Intervention de François Brottes

Réunion du 18 septembre 2012 à 15h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Brottes, rapporteur :

Mais la majorité de l'époque n'en a tenu aucun compte. Quant au fait de distribuer les liasses d'amendements avant la nomination du rapporteur, c'était une erreur, je le reconnais…

La proposition de loi instaurant une tarification progressive de l'énergie est en effet un texte important, qui mérite les deux jours que nous allons lui consacrer. J'apprécie donc que Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ait accepté de se joindre à nos travaux.

Ce texte répond à un engagement du Président de la République et constitue une première étape dans le grand chantier de la transition énergétique lancé par ce dernier et par le Premier ministre dans le cadre de la conférence environnementale. Ses dispositions seront largement complétées par celles du projet de loi qui, d'ici environ un an, devrait être présenté pour concrétiser les travaux de la conférence.

On peut se réjouir qu'un texte d'une telle importance, qui concerne la totalité des Français, soit d'origine parlementaire. Mais il y a à cela une contrepartie : contraints par l'article 40 de la Constitution, ses auteurs ont dû renoncer à certaines dispositions, remplacées par des rapports que le Gouvernement devra remettre au Parlement.

J'en viens à l'objet de cette proposition, qui est de changer de modèle. S'agissant, en effet, d'un bien aussi essentiel que l'énergie, produit à partir de ressources rares, polluantes ou coûteuses – voire les trois à la fois –, et dont le coût est amené à augmenter sans cesse, il importe d'inverser la logique du « produire plus pour consommer plus », afin d'entrer dans une société de la sobriété énergétique. Cela signifie non seulement encourager les économies d'énergie, mais même les rémunérer, grâce à un dispositif venant s'accoler aux tarifs, de façon à inciter les ménages à économiser. S'agissant des entreprises, le texte prévoit dans le même esprit de donner une prime à l'effacement, et donc à l'économie d'énergie.

Aujourd'hui, le prix moyen ne cesse d'augmenter en raison de tensions dans le secteur de l'énergie. Les pointes de consommation obligent à acheter cher une électricité souvent produite à partir de ressources polluantes, et quelquefois importée. Cela conduit les opérateurs à réclamer une augmentation des tarifs afin d'investir dans de nouveaux équipements de production. Les coûts prévisionnels d'investissement font en effet partie intégrante des tarifs.

L'enjeu est donc de changer de modèle et de valoriser une consommation modérée. Il est aussi de faire baisser structurellement les coûts de production d'énergie. La proposition concerne la totalité des habitants de ce pays, car seule une approche massive – par opposition à celle qui serait fondée sur le volontariat ou l'expérimentation, par exemple – peut permettre d'infléchir les courbes de consommation. Il était nécessaire d'être extrêmement ambitieux dès le départ.

Le deuxième enjeu consiste à répondre à une situation d'urgence. Les derniers rapports évaluent à 8,6 millions le nombre de personnes pauvres ou en situation précaire dans le pays. Or seulement 600 000 à 650 000 ménages bénéficient du tarif social de l'énergie : nombreux sont donc ceux qui n'ont même plus la possibilité de se chauffer. C'est pourquoi la proposition de loi vise, avec le soutien du Gouvernement, à étendre le nombre des bénéficiaires de tarifs sociaux.

De même, pour mettre fin aux situations dangereuses engendrées par des suspensions de la fourniture d'énergie décidées sans discernement, le texte instaure une disposition très attendue, la trêve hivernale généralisée. Vous en conviendrez, il est nécessaire de ne pas attendre un hiver de plus, en laissant, pour des raisons de commodité parlementaire, quelque quatre millions de personnes dans la précarité énergétique. Grâce au choix fait par le Gouvernement de programmer l'examen de ce texte au mois de septembre, en procédure accélérée, certaines dispositions pourront s'appliquer dès cet hiver au bénéfice de ceux qui en ont le plus besoin.

Je proposerai un amendement destiné à changer le titre de la proposition de loi, car parler de tarification progressive est en fait un abus de langage : le texte ne touche pas à la structure des tarifs, il ne fait qu'appliquer un dispositif de « bonus-malus » calculé à partir du volume des consommations, afin de rémunérer les économies et d'inciter à faire preuve de sobriété.

Le texte se concentre sur les énergies de réseau, qui sont à peu près régulées de la même façon. Mais les personnes en situation de précarité énergétique ne se chauffent pas toutes au gaz ou à l'électricité ; certaines ont recours au fioul. Il conviendra donc de trouver des solutions pour les autres énergies, pour assurer l'égalité de traitement des citoyens.

Le changement de modèle auquel appelle cette proposition de loi permettra d'améliorer l'indépendance énergétique de notre pays, de lutter contre l'effet de serre – dans la mesure où les ressources sont souvent polluantes, notamment en période de forte consommation –, de limiter la course aux investissements et de réduire structurellement les coûts de production, et donc, au final, les tarifs de l'énergie.

Le dépôt de cette proposition de loi ne doit pas surprendre : depuis plusieurs années, en effet, notre groupe propose des amendements visant à l'instauration de tarifs progressifs. Cette préoccupation n'a donc rien de nouveau. Si, jusqu'à présent, de nombreux députés n'y étaient pas favorables, c'est sans doute parce que cette mesure leur apparaissait trop compliquée. Il est vrai que la volonté d'être juste pousse vers la complexité, alors même qu'il faut viser la simplicité pour que le système fonctionne. Le dispositif qui vous est proposé aujourd'hui est à la fois juste et compréhensible ; nous devrons veiller à ne pas le rendre plus compliqué au cours de nos débats.

Je rappelle que cette Commission, sous une autre majorité, avait adopté à l'unanimité, contre l'avis du Gouvernement, le tarif réglementé et transitoire d'ajustement au marché, ou TARTAM, afin de limiter l'effet sur les entreprises des hausses vertigineuses du coût de l'électricité, qui portaient préjudice à nos industries. L'opposition de l'époque n'avait pas pour autant hurlé à l'improvisation ; bien au contraire, nous nous réjouissions de voir les parlementaires faire preuve de créativité sur cette question. J'espère donc qu'un tel procès ne nous sera pas fait aujourd'hui.

La concertation autour de ce texte a donné lieu, de juillet à septembre, à une soixantaine de réunions, de rencontres ou d'auditions. Elles ont permis d'avoir une bonne idée de la façon dont le principe de tarification progressive pourrait s'appliquer. Cela étant, nous n'en sommes qu'au début : les débats en commission puis en séance, ainsi que l'intervention du Gouvernement, lequel n'est pas soumis à la contrainte que fait peser l'article 40, permettront de préciser les contours de certaines dispositions.

J'en viens au fonctionnement du dispositif. Une nouvelle ligne sera portée sur la facture : une consommation inférieure à un certain volume donnera lieu à l'application d'un bonus, et une consommation supérieure à celle d'un malus, voire d'un malus renforcé en cas de consommation plus importante. Malus et bonus devront s'équilibrer au sein d'un compte géré par la Caisse des dépôts et consignations, de façon à n'avoir aucune conséquence sur le montant des tarifs.

La difficulté consiste à attribuer à chaque ménage un volume subventionné déterminé en fonction de critères objectifs et clairs.

Certaines régions sont plus froides l'hiver. Et dans celles qui sont peu soumises au froid, les très fortes chaleurs de l'été peuvent rendre nécessaire le recours à des systèmes de climatisation. Le climat a donc une influence directe sur la consommation énergétique, et selon le lieu où nous vivons, nous ne sommes pas égaux devant la facture d'énergie. Le dispositif doit, par conséquent, tenir compte de ces différences, non à l'échelle d'une zone climatique, mais commune par commune.

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