C'est totalement exagéré.
Au plan national, je pense qu'un travail doit être mené avec la Chancellerie, en lien avec les chefs de juridiction, en vue de la mise en place d'une réelle organisation.
En Seine-Saint-Denis, entre le 1er octobre 2010, date d'entrée en vigueur de la loi, et le 31 décembre 2012, 508 décisions sur des requêtes en ordonnance de protection ont été rendues ; dans 50 cas, la procédure n'est pas allée au bout (désistement, caducité, radiation). Ainsi, sur 458 décisions motivées qui ont été rendues, 346 ordonnances de protection ont été accordées, soit 75 %, et 112 ont été rejetées au motif que la situation de danger n'était pas établie, soit 25 % – ce qui fait trois ordonnances sur quatre accordées.
Pour l'année 2012, 234 décisions ont été rendues ; dans 26 cas (10 %), il a été constaté que la demanderesse ne s'était pas présentée ou avait fait savoir qu'elle renonçait à sa demande. Ainsi, sur 208 décisions motivées qui ont été rendues, 143 ordonnances de protection ont été accordées et 65 rejetées, soit un taux positif de 69 %.
Le délai moyen entre le dépôt de la requête et la décision a été de douze jours. Les citations aux défenseurs ont été délivrées dans des délais compris entre vingt-quatre et quarante-huit heures.
En outre, 92 % des requérantes étaient assistées d'un avocat, et le défendeur était assisté d'un avocat dans 41 % des cas – il comparaissait seul dans 25 % des cas, et ne comparaissait pas du tout dans 23 % des cas.
Pour faire une requête d'ordonnance de protection, Madame n'est pas obligée d'avoir porté plainte. Cela est très important car elle a très peur et à juste titre puisque, dans un certain nombre de cas, des femmes ont été tuées après avoir porté plainte. Cela signifie qu'il n'y a pas forcément de réquisition pour les unités médico-judiciaires (UMJ), ni d'enquête préliminaire de police. Par conséquent, il faut faire la preuve de la vraisemblance des violences.
La vraisemblance des violences peut être prouvée grâce au médecin de famille, au psychologue ou au psychiatre qui suit la dame – une femme sur deux victimes de violences est dépressive, d'où la nécessité de former les médecins –, à l'assistante sociale à qui elle a demandé un logement et parlé de ses dettes de loyer que Monsieur ne paie pas, au directeur d'école à qui elle a parlé de ses problèmes. Sur le modèle d'une lettre de signalement en matière de protection de l'enfance, ces professionnels pourront écrire un courrier indiquant : « J'ai rencontré Mme X. qui m'a dit : "… " ». Dans le cadre du contradictoire, ils n'affirment pas que les faits sont réels, mais que Madame leur en a parlé. L'ensemble des éléments de vraisemblance va amener le juge à prendre une décision. S'il est bien formé et qu'il a compris les mécanismes de la violence, il pourra rendre une décision positive. D'où, là encore, l'intérêt de former les juges.
À la Cour d'appel de Douai où je me suis rendue récemment, une juge aux affaires familiales m'a raconté l'histoire suivante. Une dame de soixante-dix ans, victime des violences de son conjoint qui montaient en intensité, est venue lui demander une ordonnance de protection. En tant que juge correctionnel, elle n'aurait pas eu suffisamment d'éléments de preuve. Mais en tant que juge aux affaires familiales (JAF), dans le cadre du principe de précaution, elle a décidé d'accorder l'ordonnance car la dame avait très peur. Monsieur a fait appel, la Cour a donné raison à la JAF, mais, malheureusement, cette dame a été tuée par son conjoint. La JAF m'a alors fait part de son soulagement d'avoir fait droit à la demande de cette femme, en tout cas d'avoir fait ce qu'elle a pu. Ainsi, un des éléments de preuve, que je considère très important, est la peur que l'on perçoit chez les femmes.