Intervention de Valérie Lacroute

Séance en hémicycle du 11 avril 2013 à 21h45
Prorogation de l'éco-participation pour les équipements électriques et électroniques ménagers — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Lacroute :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est très attendue par l'ensemble des éco-organismes de la filière de collecte et de traitement des déchets d'équipements électriques et électroniques. Pour mémoire, la création d'une filière de recyclage spécifique a été imposée par la réglementation européenne, avec la directive « Déchets » du 27 janvier 2003, transposée par le décret du 20 juillet 2005 qui ne s'applique que pour les déchets postérieurs à cette date. Pour l'essentiel, ce texte impose la collecte sélective des déchets d'équipements électriques et électroniques, communément appelés D3E, avec un objectif de collecte et de valorisation de quatre kilos par habitant et par an en 2006, et une obligation de reprise gratuite des anciens appareils lors de la vente d'un nouvel appareil similaire.

La filière française de recyclage est entrée en vigueur en novembre 2006 pour les D3E ménagers. Cette filière repose sur quatre éco-organismes agréés par les pouvoirs publics et à but non lucratif – Éco-systèmes entre autres –, financés par une contribution des metteurs sur le marché, en application du principe pollueur-payeur. Pour les déchets historiques, à savoir ceux qui remontent à avant 2005, le risque était grand que les producteurs connaissent des difficultés à répercuter ces coûts très importants sur l'aval de la filière du fait des rapports de force existant dans la distribution. Les producteurs auraient donc cherché à minimiser leur contribution à la collecte des déchets historiques, ce qui aurait mis en péril le traitement. Notre majorité avait donc instauré dans le code de l'environnement un régime obligeant les producteurs à afficher, sur une ligne distincte de leurs factures, le montant des éco-contributions supportées, et ce pour tous les maillons successifs de la chaîne de distribution, sans marge ni réfaction, jusqu'au consommateur final. Ce dispositif de répercussion à l'identique et affichée au consommateur a pris fin le 13 février 2013. Il était donc urgent et nécessaire de le proroger car il serait regrettable d'interrompre les efforts accomplis. Tel est donc l'objet de cette proposition de loi que nous étudions aujourd'hui. Il faut reconnaître que le dispositif mis en place par la précédente majorité a très largement prouvé son efficacité et son utilité depuis sa création en 2006. Il est donc urgent de le proroger et il serait regrettable d'interrompre les efforts déjà accomplis.

En effet, selon une étude de l'ADEME parue en octobre dernier, près de 1 800 000 tonnes de D3E, ménagers et professionnels confondus, ont été collectées entre 2006 et 2011. La collecte des seuls déchets ménagers est en constante augmentation : plus 7 % pour la seule année 2011. Avec 6,9 kg par habitant collectés cette année-là, l'objectif de collecte de 4 kg par habitant au 31 décembre 2006, qu'avait fixé la directive D3E, est largement dépassé au niveau national. En outre, la persistance de stocks importants de déchets historiques – principalement le gros électro-ménager froid et les écrans d'ordinateurs –, qui représentent encore 90 % des déchets à ce jour et qui ne décroît que de 5 % par an, constitue une autre raison importante de reporter l'échéance actuelle car on considère que le point d'équilibre entre le financement des D3E historiques et celui des neufs ne sera atteint, au mieux, qu'en 2020. Enfin, il est indispensable de consolider la filière, qui n'a pas encore atteint sa phase de maturité, notamment en termes d'amortissement des installations.

Par ailleurs, la filière D3E participe activement à l'emploi, vous l'avez rappelé, madame la ministre. L'activité permet notamment l'emploi de 650 personnes en insertion et compte 460 compagnons d'Emmaüs. Au total, elle représente, recyclage compris, 1 450 emplois à temps plein.

Les soutiens financiers versés aux collectivités représentent 19 millions d'euros en 2011, sans compter la prise en charge financière des coûts de collecte et de traitement, évalués à 70 millions d'euros.

Cependant, quelques questions méritent d'être posées auxquelles cette proposition de loi ne répond pas.

Aujourd'hui, quatre éco-organismes agréés par les pouvoirs publics ont été mis en place dont l'un assure plus de 70 % du marché. Est-il nécessaire d'avoir autant d'organismes ? Ne peuvent-ils pas être regroupés ?

Par ailleurs, d'après une étude de l'ADEME, la performance de collecte est de sept kilogrammes par habitant en 2012. L'objectif de quatorze kilogrammes par habitant doit être atteint d'ici à 2019 sur un gisement captable aujourd'hui de quinze kilogrammes par habitant sur les vingt-deux kilogrammes par habitant mis sur le marché.

Les partenaires de la collecte sont, pour 67 %, les collectivités, pour 26 %, les distributeurs. Si l'on compare les taux de recyclage respectifs des collectivités locales et de la distribution, on voit qu'il est de 67 % dans les collectivités contre 27 % dans la distribution. Ce taux descend même à 13 % pour les entreprises de distribution par internet. Pourquoi de tels écarts ?

Que compte faire le Gouvernement pour contraindre les distributeurs à mieux respecter leur obligation de reprendre gratuitement les produits équivalents ?

En ce qui concerne l'éco-conception que la REP est supposée renforcer, la marge de progression est énorme. La durée de vie d'un appareil est en moyenne de neuf ans mais, compte tenu des garanties des constructeurs qui n'excèdent pas deux ans, de la fabrication programmée par ces derniers d'appareils de bas de gamme non réparables, ainsi que des prix en baisse, les consommateurs sont incités à remplacer leurs appareils plutôt qu'à les réparer, ce qui augmente le volume des déchets.

Il nous semblerait par conséquent sage de moduler l'éco-participation en fonction de critères relatifs à la durée de vie des appareils, à leur degré de « réparabilité » ainsi qu'aux garanties apportées par les constructeurs. Il serait également dès à présent souhaitable de prévoir une nouvelle date de révision en 2020. Peut-être une clause de rendez-vous permettra-t-elle alors au législateur de faire en sorte que le marché intègre la totalité du coût de la déconstruction de ces déchets sans avoir besoin de recourir à une taxe.

Malgré ces questions, madame la ministre, le groupe UMP, en commission du développement durable, a adopté cette proposition de loi conforme au Sénat, considérant que ce texte est un bon héritage de notre majorité et que les dispositions qu'elle prévoit ont fait la preuve de leur pertinence. Le groupe UMP votera donc ce texte.

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