Intervention de Philippe Plisson

Réunion du 9 avril 2013 à 17h15
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Plisson, rapporteur :

Madame la ministre, vous venez de présenter très clairement et complètement le projet de loi. Il me semble donc inutile de revenir sur ce qui a déjà été excellemment dit, et je m'en tiendrai à quelques observations d'ordre général et à une série de questions.

J'ai une critique et plusieurs éléments de satisfaction.

La critique porte sur l'absence d'unité du texte, qui est moins un projet au plein sens du terme, c'est-à-dire un ensemble de dispositions législatives cohérentes au service d'un objectif principal clairement identifié, qu'une juxtaposition de « paquets » plus ou moins normatifs traitant successivement de la prévention des risques industriels, des produits biocides, des professions vétérinaires, de Saint-Barthélemy, de la taxation des poids lourds, des conditions du travail maritime ou encore de l'efficacité énergétique.

Compte tenu de l'encombrement de l'ordre du jour parlementaire, ce sont sans doute des considérations d'efficacité qui ont conduit à faire ce choix de regrouper un ensemble de dispositions en attente de transposition sous le « chapeau » d'un texte fourre-tout. Je les comprends parfaitement, même si la députée que vous avez été comprend sans doute ce que l'exercice peut avoir de frustrant pour les parlementaires.

Parmi les motifs de satisfaction, il y a bien sûr l'effort entrepris pour réaliser une transposition aussi exhaustive que possible d'un corpus de textes européens extrêmement variés.

Toutes les obscurités d'origine apparaissent ainsi avec leurs nuances ; elles sont retranscrites avec une extrême méticulosité, de sorte que le texte relève autant du droit pur que de la reproduction d'art – du côté de « l'outre-noir » de Pierre Soulages, parfois, plutôt que des délicatesses de Georges de La Tour...

Je ne suis pas convaincu que la greffe de concepts anglo-saxons sur du droit romano-germanique produise toujours des fruits appétissants, et je crains fort qu'une fois que la jurisprudence aura rajouté, de ses doigts de fée, un niveau de complexité supplémentaire, les acteurs ne se trouvent quelque peu embarrassés pour mettre en oeuvre des dispositions qui les concernent pourtant au premier chef.

En esprit cartésien, j'ai tâché ici ou là de remettre les choses en français, dans une langue qui s'honore de compter Voltaire parmi ses auteurs. Mais on me dit – avec quelque exagération, peut-être – qu'il y a des risques de contentieux communautaire, de sorte que les marges d'évolution semblent limitées.

Je salue aussi la démarche qui a consisté, au-delà de la transposition pure et simple, à tenter de remettre d'aplomb des réglementations incomplètement transposées. C'est notamment le cas pour ce qui concerne les produits et équipements à risques : il est en effet apparu que les différentes directives « produits » avaient été imparfaitement transposées, certaines dispositions étant manquantes en droit français alors que d'autres – relevant pourtant de la loi – étaient déclassées au niveau réglementaire.

C'est aussi le cas, même si je suis moins enthousiaste sur le fond, en matière d'application de la directive « services » à la profession vétérinaire.

J'en viens à quelques questions.

Elles portent d'abord sur les premiers articles du projet de loi, qui transposent la directive dite « Seveso III ». Alors que la nécessité d'améliorer le cadre juridique et la mise en oeuvre des PPRT fait consensus, des réflexions conduites en commun par notre collègue Yves Blein, président de l'association AMARIS, et vos services ont abouti à la rédaction d'une série d'amendements de bon sens, susceptibles de bénéficier d'un large accord. Plusieurs d'entre eux, notamment ceux relatifs à la durée de la période de délaissement ou à la prise en charge des frais d'accès ou de démolition, ont cependant été déclarés irrecevables par la commission des finances au regard des dispositions de l'article 40 de la Constitution. Je souhaitais vous interroger sur la reprise de ces amendements par le Gouvernement ; vous m'avez répondu favorablement, et je vous en remercie.

L'article 11 est la conséquence du changement de statut de Saint-Barthélemy au sein de la République française, qui a entraîné une modification du statut de l'île au sein de l'Union européenne. Cet article n'a d'autre objet que d'étendre à Saint-Barthélemy les règles applicables en métropole sur le contrôle, le capital et le statut des entreprises aériennes, l'exercice de leur activité, les tarifs et conditions de transport, le régime de responsabilité et les mesures de police. Incontestables sur le fond, ces dispositions n'appelleront de ma part que des amendements rédactionnels.

Dans sa rédaction de 2011, la directive « Eurovignette » comporte deux séries de dispositions : celles que chaque État membre doit obligatoirement transposer dans son droit national, et celles dont la transposition est facultative.

De la première catégorie relève la modulation des péages en fonction du niveau des émissions polluantes des poids lourds, c'est-à-dire des normes Euro. Cette modulation est déjà prévue dans le code de la voirie routière pour les péages, et dans les dispositions du code des douanes relatives à la future « écotaxe poids lourds ». Cela répond à une préoccupation environnementale essentielle.

La modulation des péages pour réduire la congestion, elle, est une disposition facultative de la directive. La France a fait le choix de l'appliquer, et nous nous en félicitons. Mais la directive comporte une autre disposition facultative – la modulation des péages pour internaliser des coûts externes tels que la pollution sonore – que le texte n'évoque pas. Est-elle néanmoins envisagée ?

Une dizaine d'articles du projet concernent les affaires maritimes, et plus précisément les droits dévolus aux gens de mer. Nous saluerons à coup sûr tous cette avancée juridique, qui est aussi un progrès social.

J'ai reçu ce matin les représentants des Armateurs de France, qui soutiennent cette démarche mais redoutent qu'un manque de souplesse ne vienne entraver leur compétitivité dans un environnement économique hyper-compétitif et ouvert à la concurrence étrangère. Ils sollicitent la possibilité de conclure avec les syndicats des accords dérogatoires au niveau de l'entreprise, alors que le projet ne le permet qu'au niveau de la branche. Pensez-vous que nous puissions faire droit à cette requête d'ici à l'examen en séance publique ?

Le titre sur l'énergie se borne à des aménagements rédactionnels et à la prescription des audits énergétiques dans les entreprises. Je crois pouvoir indiquer que notre commission soutiendra cette innovation, qui recueille l'assentiment des principaux acteurs concernés. Les entreprises ont en effet bien compris tout le bénéfice qu'elles pouvaient attendre d'une réduction de leur facture énergétique. Il ne devrait donc pas y avoir de difficulté.

Vous connaissez par ailleurs mon attachement au développement de la filière éolienne. Vous savez également que le Conseil constitutionnel se prononcera après-demain sur la proposition de loi de notre collègue François Brottes sur la tarification progressive de l'énergie. Si, d'aventure, les articles additionnels qui me tiennent à coeur venaient à encourir une censure – ce qui est possible sans être probable –, je ne m'interdirai pas d'en tirer toutes les conséquences d'ici à la séance publique. Ce serait un juste retour des choses, puisque notre commission pourrait alors avoir cet échange sur les énergies renouvelables qui s'était déroulé à l'automne en d'autres lieux.

Sous réserve de l'adoption d'une série d'amendements rédactionnels qui vous seront soumis tout à l'heure, j'invite donc mes collègues à adopter ce texte.

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