Intervention de Hélène Conway-Mouret

Réunion du 2 avril 2013 à 14h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l'étranger :

Merci, monsieur le président. Le projet de loi relatif à la représentation des Français établis hors de France marquera une étape importante pour la communauté française expatriée dans son lien avec la nation.

Je veux revenir sur la philosophie de ce texte. L'élection des députés représentant les Français de l'étranger, en juin dernier, a en partie modifié le rôle que jouaient jusqu'alors les conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE). Cette élection est le fruit d'une histoire qui débuta moins en 1948, avec la création du Conseil supérieur des Français de l'étranger (CSFE), qu'en 1982, avec l'élection de ses membres au suffrage universel direct alors qu'ils étaient auparavant cooptés ou désignés. Une loi de 1990 a apporté quelques changements, mais il a fallu attendre 2004 pour que le CSFE devienne l'AFE, le nombre de conseillers passant de 150 à 155 à la suite des travaux d'une commission de la réforme créée à l'initiative de l'AFE elle-même. La réforme constitutionnelle de 2008, enfin, s'est traduite par l'élection des députés au suffrage universel direct en juin dernier.

La réforme proposée par le Gouvernement n'est donc pas une simple rénovation interne à l'AFE, rénovation qui se serait peut-être heurtée à la volonté de préserver l'existant : elle instaure un nouveau système de représentation qui tend à remédier aux faiblesses du système actuel tout en en conservant les atouts. Nous avons aussi veillé à ne pas enrichir le millefeuille institutionnel, conformément aux attentes des Français et au voeu du président de la République, attaché à la simplification des règles de représentation. C'est pourquoi il était devenu nécessaire de dessiner une nouvelle architecture des différents niveaux de représentation.

Les faiblesses du système actuel résident dans l'éloignement des élus – compte tenu de la trop grande étendue des territoires –, leur insuffisante reconnaissance malgré la qualité de leur travail, et, au niveau national, dans la méconnaissance de l'AFE par nos concitoyens, ce qui suscite une frustration légitime de la part de ses membres. Quant aux atouts, l'AFE apporte une valeur ajoutée indéniable et peut contribuer au débat national en donnant à ses réunions à Paris une nouvelle dynamique ; par ailleurs, dès lors que les dossiers particuliers des Français expatriés sont désormais prioritairement pris en charge par les 23 parlementaires, il importe de donner une nouvelle légitimité à cette assemblée, légitimité qu'elle a au demeurant trouvée grâce à sa fonction de conseil, fruit d'une expérience ancienne des problématiques de l'expatriation.

Le Gouvernement a donc d'abord souhaité rapprocher les élus locaux des communautés françaises : ce point, me semble-t-il, fait consensus. L'élection au suffrage universel direct donnerait par ailleurs aux conseils consulaires, appelés à remplacer les comités consulaires, la légitimité nécessaire face à l'administration. La réforme permettra aussi de capitaliser l'expérience des conseillers consulaires, dont un certain nombre se réuniront avec l'administration centrale, pour le bénéfice du Gouvernement comme du Parlement ; aussi, dans le projet initial du Gouvernement, les conseillers en question étaient-ils désignés au second degré par leurs pairs, de sorte qu'ils ne se voyaient pas dotés d'un mandat ou d'un statut spécifique, que rien ne justifiait.

Enfin, le Gouvernement, suivant en cela une préconisation de la commission Jospin, souhaite étendre le collège électoral sénatorial, dont le quotient électoral – un sénateur élu pour vingt-cinq grands électeurs – a de quoi surprendre.

Quant à la procédure parlementaire, l'usage veut qu'un texte soit prioritairement soumis à la chambre directement ou indirectement concernée, notamment lorsqu'il propose d'en modifier le régime électoral. C'est pourquoi le projet de loi a d'abord été examiné au Sénat, où la commission des Lois a procédé à de profonds remaniements, portant davantage sur la forme que sur le fond, d'ailleurs, si l'on excepte un point dont il nous faudra débattre. Quoi qu'il en soit, le Sénat a amélioré le texte sur l'augmentation du nombre de conseillers consulaires ayant vocation à assister aux travaux nationaux, ce qui a conduit à augmenter le nombre de circonscriptions elles-mêmes, si bien que certaines d'entre elles ne comprendraient que deux élus. Ce point, qui pourrait soulever quelques difficultés dans le cas d'élections à la proportionnelle, a suscité les critiques de l'opposition, pourtant satisfaite de l'augmentation du nombre de circonscriptions. Le droit à la formation pour les conseillers constitue une autre avancée obtenue au Sénat, ainsi que l'instauration, pour chaque conseil consulaire, d'un poste de vice-président, lequel sera obligatoirement un élu – le président étant, de droit, l'ambassadeur auprès duquel le conseil est installé. Enfin, les attributions des conseils consulaires ont été clarifiées.

La première lecture a donc permis d'enrichir largement ce texte dont le Gouvernement avait dit qu'il n'était pas figé, pour peu que les amendements proposés ne fragilisent pas juridiquement l'édifice. Or tel semble être le cas, d'une part, de la date proposée pour le scrutin relatif à l'élection des conseillers consulaires, et, de l'autre, de l'élection au suffrage universel direct des représentants des conseillers consulaires destinés à conseiller l'administration centrale, le Gouvernement et le Parlement. Sur le premier point, la démarche est louable puisqu'elle vise à soutenir la participation en couplant l'élection des conseillers consulaires à celle des conseillers municipaux en France ; mais il apparaît délicat d'inscrire dans la loi une date dont l'administration pense déjà qu'elle ne pourra être respectée. Quant au second point, au-delà du fait qu'il génère dans le texte des contradictions que l'on pourrait corriger, il conduirait les électeurs à se prononcer pour des candidats dont eux-mêmes ne savent pas s'ils sont éligibles, à voter de ce fait pour une liste qui ne disposerait d'aucun siège bien qu'elle ait recueilli des voix, et même, éventuellement, à faire élire les conseillers d'une liste pour laquelle ils n'ont pas voté. Le troisième alinéa du paragraphe II de l'article 29 unvicies dispose en effet que « si […] une liste ne comporte pas un nombre suffisant de conseillers consulaires élus au sein de la circonscription pour pourvoir les sièges auxquels elle peut prétendre, les sièges non pourvus sont attribués » aux autres listes ayant des candidats éligibles mais pas de sièges. Une telle disposition contreviendrait au principe de sincérité du scrutin ; mais peut-être nos débats permettront-ils d'y remédier.

Ce projet de loi s'inscrit dans une démarche globale de modernisation de la vie publique. Il place l'exercice de la démocratie locale au plus près des citoyens et permet d'assurer à nos compatriotes une expression démocratique plus conforme à ce qu'elle est sur le territoire national. Il n'implique – le détail n'est sans doute pas inutile – aucune dépense supplémentaire. Enfin, le second projet de loi qui vous est soumis vise à proroger d'un an le mandat des conseillers membres de l'AFE, lequel aurait dû être renouvelé en juin prochain : compte tenu de l'abrogation de la loi du 7 juin 1982 et de la disparition de l'AFE telle qu'elle existe, l'intérêt général est de procéder, lors du scrutin qui se tiendra au plus tard en juin 2014, à l'élection de l'intégralité des conseillers et des délégués consulaires.

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