Intervention de Frédéric Cuvillier

Réunion du 27 mars 2013 à 16h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche :

Le projet de loi comporte 25 articles, souvent d'apparence technique mais au service d'une ambition politique : d'une part, renforcer la prise en compte du développement durable, des risques écologiques et de la protection des salariés dans le secteur des transports, d'autre part, introduire diverses mesures s'appliquant aux différents modes de transport.

Adopté à l'unanimité par le Sénat le 12 février dernier, le texte a été amélioré et clarifié, levant certaines interrogations formulées par les professionnels. Sa principale disposition, à l'article 7, porte sur la mise en oeuvre de l'écotaxe sur les poids lourds. Conçue comme un élément de fiscalité écologiquement responsable, elle doit être aussi économiquement supportable à travers un dispositif technique à la fois réaliste et stable.

La taxe résulte, dans son principe, d'une loi de finances antérieure. Le dispositif présenté maintenant permet aux entreprises de transport routier de majorer le prix de leurs prestations afin d'intégrer celle-ci et de la répercuter sur leurs clients. Il en avait été d'abord discuté dans le cadre du Grenelle de l'environnement, adopté par le Parlement en 2009, également à l'unanimité. Elle devait être mise en place en 2011 avant que son application se trouve différée.

La taxe porte sur les poids lourds de plus de 3,5 tonnes empruntant un réseau routier non payant. Son barème prend en compte à la fois la taille des camions et leurs performances environnementales. Afin de respecter le principe écologique à la base de sa création, le Gouvernement fait d'emblée savoir qu'il émettra un avis défavorable à tous les amendements visant à exonérer telle ou telle catégorie de transporteurs.

Aujourd'hui, les transporteurs routiers ne couvrent pas tous les coûts d'usage de la route. Nous entendons qu'ils contribuent au financement des infrastructures, actuellement à la charge des collectivités territoriales et de l'État. Le dispositif projeté cherche donc d'abord à optimiser le transport routier, notamment à travers le choix des itinéraires, l'organisation des tournées et la complémentarité des modes de transport, entre lesquels l'écotaxe doit également servir à corriger les distorsions de concurrence.

Son mécanisme poursuit trois objectifs : envoyer, particulièrement aux chargeurs, un signal-prix afin de les sensibiliser à la réalité du coût du transport routier ; rationaliser le transport, notamment sur moyennes distances ; enfin faciliter le financement des infrastructures nécessaires à la politique de développement intermodal et à sa prise en charge par l'agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) alimentée par le produit de l'écotaxe. Cette dernière n'est pertinente qu'à la condition d'être équilibrée et de ne pas mettre en difficulté un secteur déjà économiquement très éprouvé. Elle ne doit pas, non plus, se fondre dans le budget général de l'État : elle est affectée au financement des formules alternatives de transport.

Lors des nombreuses discussions avec les professionnels, il est apparu que l'écotaxe devait être répercutée sur les clients des transporteurs et qu'il convenait de revoir entièrement le décret du 4 mai 2012. L'application du texte devra s'accompagner de mesures relatives à la sous-traitance, probablement dans le cadre de négociations de branche, ainsi qu'à certains contrôles qu'il conviendra de renforcer. Nous voulons mettre en place un dispositif simple, compréhensible, économiquement responsable et efficace. La commission que préside votre collègue M. Philippe Duron, chargée de hiérarchiser les projets inscrits au Schéma national des infrastructures de transport (SNIT), devrait bientôt rendre son rapport.

Le projet de loi prévoit donc une majoration du prix des prestations de transport routier par application d'un taux établi au niveau régional, incluant les frais de gestion supportés par les entreprises. Aucun système n'est évidemment parfait et quelques difficultés pourront subsister. Nous les évoquerons lors de la discussion des amendements.

Je souhaite aussi que l'on assure une surveillance de l'application du nouveau dispositif durant sa première année et qu'on y associe le Parlement. Nous pourrons ensuite améliorer son efficacité et sa pertinence.

Sa mise en oeuvre devait intervenir le 20 juillet 2013. Nous avons choisi de la différer au 1er octobre, compte tenu des incertitudes pesant sur la société Écomouv'. Nous disposerons ainsi profiter d'une période de rodage.

Les rapports sont aujourd'hui très déséquilibrés, sur le plan commercial, entre les différentes composantes du secteur des transports. Nous entendons renforcer la sécurité juridique afin de préserver les intérêts de chacun. La taxe sur les poids lourds ne doit pas représenter une charge supplémentaire venant fragiliser les entreprises de transport et leurs salariés en les exposant à un surcroît de concurrence étrangère.

Nous introduisons par ce texte la première fiscalité environnementale dans notre ordre juridique, ce qui implique un effort soutenu d'explication et de pédagogie.

Les autres dispositions du projet de loi concernent le transport fluvial, notamment pour réduire les risques environnementaux et améliorer la sécurité de la navigation : l'article 12 prévoit, par exemple, des procédures de déplacement d'office des bateaux. Elles touchent aussi à la sécurité maritime, conformément aux dispositions internationales, avec la transcription en droit interne, à l'article 16, du régime général de responsabilité du propriétaire du navire défini par la convention de Londres de 1992 en cas de marée noire. L'article 20 prévoit plusieurs dispositions relatives à l'inspection à bord des navires.

Le texte se veut aussi socialement protecteur aux termes d'une de ses dispositions majeures qui, à l'article 23, prévoit comment, dans certaines conditions et dans le respect des prescriptions de l'Union européenne, les armateurs et les compagnies nationales peuvent exercer leur métier selon des modalités concurrentielles analogues à celles des compagnies étrangères, notamment pour le cabotage et les liaisons de continuité territoriale. Cela concerne la notion même de navire et les conditions offertes par les pays d'accueil au regard des droits des salariés et de leur protection sociale, ainsi que les sanctions pénales auxquelles s'exposent les armateurs en cas de violation de leurs obligations. Cela permettra d'éviter que des navires battant pavillon étranger opèrent sur nos lignes nationales selon des modalités socialement inacceptables et en provoquant des distorsions de concurrence.

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