Ce projet de loi est manifestement imparfait : la rédaction de certains articles, notamment l'articulation prévue entre les articles 4 bis et 14, n'est pas conforme à vos intentions. Vous le savez tous. Mais la volonté de précipiter les débats vous amène à privilégier un vote conforme. Pour quelle raison ? Quel est le degré d'urgence de ce texte ? C'est navrant : vous sacrifiez la qualité du travail parlementaire, la clarté et la cohérence de la loi.
Sur plusieurs points, le Sénat a encore aggravé les choses. D'abord, l'habilitation par voie d'ordonnance ouvre un champ considérable au Gouvernement, sur lequel vous n'avez apporté aucun éclaircissement. En quoi avons-nous une quelconque garantie que le Gouvernement ne souhaitera pas aller très loin, y compris sur des sujets sur lesquels vous n'avez pas voulu vous engager jusqu'à présent ?
Ensuite, l'article 4, que le Sénat a adopté sans y prêter trop d'attention, modifie un aspect important de la cérémonie du mariage. Vous aviez préféré, à l'Assemblée, ne pas toucher à la rédaction de l'article 371-1 du code civil – « L'autorité parentale appartient aux père et mère jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant. » –, laquelle n'était pourtant pas adaptée aux couples de personnes de même sexe. Au Sénat, votre majorité a décidé d'en effacer les termes « père » et « mère », alors même que cette suppression, déjà prévue dans le projet initial, avait fortement choqué les Français. Vous faites disparaître de même, par des dispositions dites « de coordination », les termes « père » et « mère » ou « mari » et « femme » de plusieurs autres articles du code civil. La portée de ces modifications est très forte sur le plan symbolique.
En définitive, vous restez enfermés dans une approche très étroite du sujet. Alors que l'honneur de la politique consiste à inventer et à innover pour apporter les meilleures réponses, vous faites du bricolage pour des raisons politiciennes. Vous ne servez pas l'intérêt des personnes homosexuelles, ni ne répondez aux enjeux légitimes et importants qui se posent. Ce texte est, hélas, le premier d'une série qui porte atteinte à la famille et à certains aspects de la vie en société, importants à nos yeux.
Vous avez achevé le débat en commission dans un sens conforme à vos attentes et ferez sans doute de même en séance publique dans des délais très contraints. C'est, au fond, plutôt triste : vous ne faites pas honneur à l'Assemblée nationale. Vous négligez la qualité technique de la loi et défendez une vision égoïste et pessimiste de la société (Protestations de plusieurs commissaires membres du groupe SRC) qui, dans la durée, ne contribuera pas au bonheur de nos concitoyens, quelle que soit leur orientation sexuelle. Vous avez pris certains comme vos otages et vous le regretterez.