Intervention de Jean-François Dhainaut

Réunion du 11 septembre 2012 à 16h15
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Jean-François Dhainaut, président du Haut Conseil des biotechnologies :

Mesdames et messieurs les députés, le président du comité scientifique, le secrétaire général et moi-même sommes heureux et honorés de nous entretenir avec vous. Christine Noiville, présidente du comité économique, éthique et social, se trouve malheureusement retenue par une autre réunion : elle ne pourra vraisemblablement pas nous rejoindre et vous prie de l'en excuser.

Le HCB, créé par la loi du 25 juin 2008 relative aux organismes génétiquement modifiés (OGM), est une instance indépendante chargée d'éclairer la décision publique. Placé auprès de cinq ministères – environnement, agriculture, santé, recherche et consommation –, il a pour mission de rendre des avis sur toutes les questions relatives aux biotechnologies, parmi lesquelles figurent naturellement les OGM.

Deux comités le composent : le comité scientifique et le comité économique, éthique et social. Laissant le soin à Jean-Christophe Pagès de vous parler du premier, je dresserai le bilan général des travaux du Haut Conseil et vous dirai quelques mots du comité économique, éthique et social – celui-ci a connu quelques turbulences en fin d'année dernière, à la suite desquelles le Premier ministre de l'époque m'avait demandé de formuler des propositions.

Depuis sa création, tant sous ma direction que sous la présidence antérieure de Catherine Bréchignac, le HCB a bien travaillé. Il a instruit 3 130 dossiers, dont plus de 3 000 concernant l'utilisation confinée d'OGM, qu'il s'agisse de recherches ou de production industrielle. Le reste des dossiers concerne la dissémination à titre expérimental, la culture ou l'importation de plantes génétiquement modifiées (PGM), des essais de thérapie génique ou des médicaments vétérinaires. Nous avons également traité de demandes post-commercialisation ou relatives à la législation nationale et européenne. Enfin, nous avons répondu à une saisine parlementaire.

Si une majorité de dossiers concerne l'utilisation confinée des OGM, ce sont les autres qui soulèvent le plus de problèmes. Deux d'entre eux nous ont longuement occupés : d'une part, la fixation du seuil pour le « sans OGM » ; d'autre part, les conditions de coexistence entre cultures OGM et non OGM. Nous avons ainsi été amenés à travailler sur le maïs, le soja, la betterave, la pomme de terre, la vigne.

En dépit de l'énergie considérable déployée par Christine Noiville pour faire travailler l'ensemble des parties prenantes en bonne intelligence, les représentants de deux organisations professionnelles agricoles (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles et Jeunes agriculteurs), de l'Association nationale des industries alimentaires (ANIA), du Groupement national interprofessionnel des semences et plants (GNIS) et de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) ont quitté fin 2011 le comité économique, éthique et social. Ces cinq démissions ont bien sûr des raisons multiples. Toujours est-il que certains, pensant que le comité était une instance de négociation et non de concertation, regrettaient que les choses n'avancent pas aussi vite qu'ils l'auraient souhaité. Il faut le reconnaître, le précédent gouvernement a aussi parfois tergiversé. Mais comment penser que dix-huit mois suffiraient à résoudre tous les problèmes relatifs aux OGM, sujet qui suscite depuis longtemps un débat très passionnel ?

Le Premier ministre François Fillon m'a demandé de revoir l'ensemble des acteurs et de tracer des perspectives d'évolution pour ce comité composé de parties prenantes défendant chacune ses positions, et qu'il n'est donc pas si aisé de faire fonctionner malgré son rôle essentiel pour refléter la position de la société vis-à-vis de certaines innovations. J'ai pris mon bâton de pèlerin et j'ai reçu tous les membres des deux comités. J'ai également sollicité l'avis de diverses personnalités reconnues dans le domaine des biotechnologies. J'ai ensuite remis au Premier ministre un rapport ouvrant quelques pistes de réflexion, sur lequel nous continuons de travailler avec le nouveau Gouvernement. Ce travail n'a pas été vain puisque ceux qui avaient démissionné se déclarent aujourd'hui prêts à revenir discuter.

Quelles propositions avons-nous formulées ?

Tout d'abord, il y a l'élaboration d'une charte pour une vision commune du HCB. Quand bien même les différentes parties n'ont pas la même vision des OGM, leur présence dans cette instance répond à un objectif commun. Pour éviter les malentendus et, partant, faciliter la formulation des avis, nous avons rédigé une charte. Après son examen par les deux comités, elle devrait être achevée fin octobre. Sur certains points, elle complète le règlement intérieur ; par ailleurs, elle rappelle le rôle de concertation – et non de négociation – du comité économique, éthique et social, ainsi que les obligations des membres du Haut Conseil (confidentialité, respect de la légalité, loyauté et investissement dans les travaux). Elle traite également de la meilleure façon d'exprimer les positions divergentes, ce qui n'est pas tâche facile, et des modalités du dialogue entre les deux comités.

Un autre point important est la clarté des priorités du Haut conseil. Le cadre politique dans lequel il évolue doit être aussi explicite que possible pour qu'il exerce correctement ses missions.

Il faut également, en complément du savoir scientifique, consolider l'expertise socio-économique. Ce n'est pas facile car les études sont extrêmement rares, leur méthodologie même est discutée. Très peu d'entre elles ont été effectuées en France, voire aucune. Trois solutions sont envisageables.

La première serait de confier cette expertise socio-économique au comité scientifique, c'est-à-dire à des experts et non à des parties prenantes, mais cela ne serait pas sans soulever des difficultés.

La deuxième consisterait à donner au comité économique, éthique et social les moyens de réaliser cette expertise, en lui adjoignant des personnalités qualifiées. Mais ses membres, parmi lesquels on ne compte aujourd'hui que trois experts, sont très attachés à leur qualité de partie prenante et ne souhaitent pas que le CEES se transforme en un second comité scientifique.

La troisième solution, que nous retiendrions mais qui reste à avaliser par le Gouvernement, serait une nouvelle entité spécifiquement chargée de l'expertise socio-économique. Il pourrait s'agir d'un groupe externe ou interne au HCB, voire mixte, qui épaulerait le comité économique, éthique et social dans l'évaluation socio-économique.

Bien que la loi n'en donne pas explicitement mission au Haut conseil, il faudrait également renforcer l'information du public. Avec notre effectif actuel, l'objectif paraît difficile à atteindre. Nous avons rénové notre site internet pour le rendre plus accessible, mais nous manquons de moyens pour aller au-delà.

Enfin, il conviendrait de revoir les modalités de gouvernance du Haut conseil. Plus de souplesse de fonctionnement serait nécessaire. Il faudrait notamment remplacer rapidement les membres démissionnaires. L'architecture même du Haut Conseil gagnerait sans doute à être revue, mais ce n'est là qu'un point de détail par rapport au reste.

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