La réunion

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Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a auditionné M. Guillaume Sainteny, sur la fiscalité écologique.

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Mes chers collègues, je souhaite la bienvenue à M. Guillaume Sainteny, que notre commission avait déjà auditionné le 15 février 2012 sur les aides publiques dommageables à la biodiversité. Cette audition avait été animée et je peux supposer que celle d'aujourd'hui, sur la fiscalité environnementale, suscitera de votre part le même intérêt, compte tenu de l'importance du sujet.

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Guillaume Sainteny

Je vous remercie pour votre invitation, M. le président. L'écofiscalité ou le rôle de la fiscalité dans la préservation de l'environnement sont effectivement propices à de nombreuses réactions. Afin de laisser le plus de temps possible aux questions, j'évoquerai rapidement les défauts de la fiscalité française par rapport aux politiques d'environnement, ainsi que trois points particuliers : le pôle énergie climat, l'artificialisation des sols et la biodiversité.

Les défauts de la fiscalité française sont à mon sens les suivants : il s'agit d'une fiscalité de rendement, et non une fiscalité écologiquement incitative qui modifierait les processus de production ou les modes de consommation ; son rendement est faible, car elle comprend de nombreuses niches, des taux réduits, des dépenses fiscales. Cette fiscalité s'apparente à un gruyère, si l'on me permet cette image, car les taux sont différents selon les catégories de produits taxés ; elle est complexe, donc inéquitable : les personnes qui connaissent bien le droit fiscal sont aptes à en tirer de nombreux avantages, au détriment des personnes moins informées. Sa complexité entraîne un coût de collecte très élevé, environ trois fois plus élevé que la moyenne des pays de l'OCDE. Elle est instable car elle souffre de changements à chaque loi de finances : les acteurs économiques ne bénéficient en conséquence d'aucun signal prix de long terme qui serait générateur d'un comportement écologique plus responsable.

De plus, il s'agit d'une fiscalité de l'offre, centrée sur la fourniture quantitative de biens et de services, plutôt que de réguler la demande. Si l'on prend l'exemple des transports, aucun dispositif ne favorise leur utilisation en heures creuses ou n'organise un report des modes de transport saturés vers d'autres modes ; le versement transport est orienté vers le financement de nouvelles infrastructures au gré des besoins, sans évaluation sociale ou écologique, puisqu'il s'agit d'un financement affecté. Enfin, elle n'intègre pas l'environnement alors que l'Union européenne rappelle l'importance de prendre en compte le développement durable dans toute politique.

Quelques exemples éclaireront ce débat. Quand le Gouvernement travaillait sur la taxe carbone, le rendement de celle-ci était évalué à 3 milliards d'euros sur la base de 17 euros la tonne de carbone. Dans le même temps, le Gouvernement réformait la taxe professionnelle, dont le produit était de 30 milliards d'euros. Personne n'a songé à « verdir » cette taxe alors que plusieurs de ses conséquences étaient dommageables pour l'environnement. Autre exemple : l'augmentation du taux de TVA sur la rénovation des bâtiments et sur les transports collectifs ne favorise pas la réalisation d'objectifs de développement durable.

Dans un autre domaine et à titre prospectif, le Gouvernement envisagerait d'étendre avec les futures lois de décentralisation le versement transport en province. C'est une bonne idée, mais comme ce versement est assis sur la masse salariale, il ira à l'encontre du choc de compétitivité souhaité et constituera une nouvelle charge pour les entreprises alors qu'il pourrait être calculé sur une base plus neutre, comme leur chiffre d'affaire ou, mieux encore, à partir des plans de déplacement en entreprise.

Le dernier point sur lequel je souhaite attirer votre attention est la fiscalité sur le foncier non bâti. La loi de finances pour 2013 a prévu, avec application à partir du 1er janvier 2014, une modification de la taxe sur les terrains non bâtis s'appliquant aux parcelles constructibles, qui est aujourd'hui assez basse. Si le taux de la valeur locative cadastrale est majoré de 20% et qu'il s'accompagne d'une taxe de 5 euros par mètre carré, le coût de l'hectare sera de 50 000 euros en 2014 et passera à 100 000 euros en 2016. Personne ne peut payer de pareilles sommes. Parallèlement, l'une des 20 mesures annoncées par le Président de la République lors de son récent déplacement en province me semble poser problème, à savoir la fin de l'abattement pour durée de détention des plus-values sur les terrains non bâtis, sauf en cas de promesse de vente. La conséquence est que tous ces terrains seront mis en vente pour échapper à l'impôt. Cette intention aura des conséquences sur les terrains classés U et AU. En Ile de France, 50 000 hectares agricoles et péri agricoles risquent d'être urbanisés. Cela signifie la disparition de l'agriculture de proximité, la fin des circuits courts entre producteurs et consommateurs, l'imperméabilisation des sols et l'augmentation du taux de CO2 dû à l'augmentation du transport des denrées alimentaires, en provenance de zones éloignées.

J'en arrive à la politique de transition énergétique et à ses effets sur le climat : à mon sens, la taxe carbone ne remédie pas au différentiel de prix et de taxation entre les différentes sources d'énergie et aux déductions dont bénéficient certaines catégories. La taxe carbone a une utilité si, après calcul du coût de l'externalité de chaque source d'énergie et de son taux de taxation, elle vient combler la différence pour orienter les comportements. Or, il suffit de rappeler les disparités de taxation de ces sources pour réaliser les limites de ce système : la tonne de supercarburant est taxée à 250 euros, le gazole à 160 euros, le fioul lourd à 6 euros, le gaz naturel combustible à 5 euros, le fioul domestique à 3 euros, le charbon à 3 euros également pour les entreprises. Le kérosène et le charbon à usage domestique ne supportent pour leur part aucune taxe. En conséquence, une taxe carbone à 32 euros ne corrige pas les effets environnementaux de ces disparités.

Il est un autre élément sur lequel je souhaite attirer votre attention. Nous affirmons souvent en France que l'électricité que nous produisons est la moins chère d'Europe. Il est vrai qu'elle est peu taxée. Son prix est deux fois moins élevé qu'en Allemagne dont les performances énergétiques sont toutefois supérieures aux nôtres. Le bas coût de l'électricité doit donc être relativisé si on le rapporte à l'ensemble de notre politique énergétique.

Cette électricité provient à 90% de sources non carbonées et à 10% de sources carbonées, ces dernières n'étant pas taxées alors qu'il s'agit d'énergies fossiles importées. Il n'y a donc pas de signal prix assis sur le carbone. Si l'on examine les sources non carbonées, l'on constate que l'énergie nucléaire est taxée, de même que l'eau pour le refroidissement des centrales ou encore les énergies renouvelables. L'hydroélectricité est également imposée, au titre du foncier bâti, y compris pour les passes à poisson. L'on voit mal dans ces conditions pourquoi détaxer les énergies fossiles qui permettent de fabriquer de l'électricité, alors que leur part est minoritaire dans notre bouquet énergétique. La majoration de la pression fiscale ne serait que marginale et n'aurait que peu de répercussion sur le prix de l'électricité. Le Président de la République souhaite que la France accueille en 2015 la conférence internationale annuelle sur le climat. Si notre pays conduisait cette réforme pour favoriser le développement durable, il serait plus à même de convaincre ses partenaires d'agir dans le même sens.

J'en reviens au gazole, pour souligner qu'il n'est pas sous-taxé – il subit au contraire de fortes taxes – mais qu'il est moins imposé que l'essence. L'objectif est de combler le différentiel de prix de manière à ne plus favoriser le gazole, nocif pour la santé. Une logique purement budgétaire conduirait à aligner d'emblée son taux sur celui du supercarburant, mais les obstacles politiques sont nombreux. Une autre solution consisterait à affecter un nouveau taux de taxation au gazole et au supercarburant pour que leurs prix se rejoignent. A titre de question complémentaire, il convient de s'interroger sur un taux particulier en faveur des professionnels. Utile économiquement, une telle mesure est dommageable pour l'environnement et pour la santé. Le rendement pour les finances publiques dépend de son élasticité. Il me semble en fait qu'il ne faut pas traiter ce sujet sous l'angle du carburant : nous avons en France un bonus-malus calculé uniquement sur le CO2 émis, mais qui ne tient pas compte des particules fines. C'est donc dès le moment de l'achat du véhicule que le consommateur est incité à choisir un moteur au diesel. Ce comportement est accentué par le régime de déduction de TVA, très favorable pour le propriétaire d'un véhicule utilitaire recourant au gazole (déduction à 100%) alors qu'un véhicule roulant au supercarburant ne bénéficie pas d'un tel régime.

Je souhaite maintenant vous alerter sur l'étalement urbain et l'artificialisation des sols. Notre pays bat un record en Europe avec 90 000 hectares par an. Nous avons longtemps été insouciants face à ce problème en raison de la faible densité de notre population mais une telle politique est intenable au regard des enjeux environnementaux et sociaux, restreint les espaces naturels et agricoles et empêche de réaliser la trame verte et bleue. Quelques propositions permettraient d'enrayer ce phénomène. La première consiste à réhabiliter les sols pollués, que nous négligeons actuellement, contrairement à un pays comme les États-Unis, où la densité de la population est pourtant plus faible qu'en France. La faible taxation de la détention d'un sol pollué n'incite pas à le réhabiliter ; la transmission d'un sol pollué est en revanche fortement imposée : il conviendrait en fait d'inverser les deux logiques et de majorer l'imposition d'un sol pollué, quitte ensuite à prévoir une fiscalité favorable pour les activités qui viendraient s'y implanter après réhabilitation.

Je terminerai avec la taxation de la biodiversité, en distinguant la biodiversité ordinaire et la biodiversité extraordinaire. Ce qui me frappe est que le foncier non bâti est bien plus imposé que d'autres biens. Cela conduit à ce que le rendement moyen annuel des valeurs mobilières soit d'environ 6%, celui de logements loués de 3 à 4% tandis que celui des espaces agricoles est à peine de 1%, soit une perte de valeur après inflation. La fiscalité incite à bâtir et non à conserver les espaces agricoles ou naturels. Pour changer cette situation, il faudrait augmenter les loyers ruraux (comme les fermages), mais c'est sans doute difficile pour des raisons politiques, ou l'on peut alléger la fiscalité des bailleurs de terres agricoles.

Je voudrais faire trois remarques concernant la biodiversité. D'abord, lorsque j'étais en poste au ministère de l'écologie, j'avais fait adopter deux réformes : l'exonération quasi-totale des droits de mutation à titre gratuit sur les espaces naturels bénéficiant de protections fortes (biotopes, zones Natura 2000, coeur de parcs nationaux), et le décalque du régime fiscal du patrimoine culturel sur celui s'appliquant au patrimoine naturel. J'ai toujours été frappé par le décalage qui existe entre ces deux régimes, sachant que la France reste la première destination touristique au monde, et que les deux premières motivations de nos visiteurs sont la richesse de notre patrimoine culturel et la beauté des paysages naturels.

J'avais obtenu que les gestionnaires de ces espaces naturels remarquables puissent déduire de leur revenu foncier les frais d'entretien et de restauration. Je rappelle qu'au titre de la directive « Habitats », nous avons une obligation d'entretien et de restauration de la qualité écologique de ces espaces, et qu'en cas de non-respect de celle-ci, nous encourons des condamnations de la Commission européenne. Plusieurs procédures sont d'ailleurs en cours. Comme cela existe pour les immeubles classés et surtout inscrits, j'avais également obtenu que ces déductions puissent se faire sur le revenu global, pour les propriétaires qui ne percevaient pas de revenus fonciers.

J'étais très content de ces réformes. Malheureusement, Bercy, quatre ou cinq ans après, et en plein Grenelle de l'environnement, « nuitamment » et avec l'appui de quelques sénateurs, a vidé cette mesure de son sens en la plafonnant à 18 % de 10 000 euros. Cela n'est absolument plus incitatif : je vous le signale parce que cette question revient en débat. Le dispositif que j'avais imaginé comportait deux filtres : un avis de la DREAL, sur lequel se fondait, sans la lier, la décision du ministère des finances, en fonction de l'intérêt du projet pour la collectivité, et un avis de la Fondation du patrimoine, qui accomplit un travail remarquable, dans les mêmes conditions que lorsqu'elle juge d'opérations portant sur le bâti. Les représentants de cette fondation, que j'ai rencontrés récemment, sont écoeurés : après avoir formé leurs délégués régionaux et départementaux à ce nouveau type d'expertise, ils envisagent de l'abandonner. En effet, les contraintes administratives pesant sur les propriétaires porteurs de projet sont telles que bien souvent, ils préfèrent se passer des 2 500 euros d'exonération et ne pas déposer de dossier.

La question des servitudes me paraît mûre pour avancer : comme vous le savez, en droit anglo-saxon, le droit de propriété peut facilement se démembrer, et l'imagination juridique est bien plus grande que la nôtre. Une entreprise, une fondation, une collectivité locale, une ONG peuvent acquérir non pas la propriété pleine et entière d'un terrain, mais une servitude, par exemple une servitude non aedificandi. Cela permet de démultiplier les moyens de protection, avec un rapport coût-efficacité beaucoup plus favorable. Le droit français n'autorise les servitudes que de façon très restrictive : il faut un fonds servant et un fonds dominant, ce qui implique la mitoyenneté des deux. Rien ne s'oppose à l'introduction dans notre droit de servitudes visant à la protection de l'environnement : il faudrait sans doute commencer par des espaces spécifiques, et j'en verrai bien le bénéfice octroyé au Conservatoire du littoral. Cela rejoint une observation faite à plusieurs reprises par la Cour des comptes, qui voyait dans cet outil juridique un moyen d'accroître ses capacités d'intervention. Il faudrait naturellement que les propriétaires en soient indemnisés, mais cela coûte moins cher qu'une acquisition, puisqu'il n'y a pas de transfert de propriété, et permet au public d'avoir accès à des espaces remarquables. Cette option permet également de laisser ouverte la possibilité d'une cession ultérieure en pleine propriété.

Je voudrais attirer votre attention sur l'actualité de la Corse, marquée d'abord par la révision du plan d'aménagement et de développement durable de Corse (PADDUC), équivalent du SDRIF. Dans ce cadre, les communes dans leur globalité ont manifesté le souhait de doubler leur surface urbanisable, notamment pour satisfaire la demande de résidences secondaires et du tourisme, au détriment pour l'essentiel d'espaces agricoles. De plus, la décision du Conseil constitutionnel, portant sur la loi de finances pour 2013, et qui a mis fin au dispositif d'exonération des droits de mutation à titre gratuit, permet de faire deux choses : lancer une campagne de dation en paiement au profit du Conservatoire du littoral, ce qui n'avait pu jusqu'à présent être réalisé. Et, en arguant de la spécificité de la Corse, du caractère exceptionnel du littoral corse, de la richesse de sa biodiversité terrestre et marine, et des menaces qui pèsent sur lui, proposer que la dation en paiement puisse aussi, de façon temporaire - pendant cinq ou dix ans - être acceptée au titre du règlement de l'impôt sur les sociétés, y compris au bénéfice des SCI, et en particulier de celles qui sont imposables au titre de l'impôt sur le revenu. En dehors de l'intérêt écologique, il y a là un intérêt juridique, règlementaire et politique : compte de sa situation, l'île de beauté compte énormément de propriétés en indivision, les propriétaires indivis ne se connaissant bien souvent pas, pour avoir émigré en Amérique latine ou ailleurs il y a cent ou cent cinquante ans. Acheter un terrain sur place implique de retrouver tous ces propriétaires et de les mettre d'accord : cela reste souvent difficile, voire impossible. Bref, cette option permettrait de mettre un peu d'huile dans les rouages.

J'en viens à une dernière question qui vous concerne car vous êtes pour beaucoup d'entre vous élus locaux. Imaginons que le président Jean-Paul Chanteguet soit maire d'une commune littorale, qu'il décide de mener une politique de protection de son territoire extrêmement active et donc de ne plus rien construire, et que je sois moi maire d'une commune voisine, que j'ai entièrement bétonnée pour y édifier casinos, hôtels, marinas, galeries marchandes… Ma commune va connaître un afflux de touristes et d'activité économique, donc de recettes fiscales : taxe sur le foncier bâti, taxe d'habitation, cotisation économique territoriale, taxe sur les casinos, parkings payants, redevance d'occupation, de concessions de plage. Les touristes qui séjournent dans ma commune vont avoir envie de nature, car ils sont en vacances, et ils vont donc se rendre dans la commune du président Chanteguet pour profiter de son cadre de vie agréable et écologique. Le soir, ils rentreront chez moi pour consommer. Au bout d'un ou deux ans, le président Chanteguet me fera valoir que les touristes qui viennent de chez moi profitent de ses efforts de préservation du patrimoine naturel et me demandera donc de lui reverser une partie des recettes fiscales générées par eux. Je lui opposerai un refus, au motif que lui aussi pouvait « bétonner » sa commune.

Vous voyez bien que nous nous trouvons dans une situation qui est très injuste : le maire qui fait des efforts de protection de son environnement non seulement n'est pas récompensé mais il est pénalisé. Il faut absolument envisager une péréquation entre les communes qui tirent des recettes d'une artificialisation des sols et celles qui ne peuvent pas le faire. Le contexte me paraît porteur, du fait de l'imminence du dépôt du projet de loi dit « acte III » de la décentralisation, mais aussi du fait de la diminution du concours de l'État aux collectivités territoriales, qui permet d'envisager non de porter non un coup de rabot uniforme mais bien de récompenser les bons élèves et pas les mauvais. J'ai bien conscience du côté provocateur de ma réflexion, compte tenu des difficultés que vous connaissez sur le terrain.

Je prendrai deux exemples : en premier lieu, plus d'un quart de siècle après le vote de la loi littoral en 1986, plus de 50 % des communes n'ont toujours pas mis en conformité leur POS avec ses dispositions. Il y a là un petit sujet dans un État de droit : le fait que les communes qui ont fait l'effort d'une mise en conformité touchent autant de dotation globale de fonctionnement (DGF) que celles qui ne l'ont pas fait est peut-être questionnable. En second lieu, et même si le recul est moins long, il semblerait que les Schémas de cohérence territoriale (SCOT) adoptés après la loi Grenelle n'en intègrent pas les nouvelles obligations en matière d'urbanisme. Un rapport du CGEDD doit sortit bientôt sur cette question.

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Nous sommes tous convaincus de la nécessité de mettre en oeuvre des politiques destinées à lutter contre le réchauffement climatique ou à mieux prendre en compte les enjeux environnementaux et sanitaires. Un des objectifs prioritaires est constitué par la sobriété et l'efficacité énergétiques. Pensez-vous que la fiscalité écologique peut constituer l'un des outils majeurs d'une politique au service d'un tel objectif ?

Vous mettez également en évidence que la fiscalité sur l'énergie dans notre pays est aujourd'hui déséquilibrée – à un point d'ailleurs surprenant, compte tenu des chiffres que vous avancez. En matière d'imposition du carbone, faut-il s'engager sur la voie d'une fiscalité additionnelle ou différentielle ? Que pensez-vous des réflexions actuellement en cours, au sein de l'Union européenne, et visant à réviser la directive sur l'énergie ?

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Votre exposé était franc, parfois provocateur.

J'en retiens que la France apparaît aujourd'hui à la traîne en matière d'éco-fiscalité. Des engagements ont été pris par le Président de la République et le Premier ministre de faire évoluer cette situation dès le projet de loi de finances pour 2014. Un Comité pour la fiscalité écologique a été installé, copiloté par Bercy et le ministère chargé de l'écologie – ce qui est une première – et où siègent nos collègues Jean Launay et Martial Saddier. Les premières ébauches de propositions ont été présentées hier, qui doivent être encore approfondies.

De manière générale, un vrai travail de pédagogie s'impose : les responsables politiques que nous sommes doivent se mettre en mesure d'expliquer une thématique complexe par nature. Le « mitage » de notre fiscalité la rend extrêmement difficile à lire. Il nous faut tirer les leçons de l'échec de la « taxe carbone » en 2009, avec les problèmes posés par une faible acceptabilité sociale, les campagnes de certaines associations de consommateurs, etc. Il faut également que nous sachions rassurer quant à l'impact sur la compétitivité et je souhaiterais que vous puissiez nous faire part des réussites dans ce domaine de certains pays étrangers, comme la Suède.

L'objectif des parlementaires de la majorité est donc de pouvoir inscrire fermement un ensemble de principes dès le projet de loi de finances pour 2014, sur lesquels il nous faudra ensuite demeurer vigilants – afin d'éviter l'expérience du gouvernement Jospin, où l'orientation initiale a été infléchie très rapidement.

Je regrette que la révision de la directive « Taxation de l'énergie » soit aujourd'hui à l'arrêt, alors que les principes qui la sous-tendent me semblent pleinement pertinents. Les contraintes de l'unanimité complexifient la prise de décision en matière fiscale au plan de l'Union européenne et elles sont d'autant plus dommageables que se développent par ailleurs les coopérations renforcées entre les États et leurs interconnexions énergétiques.

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Le groupe UMP connaît et salue la qualité de vos travaux en matière d'éco-fiscalité.

Ainsi que vous l'avez très justement souligné, nous avons besoin, en matière de fiscalité écologique, de stabilité et de lisibilité – cette remarque vaut d'ailleurs pour l'ensemble de notre droit fiscal. Une année après l'alternance politique de 2012, il convient que cette stabilité s'inscrive dans les faits. De ce point de vue, la série d'annonces et de contre-annonces à laquelle nous avons été confrontés au cours des derniers mois – carburants, TVA et quelques autres exemples – constitue un très mauvais signal, alors même que nous sommes aujourd'hui – et nul ne s'en félicite – sur un rythme de trente mille chômeurs de plus par mois. Mois après mois, on nous annonce que le triste record de 1997 sera battu : c'est une catastrophe pour notre pays.

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Si nous partageons globalement vos analyses, nous n'oublions pas, néanmoins, que les décisions en matière de fiscalité sont prises in fine par des responsables politiques élus, représentatifs des territoires. Sans esprit de polémique, je souhaite ici rappeler que nous assistons actuellement à la modification la plus considérable des modes de scrutin depuis les débuts de la Ve République (Murmures) : l'effet en sera d'abaisser la représentation des territoires ruraux, c'est-à-dire ceux qui portent les zones humides, les zones classées Natura 2000, les arrêtés de biotope, l'eau potable, la faune et la flore remarquables, etc. La représentativité des hommes et des femmes élus de ces territoires ne peut qu'en être à son tour affaiblie.

Plusieurs députés. Mais ce n'est pas le sujet !

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La loi de décentralisation en préparation aboutira à une « schématitude » régionale effrénée, avec une véritable mise sous tutelle des blocs communaux et intercommunaux : ceux-ci auront en effet la charge de lever l'impôt sur les particuliers, tout en étant privés de tout moyen de peser efficacement sur les instruments de planification structurants. Pour vous, quel est le bon échelon de péréquation ?

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Je n'ai rien à ajouter aux propos et aux écrits récents de M. Guillaume Sainteny.

Je voudrais revenir sur le référé de la Cour des comptes du 1er mars dernier, dans lequel elle confirme les anomalies de notre système fiscal et pointe des mécanismes de taxation préservant certains intérêts sectoriels (transport, agriculture, pêche). Ces dispositifs ne vont pas dans le sens de la transition écologique : le charbon est ainsi la ressource la moins taxée, alors qu'il s'agit du combustible le plus émetteur de CO2. Quant au kérosène, il n'est pas taxé pour les vols intérieurs, mais l'est pour les vols internationaux : le manque à gagner est évalué à 3,5 milliards d'euros en 2009 et le système aboutit à donner une prime au transport aérien, alors qu'il est le mode de transport le plus polluant par passager ou par tonne transportée.

La Cour mentionne également le taux réduit de TVA (5,5 %) sur les équipements de climatisation ou les effets différentiels de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE).

Alors qu'il faut admettre qu'une fiscalité véritablement écologique relève encore aujourd'hui du voeu pieu, qu'attendez-vous des travaux du Comité pour la fiscalité écologique récemment installé ? Les signaux négatifs continuent malheureusement d'être lancés, sans qu'ils suscitent de véritables réactions. En septembre 2012, on diminue de 3 centimes d'euros la TICPE pour répondre aux inquiétudes des automobilistes et en février dernier, on évoque une augmentation de la taxe sur le gasoil : où est la cohérence ? On décide la mise en place de la « taxe poids lourds » ; à peine votée, on explique que le produit de cette taxe ne sera pas mobilisé pour financer des infrastructures de transport d'avenir : quelle cohérence ? On relève le taux de TVA sur les travaux de rénovation dans la construction et la rénovation, sans se poser la question de la séparation du bon grain et de l'ivraie.

A la lumière des importantes responsabilités que vous avez exercées en administration centrale, qui est aujourd'hui en capacité d'imposer de nouveaux équilibres, marquant une volonté de s'engager résolument dans la voie de la transition environnementale ? Notre commission du développement durable ne le peut pas, quels que soient les efforts et l'engagement de notre président. Serait-ce le rôle d'un vaste ministère de l'écologie aux compétences élargies et donc en mesure de s'opposer au ministère du budget ? Ce n'est pas le cas actuellement.

Il faut que les choses changent : la fiscalité écologique ne représente aujourd'hui que 4,7 % de l'ensemble des recettes fiscales dans l'Hexagone contre 6,2 % en moyenne dans l'Union européenne et les écarts avec nos principaux voisins sont considérables.

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La fiscalité écologique est un élément essentiel de la conversion écologique de la société. Élaborer une fiscalité écologique nous amène donc à réfléchir plus largement sur le modèle de société que nous envisageons dans les prochaines années, et à remettre en cause ce dogme absolu de la croissance et du productivisme. C'est sur un nouveau modèle de développement qu'il faut fonder cette nouvelle fiscalité.

Passer d'une fiscalité centrée sur la production et la consommation à une fiscalité écologique demande du temps, il est donc nécessaire de s'engager immédiatement sur cette voie. Attendre 2016 – comme cela a pu être évoqué – ou se limiter à quelques mesures n'est pas acceptable, tant en la matière est essentiel.

Si le budget pour 2013 a eu pour ligne directrice la recherche de la justice fiscale, le budget pour 2014 devra planifier – et pas seulement amorcer – la transition vers une fiscalité écologique. Les premières mesures impératives sont connues : je pense notamment à la fin des niches fiscales anti-écologiques, notamment sur le diesel et le kérosène, et à la mise en place d'une contribution climat-énergie.

Mais il ne faudra pas s'arrêter là. Il convient, comme vous l'avez dit, de s'interroger sur le type de fiscalité écologique que nous voulons. Soit nous optons pour une « fiscalité de rendement » et il est alors nécessaire que le produit de cette fiscalité soit intégralement consacré à la transition écologique. Je pense notamment à l'écotaxe « poids lourds », dont nous examinons en ce moment les modalités d'application : son produit doit être utilisé pour financer des projets d'infrastructures alternatives à la route, sans quoi la dimension « écologique » de la taxe serait fortement amoindrie... Soit nous optons pour une « fiscalité comportementale », qui est l'essence même de la fiscalité écologique, avec pour objectif de modifier les comportements les plus néfastes à l'environnement. Mais en réduisant son assiette au fur et à mesure que les comportements changent, une fiscalité écologique efficace fait fondre les rentrées fiscales. Or, en cette période de déséquilibre budgétaire, le rendement des taxes est malheureusement davantage recherché que le changement des comportements...

L'équilibre peut-être difficile à trouver entre rendement fiscal et modification des comportements. La protection de l'environnement et la volonté de changer les comportements ne doivent pas être perçues par la population comme des prétextes pour assurer des rentrées fiscales. Pour être efficace, une fiscalité écologique doit être bien comprise de nos concitoyens, son but doit être expliqué.

Dans ce domaine, la seule annonce qui a été faite par le gouvernement sur la fiscalité écologique ne va pas dans le sens de ce que souhaitent les écologistes. En effet, pour financer le crédit d'impôt compétitivité-emploi (CICE), trois milliards d'euros doivent être trouvés grâce à la fiscalité écologique. Cela signifie que l'objectif de la fiscalité « écologique » n'est pas d'investir dans la transition écologique, mais de financer une niche fiscale et que l'objectif n'est pas de changer les comportements : la dépense fiscale de trois milliards d'euros est une dépense pérenne, il faudra donc une recette pérenne et pas une recette qui s'érode au fur et à mesure du changement des comportements...

Surtout, il faut bien voir que l'outil fiscal n'est pas le seul outil pour modifier les comportements, l'outil réglementaire est souvent plus approprié. Si l'objectif est réellement de protéger l'environnement, il vaut mieux, dans certains cas, interdire plutôt que taxer et accompagner le changement des comportements qui nuisent à l'environnement plutôt qu'incriminer les pollueurs en les taxant.

L'outil fiscal n'est qu'un outil parmi d'autres de la transition écologique. Je pense notamment à l'agriculture. Pour mettre fin à l'agriculture chimique, une fiscalité dissuasive sur l'utilisation de produits phytosanitaires – notamment sur les engrais azotés – inciterait les agriculteurs à s'orienter vers l'agriculture biologique. Mais ce n'est pas suffisant : accompagner les agriculteurs vers un mode de production biologique est tout aussi essentiel. Il ne faut donc pas attribuer à la fiscalité écologique des objectifs qu'elle ne pourra pas remplir.

Dernier point que je souhaite aborder, celui de la préservation de la biodiversité, élément essentiel de la fiscalité écologique mais qui semble malheureusement laissé de côté. Nous savons que l'artificialisation des sols est l'une des raisons de la perte de biodiversité. Pour lutter contre cette artificialisation, il convient de modifier en profondeur notre fiscalité, notamment au niveau local. Peut-on imaginer taxer l'artificialisation des terres et, a fortiori, taxer fortement l'artificialisation de zones particulièrement riches en biodiversité, comme les zones humides ? En l'espèce, l'outil fiscal est-il le bon outil ? Ou faut-il tout simplement interdire les constructions dans certaines zones ?

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Votre intervention était relativement technique, alors que votre ouvrage me semblait combiner plus harmonieusement détails et réflexions plus globales.

Vous êtes engagé dans une croisade pour la réhabilitation de l'écofiscalité et je souhaite que votre ouvrage ait un écho plus large qu'il n'a actuellement. Celui-ci commence par ces mots : « La cause est entendue, la messe est dite, l'oraison funèbre prononcée… La fiscalité de l'environnement serait au pire nocive, au mieux inutile et inefficace » : il y a donc beaucoup de travail à faire, car telle est bien l'image que nous avons donné, au fil du temps, à ce pan de notre fiscalité.

Lors de l'examen de la dernière loi de finances rectificative, le Gouvernement a souhaité financer une partie du CICE grâce à la fiscalité écologique. Dès 2014, ce ne sont donc pas moins de 3 milliards € qui devront être trouvés dans ce cadre. Que pensez-vous de ce montant ? Quels sont les dispositifs de taxation à mobiliser par priorité, pour trouver de telles ressources ?

Les élus du groupe RRDP sont sceptiques, ainsi qu'ils l'ont dit lors du débat sur la fiscalité écologique organisé en janvier dernier, sur l'objectif affiché par le Gouvernement de vouloir à la fois changer les comportements des usagers, protéger l'environnement et bénéficier de rentrées fiscales conséquentes.

Vous écriviez, en mai 2012, que le système fiscal français tendait à favoriser des activités dommageables à l'environnement. Quelle est votre position aujourd'hui ? Peut-on concilier fiscalité écologique et ressource fiscales significatives et pérennes ? Une bonne fiscalité écologique, c'est-à-dire incitative et comportementale, n'a-t-elle pas pour vocation à participer à l'extinction de sa propre assiette ?

Il faut ouvrir la voie vers un changement des comportements, mais nous ne pouvons pas non plus constamment rajouter de la fiscalité à la fiscalité. Nos concitoyens en ont ras-le-bol. Hier et aujourd'hui, les taxes s'additionnent sans aucune lisibilité quant à leur usage. Le pouvoir d'achat des ménages s'effrite et nos entreprises perdent leur compétitivité. C'est donc à un transfert de fiscalité qu'il faut s'atteler, avec un changement des mentalités et des pratiques. Il faut que l'opération soit « blanche » pour nos concitoyens ou nos entreprises.

L'acceptabilité passe par des messages clairs et de la transparence. Comme l'écrivait La Fontaine dans la Poule aux oeufs d'or, « l'avarice perd tout en voulant tout gagner » : ne soyons donc pas avares en matière d'écofiscalité !

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Je suis étonné de ce que vous soyez opposé à la mise en place d'une contribution climat-énergie, mesure emblématique pour beaucoup du combat mené en faveur d'une fiscalité écologique. En dépit de ses inconvénients, elle nous semble être le point de passage obligé pour une prise de conscience faisant évoluer nos comportements. Pourriez-vous nous rappeler les arguments sur lesquels vous fondez votre position ?

Que pensez-vous du fiasco réglementaire du marché carbone ? Faut-il le maintenir et, sinon, quelle alternative ?

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Un récent rapport de l'OCDE pointe la complexité particulière de la fiscalité française et souligne l'impossibilité de supporter une nouvelle hausse significative des prélèvements, qui représentent déjà 45 % du PIB et nous placent de ce point de vue à la tête des pays développés.

Est-il possible de créer une véritable fiscalité écologique, sans complexifier encore le droit fiscal et sans augmenter les prélèvements ? J'ai cru comprendre, à vous entendre, que nous n'y arriverions pas facilement.

Une des critiques fréquemment entendue en matière de fiscalité écologique est qu'elle pénaliserait les entreprises, et notamment les PME. L'écotaxe « poids lourds » est ainsi accusée par de nombreux professionnels d'entraver sérieusement leur activité. Est-ce donc bien le moment d'aller encore plus loin, alors que l'emploi est en crise dans notre pays ?

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La précarité énergétique se définit communément comme l'incapacité, pour un ménage, de payer les factures d'énergie liées à son logement. Au-delà de l'urgence sociale et économique à résoudre ce problème, les enjeux climatiques et environnementaux constituent une autre facette de cette précarité : certains facteurs comme la mauvaise isolation thermique des logements ou la faible qualité des équipements peuvent conduire à une surconsommation énergétique, génératrice de précarité.

Des politiques publiques ambitieuses peuvent contribuer à traiter efficacement le problème de la précarité énergétique : haute performance des logements et des équipements, mesures de maitrise de la demande, recours aux énergies renouvelables, etc. Pensez-vous qu'une fiscalité écologique, qui conjuguerait politique environnementale et mesures économiques et sociales, pourrait contribuer substantiellement à une véritable stratégie de lutte contre la précarité énergétique ?

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Je remercie M. Sainteny de son exposé. Lorsque je suis devenue parlementaire en 1997, on parlait déjà de fiscalité écologique. De nombreuses années après, je déplore qu'on en soit toujours au même point ou presque.

Pensez-vous que l'on puisse aujourd'hui progresser en termes de fiscalité écologique sans remettre à plat la fiscalité globale ? Chacun la juge inéquitable, injuste et insuffisamment redistributive.

Vous avez parfois fait référence à des situations étrangères pour illustrer votre propos. J'ignore si la chose est possible : j'aimerais que nous disposions d'éléments de comparaison internationale. On vante beaucoup l'Allemagne en ce moment, notamment dans le domaine de la fiscalité, mais les conditions d'application et les situations sont souvent trop différentes pour en tirer des conclusions valables.

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Vous montrez clairement que la tarification des ressources fossiles met en contradiction les logiques sociale et environnementale. D'un côté, il s'agit de protéger les foyers les plus modestes en garantissant un faible coût de l'énergie ; de l'autre côté, il convient de préserver l'environnement grâce à un développement des sources alternatives qui n'est crédible qu'en présence d'un prix élevé des hydrocarbures. Je crains que les classes moyennes soient vouées, une fois de plus, à supporter l'essentiel de l'effort : les tarifs sociaux se multiplient pour les moins favorisés tandis que les plus aisés ne ressentent que faiblement la hausse de leur facture énergétique. J'aimerais recueillir votre sentiment sur ce point, car il ne faudrait pas alimenter les tensions sociales dans le climat actuel.

La péréquation existe dans la région francilienne. Pourquoi ne pas la généraliser à d'autres territoires ?

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Je veux d'abord confier à Martial Saddier que, président du conseil général du Gers, les Gouvernements qu'il a soutenus ne m'ont guère laissé le souvenir d'une profonde empathie envers la ruralité. Je me rappelle plutôt y avoir vu le service public et la République s'y dissoudre.

Je suis actuellement chargé d'une mission sur la gestion quantitative de l'eau dans les irrigations, et je souhaiterais vous interroger précisément sur la fiscalité de l'eau. Une directive européenne pose un principe de récupération des coûts ; la France a choisi une transposition dérogatoire pour permettre une tarification de l'eau en fonction des usages et des utilisateurs afin de tenir compte des aspects économiques et sociaux. C'est l'une des grandes questions de la fiscalité environnementale : comment appliquer la règle pollueurpayeur sans attenter à la compétitivité nationale ? L'eau est ainsi à la fois une ressource naturelle à préserver absolument et un besoin économique fondamental pour le secteur agricole. Quelle est votre recommandation pour une approche incitative, et non de rendement, pour une gestion efficiente de la ressource en eau sans méconnaître les caractéristiques du secteur agricole ?

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À l'heure où un grand nombre de schémas de cohérence territoriale (SCOT) et de plans locaux d'urbanisme (PLU) ont mis en oeuvre des politiques de pérennisation des terres agricoles pour lutter contre l'étalement urbain, vous rappelez que les mesures annoncées à Dijon par le Président de la République concernant la fiscalité sur les zones 2AU pourraient avoir un effet extrêmement néfaste à court terme. De même, la future loi sur l'urbanisme pourrait décider l'ouverture à l'urbanisation des zones 1AU et 2AU par l'État si elles n'étaient pas affectées dans un délai déterminé. J'ai récemment abordé le sujet au sein de l'établissement public foncier de Loire-Atlantique et il se disait, sans aucune arrière-pensée partisane, que ceci pourrait figurer au sein des prochaines ordonnances. Nous sommes tous attachés à la protection des terres agricoles. J'appelle chacun d'entre nous, et notre président au premier chef, à se montrer particulièrement vigilant dans les prochaines semaines.

La taxe départementale sur les espaces naturels sensibles (TDENS), qui relève des conseils généraux, me semble bien fonctionner bien qu'établie sur les droits de mutation. Je regrette que l'on en ait si peu parlé.

Nous écoutons avec attention les propositions d'évolution du Conservatoire du littoral, créé par Olivier Guichard, qui mérite d'être renforcé. Il travaille d'ailleurs fréquemment avec les collectivités territoriales et il convient de soutenir son action.

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Mon attention a été attirée par la hausse importante de la fiscalité sur le foncier non bâti, qui pose problème en milieu rural pour les terres agricoles qu'il faut pourtant préserver. Je crois que cette initiative devrait être rediscutée.

Comment encourager les collectivités qui s'engagent pour la protection de l'environnement ? Il existe effectivement la TDENS, intéressante, mais tout de même peu lisible puisque fondue dans la nouvelle taxe d'aménagement. Les communes disposent de peu de moyens et celles qui construisent intensément sont les mieux loties en droits de mutation et en taxes foncières quand celles qui préservent les espaces naturels manquent de recettes. Vous avez mentionné la perspective d'une péréquation ; ne vaut-il pas mieux imaginer une fiscalité dédiée ? Faut-il revenir sur la taxe d'aménagement ?

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La fiscalité écologique recouvre l'ensemble des mesures fiscales fondées sur la protection de l'environnement. Elle encourage les comportements vertueux mais ne se résume pas aux seules taxes et impôts.

La mise en place de l'écotaxe poids lourds pèsera lourd sur les sociétés de transport car, bien qu'issue du Grenelle de l'environnement, elle interviendra dans un contexte économique fondamentalement différent où la pression fiscale s'est accrue sur les Français et sur les petites entreprises. Instaurer une nouvelle taxe risque d'abattre les opérateurs déjà menacés par la crise. De plus, cette écotaxe faussera la concurrence car elle appliquera des taux différents suivant les régions. N'y a-t-il pas de meilleurs moyens pour protéger l'environnement sans mettre en jeu la survie des entreprises de transport ?

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Je déplore l'absence d'instrument européen de fiscalité écologique. Les trente-quatre pays de l'OCDE déclinent leurs dispositifs en fonctions des priorités économiques et industrielles nationales. Je peux comprendre que les États recherchent chacun la performance économique mais ni la pollution ni les atteintes environnementales ne reconnaissent les frontières. À votre connaissance, quelles sont les hypothèses de travail retenues au sein des institutions européennes pour que ce dossier avance ?

Quant à la compétitivité économique, ceux qui bénéficient d'exonérations arguent de l'impact d'une fiscalité environnementale sur la viabilité des entreprises. Par exemple, la détaxation du kérosène pour les vols intérieurs correspond à une perte de recettes estimée à 3,5 milliards d'euros alors qu'elle encourage la consommation d'une énergie fossile au détriment du rail, plus respectueux de l'environnement. Cette « niche grise » pose la question de la transition, de son coût et des choix qu'elle implique. Quelles sont vos réflexions sur ces éléments ?

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Je vais m'inscrire dans le pessimisme ambiant car je considère que la fiscalité écologique est abordée dans une logique erronée. Comme Laurence Abeille, je suis favorable à l'abandon de l'espérance de rendement pour réellement privilégier une politique incitative de respect de l'environnement. À quoi sert notre commission, sinon à rappeler au Gouvernement que la fiscalité doit être acceptable pour les contributeurs, que des contreparties sont nécessaires pour permettre une adaptation des activités et une évolution des comportements ? Les « niches grises » doivent disparaître intégralement à l'occasion d'une révision générale de la fiscalité. Telles sont les conditions de la transition vers une économie soutenable.

Je voudrais également aborder la question de la pollution de l'air, dont l'agglomération strasbourgeoise souffre énormément. On évalue entre 3 000 et 5 000 décès la surmortalité induite par les particules fines et les gaz d'échappement. Comment agir ?

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Un bon système fiscal est accepté, compétitif et source d'un rendement régulier. Le consentement à l'impôt doit demeurer fondamental dans notre démocratie, et il faut pour cela une fiscalité stable, équitable, comprise et claire. Or le mille-feuille fiscal est aujourd'hui devenu particulièrement indigeste. Dans ce contexte, la fiscalité environnementale est percluse de défauts : peu de rendement, beaucoup de niches, des taux réduits, une complexité avérée et un recouvrement coûteux. Elle est idéologique, ce qui n'est jamais bon en la matière. Mieux vaudrait, donc, remettre à plat l'ensemble de la fiscalité au lieu de créer un impôt de plus, fût-il justifié par la bonne cause de la sobriété énergétique !

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Cette audition nous donne un bon nombre d'éléments de réflexion en matière de fiscalité écologique. J'y suis très favorable mais je la crois orientée vers des objectifs à moyen et long terme de manière à donner de la visibilité à notre action.

La taxation du foncier constructible pose question : les propriétaires souhaitent voir leur terrain classé constructible pour en faire une réserve financière. Dans un esprit d'efficacité, il faudrait une politique beaucoup plus globale sur la constructibilité – ce qui est déjà entamé à travers les SCOT et les PLU intercommunaux qui se profilent.

Cette fiscalité écologique ne doit pas se limiter à des taxes additionnelles, mais pour autant il ne faut pas en exclure le principe : elles peuvent, parfois, trouver leur justification. Peut-être aussi faudrait-il envisager l'affectation des recettes, comme nous l'avons fait pour 3 milliards d'euros avec le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE). Peut-on penser une fiscalité écologique doublée d'une efficacité économique ?

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Au-delà des territoires ruraux qui risquent de disparaître comme nous l'avons précédemment évoqué…

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Je suis surtout inquiet de la disparition de nos entreprises et de l'extrême fragilité de notre tissu industriel, auquel le spectacle de l'activisme du ministre du redressement productif ne changera que peu de choses. Ainsi, telles sont les propositions qui me semblent s'imposer : la fiscalité écologique ne devra pas mettre en cause la compétitivité de notre pays ; elle devra se substituer et non s'ajouter à la fiscalité existante ; elle devra se fonder sur une assiette large et sur un taux uniforme ; elle devra concourir à la justice fiscale. La voie est très étroite. Qu'en pensez-vous ?

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Peut-on réellement parler de fiscalité écologique ? Le concept n'est-il pas contradictoire dans son énoncé même ? La fiscalité assure des recettes aux pouvoirs publics ; elle a atteint un point d'équilibre après une longue histoire. La modifier n'emporte-t-il pas des risques pour les plus vulnérables à travers la remise en cause du principe de solidarité ?

La fiscalité écologique doit modifier les comportements, mais est-ce possible en utilisant presque exclusivement le bâton ? Je regarde l'exemple de la ruralité – que Martial Saddier a remarquablement défendue tout à l'heure – et de la politique agricole commune. Cette dernière a permis la réduction des pollutions, la protection des espaces, la préservation des races animales en voie de disparition, la permanence d'une vie agricole sur nos territoires. Ce modèle rural et cette politique positive devraient être médités car, plutôt que le bâton, il vaut mieux parfois employer la carotte.

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Je me félicite qu'ait été rappelée la nécessaire sérénité du débat autour du diesel. Ce carburant n'est pas exempt de taxes : trois centimes de taxes sur le gazole équivalent à un milliard d'euros de recettes supplémentaires pour l'État. Je pense que cela n'a pas échappé au ministère des finances.

Je voudrais également rappeler, toujours à propos du diesel, que l'écart de fiscalité avec celle de l'essence se monte à 17 centimes en France et à 18 centimes outre-Rhin. Beaucoup évoquent un différentiel de 11 centimes d'euros dans les vingt-sept pays de l'Union européenne sans préciser que, dans les quinze pays qui formaient déjà cette même Union européenne avant 2004 et qui correspondent à 95 % des ventes effectuées par Renault et Peugeot, ce différentiel n'est plus que de 1 centime.

Peugeot représente encore 100 000 emplois en France, et Renault 50 000. Des efforts techniques ont été consentis avec les normes anti-pollution Euro 5 et Euro 6 portant respectivement sur les filtres antiparticules et sur les oxydes d'azote. Nous nous rejoignons tous sur la nécessité d'une progressivité des normes et sur la lutte contre les nouveaux polluants – et moi plus qu'un autre, qui suis au coeur de la problématique de l'air –, je ne voudrais pas qu'on oublie opportunément les émissions d'ozone, dont l'essence est particulièrement responsable, et dont chacun connaît l'impact négatif sur l'effet de serre.

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Avant de laisser M. Guillaume Sainteny répondre, je tiens à expliciter une règle à laquelle la présidence se tient et se tiendra pour l'avenir : un parlementaire chargé d'une intervention liminaire au nom de son groupe politique peut solliciter une nouvelle prise de parole à titre individuel.

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Guillaume Sainteny

Je vous remercie de vos très nombreuses interventions et questions.

S'agissant, en premier lieu, de la directive européenne sur les accises énergétiques, celle-ci est en révision depuis un certain nombre d'années. La directive d'origine avait été conçue dans le souci d'éviter des différences de taxation trop importantes au sein du marché intérieur et toute forme de « tourisme énergétique » : elle se borne donc à fixer des taux minima pour les différents types de produits, combustibles ou carburants, avec des possibilités d'exemption totale ou partielle pour certains usages (agriculteurs, pêcheurs, transporteurs routiers, etc.). Le projet de révision dont nous disposons aujourd'hui, qui me semble excellent, vise à réduire la gamme des exemptions, à augmenter ces taux minima désormais unanimement jugés trop bas et à différencier les taux en fonction, d'une part, de la puissance énergétique du carburant ou du combustible considéré et, d'autre part, de sa teneur en CO2. Puissance énergétique et teneur en dioxyde de carbone seraient donc inclus dans le mécanisme de tarification, étant entendu qu'il demeurerait loisible aux États de taxer certains carburants au-delà de ce minimum.

Sans vouloir être trop pessimiste, je rappellerai qu'un tel projet requiert l'unanimité des États membres et que le consensus requis n'a pas encore été atteint : le projet ne chemine donc pas. Mais rien n'interdit à un État d'appliquer ces principes de son propre chef, s'il le souhaite ; je crois savoir que le Danemark a ainsi récemment introduit une réforme qui constitue une mise en oeuvre par anticipation de l'esprit de cette directive révisée.

Pour ce qui concerne les réussites étrangères en matière d'écofiscalité, l'exemple de l'Allemagne me vient à l'esprit. La santé économique de notre voisin n'était pas bonne il y a quinze ans, elle est bien meilleure aujourd'hui. Dans le même temps, le pays a adopté une série de mesures d'envergure en matière d'écofiscalité énergétique, à l'inverse des décisions prises en France : à son arrivée au pouvoir, le gouvernement Schröder a ainsi planifié une augmentation annuelle du prix des carburants de trois centimes d'euro par litre pendant cinq ans, adressant un signal-prix très clair tant aux producteurs qu'aux consommateurs, permettant à ceux-ci de basculer leurs investissements de R&D sur les économies d'énergie et à ceux-là de programmer l'achat de véhicules économes. La réussite est double : alors que le rendement de la fiscalité énergétique a baissé depuis quinze ans en France, en euros constants, il a augmenté de 14 milliards d'euros (+ 35 %) en Allemagne. Le taux d'imposition de l'énergie est plus élevé outre-Rhin, mais, alors que les émissions de gaz à effet de serre dues à la route ont augmenté de 13,5 % en France au cours des dix dernières années, elles ont diminué de 17 % en Allemagne au cours de la même période.

De surcroît, les Allemands ont renchéri le coût de l'électricité, taxé les billets d'avion de manière différentielle selon qu'il s'agit de court, moyen ou long-courriers et restructuré la taxation des véhicules. L'équivalent de la CSPE, si décriée dans notre pays, est quatre fois plus élevée en Allemagne qu'en France et son produit va uniquement aux énergies renouvelables et à la cogénération. En définitive, ces mesures ont permis de faire baisser l'intensité électrique du PIB allemand dans des conditions globalement acceptables.

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Cela revient à faire subventionner l'industrie par les ménages !

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Guillaume Sainteny

Effectivement, les ménages paient pour la compétitivité des entreprises allemandes. Pourtant, lorsqu'on regarde précisément les données Eurostat, l'électricité reste moins chère pour les entreprises françaises que pour les entreprises allemandes. Des accords de branche particuliers, ne figurant pas dans ces données, viennent peut-être s'ajouter et permettre à certaines industries électro-intensives de payer contractuellement leur électricité moins chère. Mais l'écart entre le tarif « entreprises » et le tarif « ménages » est plus élevé en France qu'en Allemagne : notre voisin accepte davantage de faire payer les ménages pour la santé de ses entreprises.

S'agissant de la politique et de la fiscalité foncières dans notre pays, notre littoral doit affronter une poussée urbanistique sur tous ses segments – pour des raisons d'héliotropisme, de préférences des personnes retraitées, d'attractivité locale, etc. La « loi littoral » est donc attaquée de toutes parts. Cela ne signifie pas qu'il faille s'abstenir de construire à tout endroit du littoral : il me semble notamment que les communes d'arrière-littoral bénéficient d'un report d'urbanisation – et donc de recettes supplémentaires de fiscalité sur le bâti – du fait des contraintes de constructibilité limitée pesant sur les communes littorales. Ne pourrait-on pas, dès lors, imaginer une solidarité financière entre ces communes ? L'un des articles de la loi prévoit d'ailleurs bien que celle-ci s'applique non seulement aux communes littorales, mais également aux communes « qui participent aux équilibres économiques et écologiques » du littoral : le décret d'application de cette disposition n'a jamais été publié… Soit on étend, éventuellement de manière allégée, tout ou partie des dispositions de la « loi littoral » à ces communes – mais cela semble difficile ; soit on organise une forme de solidarité entre les unes et les autres.

Le récent référé de la Cour des comptes n'apporte rien de véritablement nouveau. La seule information qui m'ait parue intéressante, d'ailleurs peu relevée par la presse, tient à l'évaluation du montant des dépenses fiscales liées aux énergies fossiles. Dans les documents diffusés par le ministère des finances en annexe au projet de loi de finances, celui-ci évalue ces dépenses à 5 milliards d'euros. Dans mon ouvrage, j'avais abouti à un chiffrage de 22,5 milliards d'euros, considérant notamment qu'il fallait inclure dans la dépense la dispense de taxation du kérosène ou l'écart gasoil-essence. Dans son référé, la Cour me donne globalement raison.

Qu'attendre du Comité pour la fiscalité écologique (CFE) ? Ce n'est pas à moi d'y répondre, c'est plutôt le Président de la République qui attend des propositions… Je ne suis pas sûr, en revanche, d'avoir bien compris l'articulation de ses travaux avec ceux de la Conférence sur la transition énergétique : je pensais notamment que le sujet de la taxation de l'énergie, qui comporte des enjeux considérables, aurait été traité par celle-ci. Comment celle-ci pourra-t-elle se prononcer, par exemple, sur les obligations de rachat, alors que la question des tarifs de rachat sera prise en charge, quant à elle, par le Comité sur la fiscalité ? Beaucoup d'ONG s'inquiètent d'ailleurs que le CFE consacre l'essentiel de ses réflexions à la fiscalité de l'énergie, avec le risque de délaisser les autres sujets.

Comment assurer une cohérence interministérielle des politiques en faveur du développement durable ? Le rôle de la présente commission permanente de l'Assemblée nationale est d'ores et déjà très important. Mais je dois admettre que l'organisation ministérielle actuelle n'est pas satisfaisante sur ce point. En 2007, je n'étais pas favorable à la création d'un « grand ministère », eu égard au risque que se reproduise ce qui s'était déjà passé sous le ministère d'Ornano – c'est-à-dire que les grandes administrations du ministère de l'équipement (transports, routes, infrastructures) prennent facilement le dessus sur les autres. Quant au Commissariat général au développement durable, je ne crois pas qu'il soit judicieux de le positionner au sein du ministère chargé de l'écologie : il devrait être interministériel, être rattaché directement au Premier ministre et jouer un rôle similaire, dans son domaine, à celui joué par le secrétariat général aux affaires européennes (SGAE).

En réponse aux questions de Mme Laurence Abeille, je vous indique ma préférence pour une écofiscalité incitative, même s'il existe des cas où un mix est envisageable. C'est le cas notamment de la fiscalité des carburants, où l'élasticité-prix est croissante dans le temps : l'effet-rendement l'emporte dans un premier temps, avant que l'incitation ainsi introduite ne produise le changement attendu dans les comportements.

En matière d'immobilier, chacun sait qu'il manquerait huit cent mille logements en France et que le Gouvernement a fixé un objectif de cinq cent mille logements nouveaux par an – un objectif déjà affiché sous le précédent gouvernement. Ces chiffres sont répétés en boucle, alors que je n'ai jamais lu aucune étude sérieuse sur le sujet. La Fondation Abbé Pierre avait effectivement estimé en 2006 qu'il y avait entre sept cent et huit cent mille personnes mal logées en France ; ceci s'est transformé en un manque de huit cent mille logements, ce qui n'est pas du tout la même chose…

Par ailleurs, la France compte aujourd'hui 2,4 millions de logements vacants, dont 170 000 logements sociaux vacants. En dix ans, le nombre de logements vacants a augmenté de quatre cent mille. Le taux de logements vacants dans le parc social, qui était de 2,4 % en 2008, est passé à 3,7 % en 2011. Certains invoquent une augmentation des prix, due à l'absence de foncier. L'argument ne me convainc pas : l'augmentation des prix devrait en effet avoir pour conséquence une remise sur le marché de ces logements vacants, ce qui n'est pas le cas.

En d'autres termes, il ne faut pas se tromper de diagnostic : si la France manque de logements, il faut certainement en construire ; mais si les questions sont celles de l'adaptation du parc aux besoins, de la précarité énergétique, du manque de ressources de certains ménages, ce sont d'autres réponses et d'autres solutions qu'il faut apporter. Dans un cas, il faut des aides à la pierre ; dans l'autre, ce sont des aides à la personne. Dans un cas, il faut rénover l'ancien ; dans l'autre, il faut construire du neuf. Il me semble donc que nous sommes en train de nous engager, sous la pression d'un secteur professionnel qui a un intérêt objectif à soutenir la thèse de la nécessité de construire du neuf, dans une voie partiellement erronée – alors même que la rénovation de l'ancien est plus intensive en main d'oeuvre et plus intéressante d'un point de vue énergétique.

De surcroît, l'idée du choc d'offre foncière présente dans les mesures fiscales en faveur du logement annoncées récemment me semble réellement inquiétante. Si le mécanisme n'avait d'impact que sur la spéculation et les « dents creuses », j'y serais éminemment favorable. Mais comme il va également s'appliquer, dans 80 % des cas, à des terrains agricoles, et qu'il existe une forte tension foncière dans les régions PACA et Île-de-France, on risque de voir se développer les tentatives de déclassement de terres agricoles en terrains constructibles en vue de les faire échapper au nouvel impôt.

Ce qui se passe en province est que, pour échapper à ce nouvel impôt, certains propriétaires de terrains classés « AU », se battent pour leur faire retrouver leur statut d'espace agricole. Il y a donc là un vrai problème.

Jacques Krabal m'a interrogé sur le type de taxe à mettre en oeuvre pour obtenir les 3 milliards d'euros nécessaires au financement du CICE. Ma position est simple : il faut procéder en trois temps. Un : diminuer ou réformer les aides fiscales dommageables à la biodiversité, que j'évalue à 50 milliards d'euros par an, dont 22,5 milliards pour les énergies fossiles, pour des raisons d'efficacité, de baisse de la dépense et de simplification. Prenons un cas d'école. Dans l'hypothèse où le Gouvernement et les pouvoirs publics prenaient la décision de doter le secteur agricole de 10 milliards d'euros, il faudrait que cette manne se répartisse de la façon suivante : 60 % favorables à l'environnement, 20 % neutres et 20 % défavorables. Deux : il faut verdir les taxes existantes. Trois : il faudrait créer, si nécessaire, de nouvelles éco-taxes. Or la France s'entête depuis des années, à suivre une démarche rigoureusement inverse : elle ne réduit pas ses dépenses fiscales dommageables, elle ne verdit pas ses impôts existants, et elle crée, ou essaie de créer, avec plus ou moins de bonheur, de nouvelles éco-taxes. Cela complexifie le système.

Pour cette raison, et pour répondre à Philippe Plisson, je suis assez hostile à la création d'une taxe carbone. Chaque produit énergétique, sauf le kérosène, qui aurait de toute façon été exonéré, est déjà taxé. Les frappent en effet la TICPE, ex-TIPP, la TVA, et parfois d'autres taxes. Dans certains cas, notamment dans les zones urbaines où l'effet des polluants sur la santé est moins important, l'externalité négative est déjà internalisée dans le prix du litre de carburant sans plomb. Il est taxé à 250 euros la tonne de CO2. En revanche, pour le gaz naturel, le fioul lourd ou le charbon, cela n'est pas le cas. Rajouter une taxe nouvelle de 17 euros la tonne ne changera rien au problème : un produit, l'essence sans plomb, restera surtaxé, et les autres sous-taxés. Il faut donc que le prix soit différencié : si le prix de la tonne de carbone est de 35 euros, on est très au-dessus pour les supercarburants, et pas au niveau pour les autres sources d'énergie. Bien sûr, s'agissant du gazole, il faut intégrer les autres externalités négatives, en premier lieu les particules fines.

Je pense de plus qu'il reste politiquement plus aisé de manipuler le taux de taxes déjà existantes plutôt que d'en créer une nouvelle. Cela explique les trois échecs successifs de la taxe carbone : la tentative franco-allemande de 1998, celle du Gouvernement Jospin en 2000, et celle de 2009. Je suis frappé de constater, par ailleurs, que ce dernier échec a complètement occulté les cinquante mesures relatives à l'éco-fiscalité prises au cours du Grenelle de l'environnement, dont personne ne se souvient.

Charles-Ange Ginesy m'a interrogé sur l'éco-taxe poids lourds : je dirais qu'il ne s'agit pas d'une nouveauté, puisque le terrain a été préparé par une baisse considérable de la taxe à l'essieu, baisse à laquelle je n'étais pas favorable. A mon sens, il fallait en effet baisser la taxe à l'essieu au moment de la mise en oeuvre de l'éco-taxe poids lourds, afin d'éviter toute demande de contrepartie, inévitable si la baisse intervient dans un premier temps, avant l'introduction de la nouvelle taxe. Cet effet pervers a été renforcé par le délai de mise en place de celle-ci, qui a été bien plus long que prévu. Les poids-lourds ne payent pas leur coût externe : dégradation de la chaussée, pollution atmosphérique, bruit, congestion du trafic. De plus, ils bénéficient de rabais fiscaux importants sur le carburant.

Je vous rappelle que la route ne paye pas la taxe sur le foncier bâti, contrairement au rail. Renchérir le coût du transport routier revient donc à favoriser un report modal vers le fer, ce qui constitue précisément l'un des objectifs de notre politique des transports sur longue durée. Cela pose évidemment des problèmes sociaux, la structure productive des deux secteurs étant fort différente, avec d'un côté une grosse entreprise publique, et de l'autre une myriade de PME.

J'observe qu'un système comparable à l'éco-taxe poids-lourds fonctionne déjà, et bien, en Allemagne, en Suisse et en Autriche. Dans la Confédération helvétique, une augmentation de la productivité du secteur du transport routier a été constatée après la mise en place de la redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations (RPLP) : les transporteurs ont obtenu en contrepartie l'autorisation de faire circuler des camions plus longs, et leur taux de chargement a été optimisé. Le secteur du transport routier en est en définitive sorti gagnant.

Pour répondre à Yannick Favennec, je dirai que, bien sûr, la question de la fiscalité pour la révolution énergétique est très importante : l'article 200 quater du Code général des impôts, relatif au crédit d'impôt, change tous les ans, et parfois plusieurs fois par an, avec des dispositions sur le toit, les fenêtres. Il reste très difficile à un particulier de savoir si la rénovation qu'il compte entreprendre va être rentable ou pas.

Mme Geneviève Gaillard a insisté sur les comparaisons européennes : je suis frappé de voir qu'elles sont parfois mal reçues, comme j'en ai fait l'expérience à l'occasion d'une intervention que j'ai faite très récemment devant le Conseil économique, social et environnemental, sur le thème « comment penser une fiscalité écologique qui puisse respecter, voire favoriser, la compétitivité des entreprises ? ». Alors que j'évoquais l'exemple allemand, plusieurs voix se sont élevées pour arguer qu'il n'était pas possible de comparer du point de vue de la fiscalité écologique nos deux pays, compte tenu du coût social considérable des réformes entreprises – et du nombre de travailleurs pauvres - sous le gouvernement Schröder outre-Rhin, réalité que par ailleurs je ne nie pas. Il me semble cependant difficile, dans une économie mondialisée, de raisonner dans un cadre franco-français.

Jacques Kossowski a relevé, et je partage son avis, les contradictions de la fiscalité écologique. On parle beaucoup de transition énergétique : or celle-ci suppose une augmentation du prix des énergies fossiles, afin de rendre rentables les travaux d'économie d'énergie ainsi que l'essor des énergies renouvelables. Mais cette augmentation porte en germe un problème social. On navigue donc constamment entre ces deux écueils, ce qui n'est pas le cas à l'étranger, puisque, lorsqu'on discute avec des anglais ou des allemands, ils considèrent qu'il y a deux politiques distinctes, la politique énergétique et la politique sociale. Le principe d'intégration du social dans l'ensemble des politiques publiques en France a été bien mieux respecté qu'en matière d'environnement. Vous parliez également de la péréquation qui existe en Ile-de-France. J'ai cité les zones littorales où elle pourrait s'appliquer, mais précisément, en région parisienne, elle pourrait s'appliquer à la taxe départementale sur les espaces naturels sensibles (TDENS), qui devrait à mon avis être régionalisée, compte tenu de l'existence du SDRIF et du fait que la moitié des départements qui en font partie sont extrêmement urbanisés. Cela permettrait à l'Agence des espaces verts d'agir dans ceux qui disposent encore d'espaces naturels. Je trouve par ailleurs regrettable que le département qui abrite la capitale n'ait pas décidé de lever cette taxe et fasse partie des deux ou trois au plan national qui ne l'ont pas fait. Une telle décision aurait valeur d'exemple. Mais je ne suis pas favorable à une obligation en la matière, la liberté des conseils généraux devant être respectée.

La question de Philippe Martin sur l'eau est pertinente. En effet, la directive européenne prévoit la récupération des coûts, mais en tenant compte - cette disposition ayant été introduite à la demande la France - des spécificités économiques et sociales des acteurs. Sa transposition en France n'a pas changé la donne : l'essentiel des contributions reste versé par les ménages, alors que le secteur qui en bénéficie le plus, l'agriculture, en verse proportionnellement beaucoup moins. Cette distorsion illustre le problème de la vérité du prix de l'eau, qui mériterait d'être regardé à la fois sur le plan quantitatif et qualitatif. Il est vrai que le sujet reste difficile, et les professions agricoles assez bloquées.

J'abonde dans le sens de Christophe Priou : nous assistons depuis dix ans - beaucoup plus tardivement qu'en Allemagne - à une prise de conscience générale sur les méfaits de l'étalement urbain, générateur de problèmes sociaux, environnementaux, et énergétiques. Les lois SRU, Grenelle et bientôt Duflot – j'en ai lu les orientations générales, que je trouve bonnes de ce point de vue là - fournissent plus d'outils pour densifier le tissu urbain, ce qui me paraît une excellente chose. En revanche, je ne comprends pas que subsistent des mesures fiscales qui vont dans un sens radicalement inverse. La mesure n° 5, parmi celles annoncées par le Président de la République, prévoit d'aider à la densification urbaine. Or il n'a pas été vu que la mesure n° 12 relative aux plus-values, dont j'ai déjà parlé, va dans le sens inverse. Peut-être qu'un Conseil général du développement durable (CGDD) interministériel pourrait relever ce type de contradiction.

S'agissant du SDRIF, qui va bientôt être publié, l'avis de l'Autorité environnementale, qui est public, a regretté que la consommation des espaces agricoles soit de 1 800 hectares par an. Or les récentes mesures annoncées vont aggraver cette consommation : à compter du 1er janvier 2014, 50 000 hectares de terrains non bâtis vont être assujettis au paiement de 50 000 euros de taxe sur le foncier. Impossible ! Les propriétaires vont immédiatement vendre.

Vous vous félicitez, Christophe Priou, du fonctionnement de la TDENS : mon jugement sera plus nuancé, compte tenu notamment des dérives, constatées par les chambres régionales des comptes, dans quelques départements, par exemple d'utilisation du produit pour financer des parkings. Les contrôles au cas par cas des chambres régionales des comptes devraient s'intensifier. Un autre problème naît de l'absence de définition de ces espaces naturels sensibles : il ne s'agit ni des espaces remarquables du littoral, ni ceux faisant l'objet d'arrêté de biotopes, ni des ZNIEFF, ce qui fait que certains conseils généraux favorisent ceux pertinents du point de vue de la biodiversité, d'autres du point de vue de leur intérêt paysager, d'autres, dans des départements fortement urbanisés, les espaces verts. L'ensemble manque de clarté. J'attire par ailleurs votre attention sur un arrêt du Conseil d'Etat peu connu qui marque clairement que l'ouverture au public est une nécessité seconde par rapport à la protection et au bon fonctionnement écologique de ces espaces naturels.

Je réponds à Jean-Jacques Cottel sur la taxe d'aménagement : la réforme de 2011 a été une bonne chose, même si l'inclusion de la TDENS brouille un peu le message. Je salue au passage l'instauration par cette même réforme du versement pour sous-densité que je considère comme extrêmement pertinent, même si son versement reste facultatif. Je crois que le Gouvernement de l'époque avait souhaité qu'il devienne obligatoire, au moins dans certains cas, mais qu'il avait reculé faute de disposer d'une majorité sur ce point. Je pense qu'il devrait devenir obligatoire, par exemple à proximité des transports collectifs en site propre (TCSP), afin de permettre à plus de personnes de disposer de transports en commun, ou dans les zones commerciales ou artisanales, où a lieu un véritable gâchis d'espace avec des constructions d'un seul niveau et des parkings en surface.

Jean-Pierre Vigier m'a interrogé sur la fiscalité européenne : comme vous le savez, l'Union dispose en la matière d'une compétence indirecte, comme la détermination du nombre de taux de TVA et des produits concernés, ce qui est loin d'être négligeable. J'attire votre intention sur deux directives : celle relative aux accises, et celle créant l'eurovignette, qui a été révisée en 2008, et qui permet d'inclure dans la tarification des infrastructures une partie des externalités (pollution de l'air, bruit et congestion). C'est une première, et l'action commune de la France et de l'Allemagne, qui sont des pays de transit routier, n'y est pas étrangère. Nous avons commencé à la transposer. Il faut avoir à l'esprit que 25 % de notre trafic routier est constitué de véhicules sous immatriculation étrangère qui ne payent de taxe à l'essieu et qui achètent leur carburant hors de nos frontières : nous subissons leurs externalités négatives sans qu'ils en supportent le moindre coût.

Mme Sophie Rohfritsch m'a interrogé sur les moyens d'agir contre la pollution de l'air. Le taux de la TGAP sur l'air reste extrêmement bas. L'exemple de la TGAP Nox est frappant : son taux a été fixé à 45 euros, puis le Grenelle a décidé, à juste titre, de son triplement, à 160 euros. Mais ce niveau ne permet pas de modifier les comportements : en Suède, la tonne de Nox est taxée à 5 200 euros, et cela ne pénalise pas les entreprises car cette manne leur est restituée selon une autre clé de répartition ! Il faudrait, pour qu'elle en intègre les externalités négatives, que son taux soit fixé en France à 7 700 euros. Cet exemple illustre notre choix d'une fiscalité de rendement en lieu et place d'une fiscalité incitative. Il n'en demeure pas moins que le produit de cette TGAP est affecté à l'ADEME afin de financer des actions de lutte contre la pollution atmosphérique.

Guillaume Chevrollier a pointé les défauts de l'éco-fiscalité et appelé de ses voeux sa révision dans le cadre d'une réforme fiscale globale : je ne peux que partager son avis. Je partage moins le qualificatif d'idéologique qu'il a décerné à cette fiscalité : agir par ce biais reste moins coûteux que d'agir par la réglementation, ce que les entreprises ont bien compris. On sait également que le coût de l'inaction en matière d'environnement est supérieur au coût de l'action : le rapport Stern, puis celui du Groupe d'étude économie des écosystèmes et de la biodiversité (TEEB) en 2010 sur la biodiversité, l'ont bien montré.

Je ferais une réponse nuancée à Yves Albarello : bien sûr, la mise en place d'une éco-fiscalité ne doit pas se faire au détriment de la compétitivité des entreprises. Si l'objectif est d'obtenir du rendement fiscal, il faut opter pour une assiette la plus large possible et pour un taux uniforme ; s'il est incitatif, il faut une assiette très précisément définie, et un produit de substitution. Cela explique la différence généralement constatée entre la fiscalité des carburants d'une part, et celle appliquée aux combustibles d'autre part. Pour les premiers on considère que la contrainte est moindre que pour les seconds, et qu'un substitut existe, même s'il n'est pas parfait : les transports collectifs, le vélo, etc. Aucun produit de substitution n'existe pour les combustibles. Par ailleurs, la fiscalité des combustibles, qui touche avant tout les catégories populaires, est davantage régressive socialement que celle des carburants, qui touche surtout les catégories moyennes.

Jean-Marie Sermier m'a posé la question de la modification des comportements je la pense possible. Je ne citerais qu'un exemple, issu d'une des réformes que j'ai eu à conduire, celui des lessives, sur lesquelles pèse une TGAP, qui était assez peu différenciée entre celles contenant moins de 5 % de phosphates, celles en contenant entre 5 et 30 %, et celles en contenant plus. On m'a présenté un dispositif d'actualisation qui ne prenait en compte qu'une variation tenant compte de l'inflation, que j'ai jugé tout à fait insuffisant. J'ai proposé une division par deux du taux pesant sur la première catégorie, une multiplication par deux pour la seconde, et un triplement pour la troisième. Evidemment, tout le monde, y compris au sein du ministère, m'a assuré à l'époque qu'un tel dispositif n'avait aucune chance de voir le jour, et une fois adopté, que son impact serait nul. En fait, les achats des deux catégories de lessive les plus phosphatées ont baissé de 80 % au terme d'un an de fonctionnement du nouveau barème. Comment expliquer un tel résultat ? Il existait un produit de substitution, c'est-à-dire des lessives peu ou pas phosphatées, et leur prix a baissé de façon significative, du fait du nouveau barème, de 50 %. Il s'agit là d'un mécanisme fiscal clairement incitatif : cela ne rapporte pas plus à l'Etat ex post. Un autre exemple est la TGAP sur les déchets, même si le système en vigueur est plus complexe.

A Martial Saddier, je répondrais qu'il existe plus de CO2 dans un litre de gazole que dans un litre de super, et que la puissance énergétique du premier est supérieur au second. En revanche, on émet moins de CO2 lorsqu'on roule dans un véhicule diesel, précisément parce qu'un litre de gazole permet de parcourir plus de kilomètres. Mais, lorsque vous allez à la station-service, vous n'achetez pas des kilomètres, mais des litres. Si on voulait taxer l'externalité carbone de la même manière pour les deux types de carburant, il faudrait que le diesel soit légèrement plus taxé que le super, ce qui n'est clairement pas le cas. Il existe des pays où les deux carburants sont taxés de la même manière : la Grande-Bretagne, la Suisse ; d'autres, comme les Etats-Unis, où le gazole est davantage taxé que l'essence.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie, au nom de l'ensemble des députés présents, de votre éclairage sur un sujet complexe que vous maîtrisez parfaitement.

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 27 mars 2013 à 9 h 45

Présents. - Mme Laurence Abeille, Mme Sylviane Alaux, M. Yves Albarello, M. Julien Aubert, M. Alexis Bachelay, M. Serge Bardy, Mme Catherine Beaubatie, M. Jacques Alain Bénisti, M. Philippe Bies, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, Mme Sabine Buis, M. Vincent Burroni, M. Yann Capet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, M. Stéphane Demilly, Mme Fanny Dombre Coste, M. David Douillet, Mme Françoise Dubois, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Laurent Furst, Mme Geneviève Gaillard, M. Claude de Ganay, M. Charles-Ange Ginesy, M. Michel Heinrich, M. Jacques Kossowski, M. Jacques Krabal, Mme Valérie Lacroute, M. François-Michel Lambert, M. Alain Leboeuf, Mme Viviane Le Dissez, M. Arnaud Leroy, M. Michel Lesage, M. Olivier Marleix, M. Philippe Martin, M. Jean-Luc Moudenc, M. Bertrand Pancher, M. Rémi Pauvros, M. Edouard Philippe, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, Mme Sophie Rohfritsch, M. Martial Saddier, Mme Odile Saugues, M. Gilbert Sauvan, M. Jean-Marie Sermier, M. Thierry Solère, Mme Suzanne Tallard, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - M. Denis Baupin, Mme Chantal Berthelot, M. Patrice Carvalho, M. Philippe Duron, M. Christian Jacob, M. Franck Marlin, M. Gabriel Serville, M. Patrick Vignal

Assistaient également à la réunion. - M. Jean Launay, Mme Marie-Line Reynaud