Intervention de Frédéric Cuvillier

Réunion du 27 mars 2013 à 16h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche :

Je m'en remets à la sagesse des collectivités territoriales.

J'ai déjà eu l'occasion de m'expliquer sur le calendrier de l'expérimentation, qui se déroulera en juillet et en août, le dispositif entrant en vigueur au 1er octobre. Les recettes estimées s'élèvent à 1,2 milliard et les frais de gestion à 230 millions, qui comprennent l'équipement des portiques de contrôle, du système informatique et du réseau de distribution. Ce coût a fait débat au Sénat mais, dès lors que le système est acquis et qu'il fait l'objet d'un contrat avec la société Écomouv', c'est en termes de proposition ou de contribution, et non de remise en cause, que la discussion doit s'engager.

La constitutionnalité du dispositif n'est pas douteuse ; le texte a été validé par le Conseil d'État. La majoration proposée ne pourra intervenir que si elle est limitée et exceptionnelle, mais elle ne peut être contestée par le biais d'une question prioritaire de constitutionalité.

Monsieur Yannick Favennec, vous avez été interrogé par des chefs d'entreprise qui effectuent des transports pour leur compte propre. Mais l'écotaxe sur les poids lourds s'applique uniquement à ceux qui exercent la profession de transporteur. Certes, le transport intervient plus ou moins selon les services : il compte plus pour un déménagement que pour une livraison. Mais ceux qui s'inquiètent le plus de la taxe sont ceux qui la connaissent le moins. Seul 1 % du réseau routier est soumis à taxation; les itinéraires de proximité ne le sont pas. Sur ce point, nous nous en sommes remis à une décision nationale et aux conseils généraux.

Par ailleurs, dans ce type de distribution réalisée par les grossistes ou les entreprises agricoles, et où le transport représente au maximum de 20 % de la prestation, l'écotaxe poids lourds, qui ne porte que sur le transport, ne constitue qu'une partie infime du prix – quelques centimes –, notamment pour les personnes dont l'activité professionnelle n'est pas d'être transporteurs. Si, par hasard ou du fait d'une activité spécifique, il devait en être autrement, il serait possible de négocier le prix ou d'isoler la part du transport dans le prix et de la répercuter – ce qui implique certes une comptabilité compliquée. C'est précisément ce que nous nous sommes efforcés d'éviter, car le précédent décret soumettait tout type de transport à une répercussion au réel : pour chaque client, chaque itinéraire et chaque tonnage, la taxe devait être répercutée à due proportion, ce qui était intenable sur le plan comptable et administratif.

Il conviendra, en revanche, d'analyser les conséquences du dispositif sur le territoire, afin d'identifier les obstacles qui viennent en miner l'efficacité. Il est encore mal connu des professionnels – à qui l'on ne peut faire grief de ne pas avoir l'oeil rivé sur nos débats – mais, l'écotaxe poids lourds s'appliquant sur 1 % du réseau et le transport de proximité n'étant qu'une part de l'activité de la distribution et des grossistes, elle a des conséquences minimes.

Vous avez recommandé à juste titre, monsieur François-Michel Lambert, d'éviter la multiplication des dérogations et exonérations. Si M. Guillaume Chevrollier vient demander à M. Philippe Duron de financer de nouvelles infrastructures, sans doute ne se plaindra-t-il pas de la création de l'écotaxe poids lourds. Tenons-nous-en aux dispositifs existants, qui ont leur stabilité.

Monsieur Olivier Falorni, vous avez souligné, à juste titre, la forte demande exprimée par les gens de mer, notamment en matière de réforme sociale. Il nous faut affirmer que le droit du travail s'applique à l'ensemble des équipages et nous nous acheminons vers le dispositif le plus compatible qui soit avec le droit européen.

L'écotaxe poids lourds est affectée à l'AFITF et il conviendra de déterminer, avec l'État stratège, les politiques d'accompagnement à mettre en oeuvre, car cette affectation du produit de la taxe ne dispense pas d'élaborer des mesures d'aide au transport combiné, au dernier kilomètre ou à des transports vertueux d'un point de vue environnemental. Plutôt que de multiplier les dispositifs, ceux-ci doivent être fléchés vers l'AFITF. Ces dispositifs se mettront en place dans le temps, car nous avons déjà des actions à financer. Le report de l'écotaxe poids lourds nous permettra de dégager non pas 400 millions d'euro, mais seulement 80 millions, ce qui nous conduira à travailler à partir du fonds de roulement et à lisser les actions dans le temps. Ce sera provisoire et nous pourrons, je l'espère, procéder dans quelques années à un indispensable rattrapage du financement de l'AFITF.

Sur la redevance domaniale, les discussions sont encore en cours avec les sociétés d'autoroutes et nous souhaitons parvenir à un dispositif qui soit juridiquement solide. Le transport étant très sensible à l'activité économique, on assiste plutôt à une diminution du transport poids lourd sur les autoroutes. L'intérêt de la redevance domaniale est de ne pas se répercuter sur le prix à l'usager. Il nous faut travailler avec les concessionnaires d'autoroutes à un plan de relance comportant des investissements environnementaux, des équipements et des infrastructures. C'est une question pertinente et le Gouvernement procède actuellement à l'augmentation de la redevance.

La taxe à l'essieu, qui est au minimum, procède d'une logique différente. Je ne me sens pas lié par l'engagement de suppression de cette taxe. Son abolition serait, en outre, contraire à la directive européenne relative à l'eurovignette.

Monsieur Jean-Marie Sermier, les transporteurs pour compte propre ne sont pas des transporteurs routiers, mais des personnes utilisant le transport dans le cadre de leur travail. Les deux solutions, je le rappelle, consistent à isoler le prix du transport ou à le répercuter dans le prix de vente au client.

Monsieur Jean-Louis Bricout, la RN 2 n'est pas un délaissé routier même si elle peut parfois en avoir l'apparence. La liste des délaissés routiers, voies déclassées après consultation des collectivités locales, est très limitative ; elle a été remise à votre rapporteure. Il s'agit de purger des difficultés ponctuelles sur quelques kilomètres – moins d'une dizaine pour le plus long de ces tronçons – avec compensation ou dotation de l'État pour éviter toute difficulté.

Monsieur David Douillet, je n'ai pas connaissance d'ambulances privées de plus de 3,5 tonnes devant être classées comme véhicules de transport de marchandises. Quant à la notion d'activité d'intérêt général, ses limites ne sont pas forcément claires, mais il existe une liste des véhicules entrant dans cette catégorie. Un amendement a été déposé sur ce point et j'ai défendu au Sénat une position très restrictive, recommandant de ne pas ouvrir une boîte de Pandore qui provoquerait de difficiles déterminations en la matière, notamment pour ce qui concerne les véhicules des collectivités locales et de l'État, ainsi que les véhicules de travaux publics – même s'il est certain que, pour ces derniers, le prix du transport sera répercuté dans le prix des travaux. Évitons une liste à la Prévert des exonérations, sous peine de miner le principe même de la taxe. Il revient aux parlementaires d'amender le texte s'ils le souhaitent et je m'en remets pour cela à leur sagesse.

Peut-être évoquerons-nous plus tard le système allemand. Il faudrait, en tout cas, travailler avec l'Allemagne. Du reste, pour le ferroviaire comme pour l'ensemble des transports, la réglementation européenne devrait assurer la compatibilité des systèmes et il est regrettable que cette question ne jouisse pas de la priorité qu'elle mérite.

Le système est vertueux sur le plan environnemental pour ce qui est de l'affectation et de l'usage des sommes allouées, ainsi que pour ce qui concerne l'accompagnement de certains dispositifs et même pour les expériences menées sur la « route du futur », intelligente et moins consommatrice d'énergie. Ces thématiques ne sont pas encore mûres et je vous renvoie, à ce propos, au récent colloque sur les systèmes de mobilité intelligents de l'Institut des routes, des rues et des infrastructures pour la mobilité (IDRRIM). De telles actions peuvent donner lieu à des cofinancements si nous avons de bons retours d'une application réelle et efficace de l'écotaxe poids lourds.

Enfin, il est vertueux que ce dispositif soit le seul mécanisme fiscal et financier qui distingue le transport issu d'autres pays, qui pratiquent souvent une concurrence déloyale.

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