Sur ces bases, une réforme s'imposait, comme l'a estimé le Sénat.
La présente proposition de loi, déposée au Sénat le 25 mai 2012 par M. Jacques Mézard et plusieurs de ses collègues, puis adoptée par cette assemblée, vise à apporter des réponses à ces préoccupations. Son examen s'est appuyé sur plusieurs autres propositions de loi, notamment celle déposée le 1er août 2011 par M. Pierre Jarlier. L'ensemble de ces éléments et le travail effectué par le rapporteur du Sénat, M. Pierre-Yves Collombat, ont permis à la commission des lois du Sénat de substantiellement compléter ce texte.
Celui-ci permet in fine d'offrir toute une palette de solutions qui constituent un ensemble équilibré de dispositions tendant à clarifier ce régime juridique dans ses différentes dimensions, en prenant en compte un double impératif : d'une part, faciliter l'activité des sections de commune dont l'existence favorise la dynamisation de la gestion de certains biens, en rationalisant les règles applicables ; d'autre part, permettre plus aisément le transfert aux communes des biens de ces sections dans les cas où celles-ci ne reflètent plus aucune réalité.
C'est dans un même souci d'équilibre que je vous propose aujourd'hui d'examiner ce texte.
D'abord, l'on constate que la réalité des sections reste à la fois vivante et contrastée. Je ne reviendrai pas ici en détail sur l'histoire des sections de commune, je me contenterai de rappeler que celles-ci sont issues des « biens communaux », souvent soustraits à la volonté des seigneurs féodaux de s'approprier les « biens sans maître ». En instituant 44 000 communes à la place des 100 000 paroisses, la Révolution française a conservé l'existence de ces biens appartenant à une section de commune, dont les modalités de gestion ont évolué très lentement.
En pratique, il s'agit le plus souvent de terrains sur lesquels les habitants de la section disposent, en fonction d'un titre ou d'un usage local, de droits comme la jouissance des biens dont les fruits sont perçus en nature – par exemple, ceux qui sont issus de l'affouage ou de la cueillette. Dans les conditions fixées conjointement par le code rural ainsi que par le code général des collectivités territoriales, les exploitants agricoles installés sur le territoire de la section peuvent disposer des terres à vocation agricole ou pastorale : il s'agit d'encourager le développement d'une gestion de proximité en favorisant la situation des agriculteurs locaux.
Leur nombre a été estimé à 26 792 dans le rapport le plus récent consacré aux sections de commune, dirigé par M. Jean-Pierre Lemoine en 2003. Dans les deux tiers des cas, il s'agit de terrains boisés, dans un quart de pâturages, et, pour le reste, de terres cultivées, voire de biens bâtis, comme un four à pain, un lavoir ou une carrière. On peut même dénombrer des terrains de sport, de golf, et des cimetières.
Il existe donc des sections vivantes, pouvant avoir un patrimoine important de forêts entretenues et productives, et des sections en sommeil, les usages s'étant perdus, jusqu'à ce qu'un contentieux les ranime. Certaines situations peuvent même être d'une complexité extrême : il existe ainsi des biens indivis entre plusieurs sections, relevant de communes différentes.
Cette réalité contrastée explique en partie que les règles applicables aux sections de commune, tentant, au fil des lois, de réguler les pratiques, souffrent aujourd'hui d'une certaine complexité et de réelles ambiguïtés.
En effet, la définition juridique des sections de commune a longtemps fait l'objet de controverses : s'agit-il d'une personne publique ou d'une propriété privée indivise ? Le Conseil constitutionnel a mis fin à cette ambiguïté dans sa décision du 8 avril 2011, confirmant une jurisprudence abondante du Conseil d'État – arrêts de 1988, de 1997, de 2011 –, en indiquant expressément qu'« une section de commune est une personne morale de droit public possédant à titre permanent et exclusif des biens ou des droits distincts de ceux de la commune ».
En outre, si la section de commune est propriétaire des biens sectionaux, ses membres n'en ont que la jouissance. Mais qui doit bénéficier des revenus en espèces ? Le code introduit une certaine ambiguïté, prévoyant dans certains cas que le produit de la vente ne peut être employé que « dans l'intérêt de la section », et, dans certaines situations, « dans l'intérêt des membres », ce qui a permis dans certains cas de voir perdurer des pratiques illégales de répartition des revenus des espèces. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 8 avril 2011, a précisé que « les membres de la section ont la jouissance de ceux des biens de la section dont les fruits sont perçus en nature ».
Enfin, la section de commune compte des parties prenantes de diverses natures, évoquées par le code général des collectivités territoriales : membres de la section, ayants droit, électeurs de la commission syndicale, habitants ayant ou non un domicile réel et fixe sur le territoire, exploitants agricoles... Sans doute ces différents termes renvoient-ils à des fonctions diverses – les membres ou les ayants droit jouissent des biens de la section, les électeurs votent pour élire les membres de la commission syndicale appelée à gérer celle-ci, les habitants résident sur son territoire, etc. –, mais aucune définition claire n'est donnée aujourd'hui de ces différentes notions qui, au demeurant, se recouvrent assez largement les unes les autres.
Les dispositions relatives à la gestion de la section de commune sont, elles aussi, sources de complexité.
Il est ainsi prévu un système de répartition des rôles, dans cette gestion, entre, d'une part, le conseil municipal et le maire, qui détiennent en quelque sorte la compétence de principe et, d'autre part, un organe de gestion ad hoc, dénommé commission syndicale, dont la compétence est d'attribution s'agissant des intérêts fondamentaux de la section comme propriétaire – en cas de vente, d'échange, de location de longue durée des biens, de changement d'usage ou de transactions. Cet organisme n'est élu que lorsque des conditions cumulatives existent : un montant minimal de ressources à gérer et un nombre suffisant d'électeurs le demandant.
Ce mécanisme pose de nombreuses difficultés et crée autant de contentieux. Par exemple, le budget de la section de commune, qui constitue un budget annexe du budget municipal, est établi par la section de commune puis voté par le conseil municipal mais celui-ci n'a le pouvoir que de l'adopter, pas de le modifier.