Audition, ouverte à la presse, de Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur
La séance est ouverte à seize heures trente.
Le Gouvernement a fait du rétablissement du solde de nos échanges une priorité, après la dégradation massive constatée durant le quinquennat précédent. Cette priorité s'est traduite par des gestes politiques forts, comme la création d'un ministère du commerce extérieur de plein exercice et la nomination de personnalités éminentes, notamment Martine Aubry, Jean-Pierre Raffarin et Jean-Pierre Chevènement, pour défendre nos intérêts économiques chez nos principaux partenaires dans le monde.
Par ailleurs, les résultats du commerce extérieur pour 2012 montrent enfin un léger tassement de notre déficit, malgré une facture énergétique en hausse et malgré la conjoncture très mauvaise en Europe. Ces résultats ont été obtenus, on doit s'en féliciter, grâce au dynamisme de nos exportations extra-européennes. Le nombre d'entreprises exportatrices a également augmenté. Cependant, nous constatons aussi que nos excédents se concentrent de plus en plus sur quelques points forts, comme l'aéronautique et le vin. Cette spécialisation croissante est peut-être inhérente au développement des échanges mondiaux. Elle est toutefois inquiétante à certains égards.
Dans ce contexte, la ministre va nous présenter les axes de sa politique. J'aimerais qu'elle puisse nous dire, dans ce cadre, ce qu'est à son avis la marge de progression qui peut résulter directement de l'action de son ministère, c'est-à-dire ce que sont les gains de parts de marché que l'on peut raisonnablement espérer de l'amélioration de nos systèmes de soutien à l'export, et ce qui relève de la compétitivité générale et donc de l'ensemble de l'action du Gouvernement, qui a fait de la compétitivité une priorité absolue.
De toute façon, nous le savons, les leviers principaux de notre politique commerciale sont à Bruxelles. Nous ne devons pas regretter d'avoir donné la compétence commerciale à l'Union européenne, car le poids économique est la condition pour exister dans les négociations commerciales internationales et c'est donc un avantage énorme d'appartenir au premier bloc commercial du monde. De plus, les gouvernements nationaux ont conservé dans ce domaine leurs prérogatives, puisque c'est le Conseil qui élabore les mandats de négociation donnés à la Commission et que l'unanimité est même requise dès que l'on touche à des matières sensibles comme les biens culturels. Nous avons donc les moyens d'exercer notre vigilance et il faut le faire effectivement.
La démarche actuelle de négociation d'accords de libre-échange avec les grandes puissances commerciales suscite des interrogations. Un peu moins de deux ans après l'entrée en vigueur de l'accord avec la Corée, on lit des choses pour le moins contradictoires sur ses effets, en particulier dans la filière automobile. Les négociations effectives avec le Japon semblent proches de commencer. Avec les Etats-Unis, nous en sommes à la définition du mandat de négociation et le Président de la République a eu des paroles très fortes sur ce qui n'est pas négociable, à savoir les normes sanitaires et l'exception culturelle. L'enjeu principal de ce type de négociations, ce sont en effet les « obstacles non-tarifaires », c'est-à-dire tout un ensemble de règles et de normes qui sont parfois adoptées à des fins protectionnistes, mais qui correspondent aussi à des intérêts essentiels de protection de la santé, de protection du droit des consommateurs à accéder à une offre diversifiée et de qualité, de préservation des modes de vie.
Comment le Gouvernement envisage tous ces accords, et en particulier celui avec les Etats-Unis : que pouvons-nous en attendre ? Faut-il partager l'optimisme de la Commission européenne sur les gains économiques que l'on peut en escompter ? Quelles sont les chances d'arriver à un accord avec les Etats-Unis et avec le Japon ? Quelles sont les priorités du Gouvernement et les lignes rouges qu'il n'acceptera pas de franchir ? L'Assemblée nationale pourrait-elle être associée au suivi de ces négociations, comme l'est déjà, institutionnellement, le Parlement européen ?
Je commencerai mon propos en replaçant la France – et l'action que j'ai l'honneur de mener – dans le contexte des profondes mutations que nous connaissons aujourd'hui.
L'invitation de quinze chefs d'Etat au sommet des BRICS – Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud –, qui se tient en ce moment à Durban, montre tout d'abord qu'une forte coopération sud-sud se met en place. Même si l'on est encore loin d'accords de libre-échange, des liens pragmatiques se nouent autour de projets ponctuels. Les BRICS, qui représentent 43 % de la population mondiale et 25 % du PIB, ont ainsi affiché leur ambition de créer leurs propres institutions, dont une banque. D'après une dépêche tombée en début d'après-midi, un accord aurait été trouvé sur ce dernier point. Ils ambitionnent également de relancer l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et le processus de Doha, tout en réformant le Conseil de sécurité des Nations Unies.
En Asie, on observe une multiplication des accords de libre-échange, qui sont soit déjà conclus, tels que l'ASEAN ou les accords entre, d'une part, la Corée du Sud et l'Inde et, d'autre part, entre ce dernier pays et le Japon, soit en cours de négociation, comme l'accord entre la Chinée, la Corée du Sud et le Japon, qui vient d'être relancé.
Quant aux Etats-Unis, ils s'efforcent très activement de structurer le TPP – le Partenariat trans-Pacifique –, qui pourrait regrouper douze pays : les Etats-Unis, l'Australie, Brunei, le Chili, la Malaisie, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, Singapour, le Vietnam, la Corée, le Mexique, le Canada, auxquels le Japon devrait se joindre prochainement. Un nouveau bloc pourrait donc émerger.
En Afrique, le « continent de demain », on s'attend à une croissance du marché agro-alimentaire de 45 % d'ici à 2020. Les populations urbaines s'y développent aussi à grande vitesse : en 2016, 500 millions d'Africains vivront en ville. Aujourd'hui, 81 % de la consommation africaine se concentre dans un petit nombre de pays – Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Egypte, Angola, Ghana, Nigéria, Ethiopie et Ghana.
Cette recomposition du paysage s'accompagne d'une panne du multilatéralisme, après un regain consécutif à la chute du mur de Berlin. La volonté affirmée des BRICS de relancer les négociations à l'OMC se heurte en particulier à leur propre refus de prendre des responsabilités égales à leur puissance commerciale. Le nouveau round de négociations qui aura lieu lors de la conférence de Bali est peut-être l'une des dernières chances du multilatéralisme.
Partant de ce constant, l'Union européenne s'est engagée dans un cycle de négociations bilatérales. Plusieurs accords ont déjà été signés, avec la Corée ou encore avec la Colombie et le Pérou, et d'autres sont presque finalisés, notamment avec le Canada. Les discussions ont également commencé lundi avec le Japon, par voie téléphonique – un déplacement à Tokyo a dû être remis à plus tard en raison de la crise chypriote. Quant au projet d'accord avec les Etats-Unis, les discussions ont commencé sur le mandat de négociation.
Si l'Union européenne – et la France avec elle – peuvent tirer leur épingle du jeu dans ce monde multipolaire, c'est que nous sommes la première force de marché, devant les Etats-Unis. Avec une population de 500 millions d'habitants et un PIB de 12 600 milliards d'euros, l'Union européenne est le premier exportateur de biens et de services. Son excédent en matière de produits industriels a triplé en dix ans, et elle est aussi excédentaire en matière de services et de produits agricoles et agro-alimentaires.
L'Union européenne doit négocier avec les autres puissances, notamment la Chine, qui est devenue le deuxième exportateur mondial. Je me félicite de la création de votre mission d'information sur ce pays, où je me suis rendue au mois de janvier et où je retourne à la fin du mois dans le cadre du voyage d'Etat du Président de la République. Je suis prête à venir m'exprimer devant vous. L'Inde et le Brésil, qui sont des pays difficiles, doivent aussi ouvrir leurs marchés.
Ce que la France ne peut obtenir seule, l'Union européenne le peut. Tous veulent signer un accord de libre-échange avec elle, à l'instar du Japon. Nous avons âprement négocié le mandat donné à la Commission européenne pour les négociations avec ce pays. Si le mandat est fragile, en effet, les difficultés que l'on a voulu occulter au début des négociations refont surface à la fin. C'est ce que l'on constate aujourd'hui avec le Canada : la Commission souhaitait conclure les négociations à la fin de l'année dernière, mais cela n'a pas été possible pour diverses raisons – la nature fédérale du Canada, qui complique les négociations, ou encore des blocages persistants sur les indications géographiques. L'exemple du Canada est important, car cet accord préfigure en quelque sorte celui qui pourrait être conclu avec les Etats-Unis.
En ce qui concerne le Japon, la France a porté l'exigence d'une baisse des barrières réglementaires au même rythme que celle des barrières tarifaires. Les Japonais ont donné des signes positifs, en acceptant notamment l'ouverture de leur marché ferroviaire et la reprise des exportations européennes de viande bovine. Il reste beaucoup à faire, notamment en ce qui concerne les barrières dans le domaine sanitaire.
Les grands émergents, après avoir bousculé les règles du commerce, doivent maintenant contribuer au bien public mondial. Nous avons engagé une discussion sur ce sujet au sommet du G20 de Los Cabos, en juillet dernier. J'ajoute que les pays du Sud ne donnent plus l'impression de former un bloc homogène : il appartient maintenant aux grands émergents d'assumer leurs responsabilités, et des émergents de taille intermédiaire, les CIVETS – Colombie, Indonésie, Vietnam, Egypte, Turquie et Afrique du Sud – sont apparus.
Pour ce qui est de l'accord avec les Etats-Unis, j'ai rendu public hier la consultation avec les entreprises, qui a été un vrai succès – nous avons reçu cinq fois plus de réponses que pour l'accord avec le Japon, ce qui montre l'intérêt des entreprises françaises. Vingt ONG ont également apporté une réponse, et je rencontrerai bientôt la Confédération européenne des syndicats (CES). Nous savons que les syndicats américains sont plutôt favorables à cet accord, mais j'aimerais aussi connaître l'avis de leurs homologues européens.
Nous avons certainement intérêt à un accord avec les Etats-Unis, mais l'importance des échanges avec ce pays, qui représentent 40 % du commerce mondial, exige une attention toute particulière. Cet accord servira de référence au plan mondial. Nous devons donc donner un bon mandat à la Commission, à la fois clair, précis et ferme. Nos lignes rouges sont connues : l'exception culturelle et certaines préférences collectives, concernant par exemple le boeuf aux hormones et les OGM. On peut certes espérer un accord lors du sommet du 14 juin, comme la présidence irlandaise le souhaite, mais il n'y a pas lieu de se précipiter. La discussion doit s'engager sur de bonnes bases avec les Etats-Unis, qui ont encore beaucoup recours à des mesures protectionnistes. Il faut obtenir une baisse des barrières non tarifaires et un rapprochement des réglementations par le haut.
Du fait de l'importance des échanges avec les Etats-Unis, cet accord pourrait paradoxalement conduire à une relance du multilatéralisme. Afin de compenser l'axe Europe-Etats-Unis, de nombreux pays chercheront en effet à revitaliser l'OMC.
Pour ce qui est de la France en particulier, notre pays a une voix qui porte au sein de l'Union européenne. Elle doit l'utiliser, en formant des coalitions à géométrie variable en fonction de ses intérêts, afin d'aboutir à une politique commerciale européenne plus équilibrée. La France doit aussi tirer parti des atouts liés à son histoire. Nous devons profiter de notre relation particulière avec certains pays pour renforcer notre coopération économique, industrielle et commerciale avec eux. Je rappelle que nous conservons avec les pays méditerranéens des parts de marché situées entre 12 et 14 %, bien au-delà de notre moyenne mondiale de 3,1 %.
Il faut conforter cette relation en trouvant de nouveaux débouchés. Il faut notamment développer une Méditerranée des projets. On sait que les débouchés vont être importants dans les secteurs de l'agroalimentaire et de la ville durable. Il faut renforcer nos liens. Je suis allée déjà deux fois au Maroc et j'y retourne la semaine prochaine avec le Président de la République qui y effectue une visite d'Etat. J'ai mis en avant – après d'autres –le concept de co-localisation, c'est-à-dire l'intérêt bien compris du développement de ces pays comme de notre croissance et de nos emplois en France.
En Algérie, le bon climat instauré par le Président de la République lors de sa visite d'Etat se vérifiera, je le souhaite, lors du forum économique qui se tiendra à Paris le 2 avril et que je co-présiderai avec le ministre algérien de l'industrie et du commerce, M. Rahmani. Je pense que les relations d'autorité politique à autorité politique sont très importantes, mais, pour que les liens soient durables et réguliers, il est peut-être encore plus important que les communautés d'affaires se parlent et se voient, d'entreprise à entreprise, même lorsqu'il s'agit d'entreprises d'Etat.
Avec l'Afrique, notre relation doit être tournée vers l'avenir et redéfinie pour accompagner l'émergence du continent. Il faut nous mettre sur un pied d'égalité avec les pays africains et placer au premier plan nos relations économiques. Nous devons privilégier l'axe du développement économique partagé ; ce fut d'ailleurs le sens de l'allocution du Président de la République à Kinshasa en octobre dernier.
Je me suis rendue au Kenya et j'irai bientôt en Ethiopie. Le plan export que j'ai présenté le 3 décembre 2012 met en avant les relais de croissance sur ce continent. La croissance se concentre dans quelques pays d'Afrique, notamment en Afrique anglophone et en Afrique lusophone. Ces pays sont donc des priorités. Je pense notamment à l'Afrique du Sud, au Nigéria, où je me rendrai, et à la Côte d'Ivoire. Notre objectif est de consolider nos positions en Afrique francophone et de conquérir des parts de marchés en Afrique australe et en Afrique de l'Est, qui ne sont pas nos marchés habituels mais vers lesquels nos grandes entreprises se déplacent petit à petit, ce qui est plutôt bon signe –signe que le marché a été bien analysé et que derrière, des entreprises plus modestes peuvent suivre. J'ai vu que nous avions des entreprises conquérantes au Kenya, qui n'est pas notre jardin naturel. Je pense par exemple à L'Oréal.
Sur l'accord de libre-échange entre les Etats-Unis et l'Europe, le Parlement français a été saisi le 19 mars. Le projet de mandat a été transmis conformément à l'article 88-4 de la Constitution. Vous savez donc que vous pouvez vous saisir de cette négociation et donner votre avis au travers de propositions de résolutions.
L'Europe est notre marché de proximité – nous y faisions en 2012 encore 59 % de notre commerce extérieur –, mais nous commençons à voir nos entreprises se déplacer vers des pays plus lointains, notamment vers l'Asie. Compte-tenu de la mutation du monde, de ces pays en croissance qui s'organisent et sont des marchés pour nous – même s'ils sont parfois lointains –, et compte tenu également d'une certaine difficulté de croissance en Europe, j'ai réorganisé nos instruments de politique commerciale en confiant aux régions le soin de piloter l'internationalisation des entreprises depuis leurs territoires, parce que je pense qu'être bien organisé en France augmente les chances de l'être à l'étranger. Les régions vont ainsi piloter des plans régionaux d'internationalisation des entreprises – les premiers devraient commencer à m'arriver à partir de la fin du mois de mars. J'étais vendredi à Angers avec le Premier ministre ainsi qu'avec Nicolas Dufourcq, directeur général de la Banque publique d'investissement (BPI). Dans les pays de Loire, nous avons régionalisé pour la première fois la BPI, qui est un outil stratégique et va apporter tous les financements qui concourent au développement et à la croissance de nos entreprises.
J'avais confié il y a quelques mois une mission à l'Inspection générale des finances sur la réorganisation de nos financements à l'export ; j'en présenterai les conclusions très rapidement. Notre offre actuelle est en effet un peu confuse. La BPI va distribuer à la fois les produits Coface, l'accompagnement d'Ubifrance et les produits financiers d'exportation proprement dits. En même temps, nous avons lancé avec CDC-entreprise, qui va se retrouver au sein de la BPI, un appel à projet pour constituer des fonds pour l'apport de capitaux propres –parce que pour tenir le coup à l'export, il faut avoir des fonds propres solides. Nous avons ainsi déjà délégué 150 millions destinés à des fonds de cette nature. La place des régions comme pilotes de l'export devrait donc être consacrée dans le projet de loi de décentralisation que ma collègue Marylise Lebranchu présentera le 6 avril en conseil des ministres et dont vous aurez à débattre en séance plénière. L'attribution de cette compétence de pilotage aux régions est logique : les régions ont déjà la compétence pour le développement économique et elles seront confortées dans l'innovation – et M. Lellouche le sait bien, on exporte d'autant plus facilement que l'on innove.
Dans le Pacte national pour la compétitivité, la croissance et l'emploi que nous avons présenté en novembre, Ubifrance a reçu pour objectif de recentrer son action sur l'accompagnement des PME dans la durée. Son président est là et peut en témoigner : 1000 PME innovantes devront être accompagnées pendant au moins trois ans. Ubifrance va déployer son plan progressivement : 250 entreprises cette année, 600 l'année prochaine et 1000 en 2015. Dans le même temps, nous redéployons nos forces et ouvrons de nouveaux bureaux Ubifrance à l'étranger : au Kenya, en Birmanie… Cette zone, l'ASEAN, est d'ailleurs une priorité politique et économique du Gouvernement français. Je suis allée avec le Premier ministre à Singapour et en Thaïlande, en Inde, au Vietnam et en Indonésie. Nous avons beaucoup de choses à améliorer dans cette région qui n'est pas une zone d'influence naturelle de la France. Au Vietnam par exemple, nous sommes seulement à 1 % de part de marché alors que nous y avons beaucoup investi.
Dans le Pacte de compétitivité, nous avons également fixé un objectif concernant les volontaires internationaux en entreprise (VIE), qui sont très utiles aux entreprises. Il y a actuellement seulement 7400 VIE pour 40 000 demandes annuelles. Notre objectif est d'augmenter leur nombre de 25 %. Ce dispositif fonctionne bien, mais n'est pas assez connu et utilisé par les PME.
Compte-tenu de la demande mondiale, qui se concentre dans 47 pays, j'ai déterminé quatre familles de produits où nos entreprises sont bien placées : mieux se nourrir ; mieux vivre en ville – ce qui englobe toute la gamme ayant trait à la ville durable – ; mieux se soigner ; enfin mieux communiquer, qui englobe le secteur du numérique et des nouvelles technologies, où nous avons une offre assez intéressante. Je rappelle que dans ce secteur, nous disposons de pôles de compétitivité qui sont une réussite et qu'il faut porter à l'étranger. Nous savons que notre faiblesse, on le dit souvent, est d'être insuffisamment regroupés. Je pense que ces familles permettront aux entreprises de se regrouper au travers d'offres intelligentes. Je nommerai d'ailleurs en avril quatre grands fédérateurs – deux hommes et deux femmes – qui animeront ces familles et m'aideront à organiser les entreprises françaises afin qu'elles conquièrent de nouveaux marchés.
Nos entreprises sont performantes. On ne le sait pas assez et, en France, on pratique facilement l'autodénigrement. Je vois beaucoup d'entreprises qui se battent et s'en sortent. Quelquefois, je vois des entreprises être en difficulté sur leur marché de proximité mais réussir à l'export. L'un n'empêche pas l'autre. Pour mon équipe et moi, il n'y a absolument pas de contradiction entre défendre la compétitivité des entreprises à l'exportation et défendre l'attractivité du territoire. Nous avons en France 20 000 entreprises étrangères qui produisent sur notre territoire. Nous sommes le premier pays à accueillir des investissements étrangers dans des centres industriels. A partir de ces entreprises étrangères, nous réexportons des biens et nous sommes souvent très performants. De nombreux pays nous font confiance et il faut le dire.
Par ailleurs, ce n'est pas parce qu'une entreprise s'internationalise qu'elle oublie son territoire. En général, une entreprise qui exporte travaille pour l'emploi et la croissance en France. C'est pourquoi je m'efforce de dire à tous mes interlocuteurs, qu'il s'agisse de fonds souverains ou de fonds privés : « venez investir en France, vous y serez bien accueillis ».
Vous avez insisté à juste titre sur la régionalisation du commerce mondial. Cette tendance très forte ne doit pas tuer le multilatéralisme ; en outre, nous devons faire en sorte que l'Europe et le France prennent leur part dans ces accords. Je suis aussi très heureuse que vous ayez mentionné l'Indonésie et le Vietnam. Quant à la Corée, vous y reviendrez j'en suis sûre dans les réponses aux questions qui vous seront posées. Lorsque l'on évoque les accords régionaux, pour l'Europe, il faut évidemment songer aux accords avec les pays méditerranéens et l'Afrique. Parmi les missions d'information que la commission des affaires étrangères a créées, dont je vous transmets la liste, une porte sur les révolutions arabes, une sur l'Algérie et une autre sur les pays émergents d'Afrique anglophone. Enfin, il était également très intéressant de vous entendre parler de la structuration de notre offre autour de familles de produits. J'insiste notamment sur le fait que nous pouvons pousser notre avantage dans le secteur de la santé.
Je veux d'abord saluer l'engagement et la détermination de la ministre. Je suis de ceux qui regrettent que la dimension commerciale ne soit pas davantage intégrée dans la culture politique et économique de notre pays. Il faut faire en sorte que ce sujet soit prioritaire, car à travers notre commerce extérieur nous mesurons notre attractivité et la qualité de notre économie. Cette préoccupation doit entrer dans nos gènes.
Je souhaiterais vous interroger sur le groupe des BRICS. Y a-t-il une spécificité commune à ces pays ? Certes, ce sont des grands pays, des marchés énormes. Mais nous connaissons aussi, je pense à la Chine, les difficultés rencontrées par nos PME pour s'implanter. Au Brésil où nous étions avec Jean-Paul Bacquet et où la qualité des équipes d'Ubifrance est grande, on ne peut que mesurer le chemin qui reste à parcourir. Nous sommes le quatrième investisseur, mais le onzième fournisseur ! Nous y éprouvons une grande difficulté à rehausser l'image de la France. Il est frappant de constater que dans les pays d'Amérique latine où les Etats-Unis étaient, il y a peu encore, honnis, ils sont aujourd'hui à nouveau le pays vers lequel l'on se tourne. C'est préoccupant. Ne faut-il pas multiplier les nominations comme celle de Mme Aubry ou de M. Raffarin, qui sont des ambassadeurs mais aussi des personnalités politiques, pour mener ce combat politique et économique nécessaire pour tirer vers le haut nos échanges.
Ensuite, n'avons-nous pas trop les yeux rivés sur l'exportation des biens plutôt que sur celle des services ? Un des sujets majeurs pour les années à venir est l'urbanisation croissante. La santé, les transports, l'eau, la gestion des déchets, notamment, sont des secteurs où l'Europe, et particulièrement la France, est très performante. Notre pays dispose d'une expertise, d'une ingénierie de grandes qualités, avec notamment nos collectivités territoriales.
Je veux rappeler que l'amélioration enregistrée sur les chiffres de notre commerce extérieur est due aussi à la baisse d'activité en France avec une baisse consécutive des importations. Nous faisions 5,6 % des exportations mondiales en 2001-2002 et nous ne sommes plus qu'à 3,1 % aujourd'hui. Il y a donc un problème et, de mon point de vue, il est monétaire.
Concernant les Etats-Unis, il faut effectivement tirer les leçons des négociations antérieures et donner un mandat précis à la Commission européenne, mais il faut aussi piloter la Commission, car on a pu constater par le passé qu'elle prenait certaines libertés – je me souviens de la passe d'armes entre Alain Juppé et le ministre britannique. Avec les Etats-Unis, il y a un sujet quantitatif mais aussi qualitatif, avec par exemple des réglementations très fortes dans certains secteurs où les Européens ne mettront pas les pieds. Il faut savoir que le directeur américain d'EADS doit remplir des formulaires comme un étranger pour aller dans certains bureaux.
Vous avez cité l'exception culturelle et vous avez eu raison mais le sujet ne date pas d'hier, il remonte aux accords Blum-Byrnes. Le problème ce sont les « cervelles lavées » qui distillent sur nos chaînes chansons et culture anglo-saxonnes. Croyez-vous que les chaînes britanniques diffusent la culture française ?
Je ne suis pas d'accord avec Michel Destot concernant les services, car ceux-ci n'ont quasiment aucun impact en matière d'emploi. Un directeur et deux techniciens suffisent pour mettre en oeuvre un grand contrat de services.
J'associe M. Jean-Pierre Dufau, en mission en Algérie, à mon intervention. Je souhaite attirer votre attention sur l'étiquetage des produits en provenance des colonies israéliennes de Cisjordanie et de Jérusalem-Est, qui sont illégales. Certains pays ont mis en place un étiquetage particulier.
J'aurai deux questions. La première concerne la compétitivité en général. Le solde de la balance commerciale dépend essentiellement de la compétitivité de nos entreprises. Sur quels facteurs est-il possible et utile d'agir ? Je m'interroge notamment sur les normes et sur la parité de l'euro. Ma seconde question concerne le protectionnisme sélectif : vous avez évoqué les accords de libre-échange avec les lignes rouges du Gouvernement, mais êtes-vous favorables à un protectionnisme sélectif, ne serait-ce que pour assurer une réciprocité ?
Pour avoir essayé de servir dans ce secteur passionnant et difficile, j'ai évidemment de nombreuses interrogations et questions. Je veux d'abord vous dire mon total soutien à votre position sur la possibilité d'un accord de libre-échange avec les Etats-Unis. Il est important qu'on essaie de construire, surtout dans la géopolitique mouvante de ce début de siècle, des alliances économiques entre des pays qui nous sont proches sur le plan culturel et quant aux défis qui les attendent, notamment vis-à-vis de l'Asie. J'ai été sensible à votre proposition d'un « Buy Transatlantic Act ». Si nos marchés publics étaient ouverts, ce serait un avantage énorme pour nos industries et nos emplois face à des concurrents asiatiques qui sont extrêmement difficiles et même des Brésiliens qui sont très durs en termes d'accès au marché. Je soutiens donc totalement votre action et j'espère que nous pourrons avancer rapidement.
Lorsque j'occupais la même fonction que vous, j'avais bloqué les négociations avec le Japon car il n'était pas possible d'y vendre le moindre kilogramme de boeuf depuis plus de quinze ans, et de même pour le porc. J'ai entendu dire que le mandat de négociation a été donné. Qu'avez-vous obtenu exactement des autorités japonaises et qu'avez-vous obtenu de Karel De Gucht, qui était très ambigu sur cette question, le reste de l'Europe étant désireux de conclure un accord avec le Japon et étant prêts à sacrifier les intérêts agroalimentaires français ? J'ajoute que le Japon était le seul pays avec Israël qui n'achetait aucun Airbus, j'en avais vendu deux et j'ai appris qu'on en a vendu une vingtaine à Japan Airlines, ce qui est une bonne chose. On ne vendait pas un avion civil, on n'avait pas de coopération militaire et pas de coopération dans l'agroalimentaire : cela faisait beaucoup pour signer un accord de libre-échange.
Concernant la question de la présidente Elisabeth Guigou, à laquelle vous n'avez pas répondu, sur la compétitivité, j'avais demandé aux services de Bercy à quel moment et pourquoi le commerce extérieur français s'était effondré. J'avais dit les choses lorsque j'étais en poste : nous étions à - 75 milliards d'euros de solde quand les Allemands étaient à + 160 milliards. Aujourd'hui les Allemands sont à + 188 milliards et nous sommes toujours dans les mêmes zones de déficit. Il faut regarder en face les causes du déficit. Cela remonte au début des années 2000 avec plusieurs évènements : l'entrée dans la zone euro qui a mis fin aux fluctuations de change, permettant à la compétitivité industrielle allemande de jouer à plein ; l'adoption des 35 heures au moment où les Allemands adoptaient les lois Hartz ; l'entrée de la Chine dans l'Organisation mondiale du commerce (OMC). C'est cet ensemble de facteurs qui a précipité la chute de notre compétitivité, chute qui a été la plus visible en Europe, car c'est là que nous avons perdu l'essentiel de nos parts de marché. Il faut donc regarder l'écart de compétitivité-coût lié aux coûts du travail, qui est avec l'Allemagne de 10 % dans l'industrie et de 25 % dans l'agroalimentaire. Ce mur de compétitivité reste devant nous et je ne suis pas sûre qu'on aille dans la bonne direction.
Il y a aussi l'accompagnement du commerce extérieur et ses différents leviers. Ubifrance doit continuer à passer d'un accompagnement quantitatif à une analyse des résultats. Concernant la Coface, il faut un système plus moderne et tourné vers les PME puisque c'est là que le bât blesse, car contrairement à l'opinion de M. Destot, ce n'est pas la vente de services qui crée de la richesse dans notre pays et de l'emploi. Il faut donc être capable d'entraîner le tissu des PME : cela passe par la mobilisation de la Coface, la politique des filières, les liens entre les grands groupes et les PME et enfin les régions. J'avais essayé de créer des guichets régionaux et vous savez que les dirigeants sont plus ou moins ouverts à l'export, certains le font bien comme la région de Martine Aubry, d'autres moins. Quelle est votre évaluation ? Je pense comme vous que c'est une voie d'avenir, mais va-t-on y arriver ?
Enfin et c'est une question sur laquelle j'avais aussi commandé une étude, il y a le problème de l'aide liée. Nous sommes très forts pour financer des études avec l'argent du contribuable, comme par exemple sur le métro au Vietnam, pour des marchés qui sont ensuite attribués à des entreprises étrangères. Les Chinois, les Japonais et d'autres ne fonctionnent pas de la même façon : ceux qui financent obtiennent le contrat. Je sais que c'est un débat, mais l'aide liée n'est-elle pas une méthode pour avoir accès aux marchés étrangers ?
Vous l'avez rappelé, Madame la ministre, l'agroalimentaire constitue un point fort du commerce extérieur français. Et vous l'avez dit aussi, les échanges intra-communautaires restent prépondérants dans ce commerce. Or, on constate que la concurrence intra-européenne est devenue très rude dans l'agroalimentaire. On peut même parler d'une guerre commerciale avec l'Allemagne, où certains utilisent abusivement la « directive Bolkenstein » ; dans les abattoirs allemands, les salariés venus d'Europe de l'Est sont payés 4 à 7 euros de l'heure, quand on en est à 20 euros de l'heure en France charges comprises. Et même l'établissement éventuel d'un salaire minimum en Allemagne ne réglera pas tout le problème, car il sera toujours possible de recourir à des salariés venus de l'est.
Deux plaintes ont été déposées par rapport à cette situation, l'une par des industriels français, l'autre, plus récemment, par deux ministres belges. Quelle est la position du Gouvernement sur ces plaintes ? Compte-t-il s'y associer ? Pouvons-nous peser sur les autorités allemandes, afin d'éviter une procédure judiciaire qui durera dix ans, au terme desquels, quel que soit le jugement final, les entreprises françaises concernées auront disparu ?
Par ailleurs, quelle est votre stratégie vis-à-vis de l'ASEAN ? Serait-il possible de s'appuyer sur les Français originaires de ces pays ?
La mauvaise utilisation de la directive sur les travailleurs détachés est un problème important, que nous évoquons régulièrement avec les autorités allemandes. Cette directive impose de payer le salaire du pays d'accueil, mais pas ses cotisations sociales, ce qui maintient un écart de coût très important. Je pense que nous pourrions constituer un groupe de travail sur cette question avec la commission des affaires européennes.
Il semble que le principal enjeu de la négociation d'un accord de libre-échange avec les Etats-Unis, ce soient les barrières non tarifaires, les droits de douane étant déjà faibles. Quelle assurance avons-nous de parvenir à lever ces barrières ? Et si nous concluons un accord, serons-nous vraiment à armes égales au regard du niveau des charges sociales en France ? Je suis sceptique. C'est la même chose en ce qui concerne les négociations avec le Japon, car je me souviens y être allé en tant que ministre des transports, avoir été très bien reçu, mais n'avoir jamais réussi à y faire vendre un matériel français.
Je me réjouis du découplage qui semble acté entre les questions de commerce et celles de droits de l'Homme. Lorsque j'étais ministre, on m'a demandé de ne pas aller au Vietnam, car un blogueur franco-vietnamien était en prison. Résultat : ce sont nos concurrents qui y ont vendu des matériels de transport.
Je voudrais vous interroger, Madame la ministre, sur un dossier un peu de même nature qui est en cours : nous attendons la garantie de la Coface pour une opération de rénovation de l'hôpital de Minsk par une entreprise française ; cette garantie sera-t-elle débloquée, indépendamment de ce que l'on peut penser du régime du Belarus ?
En tant que député des Français de l'étranger, je suis témoin, par endroits, des tensions qui existent entre Ubifrance et les chambres de commerce internationales. Ces dernières sont souvent de grande valeur et ont l'impression d'être mal considérées. Il est normal qu'Ubifrance cherche00 à s'autofinancer et vende donc des prestations aux entreprises, ce qui crée une concurrence avec les chambres de commerce. Mais il est temps que les deux réseaux trouvent une manière de coexister. Cela ne doit pas être impossible puisque cela a été réussi dans le réseau culturel à l'extérieur.
Je voudrais surtout revenir sur certaines observations qui ont été faites. Tout d'abord, l'amélioration du solde commercial en 2012 est due à une augmentation de plus de 3 % de nos exportations. C'est un point positif qu'il faut relever.
S'agissant de l'euro, il est clair qu'il est surévalué. Nous savons bien que si l'euro et l'énergie étaient moins chers, nous aurions un excédent commercial. D'ailleurs, l'objectif de rétablissement du commerce extérieur porte sur le seul solde hors énergie, c'est-à-dire 25 milliards d'euros. Pour autant, le niveau de l'euro et le coût de l'énergie n'empêchent pas l'Allemagne de développer ses exportations.
J'étais récemment au Brésil avec Michel Destot. Une chose m'a frappé : nous ne prenons pas assez en compte le caractère global des marchés que nous recherchons. Par exemple, nous essayons de vendre des TGV sans prendre en compte et valoriser suffisamment tout ce qui va avec : la gestion, la maintenance, etc. De la même manière, nous ne recourons pas assez aux diasporas françaises ; 25 millions de Brésiliens sont d'origine italienne et les entreprises de ce pays savent les mobiliser.
Les aides déliées constituent un autre problème : le maire de Sao Paulo a obtenu 365 millions d'euros d'aides de l'Agence française de développement (AFD) pour son métro et il a choisi une entreprise coréenne !
Différentes structures, notamment Ubifrance et les chambres de commerce internationales, interviennent pour aider nos entreprises. Il est clair qu'elles doivent agir en complémentarité.
Je salue la politique engagée par la ministre mais je voudrais poser quelques questions ponctuelles. Tout d'abord quel est l'état d'esprit du Gouvernement français quant à la négociation de l'accord plurilatéral sur les services ?
S'agissant ensuite du round de négociations engagé à Bali, est-il prévu qu'il aborde la question de la protection des indications géographiques ?
Pour ce qui est enfin de la négociation de l'accord de libre-échange avec les Etats-Unis, que peut-on espérer en matière de marchés publics, compte tenu de la loi Buy American ? Et au regard du caractère fédéral des Etats-Unis, sommes-nous certains que les Etats fédérés appliqueront les engagements pris au niveau fédéral ? Cela ne va pas de soi si l'on se souvient par exemple de certaines des difficultés concernant Boeing.
S'agissant de la Corée, la France a demandé l'an dernier au mois d'août, dans la foulée de la présentation du plan automobile, à la Commission européenne, qui a rendu un avis négatif, de regarder si la clause de surveillance de l'accord pouvait être activée. Nous sommes sévèrement affectés par ce qui se passe en Italie et en Espagne, traditionnellement des bons marchés pour nous et aujourd'hui à l'arrêt. La Commission a estimé que nous n'avions pas à nous plaindre et ce n'est pas faux sur le plan quantitatif car beaucoup de voitures sont construites en Europe. Avec la Corée, nous sommes excédentaires, pour la première fois, en 2011.
Il y a peu de chances que l'on vende des voitures françaises au Japon. Cela nous a beaucoup servi pour demander fermement à la Commission de réserver le secteur automobile comme un secteur sensible, ce que nous avons obtenu au Conseil du 29 novembre avec un accord de l'Allemagne pour appuyer ma demande de rédaction. On peut donc arriver à faire valoir ses vues, même si c'est difficile à 27, bientôt 28, et l'on songe évidemment aux difficultés qui s'annoncent pour l'accord avec les Etats-Unis.
Vous avez mentionné la santé et le rôle de nos hôpitaux et vous avez raison. Je me suis aperçue qu'il existe une demande en la matière, notamment lorsque je me suis rendue au Qatar et au Koweït, où j'ai emmené une partie de la famille « mieux se soigner ». Beaucoup de personnels soignants avaient fait des études en France, des Franco-libanais et des Franco-syriens notamment. Tout le secteur de la santé, les hôpitaux, la recherche et l'innovation, a vraiment besoin de structurer une offre. J'ai parlé de ce sujet à Marisol Touraine car on ne perçoit pas intuitivement qu'il existe une demande. Au Vietnam, nous déployons une aide de la réserve pays émergents, qui est une aide liée de Bercy. Il y a une aide technique à apporter et au-delà des marchés à remporter.
Je ne le suis pas personnellement, mais mon cabinet l'est.
Concernant notre diplomatie économique, j'ai salué l'initiative du ministre des affaires étrangères, présentée lors de la Conférence des ambassadeurs, de mobiliser le corps diplomatique sur la priorité économique. Il a décidé de nommer des représentants spéciaux : plus nous sommes nombreux à travailler pour le commerce extérieur, mieux c'est. Cela dit, je revendique la conduite de la diplomatie économique de terrain et il n'est pas utile de refaire au ministère des affaires étrangères ce que celui des finances fait et sait faire. Je mobilise les PME, je les emmène, j'organise des conférences régionales – 17 se sont déjà tenues. Il ne faudrait pas rendre illisible l'action de la France, même si cela se passe très bien avec certains de ces représentants, notamment avec Jean-Pierre Raffarin et Jean-Pierre Chevènement, qui font un travail formidable.
Pour répondre à Michel Destot, nous avons signé avec certains pays, dont les BRICS, des partenariats stratégiques, c'est-à-dire des partenariats forts, et même parfois mis en place des commissions mixtes, comme avec la Russie, ce qui permet tous les ans de passer en revue ce qui a été fait l'année passée et de se donner une feuille de route. C'est très important et c'est pourquoi nous allons faire à nouveau vivre notre partenariat stratégique avec les Indiens en relançant l'enceinte commune. Avec ces grands pays émergents, se pose le problème du ticket d'entrée pour nos entreprises qui doivent s'implanter ; c'est le problème des « offsets ». Je compte sur vous pour faire comprendre que l'arrivée dans un pays ne se limite plus à placer ses produits, mais qu'il y a un ticket d'entrée ; c'est l'internationalisation des entreprises. Une entreprise n'arrive pas en terrain conquis : la concurrence est vive et ces pays demandent à bénéficier de la mondialisation, ils veulent des implantations.
La balance commerciale ce sont des biens, pas des services. J'ai dans mon bureau un fac-similé de la balance de 1792 : c'est la même structure que celle d'aujourd'hui. En revanche, l'industrie d'aujourd'hui n'est plus la manufacture mais intègre le design, le marketing, tous les services et il est donc très difficile de distinguer les biens des services. Ce sont cependant les services intégrés qui font la différence. Par exemple, s'il s'agit de vendre une locomotive, nous ne serons pas les seuls à proposer un matériel performant, et l'atout de compétitivité que nous devons valoriser, c'est le fait que notre TGV fonctionne bien depuis trente ans et n'a jamais connu d'accident grave. C'est d'ailleurs comme ça que nous avons remporté le marché du métro de Quito. J'avais emmené une délégation et le maire de Quito avait assuré que « l'Europe remporterait quelque chose », mais l'Europe, en Amérique latine, c'est aussi l'Espagne. La France a remporté le marché car elle a su présenter une offre globale. C'est en tous les cas ce que je m'efforce de faire avec les quatre familles précitées.
Mon travail est en résumé de structurer une offre pour la mettre en face d'une demande. Cela n'empêche pas que mon collègue Arnaud Montebourg structure plus classiquement les industries, comme le faisait Christian Estrosi, c'est-à-dire en menant un travail vertical. Ce n'est pas contradictoire et j'essaie pour ma part de récolter les bons exemples de portage, car il y en a. En Chine, le chantier nucléaire c'est 85 PME autour d'Areva et EDF. Or, si l'on sait faire de la robinetterie pour le nucléaire on sait en faire pour tout, ce qui met ces entreprises en bonne position pour d'autres marchés.
M. Mallé a parlé des produits en provenance des colonies israéliennes. Je veux préciser que la législation européenne distingue, d'une part, les catégories de produits pour lesquelles l'indication de l'origine géographique est obligatoire (notamment les cosmétiques et les produits alimentaires) et, d'autre part, celles pour lesquelles l'étiquetage est facultatif. La législation européenne implique que si l'origine est indiquée, obligatoire ou volontaire, elle ne doit pas induire le consommateur en erreur. Les conclusions du conseil des Affaires étrangères du 20 décembre 2012 ont rappelé l'engagement de l'Union européenne et de ses Etats membres à faire pleinement appliquer la législation existante en matière de produits des colonies. Il y a eu un arrangement technique entre Israël et les Palestiniens en décembre 2004 à ce sujet.
S'agissant de l'euro, il n'est bien sûr pas souhaitable qu'il s'apprécie trop. Mais comme on peut le constater notamment avec la crise chypriote, les taux de change vont et viennent. En tout état de cause, le niveau de l'euro ne doit pas nous servir d'excuse pour ne pas mener les réformes nécessaires.
La compétitivité repose sur un couple qualitéprix. Le coût du travail n'est déterminant que dans certains secteurs, comme le textile et le cuir. En fait, la grande force de l'Allemagne ces dernières années, c'est d'avoir été en phase avec la mondialisation. Les nouveaux pays émergents ont une grande demande de matériels et de machines et le fait est que, lorsque l'on voyage à l'étranger et que l'on regarde d'où viennent les machines, c'est généralement d'Allemagne, de l'Italie, du Japon ou de Suède. Cependant, une deuxième phase de la mondialisation commence dans les grands pays émergents, avec la montée des classes moyennes, qui veulent consommer et vivre dans un environnement agréable. Je pense que c'est une chance pour la France qui a des entreprises performantes pour répondre à cette demande. J'ai notamment été en Turquie où j'ai pu constater le développement de la consommation et le souhait d'améliorer la vie dans les villes ; j'y avais emmené nos entreprises spécialisées dans ce secteur.
La question des normes a été évoquée par M. Guibal. C'est un point essentiel et nous devons mieux nous organiser, car celui qui fixe une norme tient le marché correspondant. Il faut vraiment que nous soyons plus présents dans toutes les instances de normalisation.
Le coût de l'énergie est également un facteur important. Aux Etats-Unis, les coûts énergétiques ont diminué de 18 %. C'est une question qui devra être prise en compte dans les négociations de l'Union européenne avec ce pays.
Je serai plus prudente sur la notion de « protectionnisme sélectif ». Le protectionnisme n'est pas une solution et le gouvernement a choisi de miser sur la compétitivité avec des mesures telles que l'extension du crédit impôt-recherche et le crédit d'impôt compétitivité-emploi. Cela dit, il ne faut pas être naïf dans nos relations avec nos partenaires et, en particulier, nous devons exiger la réciprocité dans l'ouverture des marchés. Aux Etats-Unis, il faut savoir que 13 des Etats ne reconnaissent pas les accords internationaux passés par l'Etat fédéral sur les marchés publics. Il faut également savoir qu'il est impossible de vendre dans ce pays un uniforme à une administration, et je ne parle pas seulement des uniformes militaires. C'est pour cela que j'ai dit que je rêvais d'un Buy Transatlantic Act.
Le Japon de son côté a enfin fait une concession en autorisant des importations de boeuf européen. Par ailleurs, deux entreprises françaises, Alstom et Thalès, ont été présélectionnées pour un marché de signalisation ferroviaire ; c'est la première fois que nos entreprises ont une chance d'accéder à un marché ferroviaire depuis 1999. Enfin, il semble que nous allons enfin, peut-être, vendre des Airbus au Japon…
S'agissant de la conduite des négociations des accords de libre-échange, il est clair qu'il faut absolument piloter la Commission européenne. Les mandats doivent être très précis. Le Parlement européen, qui est maintenant associé à la procédure, nous a bien aidés en ce qui concerne le mandat pour la négociation avec le Japon. Pour ce qui est du mandat pour la négociation avec les Etats-Unis, je pense qu'il ne faut pas aller trop vite. En effet, je me méfie des commissions en fin de mandat, qui sont souvent soucieuses d'avoir des résultats à leur actif. Cela dit, les perspectives de croissance étant meilleures aux Etats-Unis qu'en Europe, je crois que nous avons intérêt à négocier cet accord.
Pour ce qui est de l'organisation des soutiens au commerce extérieur, le rôle des régions est de fédérer les acteurs. Elles ont pris en septembre dernier ce que j'appelle l'engagement de l'Elysée en ce qui concerne l'export. Les régions disposent d'instruments efficaces et ont leur rôle à jouer, mais ne doivent pas entrer en concurrence avec les chambres de commerce et d'industrie. C'est la même chose pour l'organisation du dispositif à l'étranger : il faut éviter les situations de concurrence entre Ubifrance et les chambres de commerce internationales.
La rénovation de l'hôpital de Minsk a été évoquée par M. Mariani : le problème a été réglé ce week-end ; la garantie de la Coface est acquise. La question des droits de l'homme ne fait pas partie des attributions du ministère du commerce extérieur. Pour autant, je suis attachée à un haut niveau d'exigence sociale et environnementale. Nous avons tout à gagner à l'introduction de critères de cette nature dans les grands marchés publics, afin que ce ne soit plus systématiquement les moins-disant qui les remportent.
Pour ce qui est du Vietnam et du métro d'Hanoï, l'aide publique qui a été accordée était une aide liée gérée par le ministère des finances. Il n'y a donc pas eu de problème.
Je répondrai à M. Bui que l'on sait pourquoi les Allemands ont pris les marchés dans l'agroalimentaire : c'est parce qu'en amont ils ont regroupé leurs usines de production, pratiquant la méthanisation très tôt, et qu'en plus ils ont recours à des contrats de prestations. Nous ne paierons en France jamais un ouvrier trois ou quatre euros de l'heure dans nos abattoirs. Il nous faut donc faire des réformes d'innovation. Les Allemands sont, nous le savons, très actifs avec ce que l'on appelait les pays d'Europe centrale et orientale : ils vont chercher les personnels de façon organisée et ordonnée, y compris des jeunes ingénieurs, avec une présence physique, des bureaux et une politique d'immigration très offensive. La Commission européenne veut se pencher sur ces pratiques déloyales. Nous ne demandons que ça.
Vous avez évoqué les diasporas et vous avez raison. Je pense aux enfants de la deuxième ou de la troisième génération d'immigrés asiatiques, qui parlent généralement le cantonais, ce qui est très important. Ces jeunes biculturels sont formidables et il faudrait plus nous appuyer davantage sur eux. Pour ma part, je défends beaucoup la démocratisation des VIE pour recruter des « bac+2 » ou des jeunes diplômés des IUT qui ont des profils intéressants. Je pense notamment à l'image plus dynamique de la France que l'on pourrait ainsi donner au Maroc ou en Algérie.
Mme Dagoma m'a interrogée sur la conférence de Bali. C'est un rendez-vous extrêmement important. La question posée est celle de la facilitation des échanges. Je reçois tous les jours des candidats à la succession du directeur de l'OMC, qui viennent de tous horizons, et je leur pose toujours la même question, compte tenu des enjeux : qu'attendez-vous de Bali ?
Concernant l'accord de libre-échange avec les Etats-Unis, le Parlement peut se saisir de la question et déposer une résolution. Quant à la conclusion de l'accord plurilatéral sur les services, ce serait une initiative intéressante et je serai attentive aux propositions que feraient la commission des affaires étrangères et la commission des affaires européennes.
M. Mariani m'a interrogée sur les chambres de commerce internationales. Elles ont leur rôle à jouer et il nous faut avoir à l'étranger la complémentarité requise. Ces chambres sont cependant inégales. Certaines sont très dynamiques, organisent des évènements, des forums, et je le répète je travaille avec tous les acteurs : chambres de commerce, Medef international, etc., mais avec l'idée qu'il ne faut pas de concurrence entre opérateurs nationaux à l'étranger. Nous essayons de définir une marque France. La France, ce n'est pas que les châteaux de la Loire et les fromages, ce sont aussi des inventeurs, des entrepreneurs, de l'innovation. Je suis frappée par la dispersion des représentants français dans les salons internationaux, alors que l'on y repère immédiatement les stands regroupés et bien identifiables des Allemands, des Italiens et maintenant des Turcs. Par ailleurs, j'ai engagé une mission d'évaluation de notre dispositif à l'exportation, car si tout le monde est individuellement formidable, le déficit commercial de la France dénote un problème collectif. J'ai des idées sur les causes des problèmes, mais il faut laisser la mission travailler ; son rapport sera remis en juin au Premier ministre.
La séance est levée à dix-huit heures trente.