Intervention de Odile Saugues

Séance en hémicycle du 11 avril 2013 à 15h00
Information des voyageurs lors de la commercialisation de titres de transport sur les compagnies aériennes figurant sur la liste noire de l'union européenne — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOdile Saugues, rapporteure de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est parce que je ne me résous pas à accepter de voir les parlementaires français simples spectateurs de la politique de sécurité aérienne, se contentant de déplorer les pertes de vies humaines, que nous examinons aujourd'hui, en deuxième lecture, après le vote unanime du Sénat le 6 février 2013, la proposition de loi visant à « renforcer l'information de voyageurs lors de la commercialisation des titres de transport sur les compagnies aériennes figurant sur la liste noire de l'Union Européenne ».

Si depuis 2005, année noire pour la sécurité aérienne, le nombre mondial d'accidents est en diminution, nous ne pouvons nous contenter de ce constat. En 2009, 153 Français perdaient la vie dans la catastrophe de la Yemenia, dont un aéronef était montré du doigt par les autorités européennes – mais la compagnie avait très habilement cantonné l'appareil aux aéroports hors de la zone de l'Union.

Même si la proposition de loi que nous examinons ne résout malheureusement pas ce cas de figure, puisque la Yemenia ne figurait pas sur la liste noire de l'Union européenne, j'ai souhaité que l'on aille plus loin que le règlement européen 21112005 et que le décret du 17 mars 2006 créant l'obligation d'informer les passagers de l'identité du transporteur aérien.

Tout est fait, théoriquement, pour assurer la sécurité maximum dans le transport aérien civil. L'OACI, issue de la convention de Chicago, édicte des règles depuis 1944 au niveau mondial et tente de les faire appliquer avec des succès divers. Si l'Europe est une bonne élève – elle s'est dotée avec l'Agence européenne de la sécurité aérienne d'un organisme de certification des aéronefs, faisant ainsi le pendant de la Federal Aviation Administration américaine –, les réponses ne sont pas forcément parfaites, comme le montre l'exemple du vol AF 747 Rio-Paris.

Par ailleurs, le ciel européen étant de plus en plus encombré, l'Europe s'est dotée d'outils appropriés, les blocs d'espace aériens fonctionnels ou FAB, qui, en améliorant l'efficacité des vols, doivent corollairement en améliorer la sécurité. La France appartient au FAB « Europe centrale », lancé par elle, l'Allemagne, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suisse, et qui accueille 55 % de tout le trafic aérien européen.

Les experts ont calculé qu'en 2018 le nombre de vols civils et militaires dans ces six pays devrait augmenter de près de 50 %. On peut donc considérer le FABEC comme un outil indispensable à une bonne gestion du trafic aérien.

D'autres dangers guettent la sécurité aérienne : la baisse drastique des coûts due à une impitoyable politique libérale ; les sous-traitances en cascade ; les temps de vols et repos sur les compagnies low cost ; les temps de formation des pilotes en discussion actuellement au Parlement européen. Par ailleurs, l'exemple des Dreamliner cloués au sol par la FAA à la suite d'incendies sur des vols des compagnies japonaises JAL et ANA, appelle à une vigilance sans faille.

La nécessité d'alléger les aéronefs par l'utilisation de batteries lithium-ion, due à un emport de passagers de plus en plus important, ne doit pas aller jusqu'à une prise de risques ; la FAA et le National Transportation Safety Board – NTSB – des États-Unis l'ont bien compris.

Mais la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui concerne des compagnies dites « de bout de ligne ». Dans les pays où elles opèrent, et malgré les efforts que certains pays, dont la France, fournissent pour leur venir en aide, il n'existe pas de culture de la sécurité aérienne et les règles de l'OACI ne sont pas toujours appliquées pour des raisons diverses : manque de moyens humains ; manque de moyens financiers dans la formation des pilotes ; non-certification des ateliers d'entretien ; pièces de rechange non conformes ; corruption…

Par ailleurs, ces compagnies « de bout de ligne » qui effectuent des emports hors du sol européen ne sont pas soumises à ces règlements. Faute de pouvoir interdire la vente de tels titres de transports à nos concitoyens, qui ont toute liberté pour les acquérir hors de France, il ne nous restait que l'obligation d'information et la pénalisation en cas de non-respect de cette clause.

En 2004, lors des auditions effectuées par la mission parlementaire sur la sécurité aérienne, j'avais été alertée par un voyagiste qui déclarait : « Il faut un cadre législatif, en particulier pour la vente du package dynamique sur internet. »

La présente proposition de loi, déposée le 21 décembre 2009, examinée par l'Assemblée nationale le 18 novembre 2010 et par le Sénat le 6 février 2013, a vu son titre modifié, transformant l'interdiction, difficile voire impossible à mettre en oeuvre, en obligation d'information.

Le Sénat a apporté des modifications de forme à ce texte ; il a toutefois transformé l'amende pénale en amende administrative, rapide et efficace et plus adaptée au droit des consommateurs. En introduisant un délai d'entrée en vigueur, la Haute Assemblée a souhaité permettre aux deux systèmes de réservation Sabre et Amadeus, qui servent à la réservation des billets d'avion dans le monde entier, une adaptation facilitée. Le Sénat a fait part de son souhait d'une entrée en vigueur rapide de ce texte.

Je remercie nos collègues de la commission du développement durable, ainsi que ceux du Sénat qui ont, de façon unanime ; souhaité améliorer la connaissance des passagers sur les risques pris en matière de transport aérien. Si certains avaient des doutes sur l'intérêt de travailler sur le sujet de la sécurité aérienne, je répondrais par un exemple récent : celui du manque de culture de la sécurité de certains patrons de compagnies aériennes. Il n'est pour s'en convaincre que de considérer la réaction du PDG de Lion Air, compagnie inscrite sur la liste noire de l'Union européenne depuis 2000.

Monsieur le ministre, ce travail ne sera terminé que si l'Europe se saisit de notre exemple pour étendre cette règle au niveau européen, ce qui la rendra plus efficace.

L'Union européenne a su, par son règlement 21112005 du 14 décembre 2005, emboîter le pas à la DGAC qui, dès août 2005, avait mis en place la liste noire française, et reprendre la préconisation n° 26 de la mission parlementaire que j'ai eu l'honneur de présider en 2004. ainsi que l'a reconnu le commissaire européen Tajani, auditionné en décembre 2009 par la commission des affaires européenne.

Voilà, monsieur le ministre, mes chers collègues, un exemple de travail parlementaire abouti, sans prises de position partisanes. Je veux en remercier tous ceux de mes collègues qui y ont contribué, sur tous les bancs de cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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