Non. Nous parlons de complicité. Or il n'y a pas d'incrimination qui puisse tenir s'il n'y a pas un acte matériel de complicité – par exemple l'achat des billets d'avion. En réalité, les parents savent bien à quoi s'en tenir. Lorsqu'on les interroge, ils reconnaissent d'ailleurs que l'excision est pratiquée dans leur famille et dans leur village. Qu'ils n'y envoient donc pas leur fille – sauf s'ils peuvent démontrer qu'ils ont pris toutes les précautions nécessaires pour assurer sa protection. Les parents qui ont été condamnés l'ont tous été pour complicité : lorsque cela se passe en France, ce sont eux qui se mettent en quête d'une exciseuse, qui lui amènent l'enfant et qui la payent. Nous avons ici des actes matériels qui sont directement liés à l'excision, et c'est ce qui m'a permis d'obtenir la condamnation. Celui qui se rend coupable d'un délit de complicité est en effet puni par notre droit et notre jurisprudence des mêmes peines que l'auteur principal de l'acte, c'est-à-dire celui qui tient la lame.
En droit, la tentative est punissable si elle est interrompue par le fait d'une volonté ou d'un facteur extérieur à la personne. L'arrêt spontané, lui, n'est pas punissable. Ce sont des dispositions qui datent du code Napoléon, et qui sont applicables. Le projet de loi prévoit de réprimer l'incitation à la mutilation « lorsque celle-ci n'a pas été réalisée ». En tant que praticienne, je vois mal comment cette disposition pourra être mise en oeuvre concrètement. La seule façon de le faire – mais elle supposerait une autre rédaction – serait de pouvoir incriminer les prêcheurs pour incitation verbale. On pourrait ainsi envisager de modifier l'article 24 de la loi du 19 juillet 1881 sur la presse – qui réprime les provocations – ou de s'en inspirer pour créer un délit spécifique relatif aux mariages forcés et aux mutilations sexuelles.
S'agissant des mariages forcés, je vous suggère d'inclure dans l'article 2-3 du code de procédure pénale la constitution de partie civile des associations lorsque l'union est imposée à une mineure. C'est en effet cet article que j'ai utilisé pour « m'infiltrer » dans les procès dans les affaires d'excision, en tant que partie civile au nom d'une association.