Intervention de Jean-Jacques Cottel

Séance en hémicycle du 11 avril 2013 à 21h45
Prorogation de l'éco-participation pour les équipements électriques et électroniques ménagers — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Cottel :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission du développement durable, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous abordons l'examen d'une proposition de loi qui a pour objet de prolonger jusqu'au 1er janvier 2020 le dispositif de l'éco-participation appliqué aux équipements électriques et électroniques ménagers mis sur le marché avant août 2005. Quel est le sens de cette proposition de loi, au-delà de la simple prolongation d'une échéance calendaire, sinon d'affirmer le maintien du dispositif de l'éco-participation, qui entre progressivement dans les habitudes des consommateurs et qui constitue un formidable outil à la fois pédagogique et transparent ? Quel en est le sens, sinon d'assurer l'action de la filière des éco-organismes et surtout la pérennité du principe de la responsabilité élargie des producteurs – la REP – pour assumer l'acte de collecte, de traitement et de valorisation de leurs produits en fin de vie... et de les inciter, en conséquence, à tendre vers l'éco-conception la plus durable. En effet, le principe de l'éco-participation est né de la transposition d'une directive européenne et les filières REP qui l'animent sont opérationnelles dans notre pays depuis novembre 2006. L'affirmation de ce principe, mes chers collègues, a d'ailleurs été fondamentale et est assimilable à une prise en compte partagée car cela a permis de responsabiliser, dans le cadre transversal de l'environnement, l'acte d'achat par le consommateur et l'acte de conception et de collecte par le producteur.

C'est justement pour assumer cette mission que quatre éco-organismes ont été agréés par l'État pour gérer de manière mutualisée la collecte et le traitement de chaque type, ou flux, des déchets d'équipements électriques et électroniques. À ce sujet, les chiffres parlent d'eux-mêmes, Mme la ministre et M. le rapporteur l'ont rappelé : alors que vingt-deux kilos de ces équipements par an et par habitant sont mis sur le marché à l'heure actuelle, seuls sept kilos par an et par habitant ont été captés en 2012. Quand on sait que l'objectif est de quatorze kilos pour 2019, on voit que la marge de performance est considérable. Je rappelle que 93 % des D3E collectés en 2011 ont été des déchets historiques, c'est-à-dire mis sur le marché avant août 2005. Or la répercussion sur ces derniers de l'éco-participation a expiré en février de cette année. Il y a donc urgence à légiférer ! Bien évidemment, ce cas de figure avait été anticipé dans le cadre du débat parlementaire lors de l'adoption du PLF 2013 à la toute fin de la précédente législature, mais l'amendement proposant de proroger le dispositif n'avait pu être adopté.

Quoi qu'il en soit, répercuter à l'identique cette éco-participation sur les D3E historiques et sur les D3E orphelins permet d'assurer le financement de leur collecte et de leur traitement, sachant que le seuil d'équilibre entre déchets historiques et déchets neufs ne sera atteint au mieux qu'en 2020.

Je note que le dispositif gagnerait en efficacité via l'amélioration de l'éco-conception en amont, afin de diminuer en aval le volume des déchets produits ou encore d'en augmenter le taux de recyclage. Néanmoins, en plus d'un taux de captation des déchets historiques encore considérable, nous devons aussi faire face à une stratégie commerciale que je qualifierai de non responsable. En effet, la fameuse obsolescence programmée pousse au remplacement accéléré de ces équipements et a donc un impact supplémentaire sur le volume des déchets produits, sans parler de son impact sur les consommateurs, notamment les plus précaires, du fait de produits à la durée de vie moins longue ou dont les coûts de remplacement des pièces défectueuses sont trop élevés : tout cela doit nous interpeller. D'où l'importance d'une politique globale de réduction des déchets depuis l'acte d'achat ; d'où l'intérêt pédagogique de l'éco-participation, avec le souhait que l'obsolescence programmée soit combattue. J'ai cru comprendre – du moins je l'espère – que cela faisait partie des pistes de réflexion du projet de loi « Consommation » que le ministre délégué à la consommation, M. Benoît Hamon prépare actuellement.

Une politique globale en la matière doit avoir pour piliers fondamentaux le recyclage et le réemploi. Il s'agit d'ancrer définitivement dans les consciences collectives la valeur de chaque déchet, non seulement pour la préservation de la nature et de notre environnement mais aussi pour créer des emplois et préserver in fine le pouvoir d'achat, compte tenu de la raréfaction inéluctable d'un certain nombre de matières premières. Nous devons faire face à d'impérieux besoins d'autonomie et d'indépendance s'agissant des matières premières, qu'il nous incombe dès aujourd'hui de conserver, de recycler, de réduire à la source et d'insérer dans un processus circulaire.

Je n'oublie pas que les filières REP permettent aussi de lutter contre l'exportation illégale des déchets.

Nous pouvons donc être fiers du cadre de collecte, de valorisation et de traitement que nous avons en France, et ce d'autant plus qu'il crée des emplois et qu'il permet, notamment via les filières de réemploi, la professionnalisation des emplois d'insertion. C'est dans ce but que des engagements forts ont été conclus avec les acteurs de l'économie sociale et solidaire, ce qui a, en contrepartie, largement facilité son essor dans nos régions.

Mais ces filières disposent encore d'un fort potentiel et un changement de braquet s'impose. En effet, le secteur des déchets doit être pris au sérieux et trouver toute sa place dans la gamme d'interventions et d'orientations dans les politiques menées dans le cadre du développement économique local. Il y a là aussi matière à développer des pistes de réflexion en profitant des textes à venir sur l'égalité des territoires ou encore sur la décentralisation... surtout lorsque l'on sait que 67 % de la collecte des D3E est assurée par les collectivités.

Pour en revenir aux éco-organismes, que j'ai eu l'honneur d'auditionner avec mon collègue Chevrollier, comme l'a rappelé Jean-Paul Chanteguet, dans le cadre de la mission d'information qui nous a été confiée, je tiens à souligner qu'ils structurent le secteur de la collecte, du tri et du recyclage des D3E qui est l'un des plus performants d'Europe.

Pour conclure, je note que cette proposition de loi s'inscrit dans l'existant, c'est-à-dire au coeur de la problématique de la gestion des déchets, mais elle nous appelle, madame la ministre, à bon nombre de perspectives. D'où l'importance de mettre en place une politique volontariste pour réduire les volumes de déchets, en assurer la valorisation ainsi que l'équité territoriale.

Mes chers collègues, je suis très favorable à ce texte et j'en appelle à votre esprit de responsabilité afin qu'il soit adopté dans les mêmes conditions qu'au sein de notre commission, à savoir à l'unanimité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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