Je m'efforcerai de répondre du mieux possible à toutes vos questions, mais je rappelle que je ne suis pas encore en poste !
Pour assurer son autosuffisance, la France est moins bien placée que plusieurs de ses voisins. Elle ne compte que vingt-six donneurs pour mille habitants contre trente-quatre en Allemagne et cinquante et un au Danemark. Il en est de même pour le nombre des dons : il s'élève à trente-six pour mille habitants en France, contre soixante environ en Autriche et en Allemagne et soixante-six au Danemark. Nous sommes donc en situation de flux très tendus : le respect de l'objectif de douze jours de réserve est garanti, sans plus. Un gros effort est par conséquent à faire pour élargir la population des donneurs et pour la fidéliser – cette fidélisation est en effet également plus faible en France que dans d'autres pays.
La France pratique le don éthique : il est indispensable de conserver cet acquis, voire de le conforter. Le reportage évoqué par M. Hutin avait le mérite de montrer que certains actes de la vie échappent au marché. En effet, en remettant en cause le fondement même d'un système qui repose sur la seule solidarité, l'expérience d'indemnisation des donneurs a abouti à la baisse du nombre des dons dans la région concernée ! En montrant que la rémunération avait des effets contraires à ce qu'on attendait, du fait qu'elle heurtait des pratiques d'engagement, ce reportage était à mes yeux réconfortant. Il n'est donc pas normal, à mes yeux, qu'une région offre des primes aux donneurs. Je le répète : c'est inefficace. Le caractère éthique de notre système doit bien plutôt être défendu et renforcé, par une action en partenariat avec les associations de bénévoles, notamment pour améliorer l'accueil des donneurs.
L'articulation entre l'Établissement français du sang et l'Institut national de la transfusion sanguine (INTS) est un sujet compliqué du fait, notamment, des interrogations sur l'avenir de l'institut. L'Inspection générale des affaires sociales rendra à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé un rapport sur le sujet à la fin du mois. Je ne saurais me prononcer avant que ses conclusions ne soient rendues publiques, mais il va de soi que, le cas échéant, l'Établissement français du sang reprendra les activités et personnels concernés.
Un sénateur a proposé, sans succès, d'abaisser à seize ans l'âge minimal requis pour donner son sang. De leur côté, certains seniors, qui sont en pleine forme, souhaiteraient qu'on recule la limite d'âge qui leur est opposée. Pour ma part, j'insiste sur la nécessité de recueillir des avis médicaux sur les risques encourus par les donneurs avant d'envisager une quelconque évolution, dans l'un et l'autre cas.
En ce qui concerne les jeunes, le don, qui s'accompagne d'un questionnaire, doit être pour eux l'occasion de s'interroger sur les pratiques à risques et sur leurs conséquences pour autrui comme pour eux-mêmes. Il faut faire en sorte qu'ils comprennent que cet acte de solidarité engage leur responsabilité.
Ayant moi-même enseigné dix ans en lycée, je suis convaincu qu'il faut ouvrir le chantier de l'éducation au don avec l'Éducation nationale, dans le cadre, peut-être, du développement de l'éducation civique évoqué lors de la dernière rentrée scolaire. Le don du sang pourrait y être avantageusement présenté comme un acte citoyen.
Pour garantir la sécurité sanitaire, nous devons refondre l'ensemble des dispositifs de vigilance – le ministère de la santé y réfléchit. Il me semble nécessaire de mieux les organiser mais je ne saurais en dire davantage tant que le rapport élaboré sur le sujet n'aura pas été remis à Mme la ministre de la santé. Comme l'a montré l'affaire du Mediator, nous devons nous montrer très attentifs à éviter tout conflit d'intérêts entre le milieu pharmaceutique et les responsables publics que nous sommes. J'ai d'ailleurs moi-même rempli une déclaration publique d'intérêt, que j'ai transmise au ministre, pour confirmer que je n'entretenais aucun lien avec les acteurs privés de la transfusion sanguine.
Certaines populations sont en effet exclues du don du sang – et je connais bien le cas particulier de la Martinique, monsieur Nilor, pour avoir effectué mon stage de l'ÉNA à la préfecture de Fort-de-France. L'exclusion des donneurs qui ont séjourné plus d'un an en Grande-Bretagne entre 1980 et 1996 ou de ceux dont les parents ou grands-parents ont souffert de la maladie de Creutzfeldt-Jacob, qui est transmissible héréditairement, est justifié par l'exigence de garantir une sécurité absolue au receveur. S'agissant des homosexuels, je tiens à affirmer qu'exclure à vie du don du sang en raison de l'orientation sexuelle n'est pas une position tenable à terme. Il faut donc faire évoluer la réglementation tout en garantissant la sécurité maximale du produit sanguin. En effet, le don du sang n'est pas un droit, c'est un acte de solidarité. Le droit est du côté du receveur qui doit être totalement assuré de l'innocuité des produits qu'il reçoit.
Les interdictions de 1983 étaient liées à l'état des connaissances en matière de séroconversion. Il faut donc engager sur le sujet des réflexions médicales d'ordre épidémiologique pour, à l'exemple d'autres pays, définir les conditions d'une ouverture ou d'un élargissement de la possibilité de donner son sang à certaines catégories de la population, tout en garantissant la sécurité absolue du receveur, notamment durant la phase de séroconversion. Avant d'ouvrir aux homosexuels la possibilité de donner leur sang, il faut assurer de manière scientifique l'innocuité du don durant la « période fenêtre ». Je le répète : le don du sang est un acte magnifique, mais au profit des receveurs.
La qualité des relations entre l'Établissement français du sang et les associations locales de donneurs de sang est fondamentale. Tout le travail de l'établissement est d'articuler l'action de ce mouvement associatif avec la mise en oeuvre de technologies et de procédures très précises. Connaissant encore assez peu ce monde du don du sang, mon premier souci après ma prise de fonction sera d'aller à sa rencontre, comme j'ai toujours pratiqué lorsque je dirigeais des mutuelles. J'aime le contact.
L'enjeu de la recherche est très important pour l'Établissement français du sang, qui compte une vingtaine de banques de tissus. Toutefois, je ne saurais en dire davantage aujourd'hui, n'étant pas encore suffisamment imprégné du sujet, mais je reviendrai avec plaisir pour en parler si vous m'y invitez.