Pour avoir essayé de servir dans ce secteur passionnant et difficile, j'ai évidemment de nombreuses interrogations et questions. Je veux d'abord vous dire mon total soutien à votre position sur la possibilité d'un accord de libre-échange avec les Etats-Unis. Il est important qu'on essaie de construire, surtout dans la géopolitique mouvante de ce début de siècle, des alliances économiques entre des pays qui nous sont proches sur le plan culturel et quant aux défis qui les attendent, notamment vis-à-vis de l'Asie. J'ai été sensible à votre proposition d'un « Buy Transatlantic Act ». Si nos marchés publics étaient ouverts, ce serait un avantage énorme pour nos industries et nos emplois face à des concurrents asiatiques qui sont extrêmement difficiles et même des Brésiliens qui sont très durs en termes d'accès au marché. Je soutiens donc totalement votre action et j'espère que nous pourrons avancer rapidement.
Lorsque j'occupais la même fonction que vous, j'avais bloqué les négociations avec le Japon car il n'était pas possible d'y vendre le moindre kilogramme de boeuf depuis plus de quinze ans, et de même pour le porc. J'ai entendu dire que le mandat de négociation a été donné. Qu'avez-vous obtenu exactement des autorités japonaises et qu'avez-vous obtenu de Karel De Gucht, qui était très ambigu sur cette question, le reste de l'Europe étant désireux de conclure un accord avec le Japon et étant prêts à sacrifier les intérêts agroalimentaires français ? J'ajoute que le Japon était le seul pays avec Israël qui n'achetait aucun Airbus, j'en avais vendu deux et j'ai appris qu'on en a vendu une vingtaine à Japan Airlines, ce qui est une bonne chose. On ne vendait pas un avion civil, on n'avait pas de coopération militaire et pas de coopération dans l'agroalimentaire : cela faisait beaucoup pour signer un accord de libre-échange.
Concernant la question de la présidente Elisabeth Guigou, à laquelle vous n'avez pas répondu, sur la compétitivité, j'avais demandé aux services de Bercy à quel moment et pourquoi le commerce extérieur français s'était effondré. J'avais dit les choses lorsque j'étais en poste : nous étions à - 75 milliards d'euros de solde quand les Allemands étaient à + 160 milliards. Aujourd'hui les Allemands sont à + 188 milliards et nous sommes toujours dans les mêmes zones de déficit. Il faut regarder en face les causes du déficit. Cela remonte au début des années 2000 avec plusieurs évènements : l'entrée dans la zone euro qui a mis fin aux fluctuations de change, permettant à la compétitivité industrielle allemande de jouer à plein ; l'adoption des 35 heures au moment où les Allemands adoptaient les lois Hartz ; l'entrée de la Chine dans l'Organisation mondiale du commerce (OMC). C'est cet ensemble de facteurs qui a précipité la chute de notre compétitivité, chute qui a été la plus visible en Europe, car c'est là que nous avons perdu l'essentiel de nos parts de marché. Il faut donc regarder l'écart de compétitivité-coût lié aux coûts du travail, qui est avec l'Allemagne de 10 % dans l'industrie et de 25 % dans l'agroalimentaire. Ce mur de compétitivité reste devant nous et je ne suis pas sûre qu'on aille dans la bonne direction.
Il y a aussi l'accompagnement du commerce extérieur et ses différents leviers. Ubifrance doit continuer à passer d'un accompagnement quantitatif à une analyse des résultats. Concernant la Coface, il faut un système plus moderne et tourné vers les PME puisque c'est là que le bât blesse, car contrairement à l'opinion de M. Destot, ce n'est pas la vente de services qui crée de la richesse dans notre pays et de l'emploi. Il faut donc être capable d'entraîner le tissu des PME : cela passe par la mobilisation de la Coface, la politique des filières, les liens entre les grands groupes et les PME et enfin les régions. J'avais essayé de créer des guichets régionaux et vous savez que les dirigeants sont plus ou moins ouverts à l'export, certains le font bien comme la région de Martine Aubry, d'autres moins. Quelle est votre évaluation ? Je pense comme vous que c'est une voie d'avenir, mais va-t-on y arriver ?
Enfin et c'est une question sur laquelle j'avais aussi commandé une étude, il y a le problème de l'aide liée. Nous sommes très forts pour financer des études avec l'argent du contribuable, comme par exemple sur le métro au Vietnam, pour des marchés qui sont ensuite attribués à des entreprises étrangères. Les Chinois, les Japonais et d'autres ne fonctionnent pas de la même façon : ceux qui financent obtiennent le contrat. Je sais que c'est un débat, mais l'aide liée n'est-elle pas une méthode pour avoir accès aux marchés étrangers ?