Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du 2 avril 2013 à 14h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à 14 heures 05.

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, président.

La Commission procède à l'audition de Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l'étranger, sur le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, portant prorogation du mandat des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger (n° 820) et le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à la représentation des Français établis hors de France (n° 834) (M. Hugues Fourage, rapporteur).

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Nous sommes heureux, madame la ministre déléguée, de vous accueillir au sein de notre commission, pour vous entendre sur deux textes adoptés au Sénat selon la procédure accélérée, que nous n'aimons guère mais qu'imposaient certains délais. Notre commission, habituellement saisie des questions territoriales et institutionnelles, est ravie de se pencher sur la représentation des Français établis hors de France.

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Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l'étranger

Merci, monsieur le président. Le projet de loi relatif à la représentation des Français établis hors de France marquera une étape importante pour la communauté française expatriée dans son lien avec la nation.

Je veux revenir sur la philosophie de ce texte. L'élection des députés représentant les Français de l'étranger, en juin dernier, a en partie modifié le rôle que jouaient jusqu'alors les conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE). Cette élection est le fruit d'une histoire qui débuta moins en 1948, avec la création du Conseil supérieur des Français de l'étranger (CSFE), qu'en 1982, avec l'élection de ses membres au suffrage universel direct alors qu'ils étaient auparavant cooptés ou désignés. Une loi de 1990 a apporté quelques changements, mais il a fallu attendre 2004 pour que le CSFE devienne l'AFE, le nombre de conseillers passant de 150 à 155 à la suite des travaux d'une commission de la réforme créée à l'initiative de l'AFE elle-même. La réforme constitutionnelle de 2008, enfin, s'est traduite par l'élection des députés au suffrage universel direct en juin dernier.

La réforme proposée par le Gouvernement n'est donc pas une simple rénovation interne à l'AFE, rénovation qui se serait peut-être heurtée à la volonté de préserver l'existant : elle instaure un nouveau système de représentation qui tend à remédier aux faiblesses du système actuel tout en en conservant les atouts. Nous avons aussi veillé à ne pas enrichir le millefeuille institutionnel, conformément aux attentes des Français et au voeu du président de la République, attaché à la simplification des règles de représentation. C'est pourquoi il était devenu nécessaire de dessiner une nouvelle architecture des différents niveaux de représentation.

Les faiblesses du système actuel résident dans l'éloignement des élus – compte tenu de la trop grande étendue des territoires –, leur insuffisante reconnaissance malgré la qualité de leur travail, et, au niveau national, dans la méconnaissance de l'AFE par nos concitoyens, ce qui suscite une frustration légitime de la part de ses membres. Quant aux atouts, l'AFE apporte une valeur ajoutée indéniable et peut contribuer au débat national en donnant à ses réunions à Paris une nouvelle dynamique ; par ailleurs, dès lors que les dossiers particuliers des Français expatriés sont désormais prioritairement pris en charge par les 23 parlementaires, il importe de donner une nouvelle légitimité à cette assemblée, légitimité qu'elle a au demeurant trouvée grâce à sa fonction de conseil, fruit d'une expérience ancienne des problématiques de l'expatriation.

Le Gouvernement a donc d'abord souhaité rapprocher les élus locaux des communautés françaises : ce point, me semble-t-il, fait consensus. L'élection au suffrage universel direct donnerait par ailleurs aux conseils consulaires, appelés à remplacer les comités consulaires, la légitimité nécessaire face à l'administration. La réforme permettra aussi de capitaliser l'expérience des conseillers consulaires, dont un certain nombre se réuniront avec l'administration centrale, pour le bénéfice du Gouvernement comme du Parlement ; aussi, dans le projet initial du Gouvernement, les conseillers en question étaient-ils désignés au second degré par leurs pairs, de sorte qu'ils ne se voyaient pas dotés d'un mandat ou d'un statut spécifique, que rien ne justifiait.

Enfin, le Gouvernement, suivant en cela une préconisation de la commission Jospin, souhaite étendre le collège électoral sénatorial, dont le quotient électoral – un sénateur élu pour vingt-cinq grands électeurs – a de quoi surprendre.

Quant à la procédure parlementaire, l'usage veut qu'un texte soit prioritairement soumis à la chambre directement ou indirectement concernée, notamment lorsqu'il propose d'en modifier le régime électoral. C'est pourquoi le projet de loi a d'abord été examiné au Sénat, où la commission des Lois a procédé à de profonds remaniements, portant davantage sur la forme que sur le fond, d'ailleurs, si l'on excepte un point dont il nous faudra débattre. Quoi qu'il en soit, le Sénat a amélioré le texte sur l'augmentation du nombre de conseillers consulaires ayant vocation à assister aux travaux nationaux, ce qui a conduit à augmenter le nombre de circonscriptions elles-mêmes, si bien que certaines d'entre elles ne comprendraient que deux élus. Ce point, qui pourrait soulever quelques difficultés dans le cas d'élections à la proportionnelle, a suscité les critiques de l'opposition, pourtant satisfaite de l'augmentation du nombre de circonscriptions. Le droit à la formation pour les conseillers constitue une autre avancée obtenue au Sénat, ainsi que l'instauration, pour chaque conseil consulaire, d'un poste de vice-président, lequel sera obligatoirement un élu – le président étant, de droit, l'ambassadeur auprès duquel le conseil est installé. Enfin, les attributions des conseils consulaires ont été clarifiées.

La première lecture a donc permis d'enrichir largement ce texte dont le Gouvernement avait dit qu'il n'était pas figé, pour peu que les amendements proposés ne fragilisent pas juridiquement l'édifice. Or tel semble être le cas, d'une part, de la date proposée pour le scrutin relatif à l'élection des conseillers consulaires, et, de l'autre, de l'élection au suffrage universel direct des représentants des conseillers consulaires destinés à conseiller l'administration centrale, le Gouvernement et le Parlement. Sur le premier point, la démarche est louable puisqu'elle vise à soutenir la participation en couplant l'élection des conseillers consulaires à celle des conseillers municipaux en France ; mais il apparaît délicat d'inscrire dans la loi une date dont l'administration pense déjà qu'elle ne pourra être respectée. Quant au second point, au-delà du fait qu'il génère dans le texte des contradictions que l'on pourrait corriger, il conduirait les électeurs à se prononcer pour des candidats dont eux-mêmes ne savent pas s'ils sont éligibles, à voter de ce fait pour une liste qui ne disposerait d'aucun siège bien qu'elle ait recueilli des voix, et même, éventuellement, à faire élire les conseillers d'une liste pour laquelle ils n'ont pas voté. Le troisième alinéa du paragraphe II de l'article 29 unvicies dispose en effet que « si […] une liste ne comporte pas un nombre suffisant de conseillers consulaires élus au sein de la circonscription pour pourvoir les sièges auxquels elle peut prétendre, les sièges non pourvus sont attribués » aux autres listes ayant des candidats éligibles mais pas de sièges. Une telle disposition contreviendrait au principe de sincérité du scrutin ; mais peut-être nos débats permettront-ils d'y remédier.

Ce projet de loi s'inscrit dans une démarche globale de modernisation de la vie publique. Il place l'exercice de la démocratie locale au plus près des citoyens et permet d'assurer à nos compatriotes une expression démocratique plus conforme à ce qu'elle est sur le territoire national. Il n'implique – le détail n'est sans doute pas inutile – aucune dépense supplémentaire. Enfin, le second projet de loi qui vous est soumis vise à proroger d'un an le mandat des conseillers membres de l'AFE, lequel aurait dû être renouvelé en juin prochain : compte tenu de l'abrogation de la loi du 7 juin 1982 et de la disparition de l'AFE telle qu'elle existe, l'intérêt général est de procéder, lors du scrutin qui se tiendra au plus tard en juin 2014, à l'élection de l'intégralité des conseillers et des délégués consulaires.

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Le texte relatif à la représentation des Français établis hors de France a été considérablement remanié par le Sénat, puisqu'il comprend désormais 59 articles. Parmi les trois difficultés qu'il me semble soulever, celle du mode de scrutin est à mon avis la principale, notamment au regard de ses fondements juridiques.

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Je veux saluer le travail de nos collègues sénateurs sur le projet de loi relatif à la représentation des Français établis hors de France. Le premier de ses deux axes essentiels, à travers les conseils consulaires, me semble être la notion de proximité, et le second, qui paradoxalement fait moins débat que d'autres points sur lesquels je reviendrai, est l'élargissement du collège électoral des sénateurs – composé aujourd'hui des 155 conseillers à l'AFE et des 11 députés élus par les Français établis hors de France –, élargissement qui lui donnera une base démocratique plus légitime.

Je veux remercier les députés représentant les Français de l'étranger de participer à ces débats : leur éclairage, notamment sur l'articulation de la fonction qu'ils occupent avec le système représentatif envisagé, me semble important. Par ailleurs, le rôle des deux grandes associations concernées, que j'ai eu l'occasion d'auditionner, doit être reconnu car elles ont contribué à structurer le débat démocratique de nos compatriotes établis à l'étranger.

Des difficultés demeurent s'agissant du mode de scrutin. Sur le bulletin de vote unique, le texte du Sénat me semble poser un problème constitutionnel, dans la mesure où ceux qui éliront les membres de l'AFE ne pourront connaître, au moment de leur vote, le résultat des élections des conseillers consulaires. Le scrutin indirect, tel qu'il était initialement prévu, me semble donc plus clair et plus lisible.

Des questions ont aussi été soulevées, lors des auditions, sur la compétence régionale des conseillers à l'AFE. À mon sens, nous ne devons pas épaissir le « millefeuille ». Les conseils consulaires et l'AFE correspondent à deux niveaux de représentation distincts : les premiers, par nature locaux, relèvent de la démocratie de proximité et la seconde, plus transversale, traite de sujets qui intéressent l'ensemble de nos compatriotes.

Par ailleurs, les circonscriptions à deux sièges posent problème du point de vue du scrutin proportionnel, puisque, selon mes calculs, une liste devrait recueillir au moins 66 % des suffrages exprimés pour emporter les deux sièges. À cet égard, le découpage des vingt circonscriptions doit sans doute être revu.

Nous devons aussi clarifier l'articulation entre le rôle de l'AFE et celui des nouveaux députés représentant les Français de l'étranger. Enfin, un article relatif aux associations, qui concourent à l'expression démocratique, pose problème au regard des questions de financement ; d'autres y reviendront sans doute.

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Nous aurons probablement, en effet, à améliorer ce texte lors de son examen en Commission puis en séance. D'origine réglementaire – avec les décrets de juillet 1948 et de mars 1959 –, la représentation des Français de l'étranger a été consacrée en 1982 par la gauche, avec l'élection d'une instance au suffrage universel direct, puis reconnue dans notre Constitution.

Le maillage de proximité est une nécessité qu'avait appuyée l'AFE elle-même en adoptant, à l'unanimité, plusieurs textes à ce sujet. Il faut au demeurant préférer l'expression « maillage de proximité » au mot « déconcentration » choisi par le Sénat : les distinctions lexicales recèlent souvent des oppositions de fond. Par ailleurs, l'élection de douze sénateurs par un collège aussi restreint avait quelque chose d'un peu baroque – même si cela permettait sans doute auxdits sénateurs de croiser leurs électeurs deux fois par an et de se consacrer pleinement à leurs attentes… Sur ce point, la réforme ne soulèvera pas d'opposition de notre part.

On a souligné que le renforcement du rôle de l'AFE était une avancée du texte. Mais le diable se cache parfois dans les détails. Sur l'article 1er, deux logiques se sont visiblement affrontées au Sénat : la représentation des Français de l'étranger relève-t-elle d'abord de l'AFE ou des conseils consulaires ? Quelle est précisément la volonté du Gouvernement sur ce point ? Une clarification me semble nécessaire, car de l'examen au Sénat est sorti, non un texte amélioré, mais pour ainsi dire un autre texte. Le maillage local est-il l'axe majeur du texte ? Si oui, le texte du Sénat vous convient-il, madame la ministre ?

S'agissant de l'article 11, vous aviez indiqué au Sénat que la reconnaissance de la représentation des Français de l'étranger était intimement liée à l'histoire des associations concernées, l'Union des Français de l'étranger (UFE) d'abord, puis l'Association démocratique des Français de l'étranger (ADFE) en 1982 – l'une étant plutôt marquée à droite et l'autre à gauche. Le maillage local est d'autant mieux venu que nos compatriotes établis à l'étranger ont le sentiment d'avoir payé un lourd tribut à la Révision générale des politiques publiques, dite « RGPP »: en dix ans ont ainsi été fermés quinze postes consulaires, et dix-sept consulats généraux ont été transformés en sections consulaires d'ambassade. Cependant, après avoir lu le compte rendu des interventions de Gaëtan Gorce ainsi que le texte de l'amendement que défendra M. René Dosière dans notre enceinte, je doute du bien-fondé de la solution retenue au Sénat. Les candidats peuvent se présenter au suffrage soit à titre individuel, soit en étant désigné par les partis politiques : les associations participent au débat citoyen, mais elles n'ont pas les mêmes contraintes que ces derniers, notamment sur la vérification des comptes de campagne. J'attends donc du rapporteur qu'il trouve la juste formulation, pour assurer la reconnaissance de leur rôle tout en évitant les confusions.

Même si cette question devrait sans doute être traitée dans une loi organique, le cumul du mandat de parlementaire avec celui de conseiller consulaire me semble par ailleurs inconcevable, le premier relevant de la représentation nationale et le second de la représentation locale.

En précisant la philosophie qui l'a inspiré, le Gouvernement nous épargnerait sans doute bien des débats byzantins sur ce texte et en faciliterait l'assimilation par les Français de l'étranger ; faute de quoi, nous pourrions avoir le sentiment qu'il est bancal, fait de compromis improvisés, alors même que ses visées sont tout à fait louables. J'invite donc chacun à la clarté et à la détermination.

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Je vous remercie de votre présence et salue votre travail et celui de vos équipes, madame la ministre. La réforme qui nous est soumise peut avoir une réelle valeur ajoutée pour les politiques publiques intéressant nos compatriotes établis à l'étranger. Je salue également le travail d'amélioration du Sénat, en particulier sous l'impulsion du rapporteur Jean-Yves Leconte.

Les conseils consulaires, avez-vous déclaré, constitueront désormais la base de la représentation des Français de l'étranger, ce dont je conviens volontiers : ces instances permettront une proximité que l'AFE, compte tenu d'une carte électorale remontant aux années quatre-vingt, n'assurait plus. De plus, un grand nombre de nos représentations diplomatiques n'ont pas d'élus auprès d'elles.

Cela dit, alors que les conseils consulaires ont, par leur dénomination même, une vocation délibérative, vingt d'entre eux ne posséderont qu'un seul élu, lequel aura pour seul interlocuteur le chef de poste. Pour faciliter la délibération et le dialogue avec l'extérieur pendant les six années de mandat, je proposerai de fixer à trois le nombre minimal d'élus dans chaque conseil, et à sept leur nombre maximal afin de rester dans les limites imposées par l'article 40 de la Constitution.

Je propose également, avec mes collègues socialistes, que le chef de poste présente un rapport annuel – qui serait un peu le miroir de celui que le Gouvernement présente chaque année à l'AFE –, afin de tracer les futures orientations du conseil sur ses domaines d'intervention, parmi lesquels les bourses scolaires, l'action sociale et la sécurité. Quel est votre sentiment sur cette proposition, madame la ministre ?

Je souhaite aussi que l'AFE, dont je conçois que vous ne vouliez pas lui donner une dimension régionale, soit reconnue dans son rôle de conseil au Gouvernement et au Parlement. On m'objectera qu'elle ne se réunit que deux fois par an, mais des échanges pendant l'intercession, via la procédure écrite ou par le recours aux moyens de communication moderne, me semblent utiles et possibles.

Je défendrai un amendement au sujet de l'absence de compétence régionale des membres de l'AFE par ailleurs conseillers consulaires : même si j'entends, madame la ministre, les arguments selon lesquels les députés seront en situation d'échange avec ces derniers, je souhaite que vous soyez notre meilleure avocate dans l'hypothèse où ces députés verraient leur circonscription disparaître, comme le préconise le rapport Jospin. Que resterait-il alors de l'architecture locale que vous nous présentez ?

Nous sommes d'autant plus attachés aux deux associations reconnues d'utilité publique qui représentent les Français de l'étranger qu'elles garantiront un égal succès de votre réforme dans l'ensemble des circonscriptions, où elles oeuvrent à l'organisation du débat public. Il convient donc de rattacher la vie associative à l'exercice électoral, dans le respect de la loi du 11 mars 1988 : c'est tout le sens d'un amendement portant article additionnel après l'article 1 que nous défendrons. Nous sommes nombreux à attendre la réponse du Gouvernement sur ce point.

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La ville du sud de la France dont je suis l'élue compte beaucoup de structures qui envoient nos concitoyens à l'étranger, où ils portent haut les couleurs de notre pays.

Le Sénat a modifié le texte du Gouvernement dans des proportions considérables ; j'espère donc que ce dialogue entre le Gouvernement et le Parlement sera constructif. Le texte dont nous parlons est d'autant plus important, en particulier du point de vue géostratégique, que le nombre de Français établis à l'étranger a quintuplé en vingt ans. Les précédentes interventions ont aussi montré combien le sujet est sensible : je salue donc le rapporteur pour son engagement dans cette lourde tâche.

Pour aller droit au fait, madame la ministre, je m'interroge sur le concept même d'« Assemblée » des Français de l'étranger, malgré la qualité de cette institution. Même si la prorogation d'un an du mandat des membres de l'AFE état souhaitable, la représentation des Français établis hors de France, qui ont désormais leurs parlementaires, n'est-elle pas du ressort du Parlement ? Les modalités de représentation au sein de l'AFE ont par ailleurs été profondément modifiées au Sénat.

Quelle est votre analyse sur le fléchage du bulletin de vote institué au Sénat, sachant que le texte initial prévoyait un scrutin indirect par les conseillers consulaires ? L'intérêt du système tel qu'il est actuellement envisagé est de rapprocher le mandat des conseillers consulaires de celui des chefs de poste. Cette simplification me paraît intéressante au regard des attentes de nos compatriotes expatriés à l'égard de leur consulat. Ne serait-il pas utile que le chef de poste présente chaque année au conseil consulaire un rapport qu'il devrait également adresser à votre ministère ? Ce document constituerait un bilan officiel de l'année écoulée, et il témoignerait auprès des Français de l'étranger que leurs préoccupations intéressent la nation tout entière.

La ressemblance des syntagmes « conseiller consulaire » et « délégué consulaire » est de nature à créer de la confusion, y compris sur le bulletin de vote : ne pourrait-on, à des fins de simplification, supprimer l'adjectif « consulaire » pour l'une des deux fonctions ? Le conseiller consulaire, rappelons-le, accompagne nos compatriotes de l'étranger au quotidien, alors que le délégué consulaire n'intervient qu'au moment de l'élection des sénateurs représentant les Français de l'étranger.

Que penseriez-vous de la limitation du cumul des mandats dans le temps à trois, pour les conseillers consulaires comme pour les conseillers à l'AFE ?

Pourquoi avoir abandonné l'idée du vote par correspondance ?

Enfin, l'Europe aura beaucoup d'élus, ce qui est normal au regard du grand nombre de nos compatriotes qui y sont établis ; cependant, les Français sont de plus en plus nombreux dans les pays émergents de l'Est et du Sud, notamment en Afrique, en Amérique latine et à l'est de la Russie : comment le ministère entend-il renforcer la présence de nos instances dans ces zones souvent moins peuplées, peu équipées en services publics et parfois dangereuses ?

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Je remercie Mme la ministre de son esprit de dialogue avec les parlementaires dans l'élaboration du texte.

La réforme de l'AFE était unanimement souhaitée, tant la sociologie des Français établis à l'étranger a évolué depuis 1982. La création des sièges de députés des Français de l'étranger appelait également une réforme structurelle de cette représentation. Celle-ci n'a au demeurant rien de corporatiste : l'établissement de nos compatriotes à l'étranger est un atout pour la France.

Depuis 2000, la population inscrite au registre des Français établis hors de France a augmenté de 60 %, soit un taux de croissance annuel de 4 % en moyenne, avec des pics ponctuels. Beaucoup de Français sont devenus binationaux, et d'autres, comme les chercheurs ou les étudiants, sont très mobiles. Il importe d'assurer une meilleure représentation à ces populations caractérisées par leur diversité ; aussi fallait-il augmenter le nombre d'élus et en revoir la répartition.

Le Gouvernement a eu le courage d'élargir le corps électoral des sénateurs. En France, le sénateur d'un département de taille moyenne, comme l'Eure, est élu par 950 électeurs, contre seulement 24 voix en moyenne – soit l'équivalent d'un délégué de classe – pour un sénateur des Français de l'étranger. La réforme envisagée, sur ce point, permettra d'introduire la démocratie réelle au sein de la représentation politique des Français de l'étranger, dans l'esprit de la République exemplaire qui inspire l'action du Gouvernement.

L'autre axe fort du texte est le renforcement de la démocratie locale. L'idée, conformément au processus de décentralisation à l'oeuvre en France, est de suivre au plus près les besoins de nos ressortissants tout en respectant l'égalité, s'agissant notamment de l'accès aux services consulaires et de la représentation politique. Lors de la campagne des législatives, j'ai en effet pu constater des inégalités entre nos compatriotes, selon qu'ils vivent dans des villes très peuplées ou dans des régions plus reculées. De ce point de vue, la présente réforme me semble améliorer le maillage territorial et l'accessibilité démocratique.

Le Gouvernement a également décidé de faire de l'AFE un haut conseil d'analyses et de propositions puisqu'y siégeront des élus consulaires qui pourront faire part de leur expérience locale. La présentation du rapport annuel par le ministre des Affaires étrangères et ce, avant l'examen du projet de loi de finances au Parlement, confère un rôle budgétaire important à cette assemblée.

Le texte comporte aussi quelques défauts, à commencer par le mode de scrutin des membres de l'AFE. Le Gouvernement a d'abord défendu le scrutin indirect, par les conseillers consulaires, avant que le Sénat n'introduise l'élection au suffrage universel direct. J'ai cru comprendre qu'il était question de revenir à la version initiale du Gouvernement : ce choix obérerait à mon sens la lisibilité du mode d'élection, qui deviendrait moins lisible pour nos compatriotes. D'une même élection sortiraient en effet quatre types d'élus : les délégués consulaires, formant le collège électoral des sénateurs, les conseillers consulaires, les membres de l'AFE et les sénateurs.

Sur le rôle des associations, il faut éviter les risques constitutionnels que fait encourir leur assimilation à des partis politiques, tout en reconnaissant leur rôle dans la vie des Français établis à l'étranger. L'amendement que défendra René Dosière sur ce point me semble intéressant. Je présenterai aussi plusieurs amendements qui, en proposant la publicité des actes de candidature sur les sites Internet des consulats et des représentations diplomatiques, tendent à améliorer la transparence des campagnes électorales. Je souhaite enfin voir figurer dans le projet de loi le rôle spécifique des conseillers consulaires en matière éducative et linguistique.

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M. Coronado vous a interrogée, madame la ministre, sur le rôle des instances représentatives des Français de l'étranger : pourriez-vous préciser ce que la présente réforme – et peut-être l'élection des députés des Français de l'étranger – changera aux attributions de l'AFE ?

Sauf erreur de ma part, le texte ne comporte rien sur le mode de rémunération des conseillers consulaires et des membres de l'AFE : pourriez-vous également nous apporter des précisions à ce sujet ?

S'agissant du financement électoral, je reprendrai l'amendement de Gaëtan Gorce repoussé au Sénat. Sur ce point, votre timidité, comme celle du président de la commission des Lois du Sénat, posent problème car les personnes morales, à l'exception des partis politiques – soumis à des obligations de transparence comptable –, ne peuvent financer les campagnes électorales : en autorisant des associations à le faire, le texte issu du Sénat contrevient à cette règle instituée après de longs combats. Réintroduire une telle autorisation, même de façon subreptice – et à supposer bien entendu que le Conseil constitutionnel l'accepte –, constituerait un grave recul.

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L'un des enjeux pédagogiques du texte est de mettre en évidence le changement profond intervenu lors des dernières élections législatives, depuis lesquelles 2,5 millions de nos compatriotes sont dépositaires de la souveraineté nationale via le suffrage universel direct, et leurs représentants associés à l'élaboration des lois qui concourent à l'intérêt général. Au-delà de cette réforme de l'édifice de représentation, l'enjeu est de comprendre que nos 2,5 millions de compatriotes expatriés sont une chance pour la France dans la mondialisation. Tous les pays ne peuvent compter sur une diaspora aussi nombreuse : la nôtre constitue un relais pour notre culture, notre langue et notre vision du monde. Il convient donc de donner à nos compatriotes de l'étranger tous les éléments d'une reconnaissance citoyenne, car ils voient se porter sur eux des regards plus ou moins bienveillants selon l'image de la France dans les pays où ils résident. J'ajoute que, désormais, chaque projet de loi comportera un volet relatif aux Français établis à l'étranger : c'est là une révolution dont nous devons être conscients.

Deux logiques était possibles pour la présente réforme : la première était celle de la déconcentration, avec la multiplication des consuls honoraires et la révision – d'ailleurs souhaitable – de leur statut, et la seconde, celle de la décentralisation à travers le renforcement démocratique des instances représentatives de nos compatriotes. Dès lors que le choix s'est porté sur la seconde voie, comment raisonner autrement que de façon cartésienne et en se fondant sur des critères exclusivement démographiques ? Avec de tels raisonnements, le découpage aurait la rigueur d'un modèle mathématique, mais il ignorerait la spécificité de régions où les Français, s'ils sont moins nombreux, ont davantage besoin de conseillers et de représentants. En Amérique latine, en Afrique et dans les vastes zones d'Europe centrale et orientale, par exemple, le besoin de proximité est bien plus fort que dans des villes d'Europe où nos compatriotes, plus nombreux, jouissent des droits communs à tous les citoyens européens. Je conçois la difficulté de l'exercice car, pour éviter toute distorsion de représentation, il faut des critères précis : comment remédier à ce problème ?

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Le système proposé n'est-il pas trop compliqué pour nos compatriotes, qui méconnaissent souvent les règles du jeu politique ?

Par ailleurs, le problème se pose-t-il de la même façon en Europe, où le cadre est pour ainsi dire déjà unifié, et à l'extérieur de ses frontières ?

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Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l'étranger

J'aurai l'occasion de répondre à un grand nombre des questions posées dès demain, à l'occasion de l'examen du texte par votre Commission. La plupart d'entre elles, animées par un souci flaubertien du mot juste, sont au demeurant d'ordre terminologique.

Le Gouvernement a souhaité créer un « maillage » au plus près des communautés françaises : l'expression de « circonscription consulaire » a été retenue car ces communautés sont souvent établies autour des consulats.

Nous entendons également faire vivre la démocratie de proximité avec la création, non d'une nouvelle AFE, mais des conseillers consulaires – ou simplement « conseillers », si vous en décidez ainsi. Il nous a néanmoins semblé judicieux de faire bénéficier le Gouvernement et l'administration centrale de l'expertise locale de ces conseillers ; l'articulation avec les parlementaires représentant les Français de l'étranger se fera sans doute naturellement. Les députés, élus de la nation, ont aussi un ancrage territorial ; les conseillers consulaires seront un relais local utile à leur travail parlementaire.

Les circonscriptions actuelles des membres de l'AFE ressemblent à celles des députés, d'où de possibles confusions, non seulement pour nos compatriotes, mais aussi pour les élus eux-mêmes, dont les missions peuvent se recouper. La réforme apportera de la simplification ; à cet égard, la solution adoptée au Sénat relativement au bulletin de vote et à l'élection au suffrage universel direct des conseillers qui siégeront à Paris peut également être source de confusion pour les électeurs. Le Gouvernement avait initialement proposé que les 444 conseillers consulaires élus désignent ceux qui, dans la proportion d'un quart d'entre eux, siégeront à l'AFE. Ce système me paraît plus simple, d'autant, madame Le Dain, que le texte du Sénat conduit effectivement à s'interroger sur la dénomination même de cette assemblée : par ce fait, la présente réforme est aussi profonde que celle de 1982.

Le Gouvernement a été très attentif à l'équilibre représentatif entre l'Europe et le reste du monde, les pays les plus éloignés bénéficiant d'un certain avantage. Cela dit, la Lozère, par exemple, n'a plus qu'un seul député alors qu'elle en avait deux naguère. Il est vrai que, lorsque la population diminue, les services publics également, si bien que le recul de la représentation politique pourrait s'apparenter à une double sanction ; mais il faut bien tenir compte des évolutions démographiques. J'ajoute que la construction de l'Europe politique et sociale doit encore progresser : de ce point de vue, l'expertise des Français établis dans les pays de l'Union est de nature à enrichir le débat national.

J'aurai l'occasion de répondre demain, lors de l'examen des articles, à certaines questions plus précises.

La séance est levée à 15 heures 15.