Intervention de André Chassaigne

Séance en hémicycle du 6 avril 2013 à 21h30
Sécurisation de l'emploi — Article 13

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Cet article concrétise, nous dit-on, le grand retour de l'administration dans le contrôle des licenciements économiques. Ce n'est pas le moindre des paradoxes que de constater que le patronat, qui avait obtenu en 1986 du Gouvernement Chirac de la première cohabitation, l'abrogation de l'autorisation administrative, se soit ainsi battu pour obtenir son rétablissement.

Que s'est-il passé entre-temps pour expliquer une telle volte-face ?

La loi du 27 janvier 1993 qui, enrichie d'un amendement du groupe communiste, sanctionnait de nullité les plans de sauvegarde de l'emploi insuffisants, avait eu pour conséquence, depuis le célèbre arrêt Samaritaine du 13 février 1997, la nullité des licenciements, donc le droit à réintégration. Certaines juridictions, poussant jusqu'à son terme la logique de ce texte que nous avions voté ensemble, mes chers collègues de la majorité d'aujourd'hui, en étaient récemment arrivés, je pense à l'affaire Viveo, à annuler un plan social non pas à cause de l'insuffisance de son contenu mais en raison de l'inexistence d'un quelconque motif économique. Mais l'arrêt Viveo de la Cour de cassation a censuré cette tentative et, pour ce qui nous concerne, nous le regrettons. Mais chacun avait pu comprendre de cette décision de la Cour de cassation que celle-ci renvoyait la balle dans le camp du législateur. Le message que nous y voyions était le suivant : parlementaires, si vous voulez, parce qu'il est manifeste que l'entreprise n'a pas de réel motif économique, que les juges puissent annuler un plan social, donc les licenciements qui en résultent écrivez-le. !

C'était quelques semaines avant l'élection présidentielle. L'on était en droit d'attendre de la majorité de gauche qu'elle suive la voie ouverte par les juges de la Cour d'appel de Paris dans l'affaire Viveo.

C'est tout le contraire qui nous est proposé, avec ce retour de l'administration certes, mais sans contrôle du motif économique, dans un délai étriqué et dans le cadre d'une procédure qui n'offre aucune garantie aux salariés concernés. Le MEDEF et les marchés exigeaient de la sécurité juridique : elle leur est offerte sur un plateau d'argent. Les salariés, quant à eux, devront se résoudre à l'insécurité, bien assez bonne pour eux. Tout cela au nom d'une thèse que, mes chers collègues de la majorité, nous combattions ensemble il n'y a pas si longtemps, selon laquelle la libéralisation des licenciements est la condition d'une libération des embauches. La droite nous avait servi ce discours en 1986 au moment de l'abrogation de l'autorisation administrative de licenciement qui allait permettre de créer au moins 400 000 emplois... On a vu le résultat. Le problème de cette thèse, c'est qu'elle ne s'est jamais vérifiée !

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