Je ne le suis pas personnellement, mais mon cabinet l'est.
Concernant notre diplomatie économique, j'ai salué l'initiative du ministre des affaires étrangères, présentée lors de la Conférence des ambassadeurs, de mobiliser le corps diplomatique sur la priorité économique. Il a décidé de nommer des représentants spéciaux : plus nous sommes nombreux à travailler pour le commerce extérieur, mieux c'est. Cela dit, je revendique la conduite de la diplomatie économique de terrain et il n'est pas utile de refaire au ministère des affaires étrangères ce que celui des finances fait et sait faire. Je mobilise les PME, je les emmène, j'organise des conférences régionales – 17 se sont déjà tenues. Il ne faudrait pas rendre illisible l'action de la France, même si cela se passe très bien avec certains de ces représentants, notamment avec Jean-Pierre Raffarin et Jean-Pierre Chevènement, qui font un travail formidable.
Pour répondre à Michel Destot, nous avons signé avec certains pays, dont les BRICS, des partenariats stratégiques, c'est-à-dire des partenariats forts, et même parfois mis en place des commissions mixtes, comme avec la Russie, ce qui permet tous les ans de passer en revue ce qui a été fait l'année passée et de se donner une feuille de route. C'est très important et c'est pourquoi nous allons faire à nouveau vivre notre partenariat stratégique avec les Indiens en relançant l'enceinte commune. Avec ces grands pays émergents, se pose le problème du ticket d'entrée pour nos entreprises qui doivent s'implanter ; c'est le problème des « offsets ». Je compte sur vous pour faire comprendre que l'arrivée dans un pays ne se limite plus à placer ses produits, mais qu'il y a un ticket d'entrée ; c'est l'internationalisation des entreprises. Une entreprise n'arrive pas en terrain conquis : la concurrence est vive et ces pays demandent à bénéficier de la mondialisation, ils veulent des implantations.
La balance commerciale ce sont des biens, pas des services. J'ai dans mon bureau un fac-similé de la balance de 1792 : c'est la même structure que celle d'aujourd'hui. En revanche, l'industrie d'aujourd'hui n'est plus la manufacture mais intègre le design, le marketing, tous les services et il est donc très difficile de distinguer les biens des services. Ce sont cependant les services intégrés qui font la différence. Par exemple, s'il s'agit de vendre une locomotive, nous ne serons pas les seuls à proposer un matériel performant, et l'atout de compétitivité que nous devons valoriser, c'est le fait que notre TGV fonctionne bien depuis trente ans et n'a jamais connu d'accident grave. C'est d'ailleurs comme ça que nous avons remporté le marché du métro de Quito. J'avais emmené une délégation et le maire de Quito avait assuré que « l'Europe remporterait quelque chose », mais l'Europe, en Amérique latine, c'est aussi l'Espagne. La France a remporté le marché car elle a su présenter une offre globale. C'est en tous les cas ce que je m'efforce de faire avec les quatre familles précitées.
Mon travail est en résumé de structurer une offre pour la mettre en face d'une demande. Cela n'empêche pas que mon collègue Arnaud Montebourg structure plus classiquement les industries, comme le faisait Christian Estrosi, c'est-à-dire en menant un travail vertical. Ce n'est pas contradictoire et j'essaie pour ma part de récolter les bons exemples de portage, car il y en a. En Chine, le chantier nucléaire c'est 85 PME autour d'Areva et EDF. Or, si l'on sait faire de la robinetterie pour le nucléaire on sait en faire pour tout, ce qui met ces entreprises en bonne position pour d'autres marchés.
M. Mallé a parlé des produits en provenance des colonies israéliennes. Je veux préciser que la législation européenne distingue, d'une part, les catégories de produits pour lesquelles l'indication de l'origine géographique est obligatoire (notamment les cosmétiques et les produits alimentaires) et, d'autre part, celles pour lesquelles l'étiquetage est facultatif. La législation européenne implique que si l'origine est indiquée, obligatoire ou volontaire, elle ne doit pas induire le consommateur en erreur. Les conclusions du conseil des Affaires étrangères du 20 décembre 2012 ont rappelé l'engagement de l'Union européenne et de ses Etats membres à faire pleinement appliquer la législation existante en matière de produits des colonies. Il y a eu un arrangement technique entre Israël et les Palestiniens en décembre 2004 à ce sujet.
S'agissant de l'euro, il n'est bien sûr pas souhaitable qu'il s'apprécie trop. Mais comme on peut le constater notamment avec la crise chypriote, les taux de change vont et viennent. En tout état de cause, le niveau de l'euro ne doit pas nous servir d'excuse pour ne pas mener les réformes nécessaires.
La compétitivité repose sur un couple qualitéprix. Le coût du travail n'est déterminant que dans certains secteurs, comme le textile et le cuir. En fait, la grande force de l'Allemagne ces dernières années, c'est d'avoir été en phase avec la mondialisation. Les nouveaux pays émergents ont une grande demande de matériels et de machines et le fait est que, lorsque l'on voyage à l'étranger et que l'on regarde d'où viennent les machines, c'est généralement d'Allemagne, de l'Italie, du Japon ou de Suède. Cependant, une deuxième phase de la mondialisation commence dans les grands pays émergents, avec la montée des classes moyennes, qui veulent consommer et vivre dans un environnement agréable. Je pense que c'est une chance pour la France qui a des entreprises performantes pour répondre à cette demande. J'ai notamment été en Turquie où j'ai pu constater le développement de la consommation et le souhait d'améliorer la vie dans les villes ; j'y avais emmené nos entreprises spécialisées dans ce secteur.
La question des normes a été évoquée par M. Guibal. C'est un point essentiel et nous devons mieux nous organiser, car celui qui fixe une norme tient le marché correspondant. Il faut vraiment que nous soyons plus présents dans toutes les instances de normalisation.
Le coût de l'énergie est également un facteur important. Aux Etats-Unis, les coûts énergétiques ont diminué de 18 %. C'est une question qui devra être prise en compte dans les négociations de l'Union européenne avec ce pays.
Je serai plus prudente sur la notion de « protectionnisme sélectif ». Le protectionnisme n'est pas une solution et le gouvernement a choisi de miser sur la compétitivité avec des mesures telles que l'extension du crédit impôt-recherche et le crédit d'impôt compétitivité-emploi. Cela dit, il ne faut pas être naïf dans nos relations avec nos partenaires et, en particulier, nous devons exiger la réciprocité dans l'ouverture des marchés. Aux Etats-Unis, il faut savoir que 13 des Etats ne reconnaissent pas les accords internationaux passés par l'Etat fédéral sur les marchés publics. Il faut également savoir qu'il est impossible de vendre dans ce pays un uniforme à une administration, et je ne parle pas seulement des uniformes militaires. C'est pour cela que j'ai dit que je rêvais d'un Buy Transatlantic Act.
Le Japon de son côté a enfin fait une concession en autorisant des importations de boeuf européen. Par ailleurs, deux entreprises françaises, Alstom et Thalès, ont été présélectionnées pour un marché de signalisation ferroviaire ; c'est la première fois que nos entreprises ont une chance d'accéder à un marché ferroviaire depuis 1999. Enfin, il semble que nous allons enfin, peut-être, vendre des Airbus au Japon…
S'agissant de la conduite des négociations des accords de libre-échange, il est clair qu'il faut absolument piloter la Commission européenne. Les mandats doivent être très précis. Le Parlement européen, qui est maintenant associé à la procédure, nous a bien aidés en ce qui concerne le mandat pour la négociation avec le Japon. Pour ce qui est du mandat pour la négociation avec les Etats-Unis, je pense qu'il ne faut pas aller trop vite. En effet, je me méfie des commissions en fin de mandat, qui sont souvent soucieuses d'avoir des résultats à leur actif. Cela dit, les perspectives de croissance étant meilleures aux Etats-Unis qu'en Europe, je crois que nous avons intérêt à négocier cet accord.
Pour ce qui est de l'organisation des soutiens au commerce extérieur, le rôle des régions est de fédérer les acteurs. Elles ont pris en septembre dernier ce que j'appelle l'engagement de l'Elysée en ce qui concerne l'export. Les régions disposent d'instruments efficaces et ont leur rôle à jouer, mais ne doivent pas entrer en concurrence avec les chambres de commerce et d'industrie. C'est la même chose pour l'organisation du dispositif à l'étranger : il faut éviter les situations de concurrence entre Ubifrance et les chambres de commerce internationales.
La rénovation de l'hôpital de Minsk a été évoquée par M. Mariani : le problème a été réglé ce week-end ; la garantie de la Coface est acquise. La question des droits de l'homme ne fait pas partie des attributions du ministère du commerce extérieur. Pour autant, je suis attachée à un haut niveau d'exigence sociale et environnementale. Nous avons tout à gagner à l'introduction de critères de cette nature dans les grands marchés publics, afin que ce ne soit plus systématiquement les moins-disant qui les remportent.
Pour ce qui est du Vietnam et du métro d'Hanoï, l'aide publique qui a été accordée était une aide liée gérée par le ministère des finances. Il n'y a donc pas eu de problème.
Je répondrai à M. Bui que l'on sait pourquoi les Allemands ont pris les marchés dans l'agroalimentaire : c'est parce qu'en amont ils ont regroupé leurs usines de production, pratiquant la méthanisation très tôt, et qu'en plus ils ont recours à des contrats de prestations. Nous ne paierons en France jamais un ouvrier trois ou quatre euros de l'heure dans nos abattoirs. Il nous faut donc faire des réformes d'innovation. Les Allemands sont, nous le savons, très actifs avec ce que l'on appelait les pays d'Europe centrale et orientale : ils vont chercher les personnels de façon organisée et ordonnée, y compris des jeunes ingénieurs, avec une présence physique, des bureaux et une politique d'immigration très offensive. La Commission européenne veut se pencher sur ces pratiques déloyales. Nous ne demandons que ça.
Vous avez évoqué les diasporas et vous avez raison. Je pense aux enfants de la deuxième ou de la troisième génération d'immigrés asiatiques, qui parlent généralement le cantonais, ce qui est très important. Ces jeunes biculturels sont formidables et il faudrait plus nous appuyer davantage sur eux. Pour ma part, je défends beaucoup la démocratisation des VIE pour recruter des « bac+2 » ou des jeunes diplômés des IUT qui ont des profils intéressants. Je pense notamment à l'image plus dynamique de la France que l'on pourrait ainsi donner au Maroc ou en Algérie.
Mme Dagoma m'a interrogée sur la conférence de Bali. C'est un rendez-vous extrêmement important. La question posée est celle de la facilitation des échanges. Je reçois tous les jours des candidats à la succession du directeur de l'OMC, qui viennent de tous horizons, et je leur pose toujours la même question, compte tenu des enjeux : qu'attendez-vous de Bali ?
Concernant l'accord de libre-échange avec les Etats-Unis, le Parlement peut se saisir de la question et déposer une résolution. Quant à la conclusion de l'accord plurilatéral sur les services, ce serait une initiative intéressante et je serai attentive aux propositions que feraient la commission des affaires étrangères et la commission des affaires européennes.
M. Mariani m'a interrogée sur les chambres de commerce internationales. Elles ont leur rôle à jouer et il nous faut avoir à l'étranger la complémentarité requise. Ces chambres sont cependant inégales. Certaines sont très dynamiques, organisent des évènements, des forums, et je le répète je travaille avec tous les acteurs : chambres de commerce, Medef international, etc., mais avec l'idée qu'il ne faut pas de concurrence entre opérateurs nationaux à l'étranger. Nous essayons de définir une marque France. La France, ce n'est pas que les châteaux de la Loire et les fromages, ce sont aussi des inventeurs, des entrepreneurs, de l'innovation. Je suis frappée par la dispersion des représentants français dans les salons internationaux, alors que l'on y repère immédiatement les stands regroupés et bien identifiables des Allemands, des Italiens et maintenant des Turcs. Par ailleurs, j'ai engagé une mission d'évaluation de notre dispositif à l'exportation, car si tout le monde est individuellement formidable, le déficit commercial de la France dénote un problème collectif. J'ai des idées sur les causes des problèmes, mais il faut laisser la mission travailler ; son rapport sera remis en juin au Premier ministre.