J'ai participé à une mission parlementaire organisée par l'ONG « the European Parliamentary Forum on population and development ». J'ai ainsi assisté à la 57ème réunion de la commission sur la condition des femmes de l'ONU. Le thème central de cette session était l'élimination et la prévention de toute forme de violence à l'encontre des femmes et des filles.
EPF est un réseau de parlementaires basé à Bruxelles, qui sert de plateforme pour la coopération et la coordination de ses 33 groupes (ouverts à tous les partis politiques au sein des parlements à travers l'Europe, pour promouvoir et défendre les droits reproductifs et sexuels de chaque individu, l'égalité de genre et l'équité, l'amélioration du statut des femmes et éliminer toute discrimination, coercition et violence à l'encontre des femmes).
La commission de l'ONU sur la condition des femmes se réunit annuellement. Des accords conclusifs sont négociés par les gouvernements des Etats membres pendant les deux semaines de session, accords qui servent aux pays membres de texte de référence pour aborder la législation nationale sur la santé et les droits des femmes et des filles.
L'an passé, la commission de l'ONU sur les droits des femmes a été le théâtre de nombreux débats sur des sujets variés tels que les mariages forcés, le genre et l'égalité de genre, l'éducation sexuelle, la santé sexuelle et reproductive mais aussi sur les pratiques traditionnelles nuisibles aux femmes, le rôle de la famille, les droits des parents. Certains acteurs tels le Saint-Siège ainsi que des associations conservatrices de la société civile ont souvent pour objectif affiché d'empêcher l'écriture de messages forts en direction des femmes.
La délégation de l'Union européenne peut présenter sa position si un consensus a été trouvé parmi les 27 Etats membres ; ses représentants semblent déterminés à parvenir à une position commune et à la conclusion d'un accord, et cela sans compromission dans la défense des droits des femmes
Cette 57ème session de la commission de l'ONU sur la condition de la femme a été un moment crucial dans la perspective des objectifs du millénaire pour le développement 2015. Ces objectifs, comme les conférences du Caire et de Pékin, ont fait considérablement progresser les droits des femmes. Six mille représentants de la société civile y étaient présents, faisant de cette session le plus grand rassemblement international jamais organisé pour mettre fin aux violences contre les femmes.
Bien que 160 pays aient adopté des lois contre les exactions, l'impunité est encore la norme, pas l'exception. Certains pays comme le Vatican, l'Iran, la Russie, tentent de freiner les efforts pour lutter contre les violences faites aux femmes. Ces pays s'opposent ainsi à ce que les relations sexuelles imposées à une femme par son mari ou son compagnon, soient considérées comme un viol.
Des grands progrès ont néanmoins été accomplis. Aujourd'hui, il existe des accords et des traités internationaux visant à assurer aux femmes et aux filles, le respect, la dignité, les choix et la liberté dont tout être humain devrait jouir. Ainsi, 125 pays sont dotés de lois qui sanctionnent la violence domestique. Toutefois 603 millions de femmes vivent dans des pays où la violence domestique n'est pas considérée comme un crime. Il reste beaucoup à faire comme au Cameroun, en Guinée, au Niger, en Côte d'Ivoire, au Gabon.
Les femmes âgées de 15 à 44 ans meurent plus de violences que du cancer, sida, paludisme réunis. C'est une violation flagrante des droits fondamentaux qui brise les familles, les communautés, coûte aux pays des milliards de dollars ou d'euros tous les ans en soin de santé et en perte de production.
A la fin de la session, la signature d'un accord partagé par l'ensemble des pays membre a été actée. Un paragraphe important de ce texte souligne que « la violence contre les femmes et les filles ne pourrait se justifier par aucune coutume, tradition ou considération religieuse ». L'accord indique aussi que « Les pays doivent traiter et éradiquer les violences domestiques ».
Pour la première fois, ce texte mentionne les droits fondamentaux des femmes en matière de sexualité et de procréation, en pressant les gouvernements de procurer des préservatifs féminins, des soins accessibles physiquement et financièrement, comme la contraception d'urgence ou l'avortement, en cas de violence.
Cette session m'a permis de mesurer la responsabilité des parlementaires qu'il faut impérativement mobiliser sur tous ces sujets.
Les Parlements doivent élaborer et promulguer des lois qui criminalisent la violence conjugale. Tous les pays devraient disposer d'une législation criminalisant la violence à l'encontre des femmes, quelle qu'en soit la forme. C'est pourquoi les Parlements jouent un rôle clef dans le suivi et la mise en oeuvre de la législation. Lorsque les lois ne sont pas appliquées, nous nous trouvons face à un échec de gouvernance, dans l'incapacité de protéger les femmes et les filles contre la violence.
Le rôle du parlementaire est de sensibiliser l'opinion, car une loi n'est efficace que s'il existe des ressources financières et humaines pour la mettre en oeuvre. Aujourd'hui, au sein de la Délégation aux droits des femmes, avec la présidente Catherine Coutelle, je veux que la sensibilisation des élus des territoires soit une priorité, ainsi que la consultation des différents groupes politiques représentés à l'Assemblée nationale, en vue de participer à des actions.
Nous devons renforcer la mise en oeuvre des lois, des politiques, des programmes pour mettre fin aux violences faites aux femmes. Nous avons besoin d'une action efficace et de budgets suffisants pour mettre en oeuvre les politiques décidées.
L'accent devrait être mis sur la prévention qui est un pilier majeur, notamment en s'attaquant aux causes profondes des inégalités sexuelles et en protégeant les droits fondamentaux des femmes et des filles. Il importe de favoriser l'évolution des comportements avec des actions de sensibilisation, des programmes éducatifs, une aide aux enfants et aux jeunes exposés à la violence. Il s'agit de faire prendre conscience à notre jeunesse que les acquis peuvent être menacés.
Cette action de prévention nécessite l'engagement de tous les acteurs de la société, en particulier des hommes et des garçons, partenaires dans la lutte pour l'égalité des sexes. Il faut s'appuyer sur des réseaux, impliquer les collectivités et les associations, pour faire passer le message du caractère prioritaire de la lutte contre les violences faites aux femmes au niveau national comme au niveau international, et de l'autonomie réelle des femmes, qui passe par la libre disposition du corps.
Le volet de la formation est aussi un axe primordial en direction des magistrats, de la police et de la gendarmerie, comme l'accompagnement des auteurs de violences.
Les défis sont grands, nous devons, en tant que parlementaires, redonner de l'espoir mais pour cela il faut agir. Ce sont les actes et non les paroles qui comptent.
Permettez-moi de conclure avec les principaux points évoqués dans la déclaration de notre ministre Najat Vallaud-Belkacem :
- la France fait de la lutte contre les violences faites aux femmes une priorité tant au niveau national qu'au niveau international ;
- la France est attachée au caractère universel des droits des femmes et de tous les droits de la personne humaine ;
- l'égalité entre les sexes passe par l'autonomie économique, par le droit des femmes à disposer de leur corps, et par les droits fondamentaux qui constituent les droits sexuels et reproductifs ;
- la France, avec le gouvernement de M. Ayrault, a pris des mesures fortes portées par la ministre des Droits des femmes, comme la création de la MIPROF ou la réunion du comité interministériel aux droits des femmes fin novembre 2012. Un projet de loi ambitieux sur l'égalité est en préparation. Ce sont là des avancées, même si le chemin à parcourir est encore long.