COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 12 septembre 2012
La séance est ouverte à neuf heures trente.
(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)
La Commission entend M. François Toujas, inspecteur général des affaires sociales, dont la désignation à la présidence de l'Établissement français du sang (EFS) est envisagée par le Gouvernement (application de l'article L. 1451-1 du code de la santé publique).
Nous accueillons aujourd'hui M. François Toujas, inspecteur général des affaires sociales, dont la nomination à la présidence de l'Établissement français du sang (EFS) est envisagée par le Gouvernement.
Cette audition a lieu en application de l'article L. 1451-1 du code de la santé publique, issu de l'article 1er de la loi sur le médicament que nous avons adoptée l'année dernière. L'Établissement français du sang fait partie des neuf organismes dont les présidents, directeurs généraux et directeurs doivent être auditionnés par le Parlement – en l'espèce par les commissions des affaires sociales des deux assemblées – avant leur nomination.
Je précise qu'il s'agit d'une simple audition, qui ne donnera pas lieu à un vote.
L'Établissement français du sang a été créé par la loi du 1er juillet 1998, qui a réorganisé en profondeur le système français de transfusion pour les raisons que nous avons tous en mémoire. Cet établissement public, placé sous la tutelle du ministre de la santé, est désormais l'opérateur civil unique de la transfusion sanguine en France. Sa mission première est d'assurer l'autosuffisance de la France en produits sanguins, dans des conditions de sécurité et de qualité optimales.
Fort de ses dix-sept établissements régionaux, l'Établissement français du sang gère les activités de collecte, de préparation, de qualification et de distribution des produits sanguins labiles, et fournit plus de 1 900 établissements de santé – hôpitaux et cliniques – partout en France, pour répondre aux besoins de plus d'un million de malades.
Il assure également l'approvisionnement en plasma du Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB), qui fabrique les médicaments dérivés du sang.
En sus de ces missions premières, l'établissement mène des activités thérapeutiques et des activités de recherche dans des domaines innovants comme l'ingénierie et la thérapie cellulaires et tissulaires.
La présidence de l'Établissement français du sang est vacante depuis le mois d'avril dernier, le gouvernement précédent n'ayant pas souhaité renouveler le mandat du professeur Gérard Tobelem.
M. Toujas a fait parvenir au secrétariat de la Commission son curriculum vitæ. Ce document est en distribution dans la salle.
Monsieur Toujas, vous avez la parole pour présenter votre parcours professionnel ainsi que les raisons qui vous ont conduit à postuler ou à accepter cette fonction.
Je suis né à Saint-André-de-Cubzac, en Gironde, il y a 54 ans. J'ai fait toutes mes études à Bordeaux. Ma carrière se divise en deux parties. J'ai d'abord, pendant une dizaine d'années, enseigné les sciences économiques et sociales, les derniers temps dans des lycées de la région parisienne. Puis, au début des années 1990, mon succès au concours interne de l'École nationale d'administration m'a conduit, à la sortie de l'ÉNA, à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) : je considère cela comme une chance car cela répondait parfaitement à l'intérêt profond que je porte à tout ce qui relève du social, de la prise en charge des personnes et de l'amélioration de la santé.
Comme tout jeune inspecteur, j'ai commencé par des missions de contrôle : elles ont porté sur des régimes de retraite complémentaire, sur l'assurance maladie, sur l'informatique hospitalière ou encore, juste après l'affaire du sang contaminé, sur le fonctionnement d'un centre régional de transfusion sanguine. J'ai également été adjoint au chef de l'IGAS pendant deux ans.
Dans le cadre de la mobilité obligatoire, j'ai exercé au ministère du travail les fonctions de chef de la mission « Développement de la formation continue », chargée notamment de préparer la réforme de la formation tout au long de la vie.
De retour à l'IGAS, j'ai réalisé en 1999 et 2000 deux missions importantes, l'une sur le droit des malades – elle a servi à la préparation de la loi relative aux droits des malades –, l'autre, en liaison avec l'Inspection générale des finances, sur le coût du régime complémentaire géré par des organismes mutualistes.
Puis l'on m'a proposé de relever un défi : celui de redresser la MNEF, la Mutuelle nationale des étudiants de France, alors quelque peu malmenée du fait de certaines « aventures » condamnables. Je suis très fier d'avoir été, de 2000 à 2005, le premier directeur général de la Mutuelle des étudiants, née sur les décombres de la MNEF. Tout en m'efforçant de revigorer ce régime étudiant, de réorganiser et de restructurer l'outil pour le rendre le plus performant possible, j'ai travaillé en étroite liaison avec les élus étudiants : il me paraissait en effet important que ceux-ci, faisant l'apprentissage des responsabilités, gèrent effectivement leur système social, au profit de l'ensemble de leurs camarades.
Je suis revenu brièvement à l'IGAS pour une mission sur les conséquences de la directive Bolkestein, à la suite de quoi j'ai été appelé comme directeur général à la tête de la Mutualité fonction publique services. Cet organisme est une sorte de plateforme de services gérant le régime obligatoire et le régime complémentaire de plus de vingt mutuelles de fonctionnaires. Comme à la Mutuelle des étudiants, je me suis efforcé, en liaison avec les élus, de réorganiser et de restructurer tout en essayant de repenser le lien avec le régime général et avec les tutelles. Ces régimes délégués étant partie intégrante du régime général de la sécurité sociale, il était nécessaire en effet de rapprocher leurs missions de celles du service public de l'assurance maladie.
De retour à l'IGAS le 1er février 2012, j'ai participé à une mission sur l'évaluation de la politique française en matière de médicaments génériques, mission dont les conclusions viennent d'être transmises à la ministre des affaires sociales et de la santé.
L'Établissement français du sang, à la présidence duquel je postule, est avant tout un très bel outil au service d'une politique publique. Comme vous l'avez rappelé, madame la présidente, il répond à un besoin essentiel : garantir l'autosuffisance en produits sanguins dans les meilleures conditions de sécurité.
Le monde de la transfusion a connu plusieurs épreuves très graves. Pour remonter la pente, il aura fallu que tous les acteurs se mobilisent, au sein de l'établissement comme au dehors.
Permettez-moi de rappeler quelques chiffres. En 2011, l'Établissement français du sang a recueilli plus de 3 200 000 dons grâce à la générosité de 1 700 000 donneurs, ce qui a permis de satisfaire les besoins de 500 000 patients, auxquels il faut ajouter les 500 000 bénéficiaires des produits du Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies.
J'en viens aux éléments sur lesquels j'entends mettre l'accent, le moment venu.
Il convient en premier lieu de rappeler l'impératif absolu de sécurité. Ce service public qui vit de la générosité des donneurs doit veiller en permanence à la sécurité des receveurs, et donc renforcer les moyens de l'hémovigilance.
Deuxièmement, l'Établissement français du sang regroupe près de 10 000 collaborateurs, dont 75 % de femmes. La moyenne d'âge y est de 43 ans et l'ancienneté moyenne dans le poste de 13 ans. Il faut vérifier et organiser constamment la mobilisation de ces personnels au service de l'intérêt public.
L'État n'est pas resté inactif à cet égard. En 2010, il a signé avec l'établissement un contrat d'objectifs et de performance qui faisait suite à des missions liées à la révision générale des politiques publiques.
La première orientation fixée est le maintien d'un très haut niveau d'exigence en matière de qualité sanitaire, pour les donneurs comme pour les receveurs.
La deuxième est le renforcement du pilotage stratégique, afin de parachever la création de l'établissement unique, issu de dix-sept établissements régionaux. Pour y parvenir, nous devrons harmoniser les procédures de sécurité sanitaire dans toutes les régions, aider celles-ci dans leur pilotage, favoriser le développement des bonnes pratiques. Il faudra trouver le juste équilibre entre le siège et les opérateurs de terrain que sont les centres régionaux de transfusion sanguine. Ceux-ci connaissent les donneurs et nous pouvons compter sur eux pour remplir leur mission de service public.
Je crois également qu'une réflexion est à mener sur l'organisation de la collecte, en partenariat avec les associations de donneurs, pour tenir compte du caractère désormais majoritairement urbain et périurbain de la France. L'Établissement français du sang a du reste engagé des actions en ce sens, en créant par exemple des Maisons du don à Paris et à Toulouse.
Je serai particulièrement attentif à l'effort de recherche, qui est essentiel dans ce secteur. En dépit de progrès, nous n'atteignons pas encore la part de 2 % du chiffre d'affaires que le contrat d'objectifs et de performance prévoit de lui consacrer. Une vingtaine d'équipes travaillent au sein de l'organisme et nous devons dégager les moyens qui leur sont nécessaires.
Enfin, comme le prévoit aussi le contrat d'objectifs et de performance, l'Établissement français du sang devra améliorer son efficience. Ses moyens financiers étant forcément limités, il faudra les concentrer prioritairement sur les actions en faveur de la sécurité et de la recherche, en réorganisant une partie de l'outil. Cette réorganisation est déjà engagée avec la mutualisation des plateaux de qualification biologique des dons.
Je suis très honoré qu'on ait songé à me confier la responsabilité de l'Établissement français du sang. Cet organisme est un bel outil au service d'une cause vitale et je consacrerai donc toute mon énergie au bon accomplissement de cette mission.
Le fonctionnement de l'Établissement français du sang se fonde sur des principes éthiques. En particulier, à la différence d'autres pays, la France est attachée à la gratuité du don. Or un reportage télévisé récent a fait état de la décision d'un directeur local d'assortir les dons de sang d'une prime, dans le but de combattre la pénurie. Que pensez-vous de cette idée ? Comment se peut-il qu'un directeur local remette en cause, de sa propre initiative, un principe qui nous semble essentiel ?
Les élus locaux que nous sommes connaissent bien les bénévoles passionnés qui s'occupent des associations locales de don du sang. Même si l'approvisionnement des hôpitaux se fait parfois « en flux tendu », le système fonctionne plutôt bien et la France ne connaît pas de pénurie majeure. Une telle conjonction de bénévolat passionné – la générosité des donneurs n'est récompensée que par une petite médaille – et, pour ce qui est l'Établissement français du sang, de rigueur nécessaire, est très rare. Pensez-vous que l'on puisse rationaliser l'organisation de la collecte sans démotiver ces gens admirables sans lesquels l'Établissement français du sang ne pourrait fonctionner ?
Il faut en effet conserver au don du sang son caractère bénévole, anonyme et gratuit.
Ma question portera sur les limites d'âge, que beaucoup souhaitent modifier. Si l'idée d'abaisser l'âge minimal requis m'inspire des réticences pour des raisons physiologiques, il n'en est pas de même de celle de relever la limite supérieure : on vit en bonne santé de plus en plus longtemps et la qualité du sang demeure. Des améliorations ont été apportées ces dernières années, mais je pense que l'on peut s'installer dans une forme de progressivité, en s'assurant toutes les cautions scientifiques nécessaires.
Les associations de bénévoles, on l'a dit, sont très actives, mais les marges de progression sont considérables : ne pourrait-on faire un effort de communication pour mobiliser toutes les personnes susceptibles de donner leur sang ?
La responsabilité que vous allez sans doute assumer est extrêmement importante car en dépend directement la vie de nos concitoyens accidentés ou malades. La question de l'éthique est essentielle. Dans d'autres pays, sur d'autres continents, les dons de sang sont rémunérés, ce qui conduit parfois à de terribles affaires de trafic d'organes. La France a fait un autre choix, en faveur des valeurs du bénévolat, de la gratuité et de l'anonymat. Quelle est la position du futur président de l'Établissement français du sang à ce sujet ?
Ma deuxième question, d'ailleurs étroitement liée à la précédente, m'a été suggérée par le responsable de l'association de bénévoles de ma commune : comment concevez-vous la relation entre l'établissement et les bénévoles ? De fait, s'il faut professionnaliser, « rationaliser », développer des lieux de don, etc., il faut tout faire pour préserver ces associations qui sont de formidables moteurs de l'engagement au service des autres.
Ma dernière question concerne le plasma thérapeutique. Il y a quelques mois, les difficultés rencontrées à l'usine de Bordeaux ont fait craindre une rupture de stock et on a envisagé d'acheter à l'étranger un plasma qui aurait alors été collecté contre paiement. L'opération ne s'est pas faite, mais je souhaiterais avoir votre sentiment sur ce genre de pratique.
Évoquant vos précédentes expériences de directions générales, vous avez surtout insisté sur les motivations qui vont ont poussé à occuper ces postes. Quels ont été vos succès, vos échecs éventuels et quelles leçons en avez-vous tirées ?
Quels autres enseignements avez-vous tirés des défaillances de nos systèmes de sécurité sanitaire dans les affaires du sang contaminé, de l'amiante ou du Mediator ?
Comment envisagez-vous de travailler à la sensibilisation et à l'éducation des plus jeunes au don du sang ? Trop souvent, celui-ci est affaire de culture familiale : si les parents sont donneurs, les enfants le deviendront un jour, en sorte que le don repose toujours sur les mêmes personnes. Ne pourrait-on pas augmenter le nombre de ces bénévoles grâce à des campagnes de communication, en particulier en direction des enfants ?
L'épidémie du sida a entraîné l'adoption de critères excluant certains donneurs, notamment les personnes ayant séjourné dans la Caraïbe – on a refusé le don que je voulais faire pour cette raison. Pour les personnes concernées, le traumatisme est d'autant plus fort qu'elles ont l'impression d'être victimes de critères à connotation raciste. Un travail est-il actuellement mené pour concilier les deux exigences de non-discrimination et de sécurité sanitaire ?
D'autre part, alors que la Martinique est située en zone de sismicité élevée et peut donc avoir à satisfaire de manière immédiate des besoins très importants en sang, elle est déficitaire et donc dépendante. Que peut-on faire pour réduire cette dépendance des régions éloignées de la métropole ?
L'interdiction de donner son sang touche non seulement les personnes qui ont séjourné dans les Caraïbes mais également, durant plus d'un an, celles qui ont séjourné en Grande-Bretagne dans les années quatre-vingt, en raison du risque de contamination par le virus de Creutzfeldt-Jacob – il conviendrait peut-être de revoir cette dernière exclusion à la lumière des connaissances récentes sur les maladies à prions. Cependant, ma question porte plus particulièrement sur les homosexuels, qui ne peuvent non plus donner leur sang, en raison d'un risque de contamination par le VIH qu'on estime légèrement supérieur à celui que présente le reste de la population. Or il n'en est pas de même en Australie et en Grande-Bretagne, par exemple, et les associations représentatives demandent donc la levée de cette exclusion. Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, s'est engagée, au mois de juin dernier, à présenter une modification des textes visant à réintégrer les homosexuels dans le circuit de la transfusion.
Certes, il s'agit d'une décision politique à laquelle je suis favorable, mais j'aimerais savoir ce que vous pensez d'un tel projet. Comment comptez-vous anticiper la réaction des personnels de l'Établissement français du sang, notamment des équipes techniques, et défendre cette mesure auprès de l'opinion publique ?
Vous avez évoqué les efforts qui pourraient être réalisés dans le domaine de la recherche, mais quelle action l'Établissement français du sang peut-il mener au service de la santé publique ? Des programmes sont-ils prévus et des objectifs fixés en la matière ?
Promouvoir le don du sang est une nécessité. Quels seront vos nouveaux objectifs en termes de communication et d'information de nos concitoyens, en particulier dans le cadre des Maisons du don qui existent dans certaines grandes villes ? Ne pourrait-on doter de ces mêmes structures les villes moyennes ou les bourgs centres, dans le cadre d'un partenariat avec les collectivités locales ? Il y a déjà des exemples de telles initiatives…
Le don du sang mérite une vraie reconnaissance, aujourd'hui limitée à une remise de diplômes ou de médailles. Entendez-vous mieux reconnaître celles et ceux qui, depuis des années, font régulièrement acte de générosité ?
L'Établissement français du sang a aussi dans ses missions la promotion et la collecte d'un don tout aussi vital mais moins connu et moins facile à réaliser que celui du sang : le don de moelle osseuse. Quelles orientations comptez-vous suivre en la matière, en partenariat avec l'Agence de biomédecine ?
Comment, selon vous, doivent s'articuler l'action de l'Établissement français du sang et celle de l'Institut national de la transfusion sanguine – INTS ?
L'Établissement français du sang a pour mission d'assurer l'autosuffisance de la France en produits sanguins, mais on évoque régulièrement un risque de rupture des stocks. À quels pays, offrant toutes garanties sanitaires, pouvons-nous nous adresser en cas de pénurie ? Je pense notamment aux facteurs de coagulation, puisqu'il nous est arrivé de manquer de facteurs XI et XII.
Enfin, que pensez-vous de la recherche sur les embryons ?
Je m'efforcerai de répondre du mieux possible à toutes vos questions, mais je rappelle que je ne suis pas encore en poste !
Pour assurer son autosuffisance, la France est moins bien placée que plusieurs de ses voisins. Elle ne compte que vingt-six donneurs pour mille habitants contre trente-quatre en Allemagne et cinquante et un au Danemark. Il en est de même pour le nombre des dons : il s'élève à trente-six pour mille habitants en France, contre soixante environ en Autriche et en Allemagne et soixante-six au Danemark. Nous sommes donc en situation de flux très tendus : le respect de l'objectif de douze jours de réserve est garanti, sans plus. Un gros effort est par conséquent à faire pour élargir la population des donneurs et pour la fidéliser – cette fidélisation est en effet également plus faible en France que dans d'autres pays.
La France pratique le don éthique : il est indispensable de conserver cet acquis, voire de le conforter. Le reportage évoqué par M. Hutin avait le mérite de montrer que certains actes de la vie échappent au marché. En effet, en remettant en cause le fondement même d'un système qui repose sur la seule solidarité, l'expérience d'indemnisation des donneurs a abouti à la baisse du nombre des dons dans la région concernée ! En montrant que la rémunération avait des effets contraires à ce qu'on attendait, du fait qu'elle heurtait des pratiques d'engagement, ce reportage était à mes yeux réconfortant. Il n'est donc pas normal, à mes yeux, qu'une région offre des primes aux donneurs. Je le répète : c'est inefficace. Le caractère éthique de notre système doit bien plutôt être défendu et renforcé, par une action en partenariat avec les associations de bénévoles, notamment pour améliorer l'accueil des donneurs.
L'articulation entre l'Établissement français du sang et l'Institut national de la transfusion sanguine (INTS) est un sujet compliqué du fait, notamment, des interrogations sur l'avenir de l'institut. L'Inspection générale des affaires sociales rendra à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé un rapport sur le sujet à la fin du mois. Je ne saurais me prononcer avant que ses conclusions ne soient rendues publiques, mais il va de soi que, le cas échéant, l'Établissement français du sang reprendra les activités et personnels concernés.
Un sénateur a proposé, sans succès, d'abaisser à seize ans l'âge minimal requis pour donner son sang. De leur côté, certains seniors, qui sont en pleine forme, souhaiteraient qu'on recule la limite d'âge qui leur est opposée. Pour ma part, j'insiste sur la nécessité de recueillir des avis médicaux sur les risques encourus par les donneurs avant d'envisager une quelconque évolution, dans l'un et l'autre cas.
En ce qui concerne les jeunes, le don, qui s'accompagne d'un questionnaire, doit être pour eux l'occasion de s'interroger sur les pratiques à risques et sur leurs conséquences pour autrui comme pour eux-mêmes. Il faut faire en sorte qu'ils comprennent que cet acte de solidarité engage leur responsabilité.
Ayant moi-même enseigné dix ans en lycée, je suis convaincu qu'il faut ouvrir le chantier de l'éducation au don avec l'Éducation nationale, dans le cadre, peut-être, du développement de l'éducation civique évoqué lors de la dernière rentrée scolaire. Le don du sang pourrait y être avantageusement présenté comme un acte citoyen.
Pour garantir la sécurité sanitaire, nous devons refondre l'ensemble des dispositifs de vigilance – le ministère de la santé y réfléchit. Il me semble nécessaire de mieux les organiser mais je ne saurais en dire davantage tant que le rapport élaboré sur le sujet n'aura pas été remis à Mme la ministre de la santé. Comme l'a montré l'affaire du Mediator, nous devons nous montrer très attentifs à éviter tout conflit d'intérêts entre le milieu pharmaceutique et les responsables publics que nous sommes. J'ai d'ailleurs moi-même rempli une déclaration publique d'intérêt, que j'ai transmise au ministre, pour confirmer que je n'entretenais aucun lien avec les acteurs privés de la transfusion sanguine.
Certaines populations sont en effet exclues du don du sang – et je connais bien le cas particulier de la Martinique, monsieur Nilor, pour avoir effectué mon stage de l'ÉNA à la préfecture de Fort-de-France. L'exclusion des donneurs qui ont séjourné plus d'un an en Grande-Bretagne entre 1980 et 1996 ou de ceux dont les parents ou grands-parents ont souffert de la maladie de Creutzfeldt-Jacob, qui est transmissible héréditairement, est justifié par l'exigence de garantir une sécurité absolue au receveur. S'agissant des homosexuels, je tiens à affirmer qu'exclure à vie du don du sang en raison de l'orientation sexuelle n'est pas une position tenable à terme. Il faut donc faire évoluer la réglementation tout en garantissant la sécurité maximale du produit sanguin. En effet, le don du sang n'est pas un droit, c'est un acte de solidarité. Le droit est du côté du receveur qui doit être totalement assuré de l'innocuité des produits qu'il reçoit.
Les interdictions de 1983 étaient liées à l'état des connaissances en matière de séroconversion. Il faut donc engager sur le sujet des réflexions médicales d'ordre épidémiologique pour, à l'exemple d'autres pays, définir les conditions d'une ouverture ou d'un élargissement de la possibilité de donner son sang à certaines catégories de la population, tout en garantissant la sécurité absolue du receveur, notamment durant la phase de séroconversion. Avant d'ouvrir aux homosexuels la possibilité de donner leur sang, il faut assurer de manière scientifique l'innocuité du don durant la « période fenêtre ». Je le répète : le don du sang est un acte magnifique, mais au profit des receveurs.
La qualité des relations entre l'Établissement français du sang et les associations locales de donneurs de sang est fondamentale. Tout le travail de l'établissement est d'articuler l'action de ce mouvement associatif avec la mise en oeuvre de technologies et de procédures très précises. Connaissant encore assez peu ce monde du don du sang, mon premier souci après ma prise de fonction sera d'aller à sa rencontre, comme j'ai toujours pratiqué lorsque je dirigeais des mutuelles. J'aime le contact.
L'enjeu de la recherche est très important pour l'Établissement français du sang, qui compte une vingtaine de banques de tissus. Toutefois, je ne saurais en dire davantage aujourd'hui, n'étant pas encore suffisamment imprégné du sujet, mais je reviendrai avec plaisir pour en parler si vous m'y invitez.
Il est vrai que les commissaires ont eu tendance à vous poser des questions très précises, comme si vous occupiez déjà le poste ! Toutefois, comme vous y postulez, nous pouvions supposer que vous vous étiez suffisamment renseigné pour vous faire une opinion sur tous ces sujets.
Nous attendons avec impatience les conclusions du rapport de l'IGAS que vous avez évoqué sur les médicaments génériques.
Je vous remercie, monsieur Toujas.
La séance est levée à dix heures trente-cinq.