Je renverrai l'ascenseur à mon collègue Martial Saddier dans quelques instants, car j'imagine que ses applaudissements m'étaient destinés, à moins qu'ils ne l'aient été à Jean-Paul Chanteguet qui les méritait également. (Sourires.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, « patience et longueur de temps font plus que force ni que rage ». Nous arrivons au terme de l'examen d'un texte qui aura été le fruit d'une longue période de gestation parlementaire.
Déposée il y a de cela trois ans et demi, votre proposition de loi n'a été inscrite à notre ordre du jour qu'un an plus tard, à l'occasion d'une niche réservée à l'opposition d'alors. Elle a ensuite dormi pendant près de deux ans dans les placards du Sénat, pour être à nouveau examinée au mois de février dernier et achever son parcours aujourd'hui même, compte tenu de l'absence d'amendements déposés et du consensus qui se dégage sur ce texte. Il faut dire que l'objet de votre proposition de loi ne peut que nous réunir, puisqu'il s'agit de renforcer l'information des voyageurs qui s'apprêtent à acheter un billet d'avion à une compagnie aérienne figurant sur la liste noire de l'Union européenne.
Si la portée de ce texte n'est pas à proprement parler révolutionnaire, vous en conviendrez, il a au moins le mérite d'attirer notre attention sur le fait que des centaines de voyageurs achètent chaque jour des billets d'avion, sans qu'aucune information leur soit donnée sur la dangerosité potentielle des compagnies auxquelles ils s'adressent. Car si l'avion est aujourd'hui le mode de transport le plus sûr au monde, avec un ratio d'un accident pour 5 millions de vols, il n'est pas inutile de rappeler que certaines compagnies aériennes sont plus souvent confrontées à des accidents que d'autres. Par ailleurs, selon le rapport annuel de la Direction générale de l'aviation civile de 2011, 43 % des accidents sont le fait d'une erreur humaine.
Cela doit nous interpeller sur le fait que, malgré les importants progrès accomplis dans le secteur aéronautique, la formation et les conditions de travail des pilotes doivent demeurer la préoccupation principale des professionnels, comme des pouvoirs publics. Dans ce domaine, les services de la DGAC travaillent au quotidien pour atteindre cet objectif de sécurité, en coopération étroite avec l'Agence européenne de sécurité aérienne.
Le très bon bilan de la sécurité aérienne internationale en 2012, et notamment celui de la France, doit nous inciter à poursuivre nos efforts ; en dehors du terrible accident du vol Rio-Paris de 2009, au cours des dernières années, aucun accident mortel n'a impliqué un aéronef français ou une compagnie française, et aucun n'est survenu sur notre territoire, ce qui n'est pas le cas dans d'autres zones géographiques.
Pour autant, de nombreux incidents sont régulièrement à déplorer, et cette proposition de loi, visant à sanctionner la commercialisation de titres de transport par les compagnies figurant sur la liste noire européenne, ne pourra qu'améliorer le droit existant. En effet, dans un contexte mondialisé où l'offre de vols est d'une extrême abondance, il est indispensable de renforcer l'information des passagers sur le niveau de fiabilité de toutes les compagnies.
Cette tendance a largement été accentuée avec l'essor d'internet, qui renforce la vulnérabilité des acheteurs : ceux-ci n'ont pas la possibilité de recevoir des conseils avisés sur le choix de leur billet d'avion et ont légitimement tendance à privilégier le meilleur prix au détriment de leur sécurité. Il suffit, pour s'en convaincre, de consulter les comparateurs de vols, puis d'interroger les sites internet : on n'obtient généralement aucune réponse et on tombe, dans le meilleur des cas, sur un centre d'appels à l'étranger, qui nous renvoie aux compagnies elles-mêmes. Tout cela est bien compliqué.
Comme dans beaucoup d'autres domaines – et l'actualité ne me démentira pas –, les consommateurs doivent pouvoir faire leur choix en toute transparence, sans ambiguïté aucune, et il est indispensable d'inciter les compagnies aériennes à proposer aux passagers des solutions de remplacement. La présente proposition de loi vient ainsi donner une visibilité supplémentaire à la liste noire de l'Union européenne, en prenant notamment en compte le cas des compagnies dites « de bout de ligne ».
Au premier abord, votre proposition initiale, qui prévoyait l'interdiction pure et simple de la vente sur le territoire français de billets d'avions par les compagnies figurant sur la liste noire de l'Union européenne, semblait aller de soi. Cette disposition n'aurait pourtant eu aucun effet pratique, puisque la vente de billets en ligne aurait permis de contourner cette interdiction. Or la vente en ligne se développe et connaît déjà d'importantes dérives ; peut-être aurions-nous intérêt à nous pencher sur ces centrales de réservation en ligne et à exiger un minimum de transparence. Allez sur les sites internet : c'est consternant de complexité.
Nous sommes donc favorables aux changements intervenus lors de la première lecture à l'Assemblée nationale et au Sénat, qui ont utilement renforcé l'applicabilité du texte, mais cela ne doit pas nous empêcher d'aller plus loin dans l'information et la protection des voyageurs aériens, en instaurant par exemple, comme aux États-Unis, un système de notation des avions et des compagnies. D'autre part, cette proposition de loi ne s'appliquera qu'au territoire français : c'est très bien, mais il est donc urgent que la Commission européenne l'étende à l'ensemble des États membres, afin de ne pas pénaliser nos compagnies nationales. Monsieur le ministre, nous comptons sur votre mobilisation sur ce point, et il serait bon que vous preniez un peu de temps – pas nécessairement autant que sur le précédent texte de loi – pour nous donner quelques explications sur vos engagements dans ce domaine.
Cette proposition de loi garde néanmoins toute son utilité, puisque le défaut d'information du passager pourra enfin être clairement sanctionné, et le plus lourdement possible, de manière à dissuader certains professionnels, peu soucieux de la sécurité de leurs clients. Une autre question me vient évidemment à l'esprit, sur laquelle vous pourriez peut-être nous éclairer : avec quels moyens ferons-nous respecter cette loi, étant entendu que sans moyens humains, les sanctions ne s'appliquent pas ?
Par ailleurs, et il s'agit d'un élément central du dispositif de cette proposition de loi, le délit de mise en danger délibérée de la personne d'autrui pourra éventuellement être engagé : ce délit vient assurément renforcer les recours et la protection des consommateurs ; des consommateurs que les pouvoirs publics, à défaut de professionnels consciencieux, se doivent de préserver au maximum de toutes les situations d'asymétrie de l'information, à mesure que l'offre s'intensifie, alors même que les achats et les services se dématérialisent et que les publics les plus exposés risquent de voir leur sécurité et leur intégrité physique mise en danger.
Au-delà de la question primordiale de l'applicabilité du principe de précaution au travers de dispositifs d'information toujours plus performants, le problème qui se pose est celui de la lutte contre une forme de nivellement par le bas, à la fois de la sécurité, des conditions de travail des professionnels de l'aérien – voilà encore un beau sujet – et de la considération portée aux clients.
Il est donc nécessaire, j'y insiste, que tous les acteurs concernés fassent preuve d'une attention de tous les instants, afin que les mutations que connaît aujourd'hui le monde aérien n'affectent que de façon marginale la sécurité des consommateurs et leur confiance dans ce moyen de déplacement qui, je le répète, reste de loin le plus sûr du monde.
Parce que cette proposition de loi de bon sens permettra sans doute de limiter le nombre des terribles accidents que chacun garde encore en mémoire, et de renforcer l'information et la sécurité des passagers, nous considérons qu'elle va dans le bon sens et qu'elle représente une nouvelle étape importante dans la protection des voyageurs. Le groupe UDI y apportera évidemment tout son soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe SRC.)