Intervention de Laurent Fabius

Réunion du 12 mars 2013 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères :

J'ai cru comprendre, monsieur Marsaud, que vous n'étiez pas un fervent partisan de l'intervention française en Libye… L'honnêteté intellectuelle me conduit à rappeler que, alors dans l'opposition, nous avons soutenu cette intervention. Mais une chose est d'intervenir, une autre d'assurer le suivi des opérations et je ne suis pas certain que cela ait été fait très attentivement, si bien que se pose maintenant la question des armements. Mouammar Khadafi avait à sa disposition beaucoup plus d'armes encore que nous l'imaginions, et elles se retrouvent maintenant en bien des lieux. M. Idriss Déby, président du Tchad, m'avait indiqué, dès juillet dernier, qu'il s'en trouvait partout, et que les acheteurs en sont parfois des terroristes. Je dois toutefois à la vérité de dire que les armes retrouvées au Mali ne proviennent pas toutes de Libye. Quoi qu'il en soit, monsieur Marsaud, on ne peut refaire l'histoire.

Monsieur Chauveau, peut-être aurez-vous l'occasion de discuter un jour en détail avec M. Gilles Huberson, fin connaisseur de ces questions, des élections au Mali. Sur le plan général, un accord doit être trouvé entre les formations politiques maliennes sur l'établissement de listes électorales considérées comme satisfaisantes par tous, car ce n'est pas en attendant trois mois supplémentaires que l'on répondrait mieux à la question que vous posez. M. Huberson m'a indiqué que de nombreux doubles nationaux maliens résident dans différents pays africains ; s'il faut les recenser tous, il n'y aura pas d'élections possibles avant deux ans. Autant dire qu'il faut très vite parvenir à un accord fondé sur la bonne volonté.

Monsieur Bui, la situation en Mer de Chine mérite sans doute une audition à elle seule ; je suis à votre disposition pour que nous y revenions en une autre occasion.

Il est vrai, madame Fort, que Mme Merkel a pris position sur la Turquie quelques jours après la France ; je n'aurai pas l'outrecuidance d'imaginer que nous avons frayé le chemin, mais nous avons le sentiment d'une petite ouverture. La Turquie a accueilli un très grand nombre de réfugiés et c'est pour elle une charge considérable. Dans le même temps, elle est très attentive aux problèmes syrien et kurde, questions dont je m'entretiens régulièrement avec mon homologue turc.

Pour obtenir la libération des otages français, le Gouvernement, madame Guittet, mène une action aussi déterminée que discrète. J'ai reçu la famille des sept personnes enlevées au Cameroun, qui fait preuve d'un courage remarquable. Je me rendrai vendredi au Nigéria et au Cameroun, où je m'entretiendrai avec les présidents de ces deux pays. Nous travaillons à la libération de tous nos otages ; la situation de cette famille est particulièrement dure, quatre enfants, dont le plus jeune est âgé de quatre ans et demi seulement, faisant partie du groupe enlevé. L'ensemble de nos services est mobilisé.

Au Mali, nous nous efforçons, monsieur Saïd, de convaincre nos interlocuteurs que la transition démocratique doit avoir lieu et que, pour cela, il faut parler avec tout le monde, à condition que deux principes soient respectés : l'intégrité du territoire et la condamnation du terrorisme. Une fois ces principes acquis, il faut entrer dans la discussion sur les procédures et les dates.

Monsieur Myard, les spécialistes considèrent que les mouvements ultra-radicaux sont pour le moment très minoritaires en Syrie mais que plus le conflit dure, plus le risque est grand qu'ils prennent le dessus. Ce serait désastreux et pour les Syriens et pour les Russes, qui ne peuvent souhaiter le chaos généralisé.

Je considère, monsieur Reitzer, que la France n'accorde pas à l'Amérique latine l'attention qu'elle mérite. Le Pérou, la Colombie et Panama représentent, cumulés, l'équivalent du Brésil. Le taux de croissance annuel de la Colombie est supérieur à 5 % depuis des années et ce pays est très bien disposé à l'égard de la France, comme le sont Panama et le Pérou ; les possibilités commerciales sont considérables. Le 31 mai, le Président de la République recevra le président du Panama. Les entreprises Vinci et Alstom ont déjà d'importants chantiers à Panama mais nos PME n'y sont pas très présentes. Or, un champ d'activités considérable s'offre à elles, qu'elles ne saisissent pas suffisamment, ni dans le domaine civil ni dans le domaine militaire.

En Guinée, plusieurs personnes ont trouvé la mort au cours de manifestations dans la perspective des élections générales. Nous avons adressé au président Alpha Condé et à l'opposition des messages de retenue, lancé un appel au dialogue politique, condamné la violence, demandé le respect du droit de manifester et engagé à des élections libres et transparentes. Votre inquiétude, madame Guittet, est partagée.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion