Intervention de Pierre Pelouzet

Réunion du 3 avril 2013 à 10h00
Commission des affaires économiques

Pierre Pelouzet, médiateur des relations inter-entreprises :

Je m'emploie par tous les moyens de communication à faire connaître la Médiation interentreprises et à faire savoir qu'elle n'emporte pas de conséquences négatives pour les entreprises qui y ont recours. J'ai pris note de vos remarques, et il me faudra venir vous voir, vous qui relayez notre action, comme le font les medias. Nous utilisons tous les réseaux dont les réseaux consulaires. Il est vrai que nous devons mieux faire connaître les médiateurs ; j'y travaille avec M. Alain Rousset, président de l'Association des régions de France. Un lien existe par nature entre la Médiation interentreprises et les préfets puisque les médiateurs sont hébergés par les Direccte. Il nous faudra en effet mieux signaler notre présence car même si un taux de notoriété de 40 % après trois ans d'existence seulement me semble relativement raisonnable, il est inadmissible que l'ensemble des entreprises de France ne connaisse pas l'existence du dispositif. Aussi, je parcours la France pour faire connaître ce nouvel outil, dénoncer les mauvaises pratiques, mettre en valeur les progrès obtenus par la conciliation et expliquer que le recours à la Médiation n'emporte en aucun cas de mesures de rétorsion. Ce disant, je parle des centaines de cas dont nous avons eu à connaître, pour lesquels la Médiation a permis la signature d'un accord entre les parties en litige. Les conflits sont souvent dus à des incompréhensions. Celui qui, dans une grande entreprise, achète pour des millions d'euros peine à imaginer l'impact qu'a un retard de paiement sur une entreprise qui travaille à une échelle bien moindre ; faire prendre conscience de cette incompréhension permet d'aboutir à des changements de comportements extraordinaires, sans mesures de rétorsion.

Bien entendu, un pan de notre activité concerne des entreprises qui se mettent volontairement hors la loi ; dans ce cas, notre action, tout en restant dans le cadre de la médiation, est beaucoup plus drastique. J'observe que la seule existence de la Médiation, organisme public, a modifié les comportements. Les entreprises se présentent devant nous et nous les ramenons au bon sens, en faisant valoir que ne pas régler la facture de 100 000 euros présentée par une PME, c'est l'empêcher de payer les salaires et éventuellement l'acculer à la faillite. Le dispositif fonctionne bien mais, parce qu'il est confidentiel – ce qui fait sa force –, nous ne pouvons citer d'exemples précis.

Le non-respect des délais de paiement représente 30 % de nos saisines ; or les crédits interentreprises s'élèvent à 600 milliards d'euros. Le retard de paiement moyen est de 12 jours, une moyenne qui signifie que si les factures d'EDF sont payées immédiatement, celles des PME le sont plutôt avec un retard de 30 jours ; il en résulte un manque de trésorerie dans les PME de l'ordre de 12 à 13 milliards d'euros, un montant considérable. Mais, je le redis, la Médiation, qui permet de rappeler les termes de la loi, est dans ces cas un outil extrêmement efficace.

Aussi longtemps que les délais légaux de paiement actuellement fixés ne seront pas respectés par tous, raccourcir encore le délai légal serait à mon sens peu judicieux et même dangereux, puisque les PME sont déjà prises en tenaille entre leurs fournisseurs de matières premières, qu'elles doivent payer en temps et en heure, et leurs clients, qui payent en retard. Dans ce contexte, commençons par faire payer ce qui doit l'être dans les délais prévus par la loi.

La Médiation des relations interentreprises est un outil précieux. En Italie, la loi relative à la sous-traitance impose une procédure de conciliation et d'arbitrage entre les parties avant toute action en justice. Dans les cas de médiations transfrontalières, les entreprises italiennes viennent donc à nous naturellement : pour elles, la médiation est un outil normal de résolution des conflits. Je me félicite que la notion de médiation gagne du terrain en France, en tous domaines. Je serais favorable à ce qu'en matière de délais de paiement, une médiation confidentielle devienne obligatoire ; on obtiendrait de meilleurs résultats par ce biais que devant un tribunal, car si le litige est rendu public, la perte du client est certaine.

Nous ne dénonçons pas à la justice les entorses à la loi que nos découvrons : nous demandons à nos interlocuteurs de changer de comportement, et ils le font. Pour autant, il est utile de pouvoir se référer au cadre légal afin de faire revenir à la raison les entreprises qui s'en sont écartées.

Certains secteurs sont effectivement davantage pourvoyeurs de saisines que d'autres. C'est le cas pour la filière automobile, qui représente à elle seule un quart des médiations. On sait que ce secteur traverse une crise grave, et les deux phénomènes sont liés : la crise amplifie la dégradation de relations qui n'étaient déjà pas bonnes et qui deviennent là franchement catastrophiques. Nos nombreuses discussions ont amené une prise de conscience, et le secteur s'est, en théorie, doté d'un code de conduite et d'une procédure de médiation. Mais le code de bonne conduite n'est pas appliqué, et la médiation inutilisée. Pendant un moment, il nous a été dit que l'absence de recours à la médiation sectorielle signifiait que tout allait bien… une assertion évidemment démentie par l'ampleur du nombre de litiges dont nous-mêmes sommes saisis. Nous souhaitons que ce code de conduite évolue pour intégrer tous les principes de la Charte, dont nous espérons qu'elle sera signée non seulement par les fédérations et les associations mais aussi par les entreprises. À ce jour, les seules entreprises du secteur automobile signataires sont Valeo – ce qui signale une évolution remarquable –, Michelin et Renault Trucks. J'espère que, conformément à l'engagement pris en ce sens, la filière automobile créera une instance de médiation réelle des relations interentreprises.

Comment crée-t-on une instance de médiation de filière ? Je nomme un de nos médiateurs nationaux expert pour une filière donnée, et je demande à la filière de nommer une personnalité qualifiée chargée de promouvoir la médiation, d'être le garant qu'elle n'entraînera pas de rétorsion et de réunir les entreprises concernées en cas de difficulté particulière. J'espère que l'on y parviendra dans la filière automobile comme cela a été le cas pour la filière ferroviaire, les éco-industries et le secteur naval et que, peu à peu, l'ensemble des filières installeront une instance de médiation spécifique.

S'agissant de la grande distribution, je reste sur ma faim. Une lueur d'espoir toutefois : dans le cadre du comité stratégique de filière, j'ai réussi à obtenir la création d'un groupe de travail sur les relations interentreprises dans la filière agro-alimentaire. J'espère que nous parviendrons ainsi faire à convaincre les enseignes de la grande distribution d'entrer à leur tour dans la médiation. Ce secteur demeure difficile. À ce jour, aucune enseigne n'est encore signataire de la Charte mais nous ne désespérons pas que quelques-unes la signent et fassent ainsi basculer les autres.

Nous avons les moyens de répondre à une demande accrue de médiation ; j'espère qu'elle continuera de progresser et, ce faisant, à provoquer la révolution des comportements qui me paraît indispensable puisqu'il en va de notre compétitivité et de nos emplois.

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