La fiscalité écologique est un élément essentiel de la conversion écologique de la société. Élaborer une fiscalité écologique nous amène donc à réfléchir plus largement sur le modèle de société que nous envisageons dans les prochaines années, et à remettre en cause ce dogme absolu de la croissance et du productivisme. C'est sur un nouveau modèle de développement qu'il faut fonder cette nouvelle fiscalité.
Passer d'une fiscalité centrée sur la production et la consommation à une fiscalité écologique demande du temps, il est donc nécessaire de s'engager immédiatement sur cette voie. Attendre 2016 – comme cela a pu être évoqué – ou se limiter à quelques mesures n'est pas acceptable, tant en la matière est essentiel.
Si le budget pour 2013 a eu pour ligne directrice la recherche de la justice fiscale, le budget pour 2014 devra planifier – et pas seulement amorcer – la transition vers une fiscalité écologique. Les premières mesures impératives sont connues : je pense notamment à la fin des niches fiscales anti-écologiques, notamment sur le diesel et le kérosène, et à la mise en place d'une contribution climat-énergie.
Mais il ne faudra pas s'arrêter là. Il convient, comme vous l'avez dit, de s'interroger sur le type de fiscalité écologique que nous voulons. Soit nous optons pour une « fiscalité de rendement » et il est alors nécessaire que le produit de cette fiscalité soit intégralement consacré à la transition écologique. Je pense notamment à l'écotaxe « poids lourds », dont nous examinons en ce moment les modalités d'application : son produit doit être utilisé pour financer des projets d'infrastructures alternatives à la route, sans quoi la dimension « écologique » de la taxe serait fortement amoindrie... Soit nous optons pour une « fiscalité comportementale », qui est l'essence même de la fiscalité écologique, avec pour objectif de modifier les comportements les plus néfastes à l'environnement. Mais en réduisant son assiette au fur et à mesure que les comportements changent, une fiscalité écologique efficace fait fondre les rentrées fiscales. Or, en cette période de déséquilibre budgétaire, le rendement des taxes est malheureusement davantage recherché que le changement des comportements...
L'équilibre peut-être difficile à trouver entre rendement fiscal et modification des comportements. La protection de l'environnement et la volonté de changer les comportements ne doivent pas être perçues par la population comme des prétextes pour assurer des rentrées fiscales. Pour être efficace, une fiscalité écologique doit être bien comprise de nos concitoyens, son but doit être expliqué.
Dans ce domaine, la seule annonce qui a été faite par le gouvernement sur la fiscalité écologique ne va pas dans le sens de ce que souhaitent les écologistes. En effet, pour financer le crédit d'impôt compétitivité-emploi (CICE), trois milliards d'euros doivent être trouvés grâce à la fiscalité écologique. Cela signifie que l'objectif de la fiscalité « écologique » n'est pas d'investir dans la transition écologique, mais de financer une niche fiscale et que l'objectif n'est pas de changer les comportements : la dépense fiscale de trois milliards d'euros est une dépense pérenne, il faudra donc une recette pérenne et pas une recette qui s'érode au fur et à mesure du changement des comportements...
Surtout, il faut bien voir que l'outil fiscal n'est pas le seul outil pour modifier les comportements, l'outil réglementaire est souvent plus approprié. Si l'objectif est réellement de protéger l'environnement, il vaut mieux, dans certains cas, interdire plutôt que taxer et accompagner le changement des comportements qui nuisent à l'environnement plutôt qu'incriminer les pollueurs en les taxant.
L'outil fiscal n'est qu'un outil parmi d'autres de la transition écologique. Je pense notamment à l'agriculture. Pour mettre fin à l'agriculture chimique, une fiscalité dissuasive sur l'utilisation de produits phytosanitaires – notamment sur les engrais azotés – inciterait les agriculteurs à s'orienter vers l'agriculture biologique. Mais ce n'est pas suffisant : accompagner les agriculteurs vers un mode de production biologique est tout aussi essentiel. Il ne faut donc pas attribuer à la fiscalité écologique des objectifs qu'elle ne pourra pas remplir.
Dernier point que je souhaite aborder, celui de la préservation de la biodiversité, élément essentiel de la fiscalité écologique mais qui semble malheureusement laissé de côté. Nous savons que l'artificialisation des sols est l'une des raisons de la perte de biodiversité. Pour lutter contre cette artificialisation, il convient de modifier en profondeur notre fiscalité, notamment au niveau local. Peut-on imaginer taxer l'artificialisation des terres et, a fortiori, taxer fortement l'artificialisation de zones particulièrement riches en biodiversité, comme les zones humides ? En l'espèce, l'outil fiscal est-il le bon outil ? Ou faut-il tout simplement interdire les constructions dans certaines zones ?