté au début de 2014. On ne peut pas attendre encore six mois.
Enfin, il est impératif et urgentissime de traiter les inégalités territoriales de santé, et c'est le cas en l'espèce puisque la proposition de loi traite de discriminations entre ici et là-bas, auxquelles il est important de mettre un terme.
Autre argument évoqué : la démarche incitative serait meilleure et, à cet effet, les chartes d'engagement volontaire pour les progrès nutritionnels seraient préférables à la loi. Je réponds que non car on sait aujourd'hui qu'elles ne sont pas du tout efficaces : chacun attend que l'autre s'engage. C'est en général les petites entreprises qui en prennent l'initiative – tout en disant qu'elles vont perdre des parts de marché –, et lorsqu'elles s'engagent dans les outre-mer, où souvent elles sont franchisées, leur société-mère, elle, n'y est pas engagée, ou vice-versa. Et il faudrait attendre encore et encore : cela fait plus dix ans que nous attendons, depuis 2001… Nous sommes aujourd'hui en 2013 et l'affaire n'est toujours pas réglée. J'ai engagé ce combat avec beaucoup d'autres. Il y a ici des députés impliqués depuis fort longtemps, très militants ; Jean-Marie Le Guen a cité quelques anciens élus, et je pense aussi à Gérard Bapt ici présent, qui a toujours suivi ces problèmes, vigilant partout, sur tous les pans du territoire national, et je le remercie particulièrement. On nous a toujours dit : « Attendez, la démarche incitative est meilleure. » Celle-ci n'a pourtant pas donné jusqu'ici les résultats probants que nous sommes tous en droit d'attendre.
À ceux qui pensent que des arrêtés auraient dû être pris en lieu et place de cette proposition de loi, je rappelle que M. Xavier Bertrand avait dit qu'il les prendrait et qu'il ne l'a pas fait. L'ancienne majorité a été au pouvoir pendant dix ans, et elle n'a pas pris d'arrêtés. De toute façon, madame Louwagie, ceux-ci n'auraient pas répondu à la problématique, parce que nous touchons tout de même au domaine des libertés publiques : la liberté du commerce et la liberté d'entreprendre. Il convient donc de le faire par voie législative.
Et puis j'ai aussi entendu que les entreprises métropolitaines seraient pénalisées parce qu'elles ne pourraient plus exporter outre-mer ou se retrouveraient en position de faiblesse par rapport aux autres entreprises européennes. Permettez-moi de n'y pas croire puisque, avec les navires réfrigérés et les porte-conteneurs, l'acheminement des produits met cinq à sept jours, dix au plus. Dans cette affaire, il y a réciprocité et non pas asymétrie : par exemple, les yaourts « Comté de Lohéac », faits avec du sucre de canne et particulièrement prisés là-bas, pourraient être exportés ici, et ils seraient alors logés à la même enseigne, soumis au même régime, que les yaourts métropolitains exportés dans les outre-mer. Il n'y aura pas d'inégalité de traitement ; tout au plus ceux-ci perdraient-ils cinq à sept jours, au grand maximum dix, le temps de l'acheminement, par rapport aux yaourts « Comté de Lohéac ».
Enfin, j'ai souvent entendu dans cet hémicycle que les Ultramarins auront des produits américains : non, car tous les produits seront soumis au même régime.
Par ailleurs, ce texte répond parfaitement aux objectifs de portée constitutionnelle que sont la protection de la santé, la protection de la mère et celle de l'enfant.
Oui, il faut un texte de loi pour légiférer sur la liberté des échanges, et l'article 20 du fameux GATT, devenu l'OMC, permet, pour des motifs de santé publique, à un État d'édicter des conditions et des contraintes à l'exercice de ladite liberté.
Je conclus en soulignant, mesdames, messieurs les députés, que la proposition de loi a été excellemment présentée et retravaillée. Au-delà des dates limites de consommation, une disposition considérable figure dans le texte : l'article 4 dispose que les possibilités d'approvisionnement direct sont obligatoirement prises en compte pour l'attribution des marchés publics de restauration collective. Il y aura des circuits courts, donc de la fraîcheur et moins d'émission de CO2. Tout en respectant la législation communautaire et la législation nationale, nous pourrons ainsi prioriser le développement de la production locale. Si les entreprises parviennent, notamment dans l'agriculture et l'agroalimentaire, à s'organiser à bref délai, elles pourront résoudre le problème des économies d'échelle dans les territoires insulaires, où l'étendue du marché n'est pas suffisamment large, car la restauration collective est un marché de taille suffisante pour produire des économies d'échelle et pour développer des filières structurées.
C'est un excellent texte, bien préparé et bien présenté. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)