Je suis entièrement d'accord avec vous sur la situation en milieu rural, où j'ai fait beaucoup de formation. Je pense même qu'un groupe de travail, associant les collectivités territoriales, les services de l'État et les associations, pourrait être mis en place pour mener la réflexion sur le sujet. À titre expérimental, un ou deux départements pourraient être choisis et les procédures de traitement des cas de violence qui seraient élaborées pourraient avoir valeur d'exemple. Les femmes sont en effet terriblement isolées, ne serait-ce que parce que beaucoup d'entre elles dépendent de leur conjoint pour les transports, car ce sont eux qui ont la voiture.
En Seine-Saint-Denis, je l'ai dit, nous avons mis en place un service de mise en sécurité de sept jours, payé par l'État. Ainsi, à partir du dépôt de l'ordonnance de protection – moment où la femme est en très grand danger –, cette dernière est mise à l'abri, et, une fois l'ordonnance de protection obtenue, elle peut réintégrer son logement si son conjoint en est évincé. Dans le cas contraire, effectivement, elle part dans l'errance et fait appel au 115 car les foyers sont surchargés.
Selon l'article 19 de la loi du 9 juillet 2010 sur les violences faites aux femmes, « des conventions sont passées avec les bailleurs de logements pour réserver dans chaque département un nombre suffisant de logements à destination des personnes victimes de violences, protégées ou ayant été protégées par l'ordonnance de protection ». Il s'agit là d'un très beau projet auquel il ne faut pas renoncer ! En région parisienne, si chaque bailleur social accordait un logement, cela représenterait 500 logements pour les personnes victimes de violence, ce qui serait considérable ! Une telle obligation pourrait être envisagée. Le dispositif « Un toit pour elle », mis en place par la Seine-Saint-Denis, permet à chaque ville volontaire d'accorder un logement sur son contingent, sachant que l'office départemental en accorde 10, la CAF 5, la préfecture 5, ce qui fait 48 par an. Si le dispositif était dupliqué dans les autres départements, cela permettrait aux femmes accueillies dans les structures d'hébergement spécialisées, comme SOS femmes ou l'Amical du Nid, d'en sortir et à d'autres d'y être accueillies. En la matière, vous avez un rôle à jouer en lien avec le ministère du Logement, sachant que cet article 19 n'a toujours pas fait l'objet d'un décret d'application.
Toujours au chapitre des propositions, je dirais que la durée de l'ordonnance de protection devrait être portée à six mois. Nous constatons en effet une inégalité entre les couples mariés et les autres types de partenaires. L'ordonnance de protection est automatiquement prolongée jusqu'à l'ordonnance de non-conciliation pour les couples mariés, alors que pour les autres, elle s'arrête au bout de quatre mois. Il conviendrait donc que la loi mette à égalité les couples mariés, les couples pacsés et les couples concubins en prenant en compte le fait qu'une démarche de séparation a été effectuée dans chacun des cas.
En outre, il convient de fixer un délai précis et raisonnable entre le dépôt de la requête de l'ordonnance de protection et la tenue de l'audience. L'Assemblée nationale avait proposé soixante-douze heures, ce que le gouvernement a refusé à l'époque. Un délai de deux ou trois mois, comme vous l'avez évoqué, madame la présidente, est beaucoup trop long et ne peut pas correspondre à une mesure de protection.
Ensuite, l'article 6 de la loi du 10 juillet 1991 réformant l'aide juridique, selon lequel l'aide juridictionnelle peut être accordée à toute situation « digne d'intérêt », devrait être davantage appliqué dans le cadre de l'ordonnance de protection. En effet, les femmes victimes de violences subissent aussi, la plupart du temps, des violences économiques : non seulement elles peuvent se retrouver sans revenus, mais si leur conjoint leur a confisqué leurs papiers, elles ne peuvent déposer leur requête d'ordonnance de protection.
Par ailleurs, il faudrait améliorer la procédure de la dissimulation de l'adresse. L'ordonnance de protection donne la possibilité à la demanderesse de dissimuler son adresse et d'élire domicile chez l'avocat ou auprès du procureur. Or une fois l'ordonnance de protection échue, l'homme peut retrouver la femme car, conformément à la loi, il a le droit de savoir où vivent ses enfants. Il faudrait donc que le juge aux affaires familiales puisse prolonger la mesure de protection dans un délai précis, ce qui éviterait à certaines femmes de déménager plusieurs fois. En outre, si le JAF a interdit à l'auteur des violences d'entrer en relation avec la victime, mais lui a accordé le droit de visite et d'hébergement, les enfants sont en danger car ils se retrouvent dans un conflit de loyauté : leur père leur demande où ils vont à l'école pour savoir où vit leur mère et la retrouver. Il faudrait donc, dans le cas où l'auteur a interdiction d'entrer en contact avec la victime et où celle-ci a obtenu l'autorisation de dissimuler son adresse, que le juge puisse ne pas accorder le droit de visite et d'hébergement pendant les six mois. En tout cas, nous attirons l'attention des JAF sur ces situations dangereuses.
Il faudrait également résoudre le problème des dettes de loyer. En effet, si Madame veut déménager, les conjoints mariés sont solidaires des dettes de loyer. Il conviendrait donc d'indiquer, soit la possibilité d'attribution des dettes à Monsieur exclusivement, y compris pour les couples mariés, soit l'extinction ou la reprise de la dette par un service social, pas forcément départemental, mais grâce à un nouveau dispositif.
Enfin, en cas d'homicide conjugal, le retrait de l'autorité parentale pourrait être rendu automatique.